Les mains dans les poches, la brune shootait dans ce caillou qu’elle promenait avec elle depuis le début. La contrariété l’empêchait d’être totalement détendue mais Eve n’était pas en position de repousser l’inévitable, pas plus qu’elle ne pouvait blâmer personne d’autre qu’elle : ce soir, elle se l’était promis, elle réglerait définitivement les problèmes de son frère. Quitte à ce que cela lui coûte.

Elle finit par s’arrêter pour lever le nez devant leur point de rendez-vous, l’enseigne lumineuse d’un des vendeur de fast-food qu’ils fréquentaient le plus souvent quand ils ne savaient pas où ni quoi manger. Ses yeux traversèrent la vitre pour observer sans aucune gêne les quelques personnes encore attablées occupées à se gaver de frites dans l’insouciance la plus parfaite. Ces gens-là en avaient de la chance, songea bêtement l’italienne, ou peut-être que non. Peut-être qu’ils étaient dans une merde égale à la sienne ou pire encore. La jeune femme avait du mal à imaginer une situation plus inconfortable que celle qu’elle s’apprêtait à affronter – demander de l’aide à la personne qu’elle aimait sans doute le plus en ce monde, c’était pire que de se mettre à nu devant une foule entière d’inconnus.

Elle jeta un œil à son portable, l’écran lui indiquant un vingt-deux heures huit étincelant, et le fourra dans sa poche en étouffant un soupir. Eve n’aimait pas sentir que le temps se réduisait entre cet instant et celui où elle allait devoir jeter sa fierté aux pieds de son petit ami. Mais après tout, ce n’était pas comme si elle avait totalement le choix. Depuis qu’elle avait appris les soucis d’argent monstrueux qui guettaient son grand frère, la jeune Bannerman n’avait pas pu faire autrement que de porter secours à celui-ci. Mais les temps étaient durs pour deux faux-orphelins comme eux. Si elle avait refusé en bloc d’avertir leurs parents et pire encore, de leur demander de l’aide en bonne et due forme, elle n’avait pas non plus trouvé de moyen légal de rembourser les cinquante mille livres sterling qu’ils devaient à ces salopards de créanciers véreux et dealeurs du dimanche. Les options moins licites n’étaient pas encore envisagées, pour la simple et bonne raison que si Eve pouvait éviter au maximum tout ennui supplémentaire à son aîné, elle le faisait sans hésiter.

C’était ce qui l’avait honteusement poussée à penser à Léopold. Il avait été son meilleur ami pendant des années. Il était fortuné, et surtout il était le plus à même de comprendre que sa demande était compliquée mais qu’elle avait ses raisons. Et si elle ne pouvait pas demander une chose pareille à son petit ami, à qui d’autre le ferait-elle ?

La jeune femme tourna sur elle-même, cherchant dans son champ de vision Léopold Worsley. Elle savait d’avance qu’il remarquerait l’étrange moue sur son visage – elle ne cherchait plus à lui cacher quoi que ce soit.

En retard. Comme toujours il l’était, même s’il avait minutieusement essayer de ne pas l’être, histoire de faire un effort pour Eve. Malheureusement, il fallait croire que cela était impossible pour lui, malgré tous les efforts du monde et il fallait mieux se faire une raison. Sans surprise, l’italienne se trouvait déjà au point de rendez-vous et ne semblait pas encore l’avoir vu, si bien qu’il arriva discrètement par derrière pour la prendre dans ses bras et l’embrasser rapidement. « Hey ! Désolé du retard. » En temps normal, il ne se serait pas excusé, mais avec elle s’était un peu différent. Cela faisait déjà quelques temps qu’ils sortaient ensemble, bien que leurs rapports n’avaient pas encore été plus intime. En effet, il y avait une différence entre sortir et coucher avec Eve, après tout ils se connaissaient depuis si longtemps qu’il avait bien besoin d’un peu de temps pour s’habituer à leurs nouveaux sentiments.

