La tête sur l’épaule de Jane, il tentait de passer le temps comme il pouvait. Le temps d’avion n’était certes pas très long, mais ce n’était pas forcément la chose qu’il préférait faire. De plus, après avoir écouté toute la semaine le CD des chansons Disney, il commençait légèrement à faire une overdose. Quand Je devrais déjà être roi se lança, il décida de prendre une pause et d’aller aux toilettes. « Je reviens ma belle. » Comme à son habitude, il se recoiffa avant de se lever et de marcher entre les rangés, direction le fond de l’avion. N’ayant rien à faire, il regarda discrètement les autres usagers, avant de reconnaître une voix familière. Sans surprise, c’était sa petite soeur qui se tenait tranquillement assise et ne semblait d’ailleurs ne pas l’avoir vu. Il se pencha avec son sourire moqueur vers elle. « Les princesses prennent l’avion ? Je ne savais pas. » Joshua ne croisait pas souvent sa soeur, alors c’était le moment d’en profiter, surtout qu’il avait une bonne heure à tuer et que la passagère derrière Sybella était plutôt mignonne et semblait le dévorer des yeux.

Il s’appuya un peu contre le siège de sa soeur en souriant. « Tu m’as dit que tu allais à Paris, petite cachottière ! Bon raconte tout à ton frère adoré. » Il n’était pas sûr d’avoir le droit à ce titre, mais s’en fichait un peu, bien trop intéressé à savoir ce que la blonde pouvait bien faire si loin de chez eux. « Laisse moi deviner. Paris, la ville des amoureux. Ouh, j’en connais une qui a un petit copain. » Naturellement, son regard se déplaça sur le garçon qui si tenait à côté, qu’il ne connaissait absolument pas, mais qui avait un pull absolument génial, donc une bonne personne. « Enchanté, Joshua Tyrel. Bon, pousse toi un peu. » Sans vraiment demander l’avis de la jeune fille, il poussa légèrement sa soeur et s’installa sur une moitié de siège. Maintenant qu’il s’était présenté, il avait le droit de parler du garçon à quelques centimètres de lui sans le moindre remord. « Donc, c’est lui ton petit ami ? » Joshua était parfois un peu trop Joshua.

La fin d’un beau week-end s’annonçait. Ces deux jours avaient été une pause qu’ils avaient mérité et voulu depuis si longtemps que Sybella réalisait que le retour à la réalité allait être douloureux. Il fallait tâcher de ne pas y penser, et d’ailleurs Dean faisait son maximum pour la distraire et l’empêcher de rattraper cette moue contrariée qu’elle prenait dès lors qu’ils parlaient de Pré-au-Lard et de l’Ecosse.

L’avion avait décollé et ils se trouvaient maintenant bien au dessus des nuages et des campagnes françaises. La blondinette s’était plongée dans la lecture d’un magazine de mode, profitant plus ou moins sereinement du trajet quand une voix vint vriller ses tympans. Non, elle n’avait sans doute pas pu l’entendre lui, elle devait rêver. Ou avoir une hallucination auditive. Et même visuelle, pensa t-elle en levant la tête de son journal qu’elle referma sèchement en constatant qui était là, joyeusement debout face à elle.

« Joshua ? Qu’est-ce que tu fiches ici ? » La panique fit accélérer le pouls de Sybella, qui haïssait en cet instant d’être sur un avion en pleine altitude pour ne pas pouvoir s’enfuir directement. L’idée d’attraper un parachute et de sauter sans prévenir l’effleura avant de se rappeler qu’en plus de passer pour une fille suicidaire et complètement cinglée, Dean allait largement se poser des questions.

L’ex-Serpentarde ne comprenait pas comment un voyage dans les airs pouvait se passer plus mal. Prise sur le fait en compagnie d’un garçon par son cher aîné qu’elle détestait cordialement, elle avait toutes les peines du monde à se retenir pour ne pas hurler et le rouer de coups de magazine. Cependant la décence l’obligeait à se tenir comme la jeune fille bien élevée qu’elle était, aussin se contentait-elle de le mépriser de toutes ses forces et de lui balancer ses reproches en grinçant entre ses dents crispées. « Arrête, tu es ridicule, tout le monde te regarde. » En réalité personne ne les observait à part peut-être un gamin de sept ans qui s’ennuyait férocement sur son siège, mais la jeune fille avait horreur d’être prise sur le fait de cette manière. Et Joshua le savait sans doute très bien. La journalise déboucla sa ceinture et se leva de son siège pour empoigner son frère fermement et l’emmener avec elle loin d’eux et de la bulle de calme qui les entourait jusque là. « Bon, viens on – » Une hôtesse choisit cet instant précis pour les apercevoir et se diriger vers elle, l’air polie et néanmoins inflexible. « Mademoiselle, merci de rester assise et d’attacher votre ceinture. »

