We've lost our good old mama

And must have whiskey, oh you know why

Encore un dernier verre. L'écossais comme bien trop souvent se trouvait sur un des tabourets du bar et enchainait les verres comme si c'était de la grenadine. Il se disait qu'il n'avait rien de mieux à faire, qu'il ne faisait de mal à personne et qu'au moins ça le faisait prendre l'air –une sorte de mensonge qu'il se répétait pour ne pas affronter son nouveau vice en face. Basile n'allait pas mieux, même après avoir discuté avec Joy ou Victory, il souffrait et compensait un manque avec la boisson. Le manque de reconnaissance. Le manque d'une mère. Le manque d'un ami. Le manque de stabilité. Basile avait littéralement l'impression que tout était à deux doigts de s'écrouler, que tout allait encore se détériorer, que tout allait se briser. Les mensonges. Les trahisons. Les morts. Ses épaules n'étaient définitivement pas assez larges et il se laissait couler. L'auror avait vieilli en quelques mois, il était devenu plus sombre et moins joyeux, comme une pâle copie de lui-même.

Le serveur lui déposa un nouveau verre qu'il descendit dans les secondes qui suivirent, comme il le faisait à chaque fois. Il semblait tellement perdu que même la gente féminine restait à l'écart préférant éviter les cas comme lui –lui qui avait pourtant tant de succès il n'y pas si longtemps. Basile savait déjà que sa tête lui fera terriblement mal le lendemain, mais il s'en fichait, parce que c'était son quotidien. Ce monde où Lichuan sonnait presque comme un ami et où son meilleur ami était mort. Jessie n'existait plus, du moins son Jessie, celui avec qui il a partagé seize ans de sa vie. L'autre n'existe pas, c'était un cauchemar, son cauchemar qu'il fuyait comme la peste dans ces verres mal lavés.

electric bird.

I wouldn't hold my breath if I was you

You broke my heart & there's nothing you can do

Il ignore les raisons qui l'ont poussé à rentrer dans ce bar. À l'instant où il passe la porte, c'est une multitude de souvenirs qui affluent – des souvenirs heureux qui rendent son quotidien beaucoup plus triste. Lui qui avait décidé d'arrêter de pleurer, lui qui voulait ne plus entendre parler de nostalgie se retrouve face à l'échec. Jessie regarde difficilement chaque coin du bar qu'il connaît par cœur pour y avoir passé des heures entières en compagnie de son meilleur ami. Mais il est seul aujourd'hui. Plus jamais il ne se trouvera dans ces lieux en compagnie de Basile Flaversham – plus jamais il n'aura la chance de se sentir aimé par l'écossais. Il y a quelques mois, il en aurait pleuré. Maintenant c'est fini – Jessie n'est qu'un être vide, résigné à vivre sans connaître à nouveau le bonheur. Tu l'as pourtant frôlé, lui rappelle sa conscience, quand personne ne savait, quand tu pouvais aimer Basile avoir envie de mourir, quand tu n'avais pas l'impression d'avoir déçu toutes les personnes que tu aimes. Il accepte avec douleur cette conclusion, il paye les conséquences de ses actes de folie. Jessie a tué et Basile ne lui pardonnera sûrement jamais. Pire, Jessie a trahi la confiance de celui qui a toujours été comme un frère.

C'est à ce moment précis qu'il le voit, seul au bar. Basile est de dos mais Jessie le reconnaîtrait entre mille. C'est de son ex-meilleur ami qu'il s'agit, il ne pourrait pas le confondre même dans le noir. Son cœur s'affole, sa respiration se fait un peu douloureuse alors qu'il porte les yeux sur ses avant-bras meurtris. Il n'a plus croisé Basile depuis l'accident – depuis ce fameux jour où l'auror l'a sauvé pour l'abandonner. Il le mérite – c'est une réalité qui est désormais bien ancrée dans la tête du plus petit – mais l'absence lui fait quand même mal. Habituellement, il préfère éviter d'y penser, il se noie dans un ensemble de substituts qui n'arriveront jamais à la cheville de son ancien ami. Jessie lui lance un dernier regard triste. Basile ne l'a pas vu, Basile est bien au bar à boire son verre de bière, se dit-il pour se rassurer. Sauf que le whisky a remplacé la bière et que les verres commencent à s'entasser devant lui. Il pourrait partir sans un mot, laissé son ancien ami à ce qui lui semble être une descente un peu douloureuse vers un futur peu reluisant – mieux, il devrait, et pourtant Jessie soupire. Il fait demi-tour pour se rapprocher de l'auror et se pose à côté de lui sans sourire au moment même où le serveur arrive pour resservir un verre à son ami.

