No, I don’t want to fall in love with you

this girl is only gonna break your heart

Chez Felix and the Sofas, la fin du concert se fit sous les hourras et les applaudissements de la foule surexcitée. Même si Daphné se joignait aux autres pour saluer leur performance, la jeune femme n’avait pas réussi à décocher un véritable sourire de toute la soirée – un peu comme si ses zygomatiques avaient rouillé. Et pour cause, la rousse avait appris quelque chose cette après-midi, une information qui était loin de la réjouir, quelque chose qu’elle craignait pour ainsi dire depuis torp longtemps et qui se manifestait enfin.

La jeune Mangemorte n’attendit pas de voir apparaître devant elle le Serpentard qu’elle cherchait pour partir le trouver par elle-même. Mieux valait arriver avant les groupies assoiffées de chair fraîche. Jouant des coudes sans le moindre scrupule et bousculant quelques filles qui se contentèrent de se plaindre sans aller plus loin dans leurs menaces, Daphné fendit l’attroupement jusqu’au petit panneau de fortune qui indiquait les coulisses improvisées de la scène et alla se planter devant la porte de l’arrière-boutique où les trois Green Brothers devaient se trouver. Abandonnant presque aussitôt l’idée de faire le pied de grue, Daphné jeta un œil autour d’elle, s’assurant que personne ne faisait attention à elle, avant d’entrer délibérément pour faire face, par chance, à Galaad qui se trouvait sans ses deux acolytes. C’était tant mieux.

L’anglaise, bras croisés, manquait un peu de chaleur contrairement à ses habitudes. « Super prestation, félicitations. » s’obligea t-elle à lui dire sans jamais parvenir à y montrer une vraie joie. Elle se sentait comme la messagère envoyée pour se faire décapiter et elle n’aimait absolument pas le rôle dans lequel elle se retrouvait mais il ne fallait pas que Galaad apprenne ceci par quelqu’un d’autre qu’elle, un pressentiment amer le lui confirmant. La sang-pure prit finalement le bras de l’irlandais et lui fit signe de la tête de le suivre vers l’extérieur de la boutique. « Viens, je voudrais te parler. » Elle savait pertinemment que la phrase allait réveiller chez le jeune homme des instincts de fuite entraînés à des années de filature à l’anglaise expérimentée, mais Daphné ne lui laissait en réalité pas vraiment le choix – il allait tout entendre et quand elle aurait fini il ferait bien ce qu’il voulait.

Une fois dehors, la jeune fille n’y alla pas par quatre chemins – elle était bien celle qui ruminait cette satanée histoire depuis quasiment toute la journée. « Est-ce que par hasard ta sœur Selena ou tes parents t’auraient parlé de quelque chose te concernant, récemment ? » Ses yeux marine, inquisiteurs, fixèrent le visage de Galaad à la recherche d’un quelconque signe qui lui confirmerait qu’elle ne devrait pas lui annoncer elle-même la très, très mauvaise nouvelle. En vain. « Est-ce qu’ils n’auraient pas évoqué une histoire de mariage ? » poursuivit la rouquine, un peu trop sérieusement et surtout d’un air quelque peu impatient, comme si elle aurait préféré être ailleurs et tenir une toute autre conversation à son ami.

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You & me

is more than a hundred miles

L'adrénaline courrait dans ses veines. Et s'il y avait une personne sur terre pour qui cela sortait de l'ordinaire - Balthazar Owen mis à part - c'était bien Galaad. Lui qui n'était jamais monté à plus de 3 mètres du sol sur un balai ou pris le moindre risque ... voilà qu'il en avait pour son argent. C'est donc avec un grand sourire aux lèvres qu'il sortait des coulisses que Felix leur avait chichement aménagées. Il laissait derrière lui ses deux partenaires de concert, pour rejoindre ses autres amis et aller boire un coup. Le fait que Daphné surgisse brutalement devant lui ne le surprit donc guère. Il l'avait aperçu dans la foule juste avant le concert. Il l'avait un peu perdue de vue par la suite, mais surtout parce qu'il avait cessé de regarder le public pour se concentrer sur sa guitare et se laisser porter par la musique.

