Sa respiration ressemblait désormais à celle d’un rhinocéros et elle avait littéralement l’impression de décédé alors qu’elle ne courait que depuis une dizaine de minutes. La blonde rêvait déjà d’une bonne douche et d’un croissant au beurre, ce qui revenait concrètement à prendre plus de calorie qu’elle venait d’en dépenser. Plus jamais de sa vie elle ne pariait avec Achille qu’elle était capable de parcourir dix kilomètre sans s’arrêter et d’ailleurs, plus jamais elle ne sortira de chez elle a une heure aussi matinale pour s’infliger une telle torture. Olly se battait mentalement pour ne pas s’arrêter de courir et d’au moins retourner à son appartement au pas de course histoire de s’entrainer un peu pour survivre à la course à pied à laquelle elle s’était inscrite pour le mois de septembre. Sa seule motivation était de prouver qu’elle était capable de faire autant que lui, même sans s’entrainer. Malheureusement, après petite vérification, il était évident qu’elle en était parfaitement incapable et qu’il allait lui falloir de l'entraînement, à moins de trouver un moyen de détourner ce pari stupide -puisqu’en cas de défaite, elle devra lui donner tous ses dossiers du mois et dire qu’il était le meilleur. Va crever Achille !.


Dans un élan de motivation elle accéléra le pas, avant de cracher ses poumons quelques mètre plus loin, il fallait croire que la musique de Rocky ne faisait pas de toi un champion. Rouge comme une tomate et surtout luisante de transpiration, Olly maudissait le monde d’avoir inventé un sport pareil et accusait ses chaussures d’être incompétentes. Définitivement immobile, elle regarda autour d’elle en soupirant, constatant que la maison était encore trop loin et qu’elle n’en pouvait réellement plus. C’est alors qu’elle remarqua un arrêt de bus bien sympathique qui pouvait la déposer comme par hasard devant son appartement, une véritable aubaine. Un instant, elle hésita trouvant que c’était tout de même bien ridicule, mais cela ne dura qu’un instant et histoire de compenser, elle gagna l’arrêt en courant. Essoufflée elle se stoppa à côté de l’arrêt, évitant le regard amusé d’un jeune qui s’y trouvait. Alors qu’elle combattait mentalement son point de côté, une énorme voiture s’arrêta juste devant elle, et la vitre se baissa. « Je me passerais de ton commentaire, merci. » James D’York allait forcément se foutre de sa gueule, surtout que leur dernière rencontre avait viré au drame.

Ces protocoles de rencontres diplomatiques étaient ennuyeux à mourir. James avait beau les connaître par cœur, il se forçait à les lire. Autant profiter du trajet en voiture – pendant que son chauffeur l’emmenait, il avait les mains et l’esprit libre pour se concentrer à loisir sur l’étiquette. Sa grand-mère la chérissait, et il s’agissait de ne pas décevoir la famille.

Ses yeux ne purent cependant, après une dizaine de minutes passées à scruter les feuilles, que se décoller du document officiel pour observer le paysage par la fenêtre, distrait. Les quartiers londoniens étaient paisibles, comme tous les matins. Cette vue d’une vie calme et routinière le satisfaisait, comme rassurante. James s’apprêtait à retourner à ses papiers quand la silhouette s’agitant d’une petite blonde lui fit plisser les yeux, l’interpellant. Cette fille ressemblait de dos à Olly Midler, mais lui-même savait pertinemment que ça ne pouvait pas être elle puisqu’elle n’était pas du genre à courir … A moins que … James fit signe à son chauffeur de ralentir, scrutant à présent la demoiselle qui abandonnait déjà son rythme pour ralentir et s’arrêter à un arrêt d’autocar. Le brun sourit à lui-même.

Il avait le choix : s’arrêter ou la laisser tranquille. La moitié de son esprit savait qu’il n’était jamais bon de déranger Midler à ses dépends, mais l’autre se rappelait, vengeresse, qu’elle-même l’avait bien cherché la dernière fois au café. A son tour de la faire tourner en bourrique. Le sorcier indiqua à son conducteur de se garer sur le bas-côté, juste devant l’arrêt, puis de baisser le carreau pour dévoiler son sourire enchanteur à la blondinette. « Bonjour Olly. » Comme d’habitude elle envoyait bouler les politesses d’usage, ce qui avait le don de faire tiquer James à chacune de leurs rencontres. A moins que le terme « disputes » ne soit plus approprié à ces instants de grâce où elle se mettait à crier comme une furie et lui à la prendre de toute sa hauteur royale.

Pour le coup, la jeune adepte des théories du complot l’avait habituée à mieux : ses joues rouges, son air essoufflé et ses cheveux en bataille lui donnaient un air bien moins redoutable et plus proche du sportif du dimanche. Il y avait de quoi rire mais le brun restait sur la retenue, n’empêchant pas un mince sourire de flotter tranquillement sur ses lèvres tandis qu’il se faisait un effort de la fixer droit dans les yeux et de ne pas dévier vers son jogging peu flatteur, par exemple. « C’est tentant, je t’avoue. » James savait très bien que personne, à part les mannequins moldus et sorciers, n’avait un air véritablement glorieux pendant le sport. Mais quand il s’agissait de Midler, c’était toujours plus agréable de s’en rendre compte. « Mais si je me moque, tu perdras toute envie de courir. Ce serait dommage. » Sage parole, presque gentille. Après tout le prince ne voulait pas la dégoûter du sport. C’était très bon pour la santé ; ca permettait d’évacuer les tensions. Autant dire qu’elle en avait grand besoin.

Le jeune homme hissa la tête au-dehors, jetant un coup d’œil à gauche puis à droite. Il salua d’un petit geste de la main l’autre garçon qui attendait à l’arrêt de bus – et qui le dévisageait avec un drôle d’air, peu habitué à ce genre de situations. Puis il reporta son attention sur Midler. « Tu attends le bus ou tu fais une pause entre chaque kilomètre ? » L’air parfaitement calme de James d’York n’était qu’un leurre : il s’amusait en effet beaucoup de son flegme capable de faire rugir en moins de deux la blonde. « Je peux te déposer. » ajoute t-il sobrement, tel le Diable suggérant au martyr qu’il pouvait alléger ses souffrances. Uniquement si elle lui demandait, bien sûr.

Et puis si elle refusait, il avait toujours un autre prétexte. Et celui-là était dans la poche intérieure de sa veste, au chaud, parfaitement niché dans un petit écrin de tissu.