Syb’ se mordit la joue, ravalant difficilement l’envie de répliquer quelque chose à cette dinde qui l’empêchait elle aussi de faire en sorte que ce vol se passe bien. L’irlandaise se rassit avec une certaine raideur, comme si quelqu’un avait mis des clous sur son siège, et croisa les bras, fermement déterminée à ne pas accorder une seule seconde à son frère. C’était bien évidemment peine perdue puisqu’il la poussa avec la délicatesse d’un éléphanteau pour s’incruster et s’attaqua directement dans le vif du sujet. La blonde haussa les sourcils, proprement scandalisée, et rétorqua sans perdre de temps. « Excuse-moi mais en quoi ça te regarde ? » Ils n’avaient jamais été assez proches pour connaître les détails sur sa vie amoureuse, ce n’était pas maintenant que ça allait commencer, surtout pas comme ça. « Et qu’est-ce que tu fais sur cet avion, tu vas me dire que toi aussi tu étais à Paris ? » Dans sa voix on sentait que la jeune femme éprouvait une franche curiosité sur la raison qui motivait Josh à être allé à Paris. « J’espère que tu ne me suivais pas pour le compte des parents parce que sinon tu me ferais presque de la peine. » A peine sarcastique, la blonde, qui ne décrochait pas un sourire de toute la conversation, fixait un point droit devant elle, dédaignant même de jeter un regard à Joshua. Cette jeune fille débordait littéralement d’amour fraternel, c’était l’évidence même.

Sans surprise, sa soeur n’était pas du tout ravie de le croiser dans cette avion, ce qui amusait bien évidement le plus vieux. Depuis quelques temps, on ne pouvait pas dire que leur relation s’améliorait, mais ce n’était pas très important pour Joshua qui prenait rarement l’avis des autres en considération. « Ce que je fiche là ? Eh bien ça va sûrement te surprendre, mais je suis en train de voyager en avion. » Un sourire ironique tandis qu’il prenait un malin plaisir à rendre la blonde complètement chèvre, surtout qu’il voyait bien qu’elle commençait à s’enfoncer dans son siège, trouvant que le plus âgé lui collait royalement la honte. La majorité des filles de l’âge de Sybella auraient adoré avoir un frère comme lui, parce qu’il était beau, parce qu’il était riche et surtout parce qu’il était beau, seulement l’histoire avait fait que ce ne soit pas le cas de la plus jeune. Souvent, Joshua aimerait que les choses redeviennent comme quand ils étaient petits, l’époque ou il était encore son preux chevalier. Malheureusement, pour le moment il était la personne avec qui elle ne voulait pas être vue en publique et si l'hôtesse de l’air ne lui avait pas demandé de s’asseoir, elle l’aurait déjà embarqué très loin.

Confortablement installé à côté de la blonde, il se la joua totalement décontracté et prit rapidement ses aises, au plus grand malheur de la journaliste. La question ne plaisait absolument pas, ce qui n’était en rien surprenant, surtout que le principal intéressé faisait genre de ne pas être concerné, préférant ne pas se mêler aux conversations familiales. « Disons que si tu sors avec un thon, je me ferais un plaisir à te le rappeler toute ta vie. » Un petit rire moqueur, tandis qu’il feuilla la magazine de la soeur, sans même lui demander son avis. S’il prenait un certain plaisir à la rendre folle, elle n’en démordait pas gardant son sale caractère. « Non, les magazines people s’occupent très bien de faire ta surveillance. » Le récent article sur sa petite soeur n’était pas passé inaperçue, mais il ne pouvait pas vraiment critiquer étant donné sa réputation de coureur de jupons, néanmoins la remarque était placée. « En fait, figures toi que je rentre de vacance à Paris avec Jane. » Il n’était plus vraiment sûr de si sa soeur connaissait le prénom de sa meilleure amie, mais ce n’était pas très important de toute manière. Il se pencha un peu vers elle et lui murmura à l’oreille. « Du coup, le garçon à côté de toi c’est ton copain ? Genre un vrai copain ? » Un petit sourire joueur, tandis qu’il se recoiffa avec la main pour la centième fois de la journée.

