La musique sur les oreilles, son ordinateur sur les genoux et un café sur la table de nuit, elle répondait tranquillement aux abonnés de son blog. L’article qu’elle avait publié pour la nouvelle année avait beaucoup plus et son nombre de lecteurs ne cessait d’augmenter. Dedans elle parlait des différentes théories du complot qu’elle affectionnait et surtout celles qui s’étaient déroulées dans cette dernière décennie. Après la publication, elle avait passé une soirée avec ses amis et profité de ses quelques jours de congés avant de reprendre le bureau pour se reposer un peu chez elle. Pour cela, rien de mieux qu’une journée pyjama, tranquillement installée sur son lit.

Alors qu’elle répondait à BrendanZ51, quelqu’un frappa à la porte. Sans plus attendre elle se dirigea vers cette dernière et regarda par le judas de la porte. Elle sursauta en voyant le prince d’York derrière celle-ci. Mécaniquement, elle attrapa la batte de base-ball qui se trouvait juste à côté de la porte, depuis qu’un fan s’était ramené chez elle pour poser des questions. La blonde ouvrit la porte, tenant fermement la batte dans sa main. « Tu me veux quoi ? Si tu rentres, je téléphone à la police ! » Leur relation n’avait jamais été bonne, mais elle se doutait que ses articles n’avaient rien arrangé et pour dire vrai, James lui avait toujours fait un peu peur depuis qu’ils s’étaient disputé à Poudlard.

Ce fut après un transplanage rapidement exécuté que James se retrouva au pied de l’immeuble d’Olly Midler. Grimper les marches quatre à quatre l’aida à calmer le nœud qui s’était formé dans son estomac – il y avait toujours une teinte d’anxiété et de colère quand ses pensées se dirigeaient vers la Langue de plomb. Leur relation n’avait jamais été chaleureuse, tout au plus courtoise dans leurs premières années. Mais Midler s’était révélée être une vraie casse-pieds, une fouineuse comme celles dont sa grand-mère se serait passée ; elle avait un penchant sérieux pour les théories du complot et si ça s’était arrêté à ça, James aurait pris la jeune fille pour une douce dingue. Mais elle allait jusqu’à insulter la famille royale, l’accusant de tous les maux, ce qui n’était pas vraiment une raison pour le jeune Mountbatten de sympathiser avec une tarée pareille.

De l’eau avait coulé sous les ponts mais en dépit de tout, James n’appréciait guère Olly. Et surtout pas ce soir où il venait de tomber sur le dernier article publié sur le blog de la jeune femme – blog qu’il suivait assidûment, contre toute attente. Elle y gâchait joyeusement sa plume pour raconter des insanités qui avaient mises James hors de lui et l’avaient poussé jusqu’à récupérer son adresse, aller jusque devant son paillasson et toquer à sa porte.

La concernée ne tarda pas à lui ouvrir, mais l’accueil était loin d’être aux petits oignons. « Olly ! Tu – » Ses yeux clairs tombèrent nez à nez sur la batte de base-ball à laquelle s’était raccrochée la blonde plus fortement que Rose et son bout de coque dans le Titanic. « Qu’est-ce que tu fais avec cette batte ? » ne put-il se retenir de lui demander, l’air légèrement perplexe et perdu.

Sa menace fut semblable à un coup de bâton dans l’eau : inutile. Si James n’avait certainement pas peur des forces de l’ordre, magiques ou non, c’était tout simplement parce qu’il n’avait rien à se reprocher. Aucune loi n’interdisait à quiconque de toquer à la porte d’une fille qui colportait des rumeurs débiles pour avoir des explications. Il n’était pas là pour l’effrayer, plutôt pour la raisonner. Cette fille avait besoin qu’un adulte la remette dans le droit chemin. « Tu es ridicule. Tu vas leur dire quoi ? Que j’ai frappé un peu trop fort la porte ? » Que leur entente fut cordiale ou non, James ne se priva pas d’ironiser sur le manque flagrant d’arguments de la jeune femme. Déjà à l’époque où ils étaient à Poudlard elle n’avait jamais eu l’air très crédible dans ses menaces, mais là on frôlait presque le risible. « Par contre, toi, avec ton arme blanche, tu risques d’être en mauvaise posture. » commenta t-il très sagement.

