Baby, I love you

I never want to let you go

Une seconde d'hésitation et c'est foutu, il fait demi-tour, transplanne chez son meilleur ami le sac de pains au chocolat à la main, et fait comme si rien ne s'était jamais passé. Une seconde de trop, et il ignore les prochains messages de la joueuse de Quidditch, explique à Hazel qu'ils ont juste mangé ensemble – comme des adultes sains, le genre qui ne se sautent pas dessus à la fin du repas – et couche avec toutes les filles qui veulent bien de lui à la fin des concerts. Mais la porte s'ouvre, sa main redescend de la sonnette, et le visage d'Andy au matin lui paraît être la plus belle des récompenses. Pour une fois, il n'a pas fui Jude, il a assumé les conséquences de ses conneries jusqu'au bout, se retrouvant là, comme un con dans l'appartement de l'écossaise.

— J'ai jamais fait ça. Un aveu en guise de bonjour. Il pourrait être tellement plus correct Jude, tellement plus conventionnel. Mais ce genre de chose ne l'intéresse plus. Après le coup qu'elle lui a fait – partir au matin sans un mot, lui voler son propre rôle – il a bien compris que la banalité et les procédures normales ne lui seront d'aucune utilité. Il est face à Andy, des cernes aux yeux. Lui a dormi comme un enfant bienheureux après son dernier sms, une bouteille de whiskey envoyé dans l'estomac en quelques heures pour oublier. Ça non plus, il ne l'a jamais fait. Boire pour oublier une fille, c'est bon les romantiques, les mecs fragiles qui s'accrochent à la mauvaise personne, à celle qui va les faire souffrir. Aujourd'hui, il ne se sent plus si éloigné que ça de ce schéma qu'il critique depuis des années. Il lui tend le paquet de pains au chocolat avant de s'affaler sur le canapé, son regard se fixant immédiatement sur la télé allumée. Oh, c'est l'épisode avec Capitaine Scaphandre ? Il est tellement drôle, j'adore Sammy et Scooby. J'ai toujours dit à Balth qu'il serait Scooby, complètement stupide et le pire morfale que la terre ait porté. D'ailleurs, je crois qu'il va te détester. La pauvre va pas se remettre de ne pas avoir ses pains aux chocolat tout chaud au matin.

Des conneries, comme toujours. Un rappel de ce jour où Jude a affirmé haut et fort que la seule fille à qui il ramènerait des viennoiseries au réveil, ce serait son bro. La vérité est différente, les deux autres membres du Genius Crew peuvent le confirmer. Parfois, la légèreté de ces moments lui manque, comme pour ceux avec Andy. Tout était plus simple à une autre époque, pas de réelles disputes, pas de fatigue, et pas de douces gueules de bois matinales alors qu'il se rend simplement chez une amie.

Il n'aurait jamais cru s'imaginer dans une relation sérieuse Jude, et si on lui avait demandé, il aurait imaginé les choses autrement. Il a connu des nuits plus rock'n'roll que celle partagée avec la blonde – une histoire de jumelles, dit-il parfois en se vantant – et en tant que batteur des Green Brothers, il aurait pensé qu'une hypothétique relation aurait commencé autrement que par une soirée moules frites dans son appartement. L'image de Kurt Cobain et Courtney Love vient s'insinuer dans sa mémoire. C'est ça, la vraie classe Jude, tu ne vas quand même pas sortir avec une sportive. Pour la première fois depuis longtemps, il envoie balader ses préceptes stupides qu'il s'est mis en tête il y a des années. Balthazar a raison, il peut parfois être totalement con.

— Bon, je crois que je m'y colle parce que sinon, on y est encore demain. Et je te jure que si je rate cette répet, je vais vraiment me faire tuer par Balth. Ce mec est pire qu'un dictateur. Il trouve enfin le courage de la regarder en face. Elle est belle, son cerveau lui crie qu'elle l'est même trop pour lui mais il préfère ignorer. C'est tellement plus simple comme choix, une facilité qui lui permet de garder cet air assuré qu'il aime tant. Il ne l'est pas pourtant, il est mort de peur à l'idée de faire une erreur. La conclusion tombe, il n'aurait pas dû venir. Pourquoi t'es partie hier matin ? Et pas la peine de me raconter des mensonges comme quoi tu avais un truc super important à faire. Réveiller les gens ne t'a jamais posé le moindre problème et.- Il n'aime pas ça, il n'aime pas être en train de lui sortir la vérité en pleine face. Il préférerait vivre dans le déni. Doux et agréable déni, semblable à du coton. Tu m'as laissé dormir Andy.

electric bird.

