Welcome to Tijuana

con el coyote no hay aduana

Il empile des blocs depuis maintenant une quinzaine de minutes. Ses yeux ne quittent que rarement la gameboy, il écoute d'une oreille peu attentive la cassette de Manu Chao qu'il a mis avant de se vautrer dans le canapé, fredonnant les paroles dans sa langue maternelle. Il pleut dehors et il a abandonné la perspective d'aller faire du skate. Il sent qu'il va haïr sa vie ici, que ce soit à cause des gens trop peu intéressants qu'il y rencontre – ses amis de Toronto lui manquent – ou du fait de vivre dans le monde magique. Même les bois lui paraissent moins intéressants que ceux du Canada ou du Mexique, c'est dire. Il relève la tête au moment où son frère adoré – il ne lui dira jamais, soyez en sûr – entre dans la pièce. Ses doigts continuent à marteler les touches de sa console portable alors que ses yeux font des rapides allers-retours entre l'écran et celui qui se tient devant lui.

— Tu toucheras pas au mur du couloir, je viens de terminer les peintures, dit-il d'un ton détaché dans un espagnol beaucoup trop rapide. La remarque paraît bizarre, et pourtant elle n'a rien d'inhabituel chez les Desario. Elias s'ennuie alors Elias s'occupe, pas toujours de la façon la plus évidente au monde. Il s'est mis en tête d'aménager l'appartement – les murs ont été repeints, les étagères posées et même l'un des fauteuils fabriqués avec des pièces récupérées lui seul sait où. Nemo sait comment gérer son petit frère paraît-il. Tu me passes ma gourde ? Elle est sur la table. Il ne bouge pas d'un centimètre, même pour attraper l'objet rempli de sa boisson préférée qui se trouve à un mètre de lui. Il n'aurait qu'à tendre la main, mais ça équivaudrait à perdre – il déteste mettre un jeu en pause Elias, il trouve ça anti-productif. Tu fais quoi cet aprèm ?

Il n'avouera jamais qu'il aimerait passer plus de temps avec son aîné. Il a une certaine fierté après tout, et il n'est pas sûr que Nemo soit partant pour un moment fraternel. Surtout après le réveil auquel il a eu le droit le matin-même. Mais il n'y peut rien Elias, il n'a pas fait exprès de monter à fond  le son – accidentellement amplifié par magie –  du lecteur cassette pile à côté de la porte de Nemo à sept heures du matin.

— En fait, Natali vient passer trois jours ici à partir de demain. La désinvolture se lit sur son visage alors qu'il annonce la nouvelle à son frère – le même vit ici et qui a donc son mot à dire à ça.

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Now it's time for our wrap up

Let's give it everything we've got
Ready?

Rapidement suivi d'une épaisse vapeur d'eau, le plus âgé des Desario quitta la salle de bain, vêtu de son short de basket préféré et d'une serviette autour du cou. Si la pluie l'avait empêché de faire un tour, elle ne lui avait aucunement supprimé son amour du sport, si bien qu'il en avait profité pour faire une bonne petite séance d'abdos. Rester en forme était très important pour Némo, surtout depuis qu'il avait officiellement rejoint l'ordre. D'un pas lent, il entra descendant l'escalier en colimaçon avant de se diriger vers la cuisine pour prendre une bière -tout sportif qui se respecte sait que la bière est bonne pour la récupération. Sans surprise, son frère se tenait dans le canapé avec son habituelle console. La remarque de ce dernier ne surprenait pas du tout Némo qui devait subir depuis quelques jours Elias le bricoleur. Une sorte de passion que son frère se découvrait un peu plus chaque jour. « Avant de faire la peinture, tu aurais pu ranger tout ton bordele dans le couloir. » L'appartement des frères était encore loin d'être rangé et on pouvait encore trouver quelques cartons, sans parler des trois colis que leurs abuela leur avait déjà envoyé.

Némo décapsula sa bière en s'avançant dans le salon et attrapa la gourde scooby-doo pour la lancer assez violemment sur son frère avec un sourire. Le plus âgé resta debout contemplant son petit frère en se demandant pourquoi ils étaient si différents et pourquoi malgré tout ce qu'il lui faisait subir, il l'aimait encore autant. « Le reveil en musique c'était obligé ? » Il se doutait déjà que la réponse serait aussi improbable que toutes les choses que le plus jeune pouvait dire à longueur de journée, à lui ou à n'importe quel inconnu qu'il pouvait croiser dans la rue. « Je ne fais rien, tu veux faire quelque chose ? » Il y avait de fortes chances pour que son frère ignorait toujours que s'il était parti en Angleterre avec lui, c'était avant tout pour passer un peu plus de temps avec lui et il comptait bien s'y tenir.