Bien qu’il faisait très directement comprendre à la blondinette qu’il n’avait en aucun cas prévu de décamper, James n’avait pas fait un pas en avant pour entrer. On ne franchissait pas les limites d’un domicile privé comme ça, surtout vu le niveau d’agressivité de sa propriétaire. La rancœur était encore très tenace chez elle, mais ça tombait bien, lui aussi en avait encore beaucoup après elle. « Il faut qu’on parle, Olly. J’ai vu ton dernier article. » annonça t-il, la voix grave, en croisant les bras. « Tu te rends compte de ce que tu écris ? »

La blonde ne lâcha pas sa garde, restant sur ses position en cas d’attaque. Elle était parfaitement disposée a lui flanquer une raclée s’il faisait un pas de plus, visage royal ou pas. James n’était pas un bon samaritain et elle était bien placé pour le savoir et elle ne se laissera pas berner par sa pseudo gentillesse. « J’hésiterais pas à m’en servir si tu fais un pas en avant. » Tant qu’il ne passait pas le seuil de son appartement, elle n’avait légalement pas le droit de le frapper, mais gare à lui s’il s’aventurait chez elle. Le jeune homme faisait de l’humour et bizarrement cela ne faisait absolument pas rire la blonde, elle n’aimait définitivement pas cet air de monsieur parfait qu’il pouvait traîner partout. « Rien ne m’assure que tu ne viens pas pour me menacer ! » Peut-être qu’il avait été entrainé pour tuer, peut-être qu’il était finalement une arme de la famille royale, des idées qu’elle balaya rapidement de sa tête, tellement elles étaient saugrenues.

Quand il annonça venir pour parler, elle resta tout de même en alerte au cas où cela serait un piège. Apparemment l’anglais lisait les articles de la jeune femme ce qui la fit plutôt sourire, c’est sûr qu’il ne devait pas aimer, mais malheureusement la famille n’avait pas le droit de lui interdire d’écrire. « J’informe, je ne vois pas le problème. » Objectivement, elle savait très bien quel était le problème et pourquoi le jeune homme se tenait devant la porte, mais elle était rancunière et n’était pas prête de lui pardonner ses paroles. « Puis de toute manière, je suis insupportable, même pour mes parents ! » Elle le pointa avec le bout de sa batte, le regardant un peu énervée. « Si tu viens pour me frapper ou me menacer, je te promets que tu vas le regretter ! » Sans mentir, elle avait un peu peur de lui et n’aimerait vraiment pas s’en prendre une.

James ne savait pas pourquoi elle pensait tant que sa vie était mise à prix. Il n’était pas plus tueur qu’elle, sauf si l’on exceptait les parties de chasse auxquelles il participait – et encore, celles-ci étaient réglementées. Les exagérations de la blonde le firent lever les yeux au ciel, consterné. « Toujours aussi bornée hein … » Il secoua lentement la tête et passa sa main contre son visage, se rappelant le souvenir vif qu’il avait conservé d’elle – une petite blonde agaçante mais pas méchante, même si elle n’avait à ses yeux aucune idée de la portée de ses actes. Elle était une funambule qui n’avait pas l’air de réaliser qu’elle était sur un fil et qui pouvait à chaque seconde s’écraser.

« Ce n’est plus de l’information à partir du moment où tu accuses les gens de choses qu’ils n’ont pas commises. Ca s’appelle de la diffamation ! » rétorqua t-il, parfaitement conscient de la fermeté de sa réponse. James n’y pouvait rien, il se sentait impliqué dans tous les scandales qui impactaient sa famille et même si pour certains ils n’étaient qu’une bande de riches aristocrates manipulateurs, ces gens si éloignés du peuple étaient la chair de sa chair. Il y tenait. « Il y a des personnes qui sont condamnées pour ça tous les jours. » poursuivit-il, persuadé au fond de lui que dès lors qu’il aurait prononcé ses mots, Olly l’accuserait de la menacer ouvertement d’un procès – une chose qu’il n’irait pas faire, parce que c’était une perte de temps et un moyen que l’on n’employait pas pour résoudre des cas pareils.