Alors qu’il la libéra de son emprise, ses yeux se posèrent sur le visage de sa petite amie. Il ne lui fallut que quelques secondes pour remarquer que quelque chose n’allait pas. Léopold connaissait cette moue inquiète et étrangement, elle n'annonçait jamais rien de bon. La dernière fois qu’il l’avait vu sur le visage de Eve, elle avait été expulsée de Poudlard, ce qui avait été pour lui plus qu’un coup dur. « Ca va pas ? » Il lui attrapa la main pour s’asseoir sur un muret un peu plus loin, ne la quittant pas des yeux, presque inquiet. L’ancien gryffondor refusait de la perdre encore une fois et n’accepterait pas que quelqu’un lui fasse encore du mal. Elle méritait une vie tranquille et c’était son rôle de le lui garantir.

Léopold surgit dans son dos, l’attrapant pour l’embrasser et s’excuser de son retard. Elle répondit à son baiser non sans manquer un peu d’enthousiasme. « C’est rien. » lui répondit-elle simplement, lui offrant un sourire qui n’était pas des plus convaincants. Il n’avait fallu qu’une minute pour que Worsley détecte que quelque chose n’allait pas, ce qui en disait long sur le travail qu’elle avait à faire pour ne pas être comme un livre ouvert pour lui.

Eve se laissa guider par Léopold, incapable de rester assise et calme pendant plus de dix secondes. Elle fit pourtant l’effort de s’asseoir à ses côtés sur le muret tout en répondant à ses interrogations. « On a connu pire. » On connaissait toujours pire, après tout, relativisait la jeune italienne. Elle avait pris de sacrées gifles dans la figure en vingt ans d’existence, celle-ci n’en était qu’une de plus. A quoi pouvait-elle s’attendre d’autre de la vie en général ? Elle lui avait bien fait comprendre dès le départ qu’il n’y aurait pas beaucoup de cadeaux de sa part. Les seuls qu’elle avait daignés lui accorder lui étaient infiniment précieux, trop pour qu’elle ose les mettre en péril – pourtant c’était ce qu’elle avait l’intention de faire avec Léopold. « Et toi ça va ? » lui demanda t-elle, tentative inaboutie de changer de sujet.

Sa main serra un peu la sienne avant de finalement la lâcher. Eve se rongea un peu l’ongle du pouce avant de regarder alternativement ses pieds, le trottoir face à elle puis finalement le visage de Léo. « Ecoute … J’ai un service à te demander. » Ces mots coûtaient cher à la jeune femme et il était le mieux placé pour le deviner. « C’est personnel. Il faut que ça reste entre nous, ok ? » La brune n’avait aucune crainte quant au respect que le jeune homme avait toujours eu pour elle et pour son intimité. Néanmoins elle avait besoin de le lui demander une nouvelle fois, pour insister, pour être certaine qu’elle pouvait totalement et entièrement lui faire confiance.

« J’ai … Mon frère a un problème. » lâcha t-elle finalement de but en blanc. C’était un début. Pas sûr qu’il convienne totalement à son petit ami – elle voulait néanmoins être honnête avec lui, parce qu’elle lui devait au moins ça et qu’elle pensait que cette franchise jouerait en sa faveur.

Au visage de sa copine, Léopold savait très bien que ça n’allait pas. Il la connaissait depuis maintenant pas mal d’année et il la connaissait sûrement mieux que personne. Sur le banc, à l’écart de la foule, ils pouvaient discuté calmement et c’était son rôle de veiller pour son bien. Léopold ne supporterait pas l’idée que quelque chose pourrait lui nuire et pas seulement parce qu’ils sortaient ensemble. Le lien qui le liait était bien plus fort que ça, au delà de tout. Elle ne pouvait pas lui mentir, comme il en serait incapable aussi. « Oui, oui, ça va, mais raconte moi tout. » Il aura tout le temps de lui raconter sa vie, mais l’important était de savoir ce qui pouvait ainsi effacer son sourire. Le jeune homme passa son bras autour d’elle pour la serrer un peu contre lui, geste qui voulait le plus réconfortant possible. Eve insista pour que cela reste entre eux, ce qui de manière générale n’annonçait rien de bon. « Bien sûr, y a pas de soucis. C’est grave ? » L’anglais se doutait déjà de la réponse et laissa la jeune femme parler, tout en lui caressant un peu le bras avec le pouce.