La blondinette jeta un regard à Joshua similaire à ceux qu’elle adressait à des gens au quotient intellectuel profondément touché. Parfois, elle en venait à se demander comment ils pouvaient partager le même sang et une bonne quantité de leur patrimoine génétique – un mystère qui s’expliquait si par miracle leur mère avouait qu’elle avait fricotté avec un moldu de facteur. Passait encore le fait qu’il lui répondait avec premier degré sur sa présence dans ce vol, qu’il trouve amusant de la taquiner sur le sujet de potentiels petits amis au physique ingrat la laissait coite. Parce que Josh devait être sérieusement idiot pour croire qu’elle se contentait de garçons médiocres physiquement, ou alors qu’il avait une drôle de manière à lui d’essayer de renouer avec elle. « Evidemment. Je ne sais même pas pourquoi je m’attendais à mieux venant de toi. Et tu t’étonnes que je ne te raconte rien de ma vie ? » lui cracha t-elle, sans foi ni loi avant de tenter de se raccrocher à sa lecture.

La voix de son frère était néanmoins un moyen parfaitement efficace de parasiter ses pensées. Il poussa même le vice jusqu’à évoquer avec la finesse d’un hippopotame le scandale de Sorcière-Hebdo, ce qui arracha une moue énervée à l’irlandaise. « Oh ferme la. Si tu es venu ici pour parler de ça je te conseille franchement de passer ton chemin. » Elle était tout à fait capable d’aller le remettre sur son siège s’il poursuivait sur cette dangereuse voie. Même si au loin, l’hôtesse pouvait peut-être encore les surveiller – pas étonnant, ils devaient faire tellement de bruit qu’ils avaient du attirer l’attention des employés de l’avion.

D’une oreille qu’elle prétendait discrète, Sybella haussa les épaules, en apparence tout à fait indifférente au nom qu’elle entendait. « Jane ? Qui c’est ? Ta dernière pouliche ? » Non sans manquer d’un certain respect pour ladite demoiselle, Syb’ ne faisait aucun effort – en réalité elle savait très bien qui était Jane, elle écoutait sans doute bien plus son grand frère qu’il ne le pensait. Elle se contentait tout simplement de très bien le cacher, tout en étant pertinemment au courant de l’identité de l’américaine qui servait de meilleure amie à son imbécile d’aîné. « Non en fait je ne veux pas savoir. Ta vie m’ennuie, Joshua, et c’est pour ça et pour un millier d’autres raisons que je n’ai pas du tout envie de poursuivre cette discussion. Va t’asseoir, regarde un film si tu ne sais pas quoi faire, ou alors énumère la liste de toutes les choses que tu pourrais changer chez toi, crois-moi ça occuperait trois allers-retours Paris-Londres. » La journaliste était capable d’être parfaitement odieuse, pire encore qu’une enfant pourrie gâtée ou qu’une horde de chihuahua sur les nerfs. Infecte au possible, Sybella avait tout simplement décidé que le meilleur moyen de repousser toutes les tentatives de sympathie de Joshua par une méchanceté pure, simple et gratuite.

Visiblement ça ne faisait son effet que quelques minutes car il rattaqua le cœur du sujet qui l’avait amené à la suivre jusqu’ici et la blonde desserra à peine les dents pour lui répondre, crispée. « Je ne répondrai pas. » Elle n’avait pas envie d’exposer Dean comme ça, ils avaient bien le droit à un peu de répit, après tout ce qu’ils avaient du traverser. « Bon sang arrête de lire ce que je lis ! » s’écria soudainement en chuchotant Sybella, au comble de l’hystérie. « Tu ne vois pas que tu mets tout le monde extrêmement mal à l’aise ? » Et elle la première.

Sa petite soeur était typiquement le genre de personne qui courait quand on la faisait un peu marché et aux yeux du plus âgé, cela avait un petit côté divertissant de la voir perdre patience. Seulement, Joshua était un garçon très endurant et ne comptait pas lâcher l’affaire comme ça -surtout que cela restait la seule manière qu’il connaissait pour pouvoir encore parler à la blonde. « Non, tu ne me racontes rien parce que tu fais ta crise d'adolescence, nuance. » Sybella l’évitait parfaitement et il avait dû se faire une raison et tirer un trait sûr l’époque où ils jouaient aux chevaliers et princesse dans leurs cabanes de fortune. Bien sûr, il n’aidait définitivement pas à une rédemption étant donné les sujets qu’il abordait en compagnie de la blonde. Cet article avait fait l’effet d’une bombe dans les rangs familiaux, surtout du côté de leur mère. Il rigolait encore en la voyant outré devant le magazine, comme le jour où il avait débarqué complètement ivre chez lui pour vomir juste devant sa mère -les joies des soirées post-ASPICS. « Ca va je rigole, je tenais juste à te faire remarquer que tu vas finir comme ton idiot de frère à cette vitesse. » Bien que ses parents soient plutôt fier de lui et de sa réussite, ils n’en restaient pas moins critique face à sa manière d’occuper ses nuits avec des filles de riches familles -comme la fille du directeur de Nimbus d’ailleurs.