Elle commença de nouveau à monter dans les tours et à parler de coups physiques et de violence, ce qui fit tiquer largement le presque trentenaire, que l’on sentit se tendre à l’écoute de tels blâmes. « Non mais ça va pas ? Tu délires. » Le prince la dévisagea comme s’il faisait face à une folle à lier avant de lui répéter, articulant les mots de façon hachée. « Je viens te demander d’enlever cet article de ton blog. Ou au moins de me dire au nom de quel prétexte débile tu écris des choses pareilles. » On ne pouvait pas dépenser autant de temps et gaspiller autant d’énergie pour déverser des absurdités et y croire volontairement. Midler avait forcément une raison, un motif pour être aussi virulente envers la famille royale. Peut-être même que quelqu’un la payait pour démolir leur image par voie de presse web. « Laisse les morts là où ils sont, en paix. » Le fait qu’elle ait choisi la date de son article de manière si logique n’avait pas laissé James de marbre, loin de là. Le décès de Diana les avait tous marqués, et Olly n’en avait naïvement aucune idée.

La blonde commençait déjà à avoir un peu mal au bras à force de brandir cette batte de Baseball et se demandait pourquoi l’anglais refusait de partir. Après réflexion, elle jugea que s’il voulait il pourrait la désarmer et décida de baisser son arme, la gardant toutefois à la main par précaution -au cas où il sortirait un revolver de sa poche. Olly décida d’écouter ce qu’il avait à dire, se doutant qu’elle ne pourrait pas s’en débarrasser avant. Sans surprise, le jeune homme n’y alla pas de main morte, la menaçant presque au passage -ce qui lui fit relever sa batte rapidement. « Je n’ai pas peur de toi ! On est dans un pays libre et j’ai de le droit de dire ce que je veux sur internet. » Pour dire vrai, c’était un peu le principe d’internet de pouvoir dire ce que l’on veut et donner chacun son opinion, l’ennui pour la famille royale c’était que son blog était populaire.

Le jeune noble semblait surpris et blasé du comportement de la blonde, mais elle s’en fichait un peu du moment qu’elle était en vie. Cependant, malgré son exagération, il ne semblait pas s'énerver et la blonde baissa définitivement son arme. « Je ne vais pas supprimer l’article, j’ai le droit d’écrire ce que je veux et si vous n’avez rien à vous reprocher je ne vois pas pourquoi tu es là. » Son ton était déjà plus calme qu’auparavant et son visage un peu moins tendu, même si elle restait aux aguets. « Ce sont mes hypothèses, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas les poster sous prétexte que c’est la famille royale. » La blonde détestait la famille royale, pour ce qu’elle était et ce qu’elle ne faisait pas. Des raisons qu’elle se passera bien d’exposer à la personne qui se tenait devant elle. La dernière remarque de l’anglais l’agaça fortement et elle ne se manqua pas de faire un petit commentaire. « De ta part, c’est comique ! » Olly n’était pas prête de lui pardonner ses paroles sur ses parents, même si elles dataient de Poudlard.

La défense de la blonde le fit sourire sans joie. « Très bien donc si demain j’ouvre un blog pour dire que tu es une mythomane psychotique, tu n’y vois pas d’inconvénient ? » Olly était peut-être d’une mauvaise foi confondante mais elle ne pouvait pas nier que personne n’accepterait sans ciller de voir le nom de sa famille insulté à moult reprises. Qu’elle le veuille ou non, il finirait par le lui faire comprendre. « J’aimerais qu’on règle ça de manière adulte, une bonne fois pour toutes. » rajouta un James passablement fatigué par la lutte dans laquelle il s’était engagé en ayant oublié à quel point la blonde pouvait regorger de ressources quand elle l’avait décidé.

