Londres n’avait absolument rien à voir avec le Bronx, c’était une évidence. Même si depuis sa chambre, il  n’entendait que vaguement le bruit de la ville dehors, et cela lui faisait encore étrange, quand bien même il revenait de Chine. Il lui faudrait un petit temps d’adaptation, mais il ne s’en souciait pas trop. Ils avaient tout ici: l’appartement qu’ils s’étaient trouvé ici n’avait  rien à voir avec les endroits où ils avaient pu vivre  auparavant. Le loft était clairement plus luxueux - plus lumineux, plus spacieux, autrement dit, à des millions d’années lumière des appartements où Leslie et Shiloh avaient pu grandir. Ils pouvaient enfin dire qu’ils avaient vraiment un chez eux, et Leslie était dans l’optique dans profiter le plus possible avant qu’ils ne se décident de bouger à nouveau. Profiter pouvait avoir plusieurs sens pour l’aîné, selon la situation: enchaîner les verres, sortir dans les bars, dépenser l’argent de leur dernier braquage…  Bref, des tas de possibilités s’offraient à lui.

Mais pas immédiatement - Leslie n’était absolument pas du matin, ce n’était pas nouveau. Hors de question de mettre un pied hors du lit avant midi, car de toute manière, il n’était pas physiquement opérationnel avant ça. Et quand il avait enfin réussi à se réveiller, il lui fallait au moins deux cafés pour ne plus être dans le coltard. Le premier défi de sa journée, tout les jours depuis au moins une vingtaine d’années, c’était simplement de se lever. Même le réveil le plus violent le sortait difficilement de son sommeil profond.
Et ce jour là, malgré les rayons du soleil qui traversaient la fenêtre de sa chambre pour tomber directement sur son lit, Leslie émergeait seulement. Le réveil flambant neuf sur sa table de chevet affichait sobrement midi quarante cinq - et le brun referma immédiatement les yeux, avec un gémissement étouffé. Son lit était bien trop confortable pour qu’il en sorte: avec un petit effort, il se rendormirait… Il tira le drap sur le haut de sa tête, se retournant pour trouver une position plus confortable.

Shiloh ne devait pas être réveillé; autrement, Leslie l’aurait su. Son frère n’était pas particulièrement du genre discret, surtout le matin. Même si ce dernier avait la sale manie de le réveiller de la manière la moins agréable du monde et qu'il râlait un peu, au final, il s’agissait quand même de leur rituel presque quotidien depuis des années.

Mais Leslie préférait quand même tenter de se rendormir.

La lumière du soleil lui frappait le visage, l’obligeant ainsi à ouvrir les yeux à une heure qu’il trouvait encore bien matinale. Il fallait dire qu’ils avaient encore une fois veiller tard et surtout qu’il avait pris cette mauvaise manie de vivre en décalé avec le vrai monde. Son réveil annonçait déjà quatorze heure et demi, tandis qu’il décida enfin à se tirer du lit. Si Shiloh était du jour lève tard, mais ne traînait jamais très longtemps dans le lit une fois tiré des bras de Morphée. Ni une, ni deux, il traversait déjà l’appartement pour attraper son yoplait à la fraise du frigo, tout en constatant qu’il était comme toujours le premier levé. Chaque matin, ou plutôt après-midi, il se posa à la fenêtre avec sa bouteille et son paquet de clope pour s’offrir un petit moment de calme tout en regardant la ville. Après avoir passé des mois en Chine, il devait avouer trouver un certain charme à la capitale anglaise, bien plus petite et finalement bien moins démesurée. D’une certaine manière, il se sentait plus chez lui, même s’il n’avait jamais reposé le pied sur le sol européen depuis leur déménagement vers le Bronx.

Une fois sa cigarette terminée, il rangea son yoplait avant d’enfiler son bas de jogging et de se diriger vers la chambre de son frère à petits pas de chat. Le reveiller était un peu son petit rituel pour commencer une bonne journée, surtout quand il le savait fatigué. Une fois sur le perron de la chambre, il s'élança à toute vitesse sur le lit pour lui sauter dessus. « DEBOUT LES DORMEURS ! » Un rire gras tandis qu’il s’ecrasait de tout son poid sur la masse ensevelie sous l’épaisse couette. « Leslie, tu savais que le sommeil est un état naturel récurrent de perte de conscience, mais sans perte de la réception sensitive du monde extérieur, accompagnée d'une diminution progressive du tonus musculaire, survenant à intervalles réguliers et dont le rôle est encore mal connu. L'alternance veille-sommeil correspond à l'un des cycles fondamentaux chez les animaux : le rythme circadien. Chez l'être humain, le sommeil occupe près d'un tiers de la vie en moyenne. Le sommeil se distingue de l'inconscience ou du coma par la préservation des réflexes et par la capacité de la personne endormie à ouvrir les yeux et à réagir à la parole et au toucher. Il existe une organisation du sommeil et de ses trois états. Il est question de cycle circadien pour l'alternance entre la veille et le sommeil. Il est question de cycle ultradien pour l'alternance entre le sommeil lent et le sommeil paradoxal. » Souler son frère dès le matin était devenu une religion pour lui, si bien qu’il s’était mis à apprendre par coeur des définitions du merveilleux Wikipédia.