L'énervement de la blonde se lisait aussi facilement qu’un panneau publicitaire sur les arrêts de bus et il ne manqua pas rigoler de manière peu discrète. « Grrr, on montre les crocs chatons ? Tu devrais faire attention, tu vas finir par avoir des rides. Et sinon, comme je sais déjà que tu meurs d’envie de savoir qui est Jane et bien tu seras heureuse d’apprendre que c’est ma meilleure amie, tu sais ce que s’est ou je te cherche la définition ? » Un petit malicieux avant de faire un clin d’oeil à l'hôtesse qui passait juste à côté d’eux et de se tourner vers sa soeur en lui lançant un regard du genre : Elle est grave mignonne elle. Alors qu’il assumait parfaitement ses gouts, ce n’était pas du tout le cas de la blonde qui refusait toujours de lui répondre. « Tu veux jouer la mystérieuse c’est ça ? Je finirai bien par le savoir tu sais ? » Il leva les yeux au ciel avant de lui chiper son magazine et sans surprise, elle lui brailla aux oreilles. « Ca va, arrête de faire genre tu sais lire. » Un sourire diabolique avant de le lui rendre.

La blonde était à deux doigts d’exploser, mais il savait qu’elle en le ferait pas dans un avion et encore moins en compagnie d’une connaissance, si  bien qu’il continua sur sa lancée. « Mal à l’aise ? Moi je suis très bien là. » Son sourire charmeur le rendait agaçant au plus haut point, tandis qu’il se recoiffa une nouvelle fois et attrapa la bouteille d’eau de la blonde pour boire un peu. « Du coup tu me le dis ou je dois engager un détective privé ? » Joshua ne voyait pas la gêne qu’elle pouvait avoir à parler d’un petit ami ou plan cul, après tout l’avait toujours fait sans le moindre soucis.

« Renseigne-toi, j’ai dix-neuf ans. C’est passé, ça. » Le jeune entrepreneur pouvait mettre le comportement exécrable de sa sœur sur le dos d’une possible crise d’adolescence, il était loin de la vérité. C’était sa faute si elle se retrouvait toujours à devoir être méchante avec lui, parce qu’il ne respectait rien – ni sa vie, ni ses secrets, et encore moins la personne qu’elle était. Sybella voyait Joshua comme un éternel gamin de dix-sept ans qui ne pensait qu’aux jolies filles et à sa gloire et qui avait pourtant toujours l’approbation des autres en dépit des âneries qu’il faisait. Il ne méritait absolument pas cette confiance que les gens avaient souvent en lui trop facilement et avec elle, ça ne prendrait pas. Si Monsieur se moquait du regard d’autrui, elle y accordait une importance majeure et ça ne changerait pas.

Finir comme lui. En voilà une perspective qui lui donnait envie de tout sauf d’en plaisanter. « Ha-ha-ha. Morte de rire. » grogna t-elle les dents serrées. S’ils partageaient une certaine génétique et deux parents, Joshua et Sybella n’avaient pas grand-chose en commun. Enfin déjà bien assez de son point de vue, mais lui aurait sans doute raffolé d’avoir une petite sœur fan de lui et mille fois plus malléable – pas la version reine des abeilles antipathique que sa mère avait réussi à façonner.

Sa répartie ne manquait sans doute pas de l’agacer – parce que d’une certaine façon, c’était l’impression de s’entendre elle qui lui donnait envie de vomir – et la blonde lui rétorqua du tac au tac, sans sourciller. « Fais donc ça, si ça peut te faire taire pendant au moins une minute, c’est déjà ça de gagné. » Evidemment qu’il n’allait pas le faire, c’était tellement plus drôle de la torturer ainsi aux yeux de tous et notamment du pauvre Dean qui devait se sentir extrêmement mal à l’aise. Elle lui devait d’avance de sincères excuses pour les agissements de Josh. « Va t’asseoir à ta place. Je te jure, va t’asseoir, sinon crois-moi que tu préfèrerais encore avoir un balai dans le fondement plutôt que … » Une hôtesse de l’air leur passa sous le nez, coupant la fin de phrase poétique de l’irlandaise qui dévisagea son frère avant de lui adresser un coup de magazine sur la tête. On aurait dit un chien qui bavait devant un bol de croquettes. « Non mais ça va, tu veux que je t’aide à la mater ? Sans rire, t’étais un bonobo dans une vie antérieure ? » La remarque aurait pu faire beaucoup rire un passager comme Seamus mais visiblement là ce n’était que de l’énervement profond qui se dégageait de ses mots.

