Elle poussa la porte du salon de coiffure avec un sourire sympathique et un bronzage parfaitement travaillé pendant ses deux moins de vacances. Olympe avait passé deux semaines chez sa mère en Afrique, avant de partir trois semaines avec son frère à Monaco. Des vacances en famille plutôt ressourçante qui lui permettront de débuter la nouvelle année avec force et courage. La dernière année n’avait définitivement pas été sa meilleure année et elle appréhendait légèrement la suite. Hormis son frère, Charlotte et William, elle n’avait personne avec qui sortir ou boire un verre, ce qui était une honte pour une personne comme elle. Sybella lui avait tourné le dos et elle avait vécu la pire humiliation de sa vie avec Elias, ce qui était un peu trop pour elle. Néanmoins, Olympe était une battante et n’allait pas se laisser abattre si facilement, si bien que cette année sera son année. Et pour bien commencer l’année, il lui fallait absolument une nouvelle coupe de cheveux. Et pour sa belle chevelure sombre, il fallait forcément le meilleur coiffeur de la ville. « Bonjour ! Ca fait longtemps, il faut absolument que tu rattrapes ça. » Un sourire en direction de son coiffeur habituel, qui s’empressa de la serrer dans ses bras toujours trop enthousiaste. En réalité, ses cheveux n’étaient absolument pas abimé, mais quand on s'appelle Olympe Shafiq on voulait toujours la perfection.

En quelques minutes, on l’installa dans un des fauteuils massants pour faire les shampoings, tandis qu’elle hésitait à coupé peut-être un peu plus que d’habitude. Seulement, c’était trop de changement d’un coup, si bien qu’elle décida de juste se couper les pointes et rafraîchir un peu sa coupe. On l’installa ensuite sur un fauteuil devant un miroir avec un bon café. « Du coup, comme d’habitude Louis, ça sera parfait. » Un sourire sympathique avant de se laisser faire, tout en regardant dans le miroir comme pour vérifier. Alors qu’elle entamait son café noisette, elle remarqua alors la personne qui se trouvait juste à côté d’elle, ce qui ne la réjouissait pas vraiment. « Salut Sybella, enfin si tu n’as pas aussi menti sur ton prénom. » Un sourire moqueur, avant de prendre un air de princesse, comme si cela ne l’avait absolument pas blessé. Règlement de compte chez le coiffeur.

Au beau milieu des après-shampooings et des rouleaux à friser, Sybella se sentait dans son élément. On était aux petits soins pour elle, tout était fait pour que sa journée se passe bien et c’était l’essentiel. Se rendre chez le coiffeur faisait partie de ces plaisirs que la blonde affectionnait particulièrement, parce qu’on y avait la sensation d’être parfaitement privilégiée et que ça, la jeune irlandaise ne le retrouvait plus vraiment autant qu’avant. A l’époque où Poudlard était encore une cour d’école où elle avait droit à l’admiration de nombre de ses pairs, la sang-mêlée n’avait pas besoin de ces moments où elle se sentait chouchoutée, au cœur de l’attention. Maintenant, elle chérissait ce type d’escapades.

Toutes les deux semaines – et ce même si son salaire ne permettait aucunement une telle fréquence et qu’il y avait des choses bien plus urgentes que ça pour reprendre les dires de Dean -, elle prenait rendez-vous avec Louis, qui était un des rares à avoir l’autorisation et les aptitudes pour toucher à sa chevelure. Plus précieuse que Sybella, il n’y avait pas, mais l’entretien de sa crinière était une chose qu’elle ne pouvait se permettre de prendre à la légère. C’était une partie de son apparence, une partie d’elle. Installée sur un des fauteuils, l’apprentie journaliste feuilletait un de ces magazines où les modèles posaient et paradaient, affublées de coiffures souvent vertigineuses, parfois grotesques. Lorsque l’employé s’avança vers elle pour recevoir l’ordre du jour, il fut aussi concis qu’à l’accoutumée, Sybella levant à peine le menton de sa lecture. « Comme d’habitude, coupez les pointes. Pas de lissage cette fois-ci. » Elle lui faisait confiance, il ne se trompait jamais.

Quelques minutes plus tard, alors qu’elle levait enfin le nez des photographies du magazine, le reflet du miroir voisin vint cueillir son attention. Dans le miroir, le visage aux traits aussi fins qu’emplis de mépris d’Olympe la scrutait. Un froid glacé vint lui chatouiller la colonne vertébrale alors que ses méninges avaient l’impression de brutalement surchauffer : le sentiment typique de celle qui a été prise la main dans le sac. « Salut. » répondit la blonde un peu vaguement, perturbée. Impossible de ne pas percevoir la colère sous-jacente de son ancienne camarade : elle lui avait menti et l’apprendre ne lui avait donc pas plu, pas plus qu’à Seamus – bien que sa colère à lui dépassait largement celle de la jeune Shafiq. « Très spirituel. Tu comptes aussi faire une scène ici ? » commenta sobrement Sybella. D’accord, elle était peut-être en tort. Mais de là à jouer les offusquées …