A l'aide de sa baguette, il baissa un peu le son de la musique et alla s'installer à son tour dans le canapé. Il pensait pouvoir passer un après-midi tranquille avec son frère, mais c'était avant que celui-ci lui annonce la dernière nouvelle. Némo manqua de s'étouffer avec sa bière.  « Natali ? La brune ? Celle qui parle tout le temps ?» Il connaissait déjà la réponse et ne laissa aucunement son frère poursuivre. « Et tu n'as pas jugé nécessaire de m'en parler ? » Elias allait sûrement finir par l'envoyer en dépression.

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Elias ignore sans le moindre remords la remarque de son frère. Ranger ledit bordel est d'un ennui pas possible, et il ne se voit pas abandonner la joie d'empiler des cubes sur un écran en noir et blanc – ou mieux, de peindre de grands gestes désordonnés un pan de mur d'une couleur joyeuse qui agresserait les yeux des accros aux teintes pastel – pour déballer de stupides cartons qui ne doivent même pas contenir quelque chose de réellement important. Après tout, il a tout ce qu'il lui faut – sa console, son téléphone, sa gourde préférée et son skate. C'est quelqu'un de simple – il l'affirme d'un ton totalement condescendant à longueur de temps – il n'a pas besoin de ces foutaises empilées dans un coin de l'appartement. Ou du moins, pas pour le moment. Il saura les déballer au moment venu, on peut lui faire confiance pour ça. La gourde lui arrive sur le bras, Elias grimace en se concentrant un peu plus sur l'écran de sa gameboy. Hors de question de perdre.

— Le réveil en musique ? Oui, carrément, dit-il très sérieusement. C'est bon pour le moral, j'avais espoir que tu sois un peu moins grognon dès le matin, mais il faut croire que ça marche qu'à la Lune montante. Il a clairement conscience de dire quelque chose de stupide – il faudrait être fou pour croire un seul instant les théories fumeuses que Elias lance à tout bout de champ sur la santé. Mais il aime embêter son grand-frère – il l'aime tout court après tout, mais ça le plus grand des deux ne le saura que sur son lit de mort, on peut compter sur le plus jeune pour y veiller. Je sais pas. Il coupe son jeu et pose la console sur la table alors qu'il ouvre sa gourde pour boire la mixture encore fraîche qu'il a mise. On peut pas sortir. On pourrait se faire des tacos, et un monopoly ? Il est loin d'être fan des jeux de société Elias – il trouve toujours que les gens ne vont pas assez vites pour lui – mais c'est un des passe-temps qu'il aime bien partager avec son aîné quand la situation les empêche d'aller camper.

Il laisse retomber son dos sur le dossier du canapé, lançant un regard amusé à son frère. Toujours assis en tailleur, il contemple avec joie la réaction du plus grand à l'annonce de sa nouvelle. Comme il s'en doutait – il ne faut pas être un génie pour ça après tout – Nemo n'est pas des plus heureux de savoir que son nouvel appartement va bientôt accueillir celle qui se décrit elle-même comme sa plus grande fan. Dans un sens, Elias le comprend. Mais la possibilité d'embêter son frère, tout en passant du temps avec Natali est trop belle. Et puis, il ne pouvait pas laisser l'Australienne dans une situation pareille – qu'est-ce qu'elle aurait bien pu faire ne Afrique ?

— Oui bon, on avait pas le choix. C'était ça ou elle devait suivre avec son père. Se doutant que son frère avait besoin de plus d'explications que ça – il a lui-même appris en lisant la lettre de la Poufsouffle les raisons de ces chamboulements – il continue après avoir piqué la bière du loup-garou pour en prendre une gorgée ou deux. Il est militaire, tu comprends ? La pauvre, elle est victime du système, j'ai pas eu le cœur à lui dire non. Et j'avais pas le temps de te prévenir. Il sait que ça ne passera pas, que son frère le connaît trop bien pour ça. Il n'a pas envisagé un seul instant d'en parler à son aîné avant, tout comme il n'aurait jamais refusé l'asile à quelqu'un comme sa nouvelle amie.