L’irlandaise, face à l’insistance plutôt inconvenante de son frère, lui adressa un regard dénué de toute sympathie et lui rabâcha, froidement et méthodiquement. « Fais ce que tu veux. Je ne dirai rien, je te le répète pour la millième fois. » Sybella avait le sérieux avantage d’être une tombe, et surtout après des années passées à Poudlard à résister aux plus juteux et aux plus dégradants des chantages. Elle devait cette capacité notamment à des gens de peu de bien comme Justin et l’aurait sans doute remercié en d’autres temps moins … aériens. « Il faut que tu comprennes, tout le monde n’est pas comme toi. Certaines personnes réfléchissent avant de parler. » Si Joshua adorait raconter n’importe quoi, ce n’était pas son cas et il allait découvrir cette facette de sa petite sœur. « Réfléchir. Tu sais ce que c’est ou tu veux la définition ? » le singea t-elle sans aucune gêne – et avec une certaine forme de réussite dans l’intonation et le style.

Sa soeur surchauffait peu à peu et il pourrait presque voir de la fumée émaner d’elle à chacun de ses mots. Il se demandait s’il était en train d’envisager de sauter de l’avion où de transplaner devant tout le monde -situation qui sera aussi drôle que dramatique d’ailleurs. « Dix-neuf ans, ah bon ? J’étais pas au courant. » Joshua connaissait parfaitement l’âge et l’anniversaire de sa soeur, sans quoi il ne lui enverrait pas de cadeau pour son anniversaire chaque année. Joshua n’était pas si ingrat que cela et si elle le voulait, il pourrait très bien être un grand frère parfait, malheureusement, elle préférait le recaler dès qu’il tentait de se rapprocher un peu. « Ouais je sais, je suis hilarant. » Un sourire moqueur tandis qu’il attrapa un paquet de bonbons dans le caddie de l'hôtesse, admirant au passage la vue et n’écoutant plus du tout sa petite soeur. « ... Ouais, ouais, je vais faire ça… Eeeeh, ma tête ! » Le coup de magazine sur la tête le fit rire, tandis qu’il regardait encore les jolies jambes de la jeune femme, ouvrant son paquet de bonbons.


« En plus j’ai établis un eyes contact là et je peux te dire que si elle repasse, c’est que j’ai moyen. » Les techniques de drague de Joshua étaient toujours extrêmement nulle et maladroite, finalement il avait beaucoup de chance d’être bel homme, sans quoi il ne rentrerait jamais accompagné. Les filles pardonnaient plus facilement les erreurs à un charmant jeune homme, qu’au mec banal et absolument pas charismatique. Néanmoins, sa soeur ne semblait pas partager l’avis général et le fit largement comprendre le traitant de bête, ce qu’il ne releva pas vraiment, se contentant de se recoiffer et de manger quelques bonbons moldus franchement pas mauvais. « Tu en veux au lieu de râler ? » Il savait déjà qu’elle allait refuser, de toute manière Sybella avait toujours fait une fixette sur son poids.

La blonde refusait parfaitement de lui dire qui était ce fameux garçon et l’anglais soupira un peu. « Tu es vraiment pas drôle, maman à oublié de t’apprendre l’humour. » L'éducation de la blonde avait été totalement faite par leur mère et le plus âgé avait beaucoup de commentaire à faire dessus, mais il s’en passera pour aujourd’hui. « Puisque c’est comme ça, je vais bouder dans ce siège jusqu’à ce qu’on arrive à Londres. » La maturité dont il était capable dans la vie de tous les jours semblaient parfaitement inexistante à ce moment précis et le pire dans cette histoire, c’était qu’il comptait bel et bien le faire.

Douillet comme un petit enfant gâté capricieux, le blondinet se plaignit de la douleur infligée, Sybella secouant la tête en signe de dédain. « Ca va pas te faire mal longtemps, crois-moi. » Si jamais il persistait, elle savait quoi faire maintenant : quelques coups de magazine et le tour était joué.

Loin de se démonter, l’irlandais était parfaitement au fait de son approche particulière de la gent féminine et la revendiquait. Incroyable qu’il ne se soit pas déjà mangé plus de râteaux. « Tu es débile, Josh. » Curieusement Sybella eut de la peine à effacer le petit sourire un peu amusé qui avait pointé sur son visage. En dépit des efforts qu’elle faisait pour ne laisser passer aucun signe de tolérance de son grand frère, Syb’ pouvait de temps à autre lui reconnaître ce côté comique des coureurs de jupons. Et puis avec un peu de chance, peut-être qu’il se concentrerait assez sur cette moldue pour l’oublier elle et ses histoires de cœur dignes d’une lycéenne.

Ce fut le moment choisi par le concerné pour lui coller le paquet de bonbons sous son nez, ce qui fit grimacer l’irlandaise qui refusa poliment l’offrande. « Non merci. C’est bourré de sucre tes cochonneries. » Comme il fallait s’y attendre, l’ex-Serpentarde ne faisait aucun écart alimentaire – et surtout pas devant son frère, qui n’avait pas besoin d’être au courant de sa toute nouvelle passion récente pour le Nutella, cette invention du Diable.