« Hey Daph ! Tu tombes bien j'allais justement rejoindre tout le monde. Il faut qu'on aille fêter ce premier concert ! » Comme s'il avait besoin d'une excuse pour aller descendre un verre - ou dix. Il ne remarqua même pas les bras croisés de l'ex-Serpentarde ou son manque évident d'enthousiasme lorsqu'elle commenta leur prestation. Avant qu'il n'ait pu lui saisir la main de l'anglaise pour la conduire dans la masse compacte d'amis et de curieux qui l'attendent, voilà qu'elle l'entraînait à l'extérieur. Il fronça les sourcils. Son je voudrais te parler n'augurait rien de bon. Il n'aimait pas quand Daph était sérieuse - en partie parce qu'elle avait souvent raison, même s'il ne le reconnaissait bien sûr jamais. « Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-il d'un ton inquiet lorsqu'ils s'arrêtèrent dehors. Son exaltation commençait à retomber.

La mention du nom de Selena dans la bouche de Daphné le fit crisser des dents. S'il y avait une personne dont il n'avait pas envie d'entendre parler - en cet instant encore plus qu'un autre - c'était bien sa sœur aînée ... « Tu sais bien qu'à part pour Antinea j'évite ton contact avec ma famille ... Et eux aussi d'ailleurs, c'est bien la preuve que ça leur va. » Ce n'étaient pas son père en cavale ou sa mère depuis longtemps partie roucouler en France qui allaient le contredire. A son tour, il croisa les bras. Une attitude défensive qu'il adoptait rarement en face de son amie. Comme un enfant vexé, il lui en voulait de gâcher son enthousiasme en ramenant à sa mémoire des histoires de famille. « Alors ils ont rien évoqué du tout, d'accord ? J'ai vraiment pas envie de parler d'eux. » Son air boudeur était plus qu'éloquent. Il tourna les yeux vers l'intérieur de la boutique, dont provenaient des cris étouffés. Tout son corps le pressait d'y retourner. Il se saisit donc de la main de Daphné et la tira en direction de la porte. « Tu viens, on y retourne ? En plus tu sais, les histoires de mariage, c'est plutôt le délire d'Antinea. » Et son instinct lui hurlait qu'il n'avait pas envie de s'aventurer dans cette discussion avec elle.

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L’euphorie de Galaad était réjouissante et communicative et en temps normal son amie aurait partagé cet optimisme sans se poser de questions, néanmoins Daphné ne pouvait se permettre de faire comme si de rien n’était et de l’épargner plus longtemps. Elle ne faisait pas vraiment partie de l’école de ceux qui pensaient que le mensonge par omission rendait les choses plus acceptables à la longue. Quitte à ce qu’il encaisse le choc brutalement, autant qu’il le fasse le plus tôt possible. Après tout Galaad Stomby était un homme, un adulte, et même s’il était capable de sérieusement déconner quand la situation devenait grave, elle comptait seulement sur sa bonne humeur actuelle pour atténuer les choses.

Il ne lui laissait pas vraiment le temps d’arrondir les angles, pressé de retrouver l’ambiance festive du magasin de disques pour célébrer leur entrée dans le monde du rock. La rouquine ne l’entendait pas de cette oreille mais peinait à l’interrompre. « Je sais, mais … » Pas moyen de le convaincre. Il n’avait de toute façon aucune intention ni envie de discuter de sa famille – toute aussi disloquée qu’en crise. La sang-pure était parfaitement au courant de cette situation à laquelle elle ne pouvait rien mais qui n’avait cela dit empêché aucun des parents Stomby et plus particulièrement l’aînée de la fratrie de préparer l’avenir de leurs successeurs à leur place, et sans leur demander leur avis.

Quand sa main vint reprendre la sienne avec autorité pour la ramener à l’intérieur et oublier ce qui n’avait pas lieu de prendre place ce soir, l’ex-Serpentarde opposa une légère résistance pour l’interpeller. « Je sais que ce n’est pas le bon moment mais j’ai appris un truc aujourd’hui. C’est à propos de toi. » Ils ne pouvaient pas reporter ça à demain. Elle en avait décidé ainsi. « Et pas seulement. Moi aussi. » Elle avait à ce stade l’impression d’avoir été déjà plutôt claire sur l’idée qu’elle souhaitait transmettre : lui, elle, leurs familles, le reste se lisait aisément entre les lignes. Pourtant ça n’avait pas l’air de suffire à son interlocuteur qui attendait, l’impatience croissant au fur et à mesure qu’elle hésitait, tergiversant sur les mots à employer pour limiter les dégâts au maximum.