— C'est mort, tu le ressers pas, dit-il simplement d'un ton un peu triste. Il n'a jamais vu Basile comme ça. Ce n'est pas celui qu'il a laissé derrière lui il y a quelques mois. C'est un étranger, une personne beaucoup moins lumineuse qu'il n'est pas sûr d'aimer. Et Jessie ne peut qu'espérer n'être pas responsable de ça, ne pas avoir joué un rôle trop important dans ce qu'est devenu son meilleur ami. Basile, qu'est-ce que tu fous ? Ça te ressemble pas d'enchaîner les verres comme ça. Il baisse les yeux, pas encore prêt à affronter le regard de l'écossais. Ce n'était pas une bonne idée, réalise-t-il. Il n'aurait jamais dû venir, il aurait dû laisser Basile face à ses problèmes et fuir à nouveau le plus loin possible, il est doué pour ça Jessie. Il aurait dû préserver Basile, ne pas lui rappeler son existence. Celui-ci mérite d'être heureux, c'est ce qu'il s'est répété toutes ces semaines dans ses squats miteux quand une fois défoncé, il suppliait le ciel de prendre son âme pour sauver celle de son ami.

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We've lost our good old mama

And must have whiskey, oh you know why

Ses doigts tapotaient le comptoir sombre au rythme des mythiques chansons de rock que les serveurs du bar adoraient passer -au plus grand bonheur de Basile. Fixant les bouteilles qui s'exposaient sur les étagères du bar, il se souvenait de la première fois qu'il avait passé le seuil de la porte, de la première cuite qu'il avait pris ici ou même de toutes ses bières en compagnie de la seule personne au monde qu'il aimait autant qu'il détestait. Ces souvenirs semblaient venir d'une époque lointaine, d'un univers parallèle où tout ne s'était pas cassé la figure, ou tout ne s'était pas brisé. Bien sûr, la boisson n'était pas la bonne solution, la bonne bouée de sauvetage, il le savait très bien, mais il n'avait pas trouvé mieux pour fuir ses démons nocturnes et personne ne pouvait le lui reprocher -du moins, il le pensait avant de voir débarquer un invité surprise qui demanda au serveur de ne pas le resservir.

Malgré son manque certain de réaction, l'écossais avait naturellement reconnu la voix du brun -le fantôme d'un ami lointain. Après quelques secondes, il tourna légèrement la tête pour regarder le plus petit s'installer sur la chaise la plus proche. Sans surprise, les retrouvailles n'enthousiasmaient vraiment pas le presque trentenaire qui ne pouvait s'empêcher de ressentir un certain dégoût pour la personne de Jessie. Le traître qui lui avait servi de meilleur ami, se tenait désormais à quelques centimètres de lui, se permettant même de relever sa nouvelle tendance à la boisson. Une sorte de sourire mauvais se dessina sur le visage de l'auror, exactement le genre de sourire qui vous donne des frissons dans le dos tellement il faisait mal aimable. « Tu m'expliques ce que tu fais ici ? Et tu es qui pour me dire ce que je dois faire ou pas ? » Il y avait de fortes chances pour que ce ne soit pas vraiment les paroles que le brun voulait entendre, mais c'était désormais les seuls que l'auror avait à offrir. Comme si leur amitié n'avait jamais existé.

Pourtant, il avait été incapable de le balancer aux forces de l'ordre, ou même de l'arrêter comme sa profession le voudrait. Basile en était incapable, parce que malgré toute la haine qu'il pouvait ressentir pour le garçon, il ne pouvait s'empêcher de percevoir un rapide écho de cet ami qu'il avait tant aimé et avec qui il avait tant partagé. D'un signe de main, il rappela le serveur vers lui. « Il a raison, je vais prendre un double finalement. » Le serveur qui devait certainement trouver l'auror plus menaçant que l'autre accepta de le servir et déposa le verre en face de Basile qui ne tarda pas à le descendre. « Du coup, tu viens ici pour te souvenir de toutes ces années de mensonge ? » La méchanceté n'était pas du tout naturelle chez l'écossais, mais il avait trop de choses sur le cœur pour tenir sa langue dans sa poche -surtout après le nombre de verres qu'il avait déjà descendu.