Baby, I love you

I never want to let you go

Il y a certaines choses qui ne rassurent pas dans la vie. Se retrouver seul le matin après avoir couché avec une amie de longue date par exemple – et ça bien que le problème ait déjà été soulevé plusieurs fois entre hier matin et aujourd'hui – ou encore pire, le fait qu'Andy n'ait pas faim. Il connaît suffisamment l'écossaise pour savoir que c'est un estomac sur pâtes, qu'elle est capable d'avaler autant de bouffe que Balthazar Owen en un temps tout aussi digne de respect. Son regard reste bloqué sur la jolie blonde qui semble vouloir rester loin de lui, celle qui a l'air stressée, celle qui ne parle pas. Qu'est-ce qu'il aimerait l'avoir à côté de lui, ça le rassurerait. Il se dirait que tout va bien, que les choses n'ont pas trop changé. Mais à la place, il n'y a que cette tension invivable depuis qu'il est rentré dans la pièce. Quelle merde. Pour une fois qu'il tente de faire les choses bien, de venir à bout des problèmes existentiels, il faut que la personne en face de lui fasse preuve d'une immaturité à toute épreuve. Une personne ne les connaissant pas trop trouverait sûrement ça normal. Elle a cinq ans de moins que toi, dirait-il d'un air assuré. Vrai et faux. Ils sont sentimentalement restés tous les deux bloqués au stade du jardin d'enfants, à l'époque où la seule chose qui importait était de voir la culotte de l'autre et d'en rire pendant des heures.

— T'as pas faim ? T'es sûr ? Mais, qui êtes-vous et qu'avez vous fait d'Andy Jules McGildroy ? Ce n'est pas ça qu'il aurait voulu dire. Un air inquiet sur son visage, Jude se trouve ridicule. Le voilà mort de peur parce que son amie refuse des viennoiseries toutes choses. Forcément, il  ne l'avouera jamais. Il a beaucoup trop d'orgueil pour ça, pour ne pas changer. À la place, il préfère triturer un papier de bonbons à la framboise trouvé au fond de son jean. Tout est mieux que d'affronter la réalité.

Il la trouve belle, même avec son jogging. Il est arrivé à un stade où même couverte de boue, il la trouverait belle. Il trouve ça gênant d'ailleurs, il aimerait pouvoir régler ce problème, retomber dans sa monotonie – une conquête par-ci, par-là, jamais attiré plus que ça. Il faut que la seule fille capable de lui faire de l'effet depuis des années soit celle avec qui il a peur de tout foirer. Quelle ironie. En la voyant, il réalise qu'il n'est sûrement pas le seul, que cette situation la dérange presque encore plus que lui. Elle ne l'a pas réveillé. Depuis presque vingt-quatre heures, il ne pense qu'à ça, aux raisons qui l'ont poussé à partir. Tout aurait été plus simple s'il s'était réveillé avant, s'il lui avait demandé de rester encore un peu.
Peut-être pas. Il ne sait plus vraiment en fait.