Le dilomate, bras croisés sur sa poitrine, écouta sans interrompre la diatribe enflammée de son interlocutrice qui ne lâchait pas le morceau. Puisqu’elle jouissait de sa liberté d’expression, elle en faisait un usage pleinement conscient, peu scrupuleuse de vérifier ses théories ou à minima de les étayer par des sources qui auraient au moins le mérite de ne pas renforcer cette impression qu’Olly était rongée par la paranoïa. L’anglais soupira, profondément décontenancé. Il aurait pu parler à un enfant de trois ans de géopolitique que le résultat aurait été le même/ « Tu répands des rumeurs fausses. J’ai accepté de ne rien dire pendant longtemps mais aujourd’hui, c’était vraiment de mauvais goût Olly. De très mauvais goût. Même pour toi. » Son regard clair accusa sans détour la jeune femme tandis qu’il décroisa les bras pour glisser ses mains dans ses poches. Puisqu’il fallait tout lui dire, autant qu’elle le comprenne directement : Olly s’était clairement rabaissée en célébrant l’anniversaire mortuaire de la princesse Diana via cet article infâme.

Au-delà de ce qu’il ne pouvait considérer que comme de la méchanceté maladroite, James avait toutes les difficultés du monde à comprendre pour quel combat Olly tenait-elle tant à vouloir les incriminer. Qu’est-ce qui pouvait la motiver depuis le départ à être aussi véhémente avec eux ? Un dialogue de sourds, voilà ce qui régnait entre eux depuis des années. Son propre comportement n’avait fait qu’empirer les choses au démarrage – et maintenant qu’il était devenu plus adulte et qu’il avait fait la paix avec lui-même, elle le voyait comme un dangereux sociopathe. « Si tu penses sincèrement tout ce que tu écris, tu n’aurais pas du baisser ta batte. Pourtant tu l’as fait. » argua le brun, inflexible, avant de froncer les sourcils.

Il n’avait pu se retenir de tiquer face aux réminiscences qu’Olly lui imposait. Bien sûr, il n’était pas fier de ce qu’il lui avait dit ce jour-là. Même si elle l’avait cherché à l’époque. « Je – » Il leva le regard, fixant un point derrière la Langue-de-plomb avant de reprendre, légèrement tendu. « Ok. On est pas amis et on le sera probablement jamais pour des raisons évidentes. » Ca, c’était peu de le dire. « Mais il ne s’agit pas de moi, et au-delà même de ces histoires de sang royal … Ce sont des gens comme toi que tu traînes dans la boue. Des humains. Je veux bien être un monstre, mais toi, tu es vraiment prête à jouer ce rôle là ? » Sincèrement, et bien qu’il ne la portait pas dans son cœur, James ne voyait pas en Olly une véritable harpie. Elle avait simplement de gros, gros problèmes à régler. Avec lui ou quelqu’un d’autre, mais ce n’était franchement pas assez pour faire d’elle une super-vilaine.

« Aucun inconvéniant si cela peut te faire plaisir. » Un sourire narquois tandis qu’elle se faisait un malin plaisir à lui répondre le contraire de ce qu’il voudrait entendre. Olly n’avait jamais été douée pour les compromis et aimait assumer jusqu’au bout ses actions, parce qu’elle savait que les regrets étaient une chose inutile pour avancer dans la vie. James pouvait penser et dire ce qu’il voulait sûr elle, elle s’en fichait complètement du moment qu’il ne la dérangeait pas dans sa vie privé comme il le faisait en venant frapper à sa porte. D’ailleurs, elle trouvait cela un peu facile de venir se plaindre devant chez elle, alors qu’elle ne pourra sûrement jamais s’approcher de l’appartement du l’anglais sous peine de se faire arrêté par une dizaine de gardes du corps.

Sans surprise, les explications de la galloise n’avaient pas plus et le jeune homme devait elle semblait fatiguer un peu. En fait, elle espérait un peu qu’il finira par baisser les bras et rentrer chez lui sans traîner dans l’espoir de ne jamais le revoir. « L’article ne te plaît pas ? Tu m’en vois désolée, la prochaine fois je ferai attention à ne pas heurter ta sensibilité. » Olly se moquait bien d’être en train de parler à un membre de la famille royale, pour elle s’était juste un homme comme tout le monde, qui l’avait blessé quand elle était petite et qui avait de sérieux problèmes à se contrôler. L’anglais remarqua qu’elle avait baissé sa garde et elle se contenta d’un rapide sourire, avant d’expliquer avec un ton détaché et léger les raisons d’un tel acte. « En fait, vu ta carrure je me suis dis que tu pourrais me désarmer sans aucun soucis. » Le physique de James était difficilement critiquable, même pour une personne qui le détestait autant qu’elle.

