Thyme observe encore une fois la clef flambant neuve, le porte-clefs tortue, essaye de se faire à l’idée encore toute fraîche. Non pas qu’il n’aime pas vivre avec sa petite sœur adorée, loin de là et même, bien au contraire ! Mais il est un artiste, un musicien, créatif et indépendant, et même s’il est ravi que Peppermint soit là pour lui, il rêve de son « chez lui », libre comme l’air, nid de création, sans petite sœur pour lui rappeler de se coucher à une heure raisonnable, de faire trois repas par jour et de ne pas laisser les plaques allumées quand il partait, même chose pour les lumières, bref, pas de petite sœur pour lui piquer son rôle de grand-frère.  Mais il aime beaucoup Pepper.
Mais vivre avec son meilleur pote est quand même plus satisfaisant. Et puis, Peps n’aurait plus à lui courir après et s’occuper de lui : tout le monde est gagnant, songe Thyme, toujours si optimiste.

Il pose donc un des quelques cartons qui contiennent l’essentiel de sa vie – de nombreuses bricoles probablement inutiles, donc indispensables, de t-shirts bariolés, de trop nombreux bandeaux, instruments de musique et d’autres choses ennuyeuses – avant de se laisser tomber à plat ventre sur le canapé d’Aiden.

« Laisse le reste, je m’en occuperai la prochaine fois que tu partiras bosser pendant quatre jours sans revenir ! » lance-t-il à l’adresse du mouton blond – son meilleur ami, et maintenant colocataire, conscient que celui-ci aime bien trop les déménagements pour éventuellement laisser le reste à Thyme. « Je meurs de faim. Tu fais à manger, ou je dois ressortir le bouquin que Romy m’a offert pour Noël pour tester une recette ? » fait le brun en terminant de rouler un joint. « Je peux ? » demande-t-il, attendant la réponse d’Aiden avant même d’envisager sortir son briquet.

Aiden ignore à quel moment cette idée a germé dans sa tête, quand est-ce qu'il s'est dit que partager un appartement trop souvent en bordel avec son meilleur ami – hippie et artiste dans l'âme – était une bonne chose. Mais pas un instant il regrette cette décision prise à la va-vite, sûrement influencé par l'atmosphère festive de la fin du mois de décembre. Il sourit au brun affalé sur son canapé – sur leur canapé – avant de poser lui-même un carton. Il a toujours eu cette passion bizarre pour les déménagements, il trouve ça convivial, pouvoir partager un moment d'entraide, et rire à la fin autour d'une bière. Les choses devraient toujours être aussi simples, ça lui plairait beaucoup.

Son regard se pose sur les différents cartons. Il y en a peu pour un jeune homme ayant dépassé la trentaine mais lui-même n'est pas sûr qu'il amènerait plus de choses en déménageant. Seule la cage de Nathalie-Pascale, sa guitare et quelques cartons remplis de carnet et tee-shirt trouverait sa place dans un nouvel appartement. Il se fiche pas mal de toutes les choses inutiles qui s'entassent pourtant dans les différentes pièces de son lieu de vie, où il ne passe définitivement pas assez de temps.

— Mais non, on va finir ce soir comme ça c'est fait, dit-il en attrapant des bières bien fraîches dans la cuisine. Aiden se pose finalement en face de lui, une cigarette à la main. Je peux faire des wraps si tu veux. Le jersiais n'est pas un professionnel en matière de gastronomie mais ce qu'il sait c'est clairement qu'il préfère éviter les plats à base de thym – l'humour de Romy n'a pas la moindre limite. J'en reviens toujours pas qu'il t'a offert un truc pareil. Ce mec est parfait, dit-il en souriant. En plus, je sais que tu l'aimes beaucoup. Le blond attrape son paquet de cigarettes pour s'en allumer une, geste qu'il répète peut-être trop régulièrement. Tu peux fumer autant que tu veux, c'est pas moi qui vais te faire des remarques là-dessus. Même s'il est très rare que le chercheur en runes finissent par fumer autre chose que du tabac, il se fiche pas mal de ce que consomment ses amis – sinon, il les aurait très mal choisi. Tu fais vraiment ce que tu veux, tant que tu fous pas le feu à ma chambre, et que tu prends soin de Nathalie-Pascale. Sa tortue est le second amour de sa vie, tout le monde le sait.