Alors qu’il se faisait beaucoup de soucis pour la jeune femme, le sujet de son frère arriva sur la table et d’une certaine manière cela soulagea Léopold. Roméo avait toujours eu des problèmes et on ne comptait plus le nombre de fois où il avait terminé à l'hôpital. L’anglais n’aimait pas l’écossais, pas parce que c’était un déchet, mais parce qu’il faisait souffrir sa soeur. Eve méritait un frère responsable pour la protéger, pas quelqu’un qui lui faisait des promesses sans jamais les tenir. Parfois, il était un peu dur avec le plus vieux dans les mots, mais c’était simplement parce que ça l’agaçait de voir la jeune femme se faire du soucis pour lui. « Ton frère ? Il a quoi encore ? » La tête de Léopold ne laissait rien paraître, attendant la suite avec scepticisme.

L’inquiétude dont faisait preuve le jeune homme touchait autant Eve qu’elle le mettait mal à l’aise. Elle n’aimait pas être responsable de l’anxiété qui se reflétait dans la voix et l’attitude de Léo, au point qu’elle regrettait quasiment de lui avoir donné rendez-vous pour un tel motif. « Il a … Tu sais quoi, c’est pas important ce qu’il a fait. » Voix tremblante et moue renfrognée : Eve n’était plus sûre de vouloir confier son problème à Léopold maintenant qu’elle n’avait plus d’autre choix que de le faire. Elle avait peur, terriblement peur de ce qu’il lui dirait dès lors qu’il saurait tout des tenants et aboutissants pécuniaires des enfants Bannerman. Peur de son refus, peur de son jugement. Et à en deviner l’expression sur le visage de son petit ami, les craintes de la brune se confirmaient seconde après seconde. L’ex-rouge et or n’avait jamais conservé une estime très haute de Romy, quand bien même il s’agissait de son aîné – et c’était quelque part là le cœur du problème. Pour l’anglais, la jeune fille subissait davantage l’existence de son grand frère qu’elle n’en profitait, et ce à cause de son irresponsabilité fluctuante. « Le truc c’est qu’il doit un paquet de fric à des mecs. Et s’il ne les rembourse pas très vite, il sera encore plus dans la merde, tu vois le genre ? » Eve aurait voulu s’empêcher de se ronger les ongles et les sangs pour quelqu’un comme Roméo, qui se fichait éperdument de sa propre vie, presque comme si elle ne lui appartenait pas. Mais ça n’était pas son genre.

« Je pensais que tu pourrais me prêter la somme qu’il faut. Je te rembourserai, je te le promets. Je te demande pas ça parce que c’est toi mais t’es le seul à qui je peux en parler. » Eve n’avait jamais été expansive sur ses travers personnels et Léopold était le mieux placé pour confirmer ce détail sur la personnalité de son amie. Il était, pour ainsi dire, le seul à en connaître autant sur elle et il y avait une bonne centaine de raisons qui justifiaient toute la confiance qu’elle avait placé en lui. D’une certaine manière, Léopold était

Tourner autour du pot ne servait plus à rien. Elle en avait trop dit, autant en finir le plus vite possible. Le jeune Worsley allait finir par perdre définitivement patience. « Il me faudrait cinquante mille livres. » La somme faisait encore plus mal à annoncer, surtout à haute voix. Ses yeux avaient fui ceux du brigadier, peu désireuse d’y capter une étincelle qu’elle savait pourtant imminente.