Olly ne baissa pas un instant le regard, même si elle était en réalité bien plus stressé qu’elle ne pouvait le montrer et espérait sincèrement qu’il n’allait pas la brusquer. Heureusement pour elle, le jeune semblait se calmer et elle put même s’offrir le luxe de s’adosser au cadre de la porte en croisant les bras, bien décidé à ne pas le faire rentrer dans son petit appartement. Elle écouta le jeune homme qui parlait extrêmement sagement ce qui lui dessina un joli sourire sur son visage. « Écoute je n’ai jamais prétendu être la gentille et je t’assure que ça ne me dérange pas de passer pour un monstre. Chacun sa vie pas vrai ? » Une chose est sûre la sienne était loin des lits à baldaquins et des carrosses. « Si je supprime l’article, je veux un dédommagement financier. » L’article lui rapportait bien plus que prévu et avec les problèmes d’orphelinat aucune livre n’était de trop, peut importe si elle passait pour une fille sans coeur porté sur l’argent -la fin justifie les moyens.

Contrairement à ce que le bon sens aurait voulu, Olly acceptait complètement que sa propre stratégie soit retournée contre elle – et James, face à sa réponse, avait vraiment envie de lui demander ce qui ne tournait pas rond chez elle. « C’est bien la première fois que mon plaisir ne te dérangera pas, alors. » argua t-il, au sommet de l’ironie. « Je t’enverrai le lien par mail pour que tu puisses me donner ton avis ! » Petit sourire en coin. En réalité James n’avait ni le temps ni la foi de construire un tel moyen de sape pour la jeune Langue-de-plomb. Critiquer et conspuer les gens derrière son ordinateur ne faisait pas partie des valeurs de l’anglais. Et à entendre son interlocutrice, le respect des défunts et des autres n’était pas compris dans ses principes à elle. Il s’abstint de tout commentaire, sachant pertinemment qu’Olly ne se soucierait jamais de ses sentiments, persuadée comme d’autres qu’il n’avait probablement pas de cœur dans la cage thoracique mais une pompe mécanique.

La jeune femme s’était néanmoins un peu détendue et le britannique ne pouvait que remercier en partie ses talents de diplomate. Parler aux gens était sa spécialité, surtout pour trouver un terrain d’entente ou au mieux leur faire comprendre que son avis était le meilleur pour eux. Et avec la blonde, cela avait apparemment fonctionné pour quelques minutes – elle en avait déposé son arme à terre. « Un point pour toi, Midler. Mais je ne suis pas une brute épaisse. » Si lui en était convaincu, les gens comme Olly, qui l’avaient côtoyé à une époque où il était bien moins dans la maîtrise de ses émotions, pouvaient largement en douter. James avait néanmoins changé depuis ses quinze ans, il avait appris à se canaliser et à dompter ses troubles. Cela passait parfois par des méthodes ridicules – comme lorsqu’il traversait de rares colères noires, se concentrer sur un souvenir de l’enfance simple et anodin le ramenait au calme et à la raison.

La suite surprit quelque peu James, qui ne s’attendait pas à ce que la blonde épouse le rôle de la méchante sans sourciller. Elle pouvait être très chiante, mais elle n’était pas fondamentalement mauvaise. Enfin, c’était ce qu’il pensait, jusqu’à ce soir. Le brun haussa les épaules, ravalant la pointe de déception qu’il ressentait – Midler ne pouvait pas tomber plus bas, au moins elle ne pourrait que remonter dans son estime par la suite. « Très bien, si c’est toi qui le dis. » Qu’elle ne s’attende donc plus à la moindre clémence de sa part, puisqu’elle voulait être le monstre.

Et si James pensait avoir tout entendu, la condition imposée par la jeune femme pour qu’elle cesse ses colportages le laissa comme deux ronds de flan. « Vraiment ? Une compensation financière ? Tu comptes l’encaisser et écrire ensuite un autre article pour dire que si la famille royale est prête à acheter ton silence, c’est que tu dis vrai ? » Menteuse et vénale, elle cumulait les défauts ce soir. James n’était pas tout à fait dupe, maintenant qu’il avait appris à se méfier d’Olly, il ne voyait pas ce que de l’argent règlerait chez elle – elle avait tout l’air d’être le genre de personnes que des espèces sonnantes et trébuchantes ne calmaient pas, bien au contraire. « En admettant que je sois d’accord. Combien il te faudrait ? » Il la regarda, curieux de connaître son prix.