Thyme hoche la tête en tendant le bras pour attraper une bière. Même s'ils ont quasiment fini, ils méritent quand même une bonne pause ! Ça ne leur prendrait pas longtemps de déballer les cartons restants et ils étaient loin d'être pressés. « Va pour des wraps, je réserve lui réserve le test culinaire, alors.  » Il en rigole encore, bien que l'idée de Romy ne soit pas des plus originales – Thyme ne compte plus le nombre de personnes qui ont fait des blagues sur son prénom, mais lui continue à en rire joyeusement, en bon public.

« Il est sympa, et on passe de bons moments ensemble! Qu'est-ce que je peux dire, j'aime beaucoup les gens sympas voilà tout, tu me connais. » Fait le brun en haussant les épaules. De toute manière, il fait partie de ses gens qui ont deux extrêmes : où ils aiment, beaucoup, ou n'ont aucune idée de votre existence. Alors, oui, Thyme aimait beaucoup Roméo, de la même manière qu'il aimait beaucoup Pepper ou le reste de ses amis, par exemple. Mais peut-être qu'Aiden sous-entendait autre chose par ce « beaucoup », et Thyme était complètement passé à côté.  

Il sort le briquet pour allumer le joint qu'il coince entre ses lèvres. « Je préférai demander, juste au cas où. Tu avais peut-être une « zone non-fumeur » que je connaissais pas encore chez toi. » Il s'allonge sur le dos, jetant un coup d’œil à son  colocataire. « ... Oh bon, d'accord, je contrôlerai mes instincts pyromanes, compris. - il sourit - Et je prendrais soin de Nathalie-Pascale comme mon propre enfant, promis. » Thyme prends cette responsabilité très au sérieux – il sait combien cette tortue est importante pour Aiden, il s'en voudrait pour toujours si quelque chose arrivait à Nathalie-Pascale sous sa surveillance. « Enfin, j'suis content d'être là. Vivre avec Peps, c'est cool mais quand même. » Il soupire d'aise.

Aiden esquisse un petit sourire satisfait alors que son meilleur ami approuve son choix de repas. Thyme n'est pas la personne la plus compliquée du monde et c'est une des raisons pour lesquelles il l'aime autant. Le courant est toujours bien passé entre eux et ça directement. Le jersiais se rappelle qu'ils ont été amis depuis leurs rencontres, et le hippie est rapidement devenu une des personnes les plus importantes de sa vie. Celui-ci est un peu bizarre – le blond n'ira jamais jusqu'à dire le contraire – mais c'est avec ce genre d'individu qu'il s'est toujours le mieux entendu. Quand on regarde ses deux meilleures amies qu'il s'est faite à l'époque de Poudlard, on se doute qu'il faut au moins sortir de la norme pour réellement plaire à Aiden – la preuve la plus flagrante est sûrement Sacha Price, son amour de toujours. À ça il faut rajouter l'optimisme permanent et la joie de vivre qui caractérise le brun – deux choses qui manquent cruellement au professeur en runes. Alors même si ça peut en étonner certains qu'Aiden apprécie le guitariste pour toutes ses différences, cela est peut-être la chose la plus logique du monde à ses yeux.

Le jersiais relève la tête pour poser ses yeux sur son ami alors qu'il lui sort la chose la plus stupide qu'il n'ait jamais entendue de sa vie – et pourtant, il est professeur, alors des conneries c'est tous les jours que ses élèves lui en sortent. Mais là, le niveau est différent – c'est Thyme qui passe en mode serial hippie en affirmant aimer tout le monde, ce qui n'est pas faux mais très éloigné de la réponse qu'il cherche à avoir. La seule chose qui l'intéresse vraiment à ce moment est de comprendre l'avancement de sa relation avec Roméo, rien de plus.