Si quelqu’un refuse de dire quelque chose, c’est sûrement pas parce que c’est un détail, après tout si ce n’était rien comme elle le prétendait, elle le dirait sans difficulté. Pourtant, elle ne l’avait pas fais et pour le brigadier qu’il était c’était aussi inquiétant que révélateur. Dans son boulot, il aurait insisté sur ce silence, seulement avec l’écossaise c’était différent, parce qu’il n’avait pas envie de la brusquer, parce qu’il voulait la protéger quoi qu’il arrive. Dès lors, il la laissa parler en continuant de lui caresser doucement le bras, l’incitant à continuer pour mieux l’aider. Léopold fera toujours tout dans l'intérêt de la jeune femme, c’était d’ailleurs ce qui inquiétait ses parents qui n’avaient jamais vraiment apprécié leur relation. Seulement, il s’en fichait éperdument, du moment qu’elle allait bien aussi bien physiquement que émotionnellement et même si l’idée lui déplaisait, cela était aussi lié à Roméo Bannerman. « C’est qui ces mecs ? » Pas né de la dernière pluie, il mettrait sa main à coupé que les hommes à qui l'aîné devait de l’argent étaient affiliés à un réseau de drogue, ce qui lui déplaisait fortement.

Savoir que Eve devait supporter la dépendance de son frère était déjà assez énervant, mais savoir qu’elle pourrait avoir des problèmes avec des gens dangereux à cause de la dépendance de son frère le faisait rager intérieurement. Tentant de rester le plus calme possible, il se contenta simplement de serrer la mâchoire. Malheureusement, la suite était insupportable pour lui, si bien que son visage se referma presque automatiquement. Léopold ne semblait en aucun sympathique et avait réellement envie de coller une droite à Roméo et d’enfermer tous ses débiles. Autrement dit, hors de question qui ne leur donne un seul centime. Alors qu’il allait répondre sans aucune hésitation, elle rajouta la somme ce qui le fit légèrement bloqué avant d’avoir un rire un peu nerveux. « Cinquante mille ? Tu te fiches de moi ? Ton frère est un vrai déchet pour devoir autant ! » L’anglais semblait abasourdie parce qu’il venait d’entendre et bien qu’il resta collé à elle. « Il est hors de question que je donne un centime à des types comme ça, surtout pour ton frère qui était censé arrêté de consommer il y a au moins un milliard de fois ! »

Il se gratta légèrement le front, comme s’il peinait à réaliser la situation avant de regarder Eve dans les yeux. « Je comprends pas pourquoi tu l’aides encore. Je veux dire, il te tire vers le bas et te fous littéralement dans la merde ! Tu vivrais bien mieux sans lui. » L’anglais ne se rendait pas compte de ce qu’il était en train de dire, d’ailleurs il choisissait très mal ses mots. Ce n’était pas un refus de l’aider, mais simplement un refus catégorique de céder à ce chantage de bas étages. Sans Roméo, tout cela ne serait jamais arrivé.

« J’sais pas, j’ai pas pensé à demander leurs cartes d’identité. » L’ironie qui avait teinté ses paroles n’était sans doute pas la bienvenue mais Eve commençait à perdre patience, de plus en plus agacée par la suspicion croissante de son ami et surtout par la tournure digne d’un interrogatoire que prenait leur conversation.

Il était resté à ses côtés, mais ses mots avaient le don de l’énerver. Elle s’y était préparée, Eve n’avait pas à jouer les offusquées parce que son petit ami lui refusait une somme aussi astronomique. Quelque part, elle s’y était préparée, et pourtant un pincement au cœur l’avait fait tiquer à l’entente de son non définitif et curieusement très arrêté. « J’aurais jamais rien du te demander. Laisse tomber, oublie. » souffla la brune qui s’écarta de son petit ami avant de se recevoir une gifle mentale face à ses mots pour le moins pas mâchés sur Romeo.

La née-moldue n’était pas ignorante de la rancœur qu’éprouvait son meilleur ami envers l’aîné Bannerman. Pour lui il était un irresponsable et surtout, il faisait du tort à sa petite sœur, et si jusque là Eve avait toujours fait l’impasse sur leur incompatibilité de caractère et de façon de penser, certains termes allaient au-delà de sa limite de tolérance – et surtout, de ce qu’elle pouvait endurer pour son grand frère. « Sérieusement ? Tu viens vraiment de dire ça ? » Elle se retourna pour dévisager Léopold comme si elle se retrouvait face à un parfait inconnu. Sa voix éclata, se moquant bien d’attirer les éventuels regards de passants. « Putain mais c’est tellement facile pour toi ! T’es un bourge qui a toujours tout eu parce que papa était bien là pour tout surveiller ! Forcément, toi, tu te foires jamais hein ! » C’était sorti tout seul, et peut-être qu’elle s’en mordrait les doigts. Peut-être qu’elle regretterait ses paroles faciles et ses accusations. Mais Eve n’avait jamais supporté qu’on critique les siens, même en tort, et là le brigadier avait franchi la ligne.