« Avec plaisir, je mettrais même un lien sur mon site. » Si l’anglais commençait à faire de l’ironie, il était tombé sur quelqu’un de bien trop déterminé pour se laisser déstabiliser. La blonde se doutait bien que l’autre n’était pas sérieux et que de toute manière un site tenu par un membre de la famille royale allait sûrement passer pour de la propagande. Le bout de sa batte touchait désormais le sol, tandis que son regard toisait l’anglais sans l’ombre d’une gentillesse d’ailleurs. « Bien sûr et moi je suis la reine d’angleterre. » Pour elle, il était exactement la définition d’une brute et elle ne s’y frottera plus à l’avenir, une fois lui avait suffi. Et bien qu’elle cherchait les embrouilles avec ses articles, elle préférait ne plus se retrouver face à lui.

Passer pour un monstre était le dernier de ses soucis, surtout qu’elle vivait très bien avec elle même et se fichait bien de savoir ce que quelqu’un comme lui pouvait penser. L’important, c’était de trouver de l’argent pour l’orphelinat et peu importait les moyens. Puis elle n’en était pas encore rendu à tuer des gens pour ça et ne le fera d’ailleurs jamais. Olly avait beaucoup de défauts, mais savait quand même faire preuve de bon sens. Même si elle menait la vie dure à la famille royale, elle restait le genre de personne qui portait les courses de sa voisine trop vieille et qui aidait les aveugles à traverser la route. « Tu peux penser ce que tu veux de moi, ça m’est égal. » Surtout qu’il méprisait certainement la plupart des gens comme elle, la souche populaire du pays.

Elle rigola sincèrement à l’idée de l’anglais en croisant les bras. « Je n’y avais même pas penser, comme quoi tu es fais pour ce métier, ton blog marchera à merveille. » Toujours appuyée contre le cadre de la porte, elle regardait droit dans les yeux -des yeux verts magnifiques- avec un petit sourire malicieux. « Idéalement, j’aimerais bien avoir un petit million, mais dix mille livres feront largement l’affaire. » Elle se doutait bien qu’il ne lui donnerait rien, mais elle s’en fichait. Un million ça serait exactement ce qu’il faudrait pour rénover l’orphelinat et pour lui permettre de se relancer, mais de toute manière, une fois cet orphelinat sur pied, elle voudra naturellement sauver les autres. « Tu comprends, je suis tellement superficielle, que je compte m’acheter une Rolls-Royce. » Quoi de plus royal que cette célèbre voiture ?

Olly devait être une spécialiste pour faire tourner les gens en rond : elle s’acharnait sur sa personne avec une satisfaction presque visible. « Ca ira merci. » coupa un peu sèchement le britannique, qui aurait bien aimé pouvoir proposer le cas de la jeune femme pour une étude psychologique un peu plus poussée. Elle ne reculait devant rien pour le provoquer, c’était sans doute ça le plus agaçant – il n’avait plus qu’à se résoudre à ignorer chaque pique qu’elle lui décochait sans trop crisper la mâchoire.

Il leva les yeux au ciel tandis qu’elle blasphémait joyeusement sur sa grand-mère et répondit au silence par sa gaminerie avant de lui accorder un sourire affreusement exagéré. « Je te remercie de respecter ma liberté de penser, Midler. J’ai bien cru que tu allais censurer mon subconscient. » Cette fille ne pouvait franchement pas être Langue-de-plomb, pas avec toute la bile qu’elle déversait constamment sur lui. Pourtant personne n’avait l’air de se plaindre de son boulot.

La somme demandée arriva enfin et si elle n’avoisinait pas le million, elle n’était pas ridicule pour une personne normalement constituée. James n’afficha aucun choc, lui avait l’habitude de chiffres beaucoup plus indécents. « Dix mille livres, mh ? » Il ne put retenir un sourire amusé. Même quand elle essayait de se payer sa tête, elle était extrême – quelque part, il aurait pu trouver ça très divertissant si cette fille n’était pas une indécrottable fouille-merde. « C’est même pas assez pour un pneu. » se contenta d’objecter James, qui s’y connaissait plutôt bien en terme de voitures de luxe. Il gageait que cela énerverait pas mal la jeune Midler d’entendre une réflexion aussi bourgeoise mais au fond, il l’avait un peu fait exprès, et ça le faisait marrer même si c’était un chouïa mesquin.