Le peu d’hilarité que le frère récoltait chez sa sœur commençait sérieusement à prendre le pas sur sa motivation et sa volonté faiblissait peu à peu, ce qui laissait entrevoir une porte de sortie à la journaliste qu’elle était prête à prendre sur le champ. « Oui et toi ils t’ont oublié à la distribution des cerveaux. On en fait pas tout un plat. » Il arrivait qu’à force de se renvoyer la balle et les pics, les deux enfant Tyrel ressemblaient à s’y méprendre à deux élèves de maternelle petite section. Ca ne dérangeait généralement aucun des deux pourvu qu’ils puissent gagner l’un contre l’autre, en revanche pour le reste du monde qui devait subir cette joute puérile, les opinions divergeaient. Attendrissants ou profondément ridicules, c’était au choix. Joshua venait de passer un cap supplémentaire, celui de la bouderie, ce qui arracha un haussement de sourcils dubitatif à sa cadette. « Vraiment ? » Elle voulait bien voir ça, juste pour qu’il grille ses chances avec l’hôtesse. « Tu veux pas bouder dans ta rangée ? »

L’irlandais s’amusait comme un gosse à tourmenter sa petite soeur qui au fond souhaitait qu’une chose, pouvoir terminer son magazine tranquillement dans l’avion. Malheureusement Joshua était coriace et n’avait aucune intention de lui laisser du répit, pour une fois qu’il pouvait passer un peu de temps avec la plus jeune -qui devait actuellement maudire les dieux d’avoir un frère pareil. « Frapper les gens c’est mal, tu devrais le savoir. » Joshua rigolait tout seul, tandis que sa soeur prenait un air vraiment blasé face à sa relation avec la gente féminine. Pourtant, un sourire se dessina sur le visage de la journaliste qui peinait à cacher son amusement devant l’humour si personnel de son grand-frère. Ni une, ni deux, il sauta sur l'occasion pour faire une remarque. « Oh mon dieu ! Serait-ce un sourire sur ce visage ? Je croyais que ce n’était qu’une légende urbaine. » Mécaniquement, il lui tapota gentiment le nez, comme il avait l’habitude de le faire avec ses amis quand il se moquait d’eux. Un réflexe qui n’allait sûrement pas ravir l’irlandaise, mais trop tard.

Elle refusa comme promis la proposition du plus âgé qui ne se faisait pas prier pour descendre son paquet de sucre, avec la grâce d’un enfant de quatre ans. « Tant pis, cha en fait plus pour moi. » Individuellement, les deux Tyrel étaient plutôt matures et raisonnables, mais dans la même pièce, cela partait rapidement en enfantillages. Si lui se comportait comme un adolescent depuis le moment où il avait croisé le regard de sa soeur, elle sombrait peu à peu, comme pouvait le montrer sa réplique dépourvu de maturité. « Mais moi madame, je suis allé à Serdaigle et j’ai eu de bien meilleures notes que vous. » Le festival de la connerie était ouvert, à celui qui aura le dernier mot de toute manière. Joshua éprouvait même une certaine satisfaction ce qui en réalité était un peu honteux pour un garçon de son âge. Sans parler de sa menace concernant son intention de bouder jusqu’à Londres. « Non, parce que je préfère ce siège et que je voudrais pas raté mon ticket avec la jolie hôtesse. » Le voyage allait encore être très long.

« Tu rêves. Je n’ai pas souri. C’était un rire d’énervement. » La mauvaise foi de Sybella Tyrel demeurait légendaire et ce n’était certainement pas Joshua qui prétendrait l’inverse : il connaissait bien assez l’étendue des capacités de sa sœur à dire non quand elle avait pensé oui très fort. « Arrête ça ! » bougonna t-elle en fronçant le nez, affichant une moue renfrognée tandis que le blondinet s’amusait à la taquiner comme on joue avec un chaton – sauf qu’elle n’était absolument pas un animal mignon, préférant s’imaginer en une sorte de panthère terrifiante. Qu’elle n’était pas tout à fait non plus. Bref.

Se contentant de le laisser se gaver de sucreries, la journaliste se rassura en pensant que si elle avait eu faim, la vision et les bruits de son frère en train d’engloutir le contenu du paquet de bonbons calmait d’office son appétit naissant. « Charmant. On ne parle pas la bouche pleine. » rétorqua l’irlandaise, bien déterminée à jouer les rabats-joie de A à Z tout le long de ce voyage de retour vers leur île. Puisque son grand frère voulait être un pot de colle, il en subirait les dommages collatéraux. Et au moins cela l’écartait de la piste concernant Dean et elle – l’anglais devait d’ailleurs être intérieurement soulagé de voir que Syb’ pouvait s’occuper à elle seule de son aîné, et incrédule devant le manque évident de gentillesse de la cadette à l’adresse de celui-ci.