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Ses yeux contemplent le sol alors qu'il balance ses jambes, assis sur la chaise haute du bar. Jessie a depuis longtemps abandonné l'idée de revoir Basile. Pas qu'il n'en avait pas envie – au contraire, son plus grand souhait est de loin pouvoir revenir à une situation normale dans laquelle l'écossais l'accepterait à nouveau à ses côtés – mais il a conscience que c'est impossible. Il s'est contenté d'espérer que l'autre allait bien pendant les premières semaines, que la nouvelle ne l'ait pas trop atteint. Au lieu de chercher un moyen de se rattraper, Jessie a préféré minimiser l'importance qu'il avait dans la vie de l'auror pour finir par se convaincre que Basile pouvait très bien vivre sans lui. Il a refusé d'en entendre parler, a évité toutes les personnes qui les connaissaient à l'époque où ils étaient amis au ministère. Il a décidé de vivre sa vie sans lui, tout comme l'auror en a commencé une nouvelle dont il ne fait pas partie. C'est une bonne chose, lui dit une nouvelle fois sa conscience, il est mieux sans toi, tout le monde est mieux sans toi. Jessie y croit.

— Je voulais juste boire un verre, dit Jessie d'un ton monocorde. Je pensais pas que tu serais là. Il regarde les nombreux verres posés devant son ami les larmes aux yeux. Basile lui semble plus détruit que jamais et l'idée qu'il ait pu jouer un rôle dans cette affaire lui donne envie de disparaître. Il a rendu triste tellement de personnes – tous ceux qu'il voulait protéger de ses conneries – qu'il est incapable d'avoir encore la moindre estime de lui. J'allais faire demi-tour mais- Il se tourne vers l'auror, le regardant droit dans les yeux pour la première fois depuis le début de leur confrontation. Tu devrais pas boire autant Basile, ça m'inquiète. Il se rend compte de l'absurdité de ses paroles, du non-sens qu'il fait. Il ne s'est pas inquiété en tentant de mourir dans sa salle de bain, en l'abandonnant en lui laissant comme seule explication le fait qu'il était un mangemort toutes ces années.

Il a l'impression d'avoir face à lui un pâle reflet de ce qu'était son meilleur ami, un écho de ce qu'il voit quand il se regarde lui-même dans une vitre en passant. C'est ce qui donne à cette scène un coté presque irréelle – des mois qu'ils ne se sont pas retrouvés tous les deux dans ce bar, des mois que Jessie pleure en repensant à ces moments, et il sait à cet instant qu'il ne les retrouvera jamais. Au final, c'est Dimitri qui avait raison en lui disant que Basile n'avait pas l'air heureux. Même au moment de l'affaire avec Joy, son meilleur ami respirait plus la joie de vivre que maintenant. Sauf que Jessie nie toujours son implication – il met la faute sur Sherkan, sur des choses dont il ignore l'existence, il continue à se persuader que son départ de la vie de l'auror est une libération pour lui et qu'il ne peut être que plus heureux comme ça. Lui souffre par contre, il ne peut pas vivre sans son meilleur ami, il en est incapable. Il ne rêve que de son retour tout en s'interdisant de l'espérer. Il n'a pas le droit d'avoir cette chance, il ne l'a pas mérité.

— Je suis désolé. Il dit ça de façon presque inaudible. Il ne sait pas si Basile l'a entendu ou pas, il s'en fiche. Il sait qu'il ne le pardonnera pas – jamais. Je crois que j'avais besoin de venir ici pour me souvenir. Ses yeux regardent rapidement le bar qu'il connaît par cœur alors qu'il fait signe au serveur de lui servir un verre de whisky. Je veux pas oublier, même je me déteste pour ça. Il regarde à nouveau l'auror dans les yeux. Il craint un instant que son ancien ami remarque ses pupilles dilatées, avant se dire que ça n'a plus la moindre importance – comme tout le reste. Basile le hait, ça se voit.

