Donatello fixe l'horloge en face de lui depuis une dizaine de minutes. Il n'a qu'une hâte – pouvoir quitter son bureau pour partir en week-end. Il a déjà prévu une soirée tranquille dans son appartement en compagnie de sa nouvelle colocataire où ils mangeront des pizzas en buvant de la bière – un scénario parfait pour l'italien qui n'a de toute façon envie de rien faire aujourd'hui. Mais évidemment, les choses ne peuvent pas se contenter d'être si facile, et un énième rendez-vous avec un étudiant perdu le sépare de son paradis. Les aiguilles avancent encore, indiquant maintenant dix-sept heures trente-deux. Soit la personne qu'il doit voir – une certaine Hannah il-ne-sait-plus-comment – est en retard, soit elle a décidé de ne pas venir. Priant tous les saints pour que sa deuxième hypothèse soit juste, il commence déjà à remballer les quelques feuilles qui traînent sur son bureau – la plupart couverte de dessins, ou de notes prises dans sa langue maternelle. Il s'apprête à se lever, l'aiguille ayant avancé d'une bonne minute quand quelqu'un frappe à la porte.

— Entrez, dit-il en lâchant un soupir. Il n'a définitivement pas de chance, il a fallu que cette fille se décide à vraiment venir malgré son retard de trois minutes. En soi, l'italien sait qu'il abuse, qu'il est obligé d'attendre bien plus longtemps avant de déclarer absente la personne mais il a définitivement trop envie de partie en week-end et n'est pas sûr d'être prêt à écouter une énième étudiante se plaindre de ses soucis d'orientation. Chaque jour, il regrette son choix de boulot, mais il abandonne l'idée de l'abandonner parce qu'il n'a pas la moindre envie d'en chercher un autre, et qu'il n'est pas sûr de pouvoir trouver quelque chose de concret avec sa licence. Trois minutes de retard. Installes-toi, vas-y. De toute façon, on est bloqué maintenant. Il fouille dans les dossiers qu'il a sur sa droite à la recherche de celui de la jeune fille. Hannah Hildensen, c'est ça ? Étudiante en rune, première année. Bon, tu viens me voir pourquoi du coup? Il relève la tête pour croiser le regard de la jeune fille qu'il trouve finalement plutôt à son goût. Il pourrait presque lui excuser d'avoir pris rendez-vous si tard vu comment elle est mignonne – ça ne retardera de toute façon sa bière que d'une trentaine de minutes, et peut-être qu'il aura l'occasion de la boire en bonne compagnie. Je t'écoute, dit-il avec un petit sourire – il n'a de toute façon pas trop le choix.

Hannah jette la lanière de son sac sur son épaule avant de regarder sa montre. Il lui reste seulement quelques minutes pour quitter sa salle de classe pour rejoindre le bureau du conseiller d'orientation et même en se dépêchant, elle aura probablement quelques minutes de retard. Elle soupire et quitte la salle d'un pas pressé, traversant les couloirs en jetant des coups d’œil régulier à l'aiguille. L'horaire – un vendredi soir, après son dernier cours – l'embête tout autant que le conseiller, elle en est quasiment certaine, mais son emploi du temps (et le fait qu'elle avait pris rendez-vous au dernier moment) ne lui permet pas autrement. Quand elle arrive finalement devant la porte, c'est avec seulement trois minutes de retard – et elle s'autorise un soupir soulagé et une pause, le temps de reprendre son souffle. La brune réajuste ses cheveux et sa jupe avant de frapper à la porte. Son retard n'est que de trois minutes, peu importe le caractère de la personne dernière la porte, ce ne sont que trois minutes. Elle est néanmoins un peu nerveuse en poussant la porte.

La jeune fille marque un léger froncement de sourcils, un peu agacée – elle n'a que trois minutes de retard, pas de quoi l’accueillir avec un soupir et une telle remarque. «Bloqués » ! Si elle l'ennuyait déjà, il n'a qu'à lui dire, pense la brune en s'asseyant en face de lui, laissant tomber son sac à ses pieds. « J'ai fais aussi vite que possible. Désolée. » dit-elle en balayant du regard le bureau. « Oui c'est ça, Hildensen. » Elle s'avance un peu sur le bord de sa chaise pour jeter un œil à son dossier, légèrement curieuse, avant de se réinstaller. Hannah croise les bras en croisant le regard du brun – visiblement, plus si agacé que ça à cause de son retard, puisqu'il affiche maintenant un sourire. Elle hausse rapidement un sourcil et se reprends. « Je me suis rendu compte que les runes, c'est pas vraiment pour moi. Qu'est-ce que j'ai comme options ? Me réorienter ? » Elle ne se voit pas dire qu'elle avait principalement choisi les runes pour un garçon – par n'importe quel garçon, mais un garçon quand même – au risque qu'il la prenne pour une idiote totale. D'accord, elle n'avait peut-être pas réfléchi sur le coup, mais elle n'est pas idiote à ce point. « Je voudrais juste savoir un peu qu'est-ce que j'ai comme possibilités. »

Il y a beaucoup de choses que Donatello ne comprend pas dans ce monde, à commencer par la passion des anglais pour une nourriture insipide. Une autre de ces incompréhensions lui ait apparue lorsqu'il a commencé à travailler comme conseiller à l'université et la fille désormais assise en face de lui en est un bon exemple. Comment peut-on s'inscrire en études des runes. L'italien n'a pas suivi la matière quand il était à Poudlard mais elle lui semble être la chose la plus barbante au monde. Il s'agit d'étudier des caractères dont personne ne comprend réellement le sens, personne ne peut être passionné de ça – et d'ailleurs, à chaque fois qu'il croise le jeune enseignant chercheur ayant récemment terminé sa thèse dans cette matière, il est persuadé d'être plongé dans un mauvais rêve où tout le monde choisirait l'orientation la plus stupide. Dans tous les cas, il n'est pas vraiment étonné quand la jeune fille lui annonce vouloir se réorienter – les runes c'est pour personne.

— Enchantée mademoiselle Hildensen. Je suis Donatello Iovanni, le conseiller d'orientation, dit-il avec un petite sourire en lui tendant la main. Sa mauvaise humeur est définitivement parti – il ne lui en faut pas beaucoup, surtout quand la fille face à lui est aussi mignonne que la première année. Oh je vois. Si ça peut te rassurer, beaucoup de personnes se réoriente à l'issu de leur première année, c'est assez classique. Son rôle est aussi de rassurer les étudiants. De toute façon, la plupart commence l'université à dix-huit ans et perdre un an est loin d'être un souci en soi s'ils se retrouvent ensuite dans une filière qui les intéressent vraiment. C'est là qu'il intervient – il doit les aider à voir où était le problème avec leur premier choix pour pas qu'ils ne commettent une nouvelle erreur. Alors, ce que je te propose, c'est de m'expliquer pourquoi tu t'es lancée dans cette matière. Comme ça, on pourra plus facilement voir où était le problème. Il sourit. Chaque étudiant quittant cette matière est une petite victoire personnelle et il ne se remettra jamais du jour où un élève a décidé de se réorienter de médicomagie pour aller en runes – en réalité, l'italien en parle encore régulièrement quand il a trop bu.