— C'est n'importe quoi Andy. Dans le genre rassurant, on fait mieux. Mais elle l'énerve avec ses réponses stupides, elle ne lui laisse pas l'occasion de faire des choix. Et même s'il ne pensait jamais être dans cette situation de sa vie, il a envie d'agir pour une fois. Il se lève du canapé pour se rapprocher d'Andy. Il se sent furieux Jude, surtout quand elle mentionne son passé. Ce genre de fille. Même s'il a été absent pendant deux ans dans la vie de l'écossaise, il se doute très bien de quoi elle peut parler. On a pas besoin d'être officiellement en couple, de se coller cette putain d'étiquette étouffante qui fait tout foirer. Sa main vient caresser sa joue. Elle est douce, le contact de leurs deux peaux, la fraîcheur de celle de l'écossaise, tout ça le fait sourire. Pour la centième fois, il se pose la même question. Pourquoi faut-il que ce soit elle qui lui plaise autant ? Foutu cerveau qui ne lui simplifie pas ma vie. Mais on n'est pas obligé non plus de tout laisser. J'ai pas envie de laisser passer un truc qui pourrait être génial juste parce que tu as peur du mot couple. Ses doigts quittent à peine le visage de la blonde, qu'il regrette déjà. Andy l'attire, mais pas comme toutes les autres. À ce moment, il a envie de la rassurer, de lui expliquer que tout ira bien. Il vient de se gratter l'arrière de la tête, gêné par la situation qui lui donne l'impression de dégénérer. Et en fait, c'est peut-être ça qui t'inquiète parce que ça arrive pas souvent, mais quand je suis un couple, je suis plutôt quelqu'un du genre fidèle tu sais ? Mensonge sur mensonge, tu trompes comme tu respires. Son cerveau le rappelle à l'ordre mais il l'ignore. Après tout, il dit ce qu'il veut pour parvenir à ses fins. L'important est qu'elle le croie, l'important reste de ne pas lui faire regretter après. Ça fait bien trop longtemps qu'il n'a pas eu de réelles copines Jude, il ne peut pas vraiment juger. Alors bien sûr, il trompait les précédentes sans état d'âme, mais l'être humain reste capable de changer. Pour une fois, il s'imagine faire un effort.

electric bird.

Baby, I love you

I never want to let you go

Alors là tu vois, je crois que tu me détestes officiellement.



EDIT : Je le laisse, ça fait de bons souvenirs. #thuglife.

electric bird.

Baby, I love you

I never want to let you go

Il tente de faire taire ce sentiment stupide, cette joie qu'il ressent au fond de lui en la regardant sourire. Andy lui plaît décidément plus qu'il ne faudrait, il s'éloigne de sa ligne de conduite, quitte à jamais le raisonnable pour rentrer dans la folie pure. Il ne devrait pas, il se sent con à mourir d'envie de l'embrasser, à espérer qu'elle le fera. Lui n'ose pas – pas par peur de se faire rejeter, plus par refus de lui imposer ses choix. Une partie de lui continue à répéter que ça ne marchera, que c'est Andy – la petite Andy des vacances en Irlande, celle qui se moquait de lui, ne comprenant pas que son amitié avec Balthazar puisse être réelle – mais l'autre refuse de l'entendre. Il y tient, à sa blonde hyperactive. Son silence l'inquiète.Il comprend que la situation ne soit pas simple, que sa réputation n'aide pas, que la vie mouvementée de la joueuse non plus.

Elle est sérieuse là ? est tout ce qu'il parvient à se dire au moment où elle fuit pour un verre de jus d'orange. Il hallucine Jude, soupire en se rappelant qu'il ne s'agit que d'Andy après tout. Il ne fallait pas à s'attendre à des merveilles. Il ne fallait s'attendre à rien du tout. Il a été stupide, espérant qu'elle n'agirait pas avec lui comme avec tous les autres – un coup d'un soir et c'est fini. Il est comme ça lui aussi, à n'apprécier le contact d'une femme que pour quelques heures avant de se lasser. Andy est différente, il la respecte trop pour ça, d'où sa présence dans cet appartement bien trop blanc au matin. Il finit par la suivre vers la cuisine, s'asseyant sur l'une des chaises hautes en attendant que la blonde ait fini son délire. Qu'est-ce qu'il déteste le jus d'orange Jude, aujourd'hui plus que jamais. Pendant un instant, il entrevoit la possibilité de partir, transplanner, rentrer chez lui. Ce ne serait pas une fuite, se répète-t-il pour se donner bonne conscience, abandonner avant de s'énerver lui paraît juste être la meilleure solution.