Elle s’avança de nouveau vers lui pour lui asséner un regard furieux. « C’est mon frère. Ma famille. martela t-elle avec une force épouvantable. Et tu sais quoi ? J’en ai rien à foutre que tu penses qu’il me tire vers le bas. Je le laisserai pas crever dans sa merde. » Ses yeux brillaient étrangement – le sentiment soudain d’avoir été piquée dans son orgueil au plus profond, ou la déception d’avoir cru que Léopold pouvait véritablement la comprendre. Elle avait merdé. Tout à coup, les choses n’avaient plus la même saveur, elles n’en valaient plus la chandelle. La seule pensée qui lui traversait l’esprit, c’était celle de s’éloigner de lui – pour ne pas envenimer davantage la situation, pour ne pas avoir envie de lui hurler davantage de choses à la figure. « J’vais rentrer. J’ai des trucs à faire. » tenta t-elle de clore d’une voix sourde, infiniment persuadée que Léo n’allait pas laisser ce début de dispute s’arrêter aussi gentiment. Ni l’un ni l’autre n’étaient connus pour leur tempérance après tout.

Le problème de Roméo c’était qu’il s’enfonçait toujours plus profond, tirant avec lui ses amis, mais surtout sa pauvre soeur, ce qui avait le don d’agacer fortement l’anglais. Pour lui, elle était bien trop bien pour cet imbécile de toxico et avait parfaitement le droit de vivre comme toute les filles de son âge. Borné, Léopold insista en la regardant droit dans les yeux. « Oui, tu as très bien entendu, il te tire vers le bas. » Il l’aimait tellement et avait tellement d’estime pour elle, qu’il n’arrivait même pas comprendre le comportement de son frère vis à vis d’elle. Comment pouvait on promettre des millions de chose à une fille aussi géniale sans vraiment le faire ? Pour lui, Roméo n’était qu’un déchet, un parasite qui empêchait sa soeur de briller. Bien sûr, il ignorait beaucoup de chose sur les Bannerman, mais n’avait jamais vraiment fouillé, par respect pour Eve qui était sa plus grande amie et désormais copine.

Le jeune brigadier avait parfaitement conscience d’avoir poussé un peu loin ses paroles et s’il l’avait blessé, il n’était pas le seul. L’écossaise venait ni plus, ni moins de toucher un point sensible qui décida un air agacé sur le visage d’habitude si sympathique du jeune homme. « C’est ce que tu penses ? Alors pourquoi tu sors avec moi ? » Lui qui avait toujours dénigré les riches, qui avait toujours tout fait avec elle, venait de se prendre une belle claque dans la gueule. Son sourire avait définitivement disparu et l’air menaçant de sa copine ne lui plaisait pas du tout. Elle l’accusait de chose qu’il n’avait pas dit et cela le mettait hors de lui, bien qu’il se canalisait le mieux possible. « Arrête, me fait pas dire ce que j’ai pas dis ! Je t’ai pas dis de le laisser crever Eve, seulement que je donnerais pas d’argent à un réseau de drogue ! J’ai un honneur et tu le sais très bien. » Le code d’honneur de Léopold était très important pour lui et si ne jamais abandonner sa famille en faisait parti, c’était aussi le cas de ne jamais céder face à des voyous. Sa copine l’avait laché et c’était pour lui le signal que quelque chose venait de se briser un truc, ce qui lui fit soudainement réaliser ce qu’il pouvait perdre. « Fais pas la gamine, reviens. » Il la regarda, espérant qu’elle allait revenir vers lui.