— Ah non. Tu crois pas sérieusement pouvoir m'avoir comme ça ? Aiden lâche un soupir blasé en tendant le bras pour faire tomber sa cendre dans son cendrier. Je parlais du fait que vous couchez ensemble depuis des années, que tu sembles vraiment beaucoup apprécié sa compagnie, et tout ce qui va avec. Enfin, tu connais mieux ça que moi – romance, chanson d'amour de hippie utopique et doux sentiments un peu niais, dit-il avec un ton désabusé. Aiden a toujours trouvé tout ça stupide, et le fait de se prendre des vents à répétition avec la seule fille qui lui plaît n'aide pas trop à surpasser ce dégoût des relations. Il finit par retrouver le sourire – c'est un des plus grands super pouvoirs de l'américain, de pouvoir le faire sourire constamment. Non. En plus, les zones non fumeur c'est un peu mon pire cauchemar. Il plaisante, évidemment, mais combien de fois il a regretté l'interdiction de fumer des salles d'étude de l'université. Ouais, c'est cool que tu aies déménagé. On pouvait pas te laisser là-bas attend. Aiden n'a rien contre la petite sœur de son ami, mais il sait que lui ne pourrait pas vivre avec la sienne et ça lui suffit.

Thyme hausse un sourcil, persuadé que la réponse qu'il avait donné était celle qu'on attendait de lui. Visiblement, ce n'est pas le cas, vu le soupir blasé de son meilleur ami. « J'ai loupé quelque chose ?» fait-il en rigolant, et il a bien rapidement une réponse. « Ooh. Ça.  D'accord. » Il se gratte le menton, un peu pensif – il ne s'est jamais vraiment posé ce genre de question à propos de Roméo, prenant les choses telles qu'elles se présentent sans chercher plus longtemps ou plus loin, d'ailleurs. Alors la remarque d'Aiden le rends un peu perplexe alors qu'il tire sur le joint. « J'avoue que je ne sais pas trop quoi te dire ? Romy et moi, on a pas prévu de se marier si c'est ça qui t'intrigue. Mais si un jour par hasard, ça arrive, tu seras le premier au courant, tu peux en être sûr. » Il rigole et se reprends. « Sérieusement, on est pas en couple... C'est un concept assez restrictif quand on y pense, non ? Je veux dire, pourquoi avoir un besoin de se restreindre alors qu'on peut aimer librement qui on veux ? Je ne critique pas les gens qui sont en couple, chacun sa vision des choses, bien sûr et peut-être que je changerai d'avis un jour. » ajoute-t-il calmement, détournant un peu la conversation de son but premier, tout en y ayant répondu.

« Ne m'en parle pas. L'interdiction de fumer dans les salles de concert, le pire drame de ma vie. » Thyme secoue la tête, dépassé par cette interdiction, tout en exagérant bien sûr. Il coince le joint entre les lèvres et passe une main dans ses cheveux, les remettant vaguement en place. « Mon sauveur ! J'espère que tu t'attendais pas à un baiser de remerciement, parce que je les réserve à d'autres. »  dit-il en riant, tendant le bras vers le cendrier. « … Et sinon, avec ta Sacha ? » demande-t-il curieusement. Pas question qu'il soit le seul à parler de ses « histoires de coeur ». « Le professionnel en romance, chanson d'amour et doux sentiments niais peut peut-être te donner un petit coup de main, qui sait. »  

Aiden écoute tranquillement le monologue de son meilleur ami, tout en s'allumant une nouvelle cigarette. Le blond fume beaucoup trop, c'est loin d'être un secret pour toute personne le côtoyant un peu. Mais pour lui, comme pour ses élèves qui apprécient que leur professeur accepte de faire une pause à chaque fin d'heure, c'est loin d'être un souci. Bien sûr, tout comme l'américain, il regrette l'interdiction de fumer dans les différents lieux publics. Devoir sortir des bâtiments universitaires pour s'allumer une cigarette est un véritable calvaire pour le chercheur qui, lorsqu'il boire un café, a plutôt tendance à enchaîner. Le jersiais lève les yeux au ciel en écoutant les différentes conneries que peut lui sortir le musicien – dans ce genre de moments, il se dit qu'ils sont catégoriquement différents. Lui, le nihiliste fini, et Thyme le hippie qui voit toujours un peu d'espoir et d'amour partout. C'est peut-être pour ça qu'il ressentait le besoin de le voir vivre avec lui. Sa compagnie lui fait du bien, elle lui permet de sombrer moins rapidement dans pessimisme constant. Il finit par exploser de rire alors que le brun lui explique sa vision du monde, et plus particulièrement sa vision de l'amour.