— T'es chiante tu sais ? Seule réponse qu'elle obtient à ses explications, alors qu'elle lui explique avoir peur. Mais il n'est pas méchant Jude, au contraire. Il a sur son visage ce petit air résigné que seules les personnes qui le connaissent vraiment comprennent. Il comprend. Il est résigné, prêt à accepter de faire des concessions – un passage obligatoire – prendre son temps. Sous ses airs fiers, il n'est pas mieux, il a peur que tout aille trop vite – il a juste trop d'orgueil pour l'avouer. Lui non plus n'a aucune envie de s'engager dans une relation qui pourrait causer la fin de sa stabilité. La possibilité l'effraye autant qu'elle l'attire. Parce que c'est Andy, rien ne pourra jamais être totalement négatif avec la blonde.

Elle vient s'asseoir à côté de lui et il apprécie soudainement cette simplicité. C'est comme un rêve doux, un moment de calme avant la tempête qui s'annonce. Parce qu'il y en aura une – il y en a toujours une – et les incertitudes de la blonde ne sont que les premières bourrasques de vent qui viendront ravager la situation. Il pousse un nouveau soupir. Balthazar se moquerait de lui, tous ses amis rigoleraient en lui demandant ce qui lui arrive. Il n'a jamais eu peur de tenter quoi que ce soit avec une fille, même si ça doit se transformer en échec, laisser un sentiment amer sur le cœur. C'est peut-être parce qu'il n'a jamais pensé que ça pourrait marcher, qu'il n'a jamais eu peur de risquer de gâcher quelque chose. Et peut-être que c'est ça qui causera la fin, ce comportement si peu naturel chez lui. Sa main vient caresser celle de Poufsouffle avec une tendresse qu'on penserait impossible de sa part. Il cherche quoi dire, quoi répondre, quelque chose qui ne le ferait pas fuir. Ils sont dans son appartement mais il l'en sait particulièrement capable.

— Meuf, comment je pourrais être une erreur ? Je suis Jude Lynch. Ses propos ont au moins le mérite de ne pas sortir d'une comédie romantique dont les adolescentes raffolent. Il n'ira pas jusqu'à dire qu'il le pense réellement – sauf lorsqu'il est bourré, là c'est autre chose – il sait très bien que pour un nombre important de filles, son prénom est synonyme de connerie à ne plus reproduire. Et au lieu d'un discours intelligent qui expliquerait ses propos, les argumentant, Jude embrasse Andy. Juste parce qu'il en rêvait depuis la minute où elle lui a ouvert la porte – et que comme il dit, il est Jude Lynch, il ne réfléchit pas, fait ce qui lui plaît, se fiche des conséquences.

electric bird.

Baby, I love you

I never want to let you go

Il se demande ce qu'elle va bien encore pouvoir inviter. Il a peur qu'elle ne fuie à nouveau, que malgré tous ses efforts elle préfère partir se cacher et qu'il se retrouve là, comme un con. Avec pour seul réconfort un verre de jus d'orange. Il n'est pas sûr d'être capable de prendre avec humour un nouveau rejet. Il a beau être devenu assez patient avec le temps – quand on travaille avec Balthazar Owen, on n'a pas toujours le choix – il n'est pas loin d'avoir atteint sa limite. Il se dit que peut-être qu'Andy ne veut pas, pour des raisons qu'il ne comprend pas vraiment. Tout ça – cette relation soudaine qui apparaît d'un coup et qui sonne comme une évidence – lui paraît pourtant beau. Il la trouve même saine malgré des débuts houleux ou le fait qu'il a longtemps considéré la blonde comme une petite sœur. Ils se connaissent, il sait qu'il ne cherchera pas à la blesser. Elle part avec un avantage que les autres n'avaient pas, toutes ces filles dont le batteur se fiche plus que d'une bonne bière fraîche à la fin d'un concert.

Ses yeux bleus sont magnifiques, il en reste scotché. Il la regarde, attendant une réaction de sa part, une qui ne serait pas une simple fuite. Il la détaille, la trouve belle avec ses cheveux blonds. Il se retient de dire en réalisant que jamais il ne l'appellera poussin parce qu' c'est le surnom le plus ridicule qu'il n'a jamais entendu – et si peu original. Andy c'est bien, Andy c'est joli. Andy, ça lui va parfaitement. Cette fois, tu resteras ? La phrase lui fait plus de peine qu'il ne l'avouera jamais. La réalité le surprend. Alors c'est ça, elle n'a juste plus confiance en lui, elle le pense incapable de rester après ces deux ans d'absence. Son cœur se serre quelques instants. Dans le cas inversé, il aurait réagi pareil ? Non. Lui n'aurait jamais accepté le moindre retour dans sa vie, il aurait ri et serait parti, trop fier pour avouer qu'elle lui avait manqué. Il n'a qu'une seule envie, se faire pardonner, la prendre dans ses bras, lui faire un câlin. Pourtant il reste là, sans bouger, comme choqué par les propos de la joueuse de Quidditch.

