Don't try to fight the storm,

you'll tumble overboard

« Serais pas là quand tu rentres. Tiens-moi au courant si t’établis un nouveau record. » Alice envoie le message particulièrement laconique à Sid, avant d’abandonner le mobile au fond de son sac à main. Elle prit une gorgée de la bouteille qu’elle avait récupérée d’un idiot – persuadé que s’il lui payait une bouteille hors de prix, il aurait pu coucher avec elle – en s’approchant de la porte de l’appartement.  Elle appuie son doigt sur la sonnette pendant quelques minutes, avant de frapper directement.

« Charlie, j’espère que tu es là, sinon j’attends toute la nuit devant ta porte. » lâche-t-elle, consciente que si son frère n’est pas à l’intérieur, elle est actuellement en train de parler toute seule devant une porte close. Elle porte à nouveau le goulot à ses lèvres, laissant son doigt presser contre la sonnette pendant de longues minutes. « Dépêche-toi,  je suis patiente mais quand même. » râle-t-elle en tapant du pied et croisant les bras.

Elle se tourne, se préparant déjà à s’asseoir contre la porte et attendre que son frère daigne ouvrir la porte, ou revenir – si par hasard, il avait eu l’idée sortir avec des amis, hors de chez lui  – mais la porte s’ouvre, et la cadette s’engouffre à l’intérieur sans attendre qu’il n’ouvre la bouche ou n’esquisse un geste l’invitant à entrer.  

« Ah, quand même, j’ai failli attendre. » lui lance-t-elle en guise de bonjour, avec son air hautain habituel. Elle lui colle la bouteille entamée et à moitié vide dans les mains. « Bonne année, en retard certes... Mais comme tu vois, je ne suis pas venue les mains vides ! » Elle abandonne au passage ses chaussures et son sac à main dans un coin, avec autant d’aisance que si elle avait été chez elle. « Oh, Eole ! » Alice détourne son attention de l’aîné, se mettant à genou devant le chien, le couvre de caresses et de bisous. Le pauvre Charlie ne devait rien comprendre – devait se demander quelle mouche avait encore bien pu piquer Alice pour la faire débarquer ainsi en pleine nuit.  

electric bird.

Don't try to fight the storm,

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Alice arrête de caresser Éole, jette un coup d’œil à son frère avec l'attitude d'une enfant venant de se faire réprimander – le ton froid de Charlie la surprends un peu, bien qu'une petite voix lui signale que c'est sans aucun doute mérité. Elle ramène ses jambes contre elle, baisse les yeux. Une réaction presque inattendue de la part de la jeune fille. « Oui, eh bien, j'ai oublié, j'ai été... débordée, oui, voilà. » tente-t-elle de se justifier sans pour autant d'excuser d'être là, d'avoir débarquée sans prévenir. « Puis, mieux vaux tard que jamais. » rajoute-t-elle en marmonnant. Débordée oui, c'est le mot – elle n'avait pas vu les jours suivants les fêtes de fins d'année passer, et avant qu'elle ne réalise, on était déjà en février.

Ce qu'elle fait là,- une très bonne question, pense Alice. Alors, oui, elle aurait très bien pu passer avant, ou après, en journée, à une heure décente. Mais non. Il fallait croire que l'alcool qu'elle a dans le sens, l'heure tardive, et tout ce qui était arrivé ces derniers temps en avaient décidé autrement. Elle a besoin d'un grand frère, de son grand frère. Un sentiment surprenant qu'elle ne sait pas comment interprété, et c'est en partie pour ça qu'elle s'est décidé à le confronter directement sans trop y réfléchir plus longtemps.