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Parfois, il se disait que son frère était définitivement qu'un petit con hyperactif né pour faire chier le monde, mais comme il restait un grand frère génial, il se montrait toujours d'une très grande patience avec le plus jeune. Malgré toutes les crasses qu'il pouvait lui faire depuis qu'ils étaient arrivés à Londres, Némo ne doutait pas une seule seconde que passer plus de temps avec son cher petit frère était une très bonne chose -même si cela sous-entendait de subir encore de nombreux réveils dans le même genre. « Tu sais quoi ? Laisse mon morale tranquille si tu ne veux pas finir attaché à un arbre toi aussi. » Sûrement une des menaces les plus incompréhensible pour le commun des mortels et qui n'avait de sens que chez les Desario. L'idée d'une partie de monopoly accompagné de Tacos ne lui déplaisait pas vraiment et il ne voyait pas meilleure chose à faire de cette journée pluvieuse. « Ok, un monopoly ça me va. J'ai pas dû y jouer depuis trois mille ans. » Pour dire vrai, il ne se souvenait même pas de sa dernière partie et se doutait que cela remontait à l'époque de Salem.

Némo s'enfonça légèrement dans le canapé en descendant légèrement sa bière. Il était complètement blasé par son frère qui accueillait sans même lui demander une de ses plus grandes fans à vivre chez eux. Si cela arrivait à quelqu'un d'autre, il en rirait sûrement, mais comme ce n'était pas le cas, il se passa du moindre sourire. « Pas le choix ? Attend on est pas un refuge non plus. » C'était pas forcément la chose la plus gentille de l'année, mais sûrement un poil plus raisonnable que celle de son frère, néanmoins le plus âgé se doutait s'en trop de difficulté qu'il ne pouvait plus faire grand chose. « Victime du système ? Bah voyons … Bon comme je suppose que je n'ai pas le choix de dire oui, tu n'auras qu'a faire de la place dans ta chambre. » Son ton blasé montrait son mécontentement, mais encore une fois, Elias avait gagné. « J'accepte à une condition, ce week-end, on va camper. » On ne sait jamais, son frère aura peut-être rien à faire pour une fois.

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— À un arbre ? Elias grimace à l'entente de la menace de son frère. La plupart des gens rigoleraient peut-être à cette référence qu'ils ne comprendraient pas – pensant uniquement que c'est une idée farfelue, une petite blague entre frères – mais lui ne rit pas. S'il y a un moment qu'il déteste chaque mois, c'est la nuit de pleine Lune. Voir son frère attaché, attendre pendant des heures que la nuit passe et qu'il n'y aura pas de problème, c'est quelque chose qu'il n'est pas capable de supporter. C'est toi qui sent le chien mouillé, pas moi, dit-il sans grande conviction. Répondre à une blague par une autre, c'est peut-être ce qu'il est capable de faire de mieux. Heureusement pour lui, Nemo change rapidement de sujet en acceptant son idée – un peu stupide – de Monopoly. C'est vrai ? Trop cool. J'en ai trouvé un y'a quelques jours en passant dans une brocante. Ça va être cool. Elias bouge un peu sur le canapé, un peu trop heureux à son goût.

Il se trouve ridicule à cet instant, il a l'impression d'être définitivement retourné à sa place de petit frère – il est heureux comme un gosse de cinq ans à qui son grand frère adoré a promis de faire une partie rapide avant de dormir. Un gosse en manque d'attention qui ferait tout pour passer du temps avec l'autre, voilà une situation qu'il n'avait plus envie de connaître. Et pourtant, il n'en est pas loin. Il ignore depuis combien de temps il n'a pas ressenti ça. Pas si longtemps, lui rappelle son cerveau qu'il préfère ignorer. Finalement, il peut dire ce qu'il veut pour paraître fort et indépendant – il est incapable de vivre sans chercher à passer du temps avec l'aîné. Mais même ce détail des plus importants ne changera pas le fait qu'il lui en veut de l'avoir forcé à quitter le Canada pour venir s'établir dans ce coin perdu.

— Mais si, c'est ça, un refuge ! T'as qu'à te dire que c'est un chien perdu, ça restera dans le thème. Il comprend en soi que son frère puisse ne pas apprécier la nouvelle. Après tout, il invite une quasi-inconnu à venir passer quelque temps chez eux – et plus, qui sait ? Et pourtant, il est persuadé d'avoir confiance en l'australienne, elle lui paraît totalement inoffensive. Bien sûr, c'est plus à l'aîné de pouvoir affirmer ce genre de chose mais Elias fait confiance en son instinct. Je lui fais de la place, pas de souci. Il regarde son frère en souriant face à la nouvelle qu'il vient de lui annoncer. Grave, carrément ! Ça fait trop longtemps qu'on a pas campé tous les deux en plus. Je crois que j'avais un truc de prévu mais je peux annuler sans soucis. Il sort son téléphone pour envoyer un message à un ami pour le prévenir.