— Je resterais. Il s'étonne lui-même du ton qu'il emploie, de cette affirmation qui sonne si vraie. Il n'est pas si sûr pourtant, il reste instable quant à ses relations avec les autres. Il préfère partir que de s'encombrer de difficultés supplémentaires. Il réalise quand même qu'il ne partira jamais, qu'il tient trop à l'ancienne Poufsouffle et qu'il s'en veut pour ce passage de sa vie dont les simples informations qu'il a réussi à obtenir sont des articles de journaux. Ils se ressemblent bien plus qu'il ne l'avouera jamais. Et c'est pour ça que ça peut marcher, tente-t-il de se convaincre. Même si ça marche pas, qu'au final on se rend compte que c'était une erreur et qu'on arrête, je resterais. Je te laisse plus maintenant.

Faire des promesses qu'il ne peut pas tenir, il n'en a pas vraiment l'habitude. Il n'en fait jamais, ça lui simplifie la vie, lui évite des explications parfois compliquées. Il sourit à son amie – ou petite amie, il ne sait plus vraiment – en serrant légèrement sa main contre la sienne. Il a peur de lui faire mal, et ça même s'il se dit qu'en tant que sportive professionnelle, Andy ne doit pas être si délicate que ça. Il n'y peut rien. Même s'il la voit bien loin des photos de son adolescence qui orne les murs de son appartement à Lahinch, il ne peut se retirer de la tête l'idée qu'elle est une petite chose à protéger.

electric bird.

Baby, I love you

I never want to let you go

Il la regarde tristement Jude, alors qu'elle déverse sur lui ce flot de paroles qu'il aurait préféré ne jamais entendre. Il les mérite, toutes ces accusations – il le sait, il ne niera pas. Et pourtant il aimerait, ça lui semble plus simple que d'assumer ses erreurs. Il baisse la tête quelques instants, le cœur en miettes. Il a conscience de ne pas avoir échoué dans son rôle d'amis. La rage de la blonde est justifiée, il est même heureux qu'elle soit toujours là. Si c'était lui, il serait partie depuis longtemps. Il n'aurait pas pardonné, il aurait refusé de laisser une seconde chance. Les larmes sur les joues de son amie le rendent fou, il s'en veut, culpabilise. Parce qu'elle a beau lui avoir déjà dit qu'il avait abusé – elle le lui a répété au stade, lui faisant comprendre qu'il n'était pas vraiment le bienvenu après ces deux ans – elle ne lui a jamais dit comme ça. Elle n'a jamais montré aussi ouvertement la douleur qui a été la sienne face à cet abandon, le sentiment de misère qui semble l'avoir envahi en assistant au désistement d'un de ses amis à un moment crucial. Et s'il a l'impression d'être dans un mauvais livre pour adolescente, il s'interdit de faire la moindre blague face à ce tableau horrible se déroulant sous ses yeux.

Il hésite. Chacune des phrases qu'il envisage de dire se voit balayer en quelques secondes, persuadé que ce n'est pas la solution, qu'il va la vexer au lieu d'arranger la situation. Il n'est pas totalement bête, il sait que des mots ne pourront jamais arranger ça, qu'il aura beau s'excuser pendant des jours entiers, ce n'est pas ça qui fera revenir la confiance qu'elle avait en lui à cette époque. Il l'a écrasé sans faire attention aux sentiments d'une adolescente un peu instable, il a préféré vivre sa vie de son côté malgré les lettres et les avertissements des autres. Va voir Andy, lui répétait Seamus. Il a préféré ignorer parce que c'était plus simple, parce qu'il n'avait pas l'impression de ressentir ce manque qui lui transperçait la poitrine. Ne pas penser à elle, être une rock star. Ce n'était qu'une petite sœur d'adoption après tout. Pourquoi a-t-il fallu qu'en la revoyant, il trouve bien plus ?