Le brun enregistra la somme quelque part dans sa mémoire, curieux malgré tout de savoir ce qu’elle ferait réellement d’une telle somme. Elle ne semblait pas être ennuyée financièrement pour son logement et à moins que son boulot ne soit si mal payé que ça au Ministère, ce qui l’étonnait, elle n’avait pas pu se fourrer dans des histoires frauduleuses. Et puis après tout, en quoi ça le concernait ? Elle voulait de l’argent, il voulait la paix, tout cela lui allait parfaitement. « Tu les auras demain, dans ta boîte aux lettres. » finit par annoncer James comme s’il lui déclairait qu’il ramènerait les croissants demain matin à l’aube.

Le jeune prince referma sa veste, rajustant son col et poussa un profond soupir avant de jeter un œil à sa montre. Il avait perdu du temps à parlotter mais au moins ils étaient arrivés à un consentement, ce qui n’était pour le moins pas une mauvaise chose. « Maintenant que le problème est réglé … Bonne nuit Olly. C’était un réel plaisir de faire affaire avec toi. » Bien qu’il doutait fortement qu’elle en dirait de même, il s’apprêtait à lui tendre la main pour une poigne neutre – mais abandonna finalement le geste, auquel il savait qu’elle ne répondrait pas. Il se contenta d’un bref salut de tête et tourna les talons, pas mécontent de pouvoir enfin regagner son appartement.

« De rien, je suis très engagé dans la liberté d’expression, le savoir c’est le pouvoir. » Olly était bien placé pour le dire, étant donné qu’elle revendait sans véritable scrupule des informations secrètes sur le ministère à qui voulait bien y mettre le prix. Mangemort, Ordre ou personnes totalement neutres, il suffisait d’y mettre le prix pour l’obtenir. Parfois, elle s’adressait directement aux gens en leur proposant un marché, mais la plupart du temps les gens faisaient leurs propres requêtes et elle se contentait après de trouver l’information. Ce qui n’est pas très compliqué lorsqu’on occupe le poste de langue-de-plomb. Bien sûr, étant une personne saine d’esprit ou du moins assez pour ne pas avoir de vrais problèmes, elle se rendait parfaitement compte du côté illégal et amorale de ce genre d’activités -sans parler des risques qu’elle encourait si elle se faisait pincer.

Devant la demande de la bonde, l’homme ne sourcilla même pas comme si elle lui parlait d’argent de poche et adressa même un sourire en coin. « Tu as raison, c’était juste pour refaire mon dressing. » S’il voulait jouer le garçon superficiel, il allait être servi, parce qu’elle adorait jouer les midinette luxueuse avec les hommes dans son genre, une couverture plutôt efficace d’ailleurs. Néanmoins, la non réaction de l’anglais était clairement suspecte et la suite l’étonna encore plus. Jamais elle n’aurait envisagé recevoir une réponse positive, même dans ses rêves les plus fous. Cette rencontre prenait une tournure plus d'inhabituelle et elle ne manqua pas de dessiner un petit sourire en quoi à la jeune femme. « Vraiment ? Eh bien, j’ai hâte d’ouvrir mon courier. » Surtout de pouvoir vérifier s’il était sérieux ou pas.

Le fait que l’anglais s’en aille étant encore plus surprenant, parce que cela laissait vraiment croire qu’il allait lui envoyer un chèque. Et comme elle ne pouvait tout bonnement pas savoir s’il disait vrai ou pas avant demain matin, elle se contenta de rigoler légèrement. « Oui, c’est ça, à la prochaine. » Puis elle referma la porte de chez elle, pour se vautrer à nouveau sur son lit avec son ordinateur pour parler avec ce fameux BrendanZ51, qui semblait avoir beaucoup aimé les derniers articles de la blonde, ce qui était comique vu le marché qu’elle venait de conclure avec le petit fils de la reine.