— T'es vraiment le pire des hippies, lâche-t-il encore hilare. Aiden est loin de partager son opinion, peut-être parce que s'il n'y avait pas Sacha, ce serait typiquement le genre de personnes à ne pas croire à l'amour. Il continue parfois à s'interroger sur son sujet, quand à chaque fois qu'il croise l'anglaise il réalise qu'il n'a pas la moindre chance. C'est quoi la première étape ? Une orgie sentimentale dans la salle de bain ? Avec des couronnes de fleurs et Hendrix en fond ? Un petit sourire sur les lèvres, Aiden boit une gorgée de sa bière. Il connaît suffisamment son meilleur ami pour savoir que ce genre de situation ne risque pas d'arriver – et même si c'était le cas, ce serait le dernier de ses soucis à condition qu'ils ne touchent pas à ses dictionnaires de runes. Pas de baiser ? Quelle déception, dit-il en rigolant. Le simple fait de pouvoir vivre avec son pote lui suffit amplement, surtout que ça promet de bonnes soirées en perspective, et que ça le motivera peut-être à passer plus de temps dans son appartement. Avec Sacha ? Un air blasé apparaît immédiatement sur son visage. Bah écoute, le néant. Comme toujours. Mais j'ai décidé de peut-être passer à autre chose. Son ton n'est pas convaincu, et tous ses amis savent pertinemment qu'il en est incapable. Il est amoureux de la jeune fille depuis trop longtemps, et est totalement incapable de l'oublier du jour au lendemain. Oh non. Je me passerais de tes niaiseries, merci.

Thyme ricane encore – le termine « hippie » ne le dérange absolument pas, n’y voyant même pas l’ombre d’une insulte en général, et encore moins dans la bouche de son ami. Il sait bien que tout le monde ne partage pas sa vision quelques peu idéaliste et « guimauve » des relations humaines, mais ça ne l’empêche pas pour autant de croire en ce qu’il raconte. Thyme croit à l’amour, pur et simple, et c’est ainsi qu’il compte rester jusqu’à la fin de ses jours. «  Il faut bien que je sois optimiste à ta place, sinon pas moyen que tu le sois tout seul. » souligne le brun – Aiden et Thyme sont proches tout en étant opposés ; d’une certaine façon, ils se complètent d’une manière plutôt idéale.  Il écrase le mégot dans le cendrier avec un sourire. «  Voyons, tu me connais.  Les couronnes de fleurs seront facultatives, et ça sera dans la chambre. » fait-il amusé. Il est vrai que Thyme est plutôt libéré, mais tant qu’il est en colocation, il s’impose néanmoins quelques limites de politesse – et puis, les orgies ne sont pas tant que ça son truc.

« Je sais que tu es déçu, mais ne t’en fais pas, tu auras d’autres occasions. » Le musicien pose un regard curieux sur son ami lorsqu’ils s’aventurent sur le terrain « Sacha ».  L’air blasé du blond en dit long – et Thyme n’est pas dupe, peu convaincu que celui-ci soit prêt – ou capable – de passer à autres jours. « Ah oui, vraiment ? Si je te présente quelqu’un, tu serais partant ? » Rigole-t-il. «  Mes niaiseries, Aiden, tu abuses, c’est pas si niais que ça. Enfin un peu. Mais ça fait pas de mal de temps en temps, je t’assure, tu devrais tester. » Suggère le brun en se levant, prenant la direction de la cuisine d’un pas enthousiaste. «  Bon, on fait ces wraps pendant que je te conseille en amour, et on finit les cartons, ça me semble être le meilleur plan. » fait Thyme avant de sortir de quoi cuisiner, sans attendre la réponse de son ami.