Après tout, elles ne s’étaient pas revues depuis des lustres. Et quand elles étaient encore amies, les deux jeunes filles s’étaient connues dans des temps où elles étaient deux pestes qui ne toléraient rien ni personne dans leur propre monde. Beaucoup de choses avaient changé, autant pour l’irlandaise que pour sa voisine de siège. Si elle voulait se vexer et l’accuser de tout pour un rien, très bien, mais Syb’ avait encore trop de fierté pour accepter de baisser l’échine devant mademoiselle Bellamy. Elle referma le magazine et tourna la tête vers la brune, jugeant ridicule de se parler par le biais de miroirs. « Olympe tu ne peux pas me blâmer pour ça. La dernière fois qu’on s’est vues, on avait à peine quatorze ans et tu détestais Finnegan. Tu le détestes toujours, d'ailleurs. » Piètre début d’excuses, sans doute, mais ça n’en était pas pour le moment.

Sans surprise, la blonde n’était pas aux anges de la croiser dans un lieu pareil et Olympe hésita un instant à demander un autre siège. Vu son compte en banque, personne ne lui refusait jamais rien, sans parler que le client était toujours roi. Seulement, il était temps de crever un peu l'abcès et mettre au claire cette histoire stupide d'adolescentes. « Moi faire un scandale ? Je ne suis pas Oliver. » Encore un pique en direction de cette presque demi-soeur, histoire de rappeler en son fort intérieur que ça ne sera jamais le cas et aussi de montrer qu’elle connaissait un peu des gens ici. Cela faisait déjà un petit moment qu’elle était sur le continent et étrangement, elle n’avait pas évolué d’un poil. Seule, elle sortait seulement de temps en temps avec Charlotte ou son frère, sans jamais se faire d’amis -sauf Rose avec qui elle avait rapidement sympathisé.


Les arguments de la blonde ne plaisaient pas le moins du monde à Olympe qui leva les yeux au ciel de la manière la moins discrète du monde dans un long soupire. « Et alors ? Moi je n’aurais pas mentis sur un truc aussi stupide. Je le déteste, mais si c’est ton ami tu aurais dû me le dire. Je sais pas, on était amie avant. » La brune ne comprenait pas vraiment les motivations de son ancienne amie à mentir, étant donné que si c’était vraiment son meilleur ami, elle aurait dû le défendre. Olympe avait sûrement des millions de défauts, mais elle avait au moins le mérite d’être loyale. « Comme me dire que sort avec Stomby, c’est stupide. » Quand elle avait appris que ce n’était pas le cas, elle se sentait un peu conne étant donné que l’irlandaise avait joué une fausse comédie devant ses yeux et qu’elle s’était laissé berner pas ça -pire, elle avait été contente pour son amie, alors que ce n’était que des balivernes. Les yeux dans les yeux, la brune lui adressa un sourire faux avant de prendre d’une voix très calme. « Tu sais quoi, au fond je t’en veux même pas, c’est juste triste que tu sois là. Tu es Sybella Tyrel et tu mens pour pas qu’on te juge ? Tu as bien changé. » Si elle n’était plus capable d’assumer ses choix, c’était qu’elle avait dû tomber bien bas et au fond ça faisait un peu de peine à Olympe qui se souvenait sans difficulté de l’ancien temps où elles étaient inséparables.

Le ton allait très vite monter, cela se sentait dans la nervosité qui régnait entre les deux demoiselles. « Je t’annonçais ça quand ? Avant ou après ma colocation avec Thomas, Finch-Fletchley et Finnigan, trois des garçons dont je me suis le plus payée la tête pendant Poudlard ? Ou peut-être juste derrière le fait que Galaad a balancé à toute l’école qu’on avait couché ensemble devant mon ancienne meilleure amie. Qui, au passage, ne l’est plus, mais ça j’imagine que t’en doutais. » Oui, parce que s’il y avait pléthore de visages familiers pour la brune qui faisaient partie de l’existence de Sybella, la Mangemorte, elle, s’était évaporée. Tout bonnement volatilisée dans le paysage anglais, ce qui ne devait pas être quelque chose qui chagrinerait la jeune Shafiq : elle n’avait jamais apprécié l’ancienne comparse de Sybella, déplorant des détails qui à l’époque pour l’irlandaise, ne semblaient pas être des défauts majeurs.

De toute façon tout était différent, maintenant. De l’eau avait coulé sous les ponts, les beaux jours de Poudlard où elle jouait à être la reine des abeilles n’étaient plus que des vieilles réminiscences poussiéreuses. Tout ce qui restait, c’était elle, le froid avec sa mère, des anciens camarades de maison qui faisaient mine de ne pas du tout la reconnaître quand ils la croisaient et ses anciens ennemis en guise de nouvelle famille dans un appartement cinq fois trop petit.