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Le plus âgé des frères voyait bien que la blague qu’il venait de faire ne faisait clairement pas rire l’autre et il se passa largement d’en remettre une couche. Némo ne réalisait pas à quel point c’était compliqué pour son frère de supporter ses périodes lunaires, mais il s’en excusait intérieurement. Néanmoins, il refusait toujours autant de prendre les potions contre les transformations, pour la simple et bonne raison qu’il cherchait à trouver le moyen de contrôler celles-ci -un rêve qui ne se réalisera sûrement jamais. Le mexicain souriait en voyant son petit frère joyeux à l’idée de faire un monopoly et même s’il se montrait moins enthousiasme, il était réellement heureux de pouvoir passer un peu de temps avec Elias. « Par contre, interdiction de mettre plusieurs hotels sur la même case. » Un rapide sourire en direction de son frère avant de se lever en direction de la cuisine américaine. « Je te laisse installer le jeu, je vais faire du pop corn. »

Tandis qu'il préparait tranquillement de quoi grignoter pendant la partie, son frère accepta avec enthousiasme de libérer un peu d'espace dans sa chambre. Némo savait bien que c'était totalement pas raisonnable d'héberger une jeune fille et commençait même à se demander si c'était légal. « Tu me passeras l'adresse de ses parents, il faudra que j'écrive une lettre pour leur dire. » Un détail qui dédramatiserait sûrement un peu la situation aux yeux de l'ancien joueur de quidditch.

Il posa le saladier qu'il venait de remplir sur la table basse et de posa de nouveau dans le canapé aux côtés de son frère qui accepta -pour son plus grand plaisir de partir camper avec lui. Némo offrit un sourire à son frère. C'était sûrement la chose qu'il préférait faire au monde et dont il ne se lassera jamais. « Cool, ca sera cool, on en profitera pour faire rouler un peu la jeep et découvrir de nouvelles forêts ! » Peut être qu'ils finiront par en trouver une un peu mieux que les autres, qui leur rappellerait la grandeur des forêts Canadiennes.

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— Ça marche ! De toute façon, plusieurs hôtels sur la même case, c'est de la triche. Je suis sûr qu'ils jouent avec cette règle ici. Elias se lève enfin du canapé, abandonnant définitivement sa gameboy sur la table pour l'espace de quelques heures. Ce n'est pas tous les jours qu'il a l'occasion de jouer avec son grand frère – une chose qui beaucoup arriverait trop tard mais Elias n'est pas vraiment du genre rancunier, il a beau en vouloir à son frère il préfère dans ce genre de moment profité de ce que l'aîné accepte de lui donner. Les reproches arriveront bien assez tôt au moment venue, rien ne sert d'en faire à longueur de temps. Il sort donc la boîte de jeu avec un grand sourire. Oh Nemo, j'avais pas vu. Je l'ai pris parce qu'il était en espagnol, mais c'est l'édition mexicaine en fait. Je savais même pas qu'elle existait. Il regarde sa trouvaille avec un grand sourire – ça c'est une bonne nouvelle.

Il est plus qu'enthousiaste à l'idée que l'australienne vienne vivre ici – il ne sait pas trop pourquoi mais il la trouve particulièrement sympa comme fille, le genre de personne qu'il aime bien avoir en amie. Il hoche dont la tête quand l'aîné lui demande l'adresse des parents – il est sûr que Natali en apprenant qu'elle a le droit de rester se fera un plaisir de donner les coordonnés de ceux-ci à Nemo. De toute façon, l'ancien joueur de Quidditch ne lui laissera tout simplement pas le choix, et si elle s'y oppose Elias n'est pas responsable des conséquences de sa bêtise. S'il y a une chose qu'il sait, c'est qu'il ne faut pas contredire le loup-garou, à moins de ne pas du tout tenir à sa vie. Lui se permet de le faire une centaine de fois par jour, mais toujours sur des sujets qu'il pense insignifiant – comme le sommeil, qui a besoin de dormir ? – et ne se mettrait jamais en travers de son chemin si les choses étaient sérieuses.

— Celle où je suis allée la dernière fois était pas mal, mais je pense que si on remonte plus nord, en évitant les zones industrielles on a moyen de trouver un truc pas trop mal. Elias soupire. Le Canada lui manque en partie à cause des forêts – et d'un milliard d'autres choses qui lui paraissent bien mieux là-bas qu'ici. Il a déjà campé plusieurs fois depuis qu'il est arrivé et même si certaines remontent le niveau, rien de pourra jamais égaler son pays d'adoption en matière de beauté pour les forêts.

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