Il descend de sa chaise pour la prendre dans ses bras. Pauvre petite Andy, elle fait peine à voir, elle lui détruit le cœur avec ses mots comme il a détruit leur amitié en partant sans rien dire. Mais là, alors qu'il la tient contre elle, il est incapable de s'imaginer la laisser. Et même si par la suite, ils ne doivent être qu'amis, elle reste une des personnes les plus importantes de sa vie, une gamine avec qui il a partagé bien plus qu'avec toutes ces personnes qui tournent maintenant autour de lui ses bros, attirés par la gloire que procure le statut de rock star. Il lui embrasse le front, essuie les larmes qui coulent sur les joues blanches d'Andy. Il aimerait avoir les mots adéquats, ceux qui – à défaut de pouvoir arranger la situation – ne l'envenimeront pas. Ce n'est pas le cas, il se contente d'essayer.

— Laisse-moi essayer de me rattraper. Il murmure presque, ses yeux fixés dans ceux de l'ancienne Poufsouffle. Laisse-moi te prouver que je peux le faire, te montrer à quel point je regrette. Ses doigts caresse sa joue doucement, comme s'il avait peur qu'elle casse ou qu'elle s'en aille. Je regretterai toute ma vie alors s'il te plaît, accepte de me croire. Il ne pense à rien d'autre qu'à Andy. Andy qui lui pardonne, Andy qui accepte de lui donner une seconde chance. Il se fiche de sortir des phrases qui ne lui ressemblent pas, qui feraient mourir de rire Balthazar. Elle est ce qu'il y a de plus important à ce moment-là. Une personne qu'il refuse de perdre à nouveau à cause de ses conneries, une fille avec qui il se sent bien – la seule avec qui c'est vraiment le cas.

electric bird.

Baby, I love you

I never want to let you go

Elle est définitivement trop compliquée pour lui Andy. C'est ce que sa raison lui crie depuis qu'il est entré dans l'appartement de la joueuse de Quidditch. Elle lui dit aussi de partir, qu'il devrait se contenter de ce qu'il a déjà réussi à obtenir – une nuit c'est bien assez, ça lui a toujours suffi avec toutes les autres. Il ne faut pas s'éloigner de son quotidien facile, il risquerait de se perdre dans une nouvelle aventure. Il n'est pas prêt pour ça. Ce n'est pas la facilité, Andy apparaît comme un nuage qui viendrait corrompre ses belles journées ensoleillées – sauf quand elle sourit, là il pourrait la regarder pendant des heures même s'il n'est pas prêt de l'avouer. Il lui fait mal, ce doute qu'il voit dans les yeux de son ancienne amie, il aimerait pouvoir le changer, lui montrer à quel point ça pourrait être bien. Dans le fond, il aimerait se convaincre lui-même, croire que tout ça ne va pas finir au bout d'une semaine comme toutes les autres à qui il laisse la chance d'entrer dans sa vie. Ce serait bien, ça changerait, ça casserait un peu cette routine stupide à laquelle il s'accroche. Parce que peut-être que ça marchera s'il y met du sien – ça il ne l'a jamais fait. Il y a des chances qu'elle est ce qu'il lui fallait, une personne qu'il n'a pas envie de blesser une nouvelle fois.

Un certain soulagement s'empare de lui alors que la main d'Andy le retient. Après tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit, il n'a aucune envie que la blonde le laisse partir. Et s'il est prêt à s'investir dans une relation pour la première fois de sa vie, il espère que ce sera réciproque, que son ancienne amie tentera autant que lui de faire avancer les choses. Il n'est pas sûr d'en être capable à la longue, et la joueuse de Quidditch ne semble pas être la personne la plus qualifiée pour ça non plus d'après les récits que lui a faits Seamus pendant ses deux ans d'absence. Mais à ce moment précis, elle est tout ce qu'il y a de plus désirable à ses yeux. Il n'a pas honte de le penser, il le dirait sans complexe.