« J'avais envie... besoin... de te voir. Un truc comme ça. Je crois. » dit-elle en évitant le regard de l'aîné. C'est sûrement la dernière chose qu'il s'attendait à entendre de sa bouche,  surtout à cette heure-là. Elle prends une profonde inspiration, mordille sa lèvre. « En fait, t'avais raison, depuis le début, j'aurais du t'écouter. » lâche-t-elle brutalement, après quelques petites secondes de silence. Alice reprends la bouteille pour prendre une gorgée, avec une grimace. « Et ça me fait chier de te dire ça, mais c'est vrai. »

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Quand elle croise le regard de Charlie, Alice déglutit – pendant quelques secondes, elle se dit que ça y est, elle a dépassé les bornes, elle a trouvé le point au-delà duquel Charlie cesse d’être le gentil Charlie qu’il est tout le temps. Cette pensée l’angoisse ; l’idée que Charlie puisse en avoir finalement assez d’elle est effrayante, d’un coup. Cela serait comme un nouvel abandon, même si celui-ci aurait été provoqué uniquement par son comportement égoïste. Elle se sent coupable - demain, elle blâmera l’alcool pour ces sentiments qui la rendent un peu trop vulnérable.

Heureusement, ses propres phrases ont pour effet de changer la donne – bien sûr, Charlie est intrigué, il compatie, peut-être même qu’il s’inquiète. « Oui je sais, ça sonne dingue, j’en reviens pas moi-même. » raille-t-elle, mais Alice soupire immédiatement après ; elle est si jalouse, si égoïste, et pourtant, il continue d’être ainsi, totalement à l’autre opposé de son comportement – Morgane sait qu’elle ne mérite probablement pas autant, mais aussi qu’elle en a probablement autant besoin. « Tu avais raison, à propos du noël chez les parents, du mariage… Et sûrement plein d’autres choses auxquelles je pense pas maintenant. » avoue-t-elle après un blanc. « Je vais pas me marier, Charlie. Comme tu l’as dit, c’était pas une bonne idée. Aller chez les parents à Noël, c’était pas une bonne idée non plus. T’as le droit de me dire que tu me l’avais bien dis, vas-y. » Elle pose son menton sur les genoux, les bras autour de jambes. Ce n’est pas son genre, de vider son sac ainsi – mais tout le monde à une limite, et Alice est au bord de la sienne. « Bref, t’as compris le truc. Comment tu fais pour avoir tout le temps raison ? J’aurais voulu être capable de réussir un truc, pour une fois. » Sa voix se tire dans les aiguës sur la fin de sa phrase, Alice camoufle ça rapidement par une nouvelle gorgée. Elle marmonne, rapidement. « Je savais pas à qui parler, aussi.» Elle baisse les yeux, puis les relèves vers son grand frère. « Sinon, avec Automne ? Le parfait amour, tous les deux ? » Alice change le sujet – elle tente d’apparaître réellement heureuse pour Charlie, car une petite partie d’elle l’est vraiment.

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En fait, ce n'est pas si dur. D'être « gentille », d'agir comme une petite sœur « normale » et de laisser Charlie jouer son rôle de grand frère. Grâce à des circonstances exceptionnelles presque aussi rare que l'alignement des planètes, mais quand bien même.  C'est même rassurant, la présence de Charlie, son bras autour d'elle et ses paroles réconfortantes auxquelles Alice a bien envie de croire. Il aurait pu dire qu'elle l'avait cherché, ou bien mérité, mais évidemment, c'est Charlie. Alors elle fait un tout petit sourire qui disparaît rapidement, elle pose un peu sa tête contre Charlie le temps d'une minute. « D'ailleurs, Sid est retourné en Australie, à cause de ça.» annonce-t-elle aussi, redressant la tête par la même occasion pour couper court aux effusions un peu trop sentimentales. « Et oui, c'était une idée très stupide, je sais bien, mais tout le monde semble avoir quelqu'un. T'as Automne, Léandre a Alexandre même s'ils sont bizarres, tu vois le tableau. » ajoute Alice, un peu amère. « Enfin, c'est pas si important en soi, c'est pas mon genre au final. Et puis comme tu dis, j'ai tout mon temps. » Elle mordille sa lèvre, observe à la dérobée son frère et soupire. « Ouais, je sais. J'essayerai de m'en souvenir plus souvent, j'imagine. » marmonne-t-elle. Plus facile à dire qu'à faire, mais elle songe à donner à Charlie une chance, de temps en temps, éventuellement.