Alors quand la jeune fille à ses côtés lui fit remarquer qu’elle n’était pas celle qu’elle imaginait, le sang de la blonde ne fit qu’un tour. Seamus aurait pu être fier d’elle et admirer avec quelle franchise la jeune journaliste démarra au quart de tour. « J’ai changé ? » Les mots se répétèrent, incrédules. Sybella éclata d’un rire désabusé avant de tourner la tête vers sa voisine, obligeant la femme qui s’occupait d’elle à s’adapter. « Olympe, j’ai toujours été comme ça à Poudlard. Et excuse-moi mais tu as quitté le Royaume-Uni quand on avait quatorze ans ; tu t’attendais à ce que je sois devenue Mère Teresa à ton retour complètement imprévu ? » Non. Il aurait été stupide de penser cela. On pouvait conserver une image positive de ses proches mais ne jamais espérer qu’elle perdure, intacte, dans le temps. « Eh bien non. Il y a des trucs qui se passent, des choses qui arrivent et qui ne sont pas forcément plaisantes. On fait avec, et c’est comme ça. » Sybella n’avait absolument pas envie de rentrer dans les détails de la phase par laquelle elle était passée où sa vie n’était qu’une succession d’échecs – professionnel, amoureux, amical. Elle n’était pas du genre à s’apitoyer et surtout, elle n’avait pas envie d’en parler à Olympe en public de cette façon. « Si ça ne te plaît pas tu n’es pas obligée de rester à jouer les amies sur le retour. Je commence à avoir l’habitude de décevoir les gens, alors une de plus ou une de moins, tu sais quoi, peu importe. » Sa voix était sèche et âpre quand elle lâcha cette phrase, persuadée que cela suffirait à chasser la jeune femme qui avait été son amie. Elle ne lui reprocherait pas son attitude : bien des gens l’avaient eu à la fin de sa septième année. Sybella était d’ailleurs plutôt fatiguée d’avoir à se plier aux attentes de personnes dont elle n’avait pas eu de nouvelles pendant des années et qui revenaient dans sa vie du jour au lendemain.

Tout comme la blonde, elle soutenait le regard sans faillir comme pour retrouver la Sybella qu’elle avait laissé en partant. Au final, elle n’était pas certaine de savoir ce qu’elle cherchait, parce que cette époque était désormais lointaine et elle se sentait un peu conne de croire qu’elle avait encore sa place dans la vie de cette dernière. En écoutant le récit de la jeune fille, elle se sentait un peu désolée pour elle, mais trouvait ça assez injuste de s’en prendre plein la gueule alors qu’elle n’y était pour rien. « Gaya était une conne fallait s’en douter. » Jouer les “je te l’avais bien dis” était une spécialité de la brune, qui avait toujours adoré critiquer la cette personne qu’elle avait toujours considéré comme sans intérêt. Cela dit, elle était quand même agacé de savoir que cette dernière avait porté préjudice à l’irlandaise. Sybella semblait pas très heureuse et la brune le voyait bien. « Et oui, tu aurais pu me le dire, parce que j’aurai été dans ton camp parce que tous ses gens là je les connais pas. » Olympe avait certes des milliers de défauts, mais elle avait au moins le mérite d’être loyale même sans l’avoir vu depuis si longtemps.


Objectivement, elle ne comprenait pas pourquoi c’était si honteux de dire qu’elle avait fini par changer d’avis sur les gens qu’elle détestait avant. Après tout, ce n’était pas pire que de trainer avec une fille comme Gaya. « Je suis assez intelligente pour savoir que les gens changent et que par conséquent tu as très bien pu changer d’amis avec le temps. Puis franchement Finnigan contre l’autre blondasse, je préfère autant l’irlandais. » Sa voix était un peu désinvolte, alors que le coiffeur arriva derrière elle pour commencer sa petite coupe, en s’assurant de ne pas être mêlé à la conversation qui semblait pleine d'amertume. « Non, je m’attendais juste à pouvoir boire un verre en compagnie de quelqu’un. » La brune trouvait vraiment la situation injuste, parce qu’elle avait fais l’effort de traverser le pays en train pour la voir en espérant pouvoir renouer contact et c’était comme si elle n’était personne.


Depuis son retour en Angleterre, c’était un peu l’impression qu’elle avait en permanence. Sa solitude commençait à devenir de plus en plus difficile à supporter et elle avait espérer qu’avec une vieille connaissance ça serait plus simple. « Parce que ça me faisait plaisir de parler à quelqu’un d’autre que mon frère. » A part son frère, personne ne faisait réellement l’effort de la voir et de lui proposer de sortir, si bien qu’elle commençait réellement à se dire qu’elle aurait mieux fait de ne pas revenir au pays. Rien que d’en parler, elle se sentait un peu triste, si bien qu’elle détourna le regard comme pour cacher son malaise. « Mais bon, tu n’es pas la première a refusé d’être mon amie depuis que je suis de retour, je suppose que je vais devoir m’y habituer. » Elle se souvenait parfaitement de la fois où Elias, qu’elle avait invité chez elle l’avait ignoré comme personne ne l’avait jamais fais, la blessant bien plus que personne d’autre ne l’avait fais. Ca plus ca, la jeune anglaise commençait réellement à broyer du noir et visiblement les choses n’allaient pas en s’améliorant.