— T'es la première dont j'ai vraiment envie, pour qui ça me dérange pas de passer pour un con depuis dix minutes à argumenter le pourquoi du comment on peut pas passer à côté de ça. Il soupire en contemplant ses yeux bleus magnifiques, ses cheveux blonds et son petit air triste qui lui donne envie de lui faire tous les câlins du monde. Il se sent soudainement différent, loin du Jude habituel qui partirait en pensant plus à la bière qu'il va boire qu'à la fille avec qui il vient de coucher. Andy, s'il te plaît. Je suis loin d'être le mec parfait, je le sais. Alors on s'en fout que ça soit pas une bonne idée parce que tu penses pas être la copine que je souhaite. Tout lui semble trop compliqué, pas comme dans une mélodie stupide qui vanterait les mérites d'un amour réciproque. T'en sais rien de toute façon. Si ça se trouve, t'es la meuf dont je rêve et tu le sais pas encore. Parce qu'il ne le sait pas encore. Il lui sourit.

electric bird.

Baby, I love you

I never want to let you go

Le sujet le dérange sûrement plus qu'il ne veut bien se l'avouer à lui-même. Coucher avec une droguée, c'est une chose. Il l'a déjà fait et ça ne l'a jamais dérangé – il trouvait même ça plutôt cool, ça évite bien des complications, personne qui lui demande le lendemain d'une voix niaise et pleine d'espoir tu vas me rappeler ? Personne à qui mentir, personne qui n'espère quelque chose qu'il est incapable de donner. Mais sortir avec Andy, c'est ce qu'il y a de plus éloigné au monde de la première situation. Soudainement, il trouve les marque sur les bras beaucoup moins insignifiantes. Les autres, il s'en fiche. Là c'est de sa petite amie qu'il s'agit. Le terme lui paraît bizarre. Il est incapable de dire depuis combien de temps il ne l'a pas utilisé. Des années, c'est certain, et encore tout est différent. Ce n'est plus une fille facile dégotée dans un couloir à Poudlard, c'est une ancienne amie à qui il vient de promettre quelque chose de sérieux. Et si une partie de son cerveau lui conseille de fuir, il n'en a pas l'intention. Il préfère envoyer valser les mauvais présages pour se concentrer sur l'essentiel.

— Les écarts sont pas si gênants Andy Il aimerait le croire, mais lui-même doute de ses propos, encore plus quand elle lui parle de la presse. Il baisse les yeux. Rarement. C'est vrai, il vit depuis des années dans une sorte de déni assez comique. Les magazines qui ornent le studio de répétition des Green Brothers sont souvent ouvert pour vérifier deux trois infos mais il fuit les pages qui parlent de l'écossaise. Il les évite de peur de se faire mal. Pourtant il sait, il connaît les grandes lignes comme tout le monde. Même s'il refuse de lire, il y a toujours Galaad, Seamus ou même Balthazar pour lui en faire un résumé. Et dans ce genre de moment, Jude hait le monde de l'avoir laissé faire, de ne pas l'avoir enfermé dans une cage en attendant qu'elle arrête ses conneries. Mais il n'a pas le droit de juger ceux qui sont restés présents au côté de la blonde. Lui est parti, il l'a abandonné pour revenir deux ans trop tard. De toute façon, il n'imagine pas une seule seconde que sa présence aurait changé quoi que ce soit – c'est ce qu'il se dit pour se donner bonne conscience, mais finalement personne n'en sait rien.

Il n'a qu'une seule envie Jude, accéder une bonne fois pour toute au pardon, qu'elle ne lui reproche plus son absence injustifiée ou son comportement déplacé. Il veut qu'elle lui dise oui, qu'il n'ait plus à se torturer l'esprit pour savoir si c'est une bonne idée ou non. Il préfère essayer pour juger plutôt que de réfléchir pendant des heures. À quoi bon faire des suppositions stupides quand on peut tester sur du concret. Alors quand Andy se lève pour venir se coller à lui, il ne trouve rien de mieux à faire que de la serrer contre lui pour lui transmettre une once de réconfort. Il doute de l'efficacité de ses gestes – il n'a jamais fait ça – mais ils lui paraissent bizarrement naturels.