Voir son frère sourire en pensant à Automne à un côté étrange. Il est loin le temps où elle et Automne pouvaient discuter de Charlie, pester etc. Les deux en couple, ça lui semble encore un peu décalé, surprenant, inhabituel. « Ah oui ? » Elle hausse un sourcil, se surprenant à avoir cette conversation avec Charlie, puisqu'elle n'a aucune idée de quoi sa vie sentimentale pouvait ressembler avant qu'il ne soit avec Automne. Ceci dit, Charlie n'a aucune idée de la vie sentimentale (inexistante) d'Alice, alors l'étrangeté de la situation devait être partagée par les deux Daniels. « C'est bien. Tant mieux, j'suppose. Automne est sympa. » Elle pince les lèvres, n'en dit pas plus. Si elle avait eu le sentiment d'être « trahie » par Automne quand elle avait commencé à se rapprocher de Charlie, Alice ne peut pas nier qu'elle apprécie quand même la française.

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Le simple fait de dire les choses à voix haute allège considérablement le poids qu'Alice avait l'impression de ressentir – comme si le fait d'avouer à elle-même et à Charlie les choses qu'elle préférait garder pour d'elle est largement suffisant pour rendre le problème moins important. Alice gratte distraitement la tête d'Eole écoutant son frère tenter de trouver les mots adéquats. Charlie n'a peut-être, et sûrement pas, réponse à tout, mais qu'il l'écoute et tente de la comprendre est bien plus que ce qu'elle aurait pu attendre. Elle esquisse un léger sourire ironique - « Des tonnes, hm ?» La cadette est consciente de son caractère « compliqué », et le terme est bien trop faible, et doute un peu de cette affirmation, mais décide de se taire au lieu de contredire. « Ouais. J'imagine. Ça doit être pour ça que je suis là. » souffle-t-elle. Pourquoi Charlie plutôt que chez Léandre par exemple, si ce n'est qu'il reste quand même son frère, son sang, et sûrement l'une des personnes les plus susceptibles de la comprendre ? Peut-être qu'elle allait finir par réaliser qu'elle avait tort de détester Charlie, et qu'il aurait réellement tout fait pour elle.

En temps normal, devant un tel regard rêveur de Charlie, Alice aurait imité un faux vomissement, une mimique exagérément dégoûtée, accompagné d'une exclamation équivoque et d'un ricanement. L'Alice qu'il a face à lui actuellement se contente d'un petit soupir en détournant les yeux. Charlie est aussi à l'aise avec cette conversation qu'elle l'est – le changement de sujet est le bienvenue. « Dormir ici ? » Ce n'est visiblement pas une question, la phrase de Charlie semble sous-entendre qu'elle n'a pas le choix. « Il est quel heure ? » Elle relève les yeux sur l'horloge, pousse finalement un soupir vaincu avant se lever ; comme elle le faisait plus jeune lorsqu'on venait de lui annoncer qu'elle avait dépasser l'heure de son coucher depuis longtemps. « J'aurais pû rentrer. » prétends-t-elle, bien consciente que non. « Mais ok, très bien, j'y vais. » Elle ramasse les quelques affaires qu'elle abandonné à différent endroits, avant d'aller s'enfermer dans la salle de bain – Alice se retourne avant de refermer complètement la porte. « J'imagine que t'es pas si mal comme grand frère, mais t'es sûrement mieux que Sid sur pas mal de plans.  » La brune marque une pause puis hausse les épaules et referme la porte avant qu'il n'ait l'idée de lui répondre, mettant ainsi fin à la conversation.

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