Rien ne paraissait assez approprié pour rendre l’information moins catastrophique qu’elle ne pouvait être. La rouquine poussa un soupir, secouant la tête en guise de préambule. « Salazar je déteste faire ça. » Elle se jeta finalement à l’eau, excédée depuis le début de cette journée d’avoir à supporter seule cette nouvelle et surtout d’avoir attendu un moment adéquat qui n’existait pas. « Nos familles ont prévu de nous marier, voilà. » Ses yeux étaient restés plantés dans ceux de Galaad, l’expression de son visage parfaitement indéchiffrable ne clamant qu’une chose : elle n’était guère réjouie par ce projet. Mais plus que tout, elle craignait la réaction de son ami.

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La main de Daphné pressa la sienne, mais elle ne le suivit pas vers la boutique de Felix. Galaad s'arrêta, tourna la tête vers son amie. Ses sourcils dessinaient une expression inquiète. Trop obnubilé par son récent succès, il n'arrivait pas à interpréter l'attitude de son amie. Ou peut-être n'en avait-il pas envie. Il fut tentée de la planter là, d'aller lâchement rejoindre les cris qui l'appelaient. La pensée perfide que, quelques mois plus tôt, elle ne s'était pas gênée pour faire de même vint même effleurer son esprit. Mais il ne se serait pas permis une chose pareille. Avec un soupir ostensible et résigné, il tourna les talons pour faire face à la rouquine, laissant dans son dos les attirantes lumières de Felix & The Sofas. « Je t'écoute » lâcha-t-il à contrecœur.

Daphné admit à son tour que le moment était mal choisi, ce à quoi il acquiesça vivement - il espérait presque qu'elle changerait d'avis et l'accompagnerait boire un coup. Mais elle enchaîna avec plusieurs phrases sibyllines, des allusions à elle, à lui, qu'il ne parvint pas à relier à ses précédentes insinuations. Il n'était certes pas très malin - et rendu encore plus ahuri par le concert dont il sortait - mais les conclusions n'étaient pas si difficiles à faire. Son esprit n'était juste pas prêt à accepter la vérité que Daphné essayait à grand peine de lui révéler.

Tout en mordillant nerveusement ses joues, Galaad jeta un énième coup d’œil par-dessus son épaule. Son amie n'en était toujours pas venue au fait, et il refusait instinctivement de lui simplifier la tâche. Il ne put toutefois s'empêcher de sursauter quand elle jura en secouant la tête. Voilà qui n'annonçait - encore - rien de bon ... « Nos familles ont prévu de nous marier, voilà. » La nouvelle tomba comme un couperet, laissant Galaad ébahi. Daphné et lui. Mariés. C'était absurde. Ils avaient bien commis quelques impairs au cours de leur longue amitié, mais rien de bien étonnant quand on connaissait la réputation du Stomby. Laquelle rendait d'ailleurs encore moins crédible tout projet de mariage ... L'air stupide, la bouche légèrement entrouverte, il cherchait vainement des explications.

Jusqu'à ce que l'évidence s'impose, assombrissant immédiatement son visage. Selena. Il n'y avait qu'elle pour avoir une idée aussi aberrante et cruelle. Qui d'autre ? Pas sa mère, qui avait depuis longtemps abandonné l'éducation de ses enfants. Et il ne parvenait pas à imaginer son père prendre une pareille décision - non pas qu'elle lui aurait déplu, mais il n'en aurait jamais eu le courage. Alors que Selena, elle ... Il reconnaissait bien sa patte dans cette affaire. Elle et sa tendance à se persuader que leur sang commun lui donnait droit de vie et de mort sur ses cadets. La colère gonflait dans sa poitrine, mais quand il ouvrit la bouche il n'en sortit qu'un murmure : « Je vais la buter cette poufiasse ... » Il gardait le regard rivé au sol, comme trop absorbé par sa propre fureur pour pouvoir la partager avec Daphné. « Qu'ils essayent de faire ça, pour voir. »

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