Patient #426 : Basile Flaversham.
Résumé des séances précédentes : Le patient refuse toujours de parler et ne semble pas réagir à grand-chose. Il arrive parfois alcoolisé ou puant le scotch – même si papa m'a toujours dit que ça sent bon, là ça fait un peu de peine. Je sais plus trop quoi faire pour le forcer à se confier. Vu qu'il continue à venir sous ordres de Joy, je vais peut-être parler d'elle à la prochaine séance, ça le fera peut-être réagir.

— Alors Basile, tu comptes me parler aujourd'hui où je peux jouer à Pokemon sans risquer de rater quelque chose d'important ? Raph lui lance quand même un petit sourire – elle tente de faire de l'humour pour que cette séance soit plus simple à accepter pour l'auror mais elle n'est finalement pas sûr que cela fonctionne très bien. Je plaisante, rassure-toi, j'ai prévu quelques petites questions pour toi, si tu veux bien. De toute façon, elle ne lui laisse pas vraiment le choix. J'aimerais qu'on parle de Joy. Je sais que c'est ta meilleure amie, et je voudrais que tu me dises ce que tu as ressenti quand elle a été envoyé à Azkaban.

Raph n'est pas sûr d'avoir vraiment envie d'entendre la réponse. Elle-même a été complètement détruite lors de cette nouvelle – sa meilleure amie de toujours lui a été enlevé pour des raisons qu'elle était incapable de comprendre, et même encore aujourd'hui. Bien qu'elle ait quelques informations un peu flou concernant sa libération, elle a toujours cette peur stupide que l'ancienne poufsouffle reparte en prison du jour au lendemain, et elle cherche donc à connaître les ressentis de Basile sur cette vieille affaire – ce qui sera peut-être plus simple pour se confier que les affaires récentes.

Sixième séance et un Basile toujours aussi silencieux. Objectivement, il trouvait toujours ces séances inutiles, mais commençait au moins à trouver la psychologue sympathique -ce qui évitait à Joy de devoir le menacer avec sa baguette. « Oh, mais pas de problème, je vais en profiter pour faire un petit somme alors. » Il lui répond le même sourire qu'elle lui avait adressé, avant de retirer sa veste en cuir, pour la poser sur le dossier de la chaise. Sans surprise, la rousse faisait de l'humour et comptait bien retenté sa chance pour la centième fois, Basile pouvait au moins féliciter l'endurance de cette dernière.

La question sur Joy l'étonna. Il savait parfaitement qu'elle était leur meilleure amie à tous les deux et il trouvait cela étrange que la rousse ai envie d'en parler, surtout après tant d'années. « L'arrestation de Joy. » Rien que de le dire, c'était douloureux et il ne savait même pas quels mots il devait mettre sur ce passage. Il prit une grande respiration, tandis que ses yeux verts se perdaient dans un lointain flou. « Au début, je comprenais pas, je veux dire c'est ma meilleure amie, elle ne pouvait pas être une criminelle… Puis, j'ai douté, je me suis dis qu'elle aurait pu me mentir. » Étrangement, en parlant de ça, il revoyait le visage de Jessie, son meilleur ami qui l'avait trahi, mais il préféra rejeter ce visage pour revenir sur la question.  « Mais comme j'étais incapable de lui en vouloir, j'ai cherché à l'aider, mais son dossier était introuvable, tout était caché… Je n'ai jamais arrêté de chercher, même après qu'elle est débarquée chez moi. » Basile était sûrement l'auror qui avait lu le plus de dossier dans les archives, il fallait dire que ces derniers avaient rapidement remplacé ses bandes dessinées.  

Et une fois de plus, la grande et magnifique Raph a touché juste. Elle esquisse un semblant de sourire derrière son carnet en se rendant