— Merci. C'est tout ce qu'il parvient à dire quand il entend les trois mots d'Andy. Il n'en revient pas, qu'elle accepte enfin – il avait presque fini par se dire qu'elle finirait par refuser, qu'elle lui demanderait de quitter son appartement pour ne plus revenir. Il a été con de l'abandonner, il devrait en payer les conséquences. Il lui caresse les cheveux lentement, un petit sourire aux lèvres. Je te l'ai dit, j'ai aucune envie de partir. Il est trop bien avec la blonde contre lui, et même s'il doute que cette histoire puisse durer, il a envie de se dire qu'il n'a rien à perdre. Enfin j'y vais tout à l'heure pour ma répet, mais on pourrait se voir ce soir si tu as envie.

ele[/quote]

Baby, I love you

I never want to let you go

C'est un sentiment de victoire qui s'empare de lui au moment où il réalise qu'il a réussi son coup. Il n'en revient pas – il est parvenu à ses fins. Si la jeune fille pouvait lire dans son cerveau à cet instant, elle le bafferait sûrement, trouvant que sa joie est bien trop louche. Elle penserait sûrement qu'il a menti tout au long de cette conversation – et que cet engouement soudain n'est qu'une preuve supplémentaire qu'il ne pensait rien de tout ça. Il n'aurait aucune raison d'être aussi heureux s'il était sincère – ce n'est que les prémices d'une passion vouée à l'échec après tout. Et pourtant Jude l'est, même s'il parvient difficilement à contenir son empressement. Il a hâte d'être au studio pour annoncer la nouvelle à ses deux amis. Il a réussi à se taper Andy Jules McGildroy – ce qui en soit n'est pas un exploit – mais en plus, et c'est là que c'est drôle, c'est qu'il envisage de rester en couple avec elle pendant une durée pour l'instant indéterminé. Alors bien sûr, il ne croit pas au grand amour, mais c'est déjà une évolution comparé à avant. À croire que ses conversations avec son bro auront servis à quelque chose – il faudra qu'il pense à le remercier, peut-être en l'invitant à manger et en lui préparant tous les repas qu'il préfère.

— Je ferais en sorte que tu n'aies pas à le regretter, dit-il simplement. Pour lui, les choses sont aussi simples que ça. Même s'il n'a pas essayé depuis ce qui lui semble être une éternité, il suppose qu'être en couple ne doit pas être si compliquer. Dans le pire des cas, il demandera à Balthazar et Elias – même s'il n'est pas certain que leurs conseils soient les meilleurs de la terre, ses deux amis sont maintenant avec leurs copines depuis un certain temps. Bon, il n'avouera jamais qu'il ne sait pas quoi faire – il a bien trop d'orgueil pour ça. Chez moi. Je ferais les pizzas, tu verras elles sont super bonnes. Comme ma bible. Il a soudainement très envie d'être rendu au soir – bien qu'une longue journée de répétition l'attend avant – juste pour retrouver le confort de son canapé avec sa toute nouvelle petite copine. Ça le changera des fans furieuses qui s'extasient de pouvoir coucher avec une des rock star du moment. Bon, je vais devoir filer Andy, sinon l'autre va encore me gueuler dessus.

Au moment où elle l'embrasse, il réalise qu'il resterait bien un peu plus, qu'il squatterait bien ce canapé à regarder Scooby-Doo avec elle – chose qu'il n'a pas faite depuis une éternité. Mais les horaires l'appellent – et Jude n'envisage plus de rater la moindre répétition après l'accident qui a eu lieu il y a quelque temps. Il s'éloigne donc de sa copine après lui avoir rappelé qu'il l'attendait chez elle le soir même pour transplanner au studio de répétition, s'assurant de ne pas être en retard. Une personne qui ne les connaît pas vraiment hallucinerait sûrement. Jude Lynch qui a peur de Balthazar Owen – même les journaux seraient incapables d'écrire quelque chose comme ça si l'information leur parvenait. Et pourtant c'est une vérité – l'asiatique craint que son ami s'énerve, ce qui est l'une des choses les moins fun qu'il a vu de sa vie. Il espère qu'il sera de bonne humeur ce matin – autant que lui. Jude respire calmement, il n'en revient pas. Il sort avec Andy.

electric bird.