Mais que tout le monde cesse de s’inquiéter, Joshua n’était absolument pas en mal de répondant et d’ailleurs il avait au moins l’aptitude de faire retomber sa sœur en enfance. Partis pour se chamailler comme deux élèves de maternelle, les deux adulescents avaient entamé une guerre qui ne s’arrêterait que lorsque l’un des deux s’avouerait vaincu – soit, jamais. « Super. Tu veux des bons points ? » se moqua t-elle ouvertement avant de continuer, plus philosophe et surtout plus puérile et piquée dans sa fierté que jamais. « C’est pas les notes qui font l’intelligence, espèce d’intello. » Sybella savait qu’elle avait peut-être bien moins de matière grise que son frère, mais elle n’allait pas le lui confirmer, et surtout elle n’avait pas besoin de neurones : son physique et sa ruse lui avaient largement suffi.

Quant aux plans sur la comète que tirait Josh avec cette employée d’avion, il fallait clairement ne pas y compter d’après la jeune fille. « Tu ne l’intéresses pas, crois-moi. Sinon elle serait déjà revenue te voir. » Pas besoin de diplômes pour établir ce constat : Syb' connaissait assez ses consoeurs pour déterminer s'il y avait une chance entre un homme et une femme - et là, c'était non. « Et puis sérieusement ? Cette fille ? » La blonde, impitoyable, dévisagea de la tête aux pieds la principale intéressée qui heureusement n’avait pas à subir ce scan physique de face, toute occupée à aider un passager qu’elle était. La sentence ne se fit pas attendre et était, bien évidemment, impitoyable. « C’est une potiche. Ramène-ça à la maison et maman ne ferait qu’une bouchée d’elle. » Non contente de faire passer cette pauvre fille pour un vulgaire bout de viande, Sybella n’avait aucun mal à imaginer le futur de sa potentielle belle-sœur si leur mère le permettait : elle subirait toute une tonne de questions et de bizutages parfaitement cinglés. Ils étaient des Tyrel après tout, c’était dans l’ordre des choses.

Joshua lança les yeux au ciel en écoutant sa soeur lui faire la morale comme sa mère aurait pu lui la faire quelques années auparavant, avant de reprendre quelques sucrerie. « Qu’est ce que tu peux être rabat-joite. » Sa relation avec sa soeur n’était clairement pas idyllique, mais avait au moins le mérite d’être hilarante dans sa connerie. Leurs chamailleries n’avaient presque aucune limite et plus c’était ridicule et immature, plus ils étaient imaginatifs. « Actuellement, c’est pas des bons points que j’aimerais. » Parfois, surtout en matière de filles, Joshua manquait cruellement de tact et le clin d’oeil qu’il lança à Sybella n’allait sûrement pas remonter le niveau. Heureusement, il se rattrapa légèrement avec une réplique bien moins obscène. « Non, mais ça aide. » Bien sûr, il ne pensait pas que les notes faisaient tout, mais c’était au moins ça d’avance sur les autres -un détail qui n’en était finalement pas un dans ce monde élitiste.

Sybella le contrariait un peu à jouer les féministe persuadé de comprendre les femmes mieux que n’importe quel homme. Malheureusement, l’irlandais avait de l’expérience et connaissait rarement d'échecs pour ainsi dire jamais. Ce fut donc avec un sourire malicieux qu’il se tourna vers sa soeur. « Ah oui ? On prend le pari ? Si je gagne, je t’invite au restaurant. » Le côté joueur d’un bon Tyrel ressortait chez le plus âgé, espérant que cela soit de même avec la plus petite. Il explosa d’ailleurs de rire quand elle exposa l’idée qu’il pourrait la ramener à la demeure familiale, un tableau qui serait certes hilarant, mais parfaitement improbable. « Parce que tu penses que je compte ramener ça ? Je comptais pas la revoir en sortant de cet avion si tu veux savoir. » Joshua passait sérieusement pour un goujat, mais ça le faisait plus rire qu’autre chose. « Alors, tu tiens le pari ? » Un sourire de vainqueur sur le visage, il tendit sa main à sa petite soeur.

« Ca s’appelle le savoir-vivre. » souligna l’ex-Serpentarde sans réagir aux plaintes de son voisin de siège et membre de la même famille qu’elle. Difficile de l’oublier en reconnaissant les mêmes yeux clairs, les mêmes petites boucles blondes d’angelot et l’air tout à fait précieux de Joshua qui suivait chacun de ses mouvements. Sybella avait beau ne pas vouloir le voir, ils étaient peu ou prou faits du même bois, que ça lui plaise ou non. Elle ne pouvait d’ailleurs pas nier qu’au départ, ils s’entendaient bien – Poudlard les avait séparés, Poudlard et son adolescence.