Qu’est-ce qui lui prenait de tout à coup poser des questions pareilles ? Pourquoi faisait-il semblant de découvrir qui elle était ? Elle avait toujours été cette fille-là. Cette tête de mule franche et impulsive, ce garçon manqué qui se moquait complètement des statuts sociaux et des réputations. Elle n’avait jamais eu à cœur de savoir que la famille Worsley était un excellent parti, pas plus qu’elle n’avait la moindre considération pour son compte en banque. Et voilà qu’il se mettait à jouer les crétins qui s’interrogeaient sur ses vraies raisons d’être devenue sa petite amie. L’imbécile. Elle avait presque envie de le gifler, mais les mots restaient une meilleure arme. Elle ricana, froidement. « Oh j’sais pas, parce que j’suis qu’une grosse pouffe vénale qui s’intéresse qu’à tes voitures bien sûr ! » Voilà, si c’était la réponse qu’il attendait, Eve la lui offrait avec plaisir, se payant sa tête sans s’en cacher une seule seconde. Ses vrais sentiments, elle ne les exhiberait pas de cette façon. Il était parfaitement au fait de l’importance qu’il avait dans son existence. Il était son meilleur ami, son complément, son reflet autant que son exact opposé et c’était parfait ainsi. Tout avait été parfait jusque là, même quand ils avaient bravé leurs peurs et fini ce soir-là par s’avouer qu’ils étaient bien plus que tout ça. Et maintenant, venait le temps de la dégringolade et des déceptions.

Ce n’était pas la première fois qu’ils se disputaient, ni que Roméo était évoqué comme une source de discorde. Mais que les paroles en viennent à ce niveau de tension restait un phénomène rare, sinon unique. La tournure de la conversation, devenue début d’esclandre, ne présageait pas vraiment de réconciliation dans la nuit. Si Eve et Léopold étaient aussi bornés l’un que l’autre, ils ne cherchaient pas davantage à faire de concessions. Et plutôt que d’essayer de tempérer l’échange, la née-moldue percevait dans chaque réponse de son petit ami une attaque supplémentaire envers elle. « Moi aussi j’ai un honneur. Figure-toi qu’il inclut aussi de devoir soutenir les miens quoi qu’il arrive. Et quoi qu’ils fassent. Ravie de savoir que toi tu t’en fous. » L’agresser, c’était son seul moyen de défense. Elle n’arrivait pas à croire qu’il puisse à ce point faire preuve d’indifférence quant à sa situation. Même s’il détestait son frère, il n’avait pas le droit de la juger aussi violemment. De critiquer aussi ouvertement quelqu’un qui avait le même sang qu’elle. Parce que d’une façon ou d’une autre, toucher à Romy, c’était l’atteindre elle.

Elle s’était éloignée de lui, fuyant son contact. Maintenant qu’il avait refusé, il lui semblait avoir perçu les degrés dans l’atmosphère chuter vertigineusement, comme si un froid soudain s’était abattu dans Londres. « C’est bon, la gamine se casse. Laisse tomber Léo. Tu m’as soulée. » Elle se tourna finalement vers lui et le regarda, les lèvres obstinément closes. Quelque part, sa bouche avait profondément envie de retenir ce qu’elle s’apprêtait à dire, mais c’était plus fort qu’elle. Après ce qui venait de se passer, Eve était comme écoeurée par cette incompréhension qu’elle n’avait jamais ressentie avec quelqu’un comme Léopold. L’impression de s’être trompée lui avait été jetée pour la première fois dans la figure et le fait que cela se produisait avec lui la blessait douloureusement. Ce qui l’amena, fatalement, au point de non-retour. « Si t’es pas capable de comprendre ça, je vois même pas pourquoi on est ensemble. » Lâchée comme une insulte grossière et déplacée, la phrase se perdit dans la nuit et les mètres qui les séparait. La brune savait en son for intérieur qu’elle allait s’en mordre les doigts, mais elle était trop fière pour l’admettre. Parler sans réfléchir restait l’un de ses traits de caractère prédominants.