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L'auror détourna assez rapidement son regard du plus petit pour le reposer sur les étagères pleines de bouteilles du comptoir. Il n'avait aucune envie de regarder cette chose qui avait prit l'apparence de son meilleur ami et était surtout incapable d'affronter ce qui pouvait rester de son meilleur ami. Non, il en était incapable et préférait fuir dans de nouveaux verres. La fuite n'était pas vraiment une habitude chez Flaversham, mais parfois, mais les plus solides pouvait se briser et personne n'était à l'abri de tomber dans la noirceur. « Eh bien comme tu peux le voir, je suis ici et je compte y rester. » Pas une once de gentillesse dans sa voix, juste de la rancoeur et de la colère, les deux seules émotions qui emplissaient l'auror depuis quelques mois. Quand Jessie lui avoua s'inquiéter pour lui et pour sa consommation abusive, une sorte de sourire mauvais se dessina sur son visage, il n'en revenait pas : Jessie était en train de lui demander de ne pas boire, après lui avoir menti pendant presque dix ans. « Ça t'inquiète ? Non, mais sérieusement tu vas me faire chier encore longtemps ? Je fais ce que je veux et c'est certainement pas un mangemort qui m'en empêchera. » Basile se fichait bien qu'on puisse les entendre, ils étaient dans un bar moldu et ne risquait pas d'être compris. Parce que l'auror avait beau le détester, il était parfaitement incapable de l'envoyer en prison.

L'écossais écoutait vaguement les paroles de l'anglais, le genre de paroles qui l'agaçaient au plus haut point. « T'excuses pas de vouloir te souvenir, tu fais ce que tu veux, ça m'est égal. » Il avait l'air infiniment distant, comme s'il parlait à un parfait inconnu, comme s'il se protégeait lui-même. « Moi je ne m'excuse pas du tout de venir ici pour oublier. » Il aimerait tant oublier l'existence du jeune homme, ne plus jamais avoir à affronter son fantôme, pouvoir reprendre sa vie comme avant. L'ennui, c'était que sa vie comme avant, c'était avec Jessie et qu'elle ne sera plus jamais possible. Sans plus attendre, il descendit son double et en commanda un nouveau, le serveur commençait à connaître le bonhomme et s'exécuta. « Oh et un verre pour l'autre, il faut qu'on boive à la mémoire de mon meilleur ami. » Sa méchanceté s'était mélangée à la colère et Jessie n'allait sûrement pas aimer.

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Jessie ouvre la bouche pour la refermer directement – il ignore combien de fois il a répété ce même schéma, combien de fois il a essayé de dire quelque chose pour finalement s'abstenir. Il aimerait pourtant, pouvoir parler, lui dire à quel point il lui manque, qu'il ne pourra définitivement pas vivre sans lui. Les bons moments qu'ils ont passés ensemble sont un souvenir dont il ne pourra jamais se passer. Il jette un regard gêné à l'auror sur la chaise à côté de lui. Paradoxalement, il a envie de fuir. Ce serait plus simple, moins douloureux mais il n'est pas sûr que Basile accepte. Chacun des mots prononcés par son ancien ami lui donne l'impression que celui-ci a envie de le voir souffrir, et l'anglais ne sait pas quoi faire. S'il avait la moindre chance de tout arranger, il la saisirait sans la moindre hésitation – il veut le retour de l'écossais dans sa vie plus qu'il ne ressent la nécessité de respirer. Mais malgré tout ça, il continue à contempler les yeux pleins de regrets l'ami à jamais perdu.

— Basile, je- Je quoi ?, se dit-il finalement. Je suis désolé ? Il n'en a pas le droit, de sortir une connerie pareille. Après tout ce qu'il a fait – la trahison, l'appartenance aux mangemorts pendant des années – il ne peut pas sortir une chose aussi simpliste. Il doit payer pour ce qu'il a fait, il doit subir chaque seconde la douleur qu'il a pu ressentir au moment où il a su la terrible nouvelle. Jessie soupire – s'il pouvait revenir en arrière de quelques mois, il ferait en sorte que Basile ne l'apprenne jamais. S'il le pouvait de quelques années, il ne rejoindrait jamais les mages noirs, il ne tuerait jamais la moindre personne. Il se contenterait d'être le Pippin parfait de son Merry – c'est ce qu'il se dit mais face au fait accompli, il se demande s'il ne ferait pas la même erreur une seconde fois. Je- Je pense que je devrais pas rester, dit-il sans bouger. Il a l'envie stupide et irréelle que son ancien ami le retienne, qu'il lui propose de rester – comme au bon vieux temps, quelque chose qui n'arrivera plus jamais.