Les cruelles lacunes de l’entrepreneur en matière de délicatesse se firent vite ressentir et la jeune fille, excédée, lui jeta un regard franchement désapprobateur. Parfois elle se demandait s’il était vraiment le plus âgé d’entre eux. « Garde tes remarques salaces pour toi. » marmonna une Sybella consternée par le niveau de réflexion de son grand frère, définitivement trop obsédé par les jolies filles. Rien d’étonnant, quand on y réfléchissait un peu, à ce que lui et Justin Finch-Fletchley se soient si bien entendus et que ce dernier ait trouvé grâce aux yeux de son aîné qui l’avait embauché dans sa boutique. Ces deux-là partageaient une certaine forme d’idiotie dangereuse et ils en étaient apparemment satisfaits. Tant que la bêtise n’était pas contagieuse, Syb’ se contentait de les rabaisser tous deux jusqu’à avoir la paix – et avec l'ex-Poufsouffle l’exercice semblait plus pertinent qu’avec son fraternel. Le niveau de similitude était tel entre les deux spécimen que lorsque l’ancien Serdaigle paria qu’il pouvait potentiellement se mettre dans la poche cette fille commune et banale sur laquelle il avait précédemment louché, Sybella crut revoir le genre de schémas puérils qui avaient souvent lieu à la colocation. Les crises d’égo entre les garçons n’étaient pas rares, et apparemment elles se poursuivaient même passé la vingtaine. « Tu es affreux. » conclut-elle finalement sans remords. Son frère ne se formalisait plus de ses critiques depuis bien longtemps.

La blonde referma le magazine, poussant un profond soupir avant d’objecter un regard très sérieux à Joshua. « Je choisis le restaurant. Et si tu perds, tu me fiches la paix. » Voilà qui ressemblait beaucoup à un oui. L’esprit joueur de l’irlandaise avait répondu à l’appel du blondinet, la jeune fille y voyant également l’occasion de se débarrasser une fois pour toutes de son pot de colle de frère. Ses yeux firent l’aller-retour entre l’hôtesse de l’air devenue la pauvre cible de leur défi et son prédateur, un Joshua Tyrel visiblement déterminé à gagner. « Et crois-moi, tu vas perdre. » Un fin sourire hautain se dessina sur son visage. Josh aurait été bien mal renseigné de croire que Sybella ne comptait pas se permettre tous les coups possibles pour gagner.

Se recoiffant pour la énième fois, il regarda sa soeur en rigolant, se disant qu’elle était parfois vraiment trop coincée. Pourtant, d’après les journaux ce n’était qu’une façade et elle pouvait dire ce qu’elle voulait, avait bien plus de points communs avec lui qu’elle ne voulait bien l’admettre. « J’ai beaucoup de savoir vivre soeurette, tu devrais le savoir. » Un sourire malicieux en observant la jeune femme dans l’allée, cherchant le bon moment pour se lancer dans son grand show. Malheureusement, celle-ci était trop occupée avec une cliente qui parlait sécurité. Le genre d’obstacle agaçant. « Une blague salace ? C’est toi qui a les idées mal-placées. » Il lui ébouriffa les cheveux, faisant clairement l'innocent, ce qui commençait à faire sourire l’anglais qui se tenait juste à côté de la blonde. Il fallait croire que le grand Joshua ne laissait jamais les gens de marbre.

Sybella, sûre d’elle comme toujours, prenait le pari et le plus âgé ne pouvait s’empêcher de sourire. Quand l’irlandais lançait ce genre de pari, c’est qu’il était sûr de gagner, mais ça sa soeur l’ignorait, préférant le voir comme un idiot. « Ca marche, par contre tu fais erreur, je ne perds jamais. » Son sourire était presque diabolique, tandis que l’hôtesse repassa dans l’allée avec son chariot. Il attrapa discrètement un article avant de se lever. « Mademoiselle, vous avez fais tomber ça. » Il lui redonna le paquet, avant de lui sourire gentiment. « Ca à l’air lourd, je vais vous aidez. » En moins de temps qu’il en fallait pour dire quidditch, il était déjà rendu au bout du couloir à discuter à la jeune femme qui ne résista pas longtemps. Vingt minutes plus tard, il repassa dans l’allée et se pencha avec un sourire. « Ca sera donc un japonais pour la gentille petite soeur. » Sans même attendre de réponse, il se dirigea vers sa place et reprit la conversation avec Jane comme si de rien n’était.