L’incompréhension le hantait, alors qu’il gardait les yeux rivés sur sa petite amie qui se braquait contre lui. Depuis qu’ils étaient amis, jamais ils ne s’étaient réellement disputés, même si leur amitié avec connu de mauvaise passe. Seulement, cette fois, les choses se corsaient et Léopold avait l’impression que tout était en train se briser. Ce qu’il avait longtemps pensé comme indestructible et éternel, se montrait fragile et éphémère et l’idée l’effrayait. L’anglais avait appuyé sur la corde sensible sans s’en rendre compte et se prenait désormais le revers de médaille sans rien comprendre et même s’il était patient, il n’aimait pas du tout qu’on s’en prenne à lui de cette manière. Parce que Eve ne comprenait pas ce qu’il lui disait, parce que pour la première fois ils ne se comprenaient plus et il n’avait plus l’impression de la connaître. Peut-être qui il s’était toujours trompé sur son sort, peut-être qu’elle n’était pas vraiment celle qu’il aimait plus que tout du monde, une idée qui lui faisait atrocement mal au coeur. « J’ai jamais dis que tu étais comme ça, alors arrête de te monter la tête ! » Il perdait espoir, parce que tout semblait terminé alors qu’il regardait sa petite amie -ou ce qui en restait- droit dans les yeux, comme s’il espérait que cela puisse la faire revenir à la raison. Seulement, plus le temps passait et pire c’était, comme s’il se trouvait devant un mur sans aucun moyen de le franchir. S’il ne l’aimait pas vraiment, il lui aurait sûrement déjà collé sa main sa figure, mais il était heureusement incapable de lever la main sur elle. « Bien sûr que je ne m’en fiche pas, tu le sais très bien Eve ! » Léo était quelqu’un de très porté sur la famille et trouvait les paroles de l’écossaise injuste, alors qu’il refusait simplement de lui donner de l’argent, persuadé que ce n’était pas la solution.

Sa copine prenait la fuite et il ne comptait pas la laisser faire, si bien qu’il lui emboîta très rapidement le pas. Il était prêt à oublier les dernières paroles si elle faisait demi-tour, mettre tout ça sur le compte de la fatigue et reprendre comme avant. Léopold ne voulait pas que tout s’arrête comme ça, ils pouvaient s’offrir une chance mutuelle, en fait c’était exactement ce qu’ils feraient s’ils s’aimaient vraiment. « Eve, part pas. » Le mot gamine était sorti tout seul et il le regrettait déjà terriblement, si bien qu’il s’approcha d’elle quand elle arrêta enfin sa marche rapide. Il se tenait désormais juste en face d’elle, le regard un peu triste, se demandant pourquoi tout dérapait si vite. Il aimerait lui expliquer ce qu’il comptait faire pour aider, lui faire comprendre qu’il sera toujours là pour elle, peu importe le problème qu’elle aura à surmonter. Seulement, les mots ne sortaient pas et ce fut Eve qui l’acheva. Quelques paroles plus dures qu’une balle dans l’épaule, quelques paroles qui lui donnait envie de tout détruire. « Ah ouais ? Tu le prends comme ça ? Bah tu sais quoi, je vais pas te déranger plus longtemps. Te pose plus la question, maintenant c’est terminé. » Il était terriblement froid, tandis qu’il lui donna un coup d’épaule avant de s’en aller en direction de sa voiture, sans jamais se retourner. L’anglais accéléra le pas, dans l’espoir qu’elle ne le suive pas. Elle n’avait pas voulu de l’aide qu’il voulait lui apporter, elle n’avait qu’à se débrouiller. De toute manière, elle ne semblait pas voir leur couple sérieusement, peut-être que son père avait raison, peut-être qu’elle était effectivement pas quelqu’un de fiable.

Une fois assis sur son siège en cuir, il donna un grand coup sur son volant avant de soupirer. Léopold en voulait à la brune ne pas lui avoir fait confiance et même s’il regrettait déjà tout ce qui c’était passé, il n’arrivait pas à lui pardonner ces dernière paroles. Si elle ne voyait pas pourquoi ils sortaient ensemble, c’était sûrement qu’il fallait mieux tout arrêter. Alors qu’un groupe de collégiens regardait sa voiture, il décida de bouger, en direction du bureau de la brigade parce que contrairement à ce qu’elle pouvait croire, il n’avait qu’une parole. Il était temps de faire son travail et d’arrêter les méchants dealers de drogues, au lieu de les enrichirent.