Il ne sait pas trop quoi dire finalement. S'il avait trouvé les paroles de l'auror blessante, il se rend désormais compte qu'elles étaient loin de l'être. Comparé aux quelques phrases qu'il accepte de prononcer, elles étaient presque une preuve de gentillesse. Jessie baisse à nouveau les yeux – un geste qu'il a l'impression de faire un peu trop souvent depuis le début de cette rencontre, un geste qu'il n'a jamais fait auparavant. Lui qui adorait les magnifiques yeux verts de son meilleur ami les fuient plus que son propre reflet – et c'est dire. Il le regarde tristement – Basile oublie grâce à l'alcool comme lui l'a fait grâce à la drogue dans ces squats perdus, comme il le fait encore dans ces moments où il se sent trop seul. Vous n'êtes pas si éloignés à première vue et pourtant il ne te pardonnera jamais, lui répète en boucle sa conscience – il la hait, cette raison pessimiste qui lui rappelle ce qu'il sait déjà, il devrait oublier Basile, ce serait plus simple.

— Je suis pas mort. C'est tout ce qu'il trouve d'intelligent à dire face à la situation. Un verre à la mémoire de son meilleur ami, parce qu'il est mort aux yeux de l'auror, il n'a pas pu être sauvé dans cette baignoire, il a tiré définitivement un trait sur lui. Jessie le regarde du coin de l'œil – il aimerait réagir, dire quelque chose de mieux que lui rappelait son existence. Écoute, je sais que m'en veux, et que tu me hais mais- Mais quoi ? Laisse-moi une chance. La phrase lui brûle les lèvres mais il ne la prononcera pas – pas maintenant. Mais tu me manques. Sa voix se fait un peu plus aiguë sur la fin, il ignore s'il a eu raison de dire une chose pareille. Sûrement pas, mais il n'a plus rien à perdre.

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Un bourdonnement dans les oreilles, il ne serait dire si c'était l'alcool qui lui montait à la tête ou simplement la colère et la tristesse qui le tourmentaient. Ses cernes sous les yeux parlaient d'elle-même et il se doutait qu'il ne tiendrait pas encore très longtemps sans dormir -à vrai dire, cela fait quatre jours qu'il n'avait pas fermé l'oeil et déambulait sans objectif. Basile avait toujours vécu pour une cause, il ne s'était jamais retrouvé face à lui-même et se retrouvait plus que dépourvu. Bien sûr, la présence de Jessie dans un moment pareil ne l'aidait pas vraiment et il était de plus en plus partagé entre l'idée de lui coller son poing sur le coin de la bouche ou l'envie de fuir encore une fois celui qu'il avait autrefois considéré comme son meilleur et seul ami. « Non. Tu ne devrais pas rester. » Une sorte de confirmation à une évidence, bien qu'elle ne servit à rien, puisque le brun ne bougea pas d'un millimètre.

Ce dernier ne semblait d'ailleurs pas du tout enchanté d'entendre Basile parler de lui comme s'il était déjà mort et enterré. Sa protestation assez franche se fit entendre par l'écossais qui lui adressa un regard. C'était difficile de regarder Jessie après tout ce temps, toutes ces révélations et souvenirs. Rien ne sera plus jamais comme avant, il le savait aussi bien que le plus petit, c'était déjà écrit. Le pardon n'était pas prêt d'arriver. L'écossais ne releva pas les paroles de Jessie, préférant l'écouter jusqu'au bout, tandis que les verres arrivèrent devant eux.

Tu me manques. Cette phrase lui pinça le cœur, parce qu'elle le rendait réellement triste. Il avait dû mal à regarder son ami souffrir, même avec toute la haine qu'il ressentait à son égard. Il ne pouvait s'empêcher de repenser à tous les bons moments qu'ils avaient vécu ensemble. Tous ces fous rires, toutes ces soirées autour d'une bière et toutes ces promesses -autrement dit, cette amitié sincère qu'ils avaient partagé. Basile ne savait pas vraiment quoi répondre, surtout qu'il sentait son coeur se serrer. D'une traite, il vida son verre et sa main se déposa sur l'épaule de Jessie. « Moi aussi tu me manques, Jessie. »  Il ne s'adressait pas totalement à la personne qui se tenait devant lui, mais plutôt à celle qui avait pu être. Rapidement, il se leva et se dirigea vers la sortie du bar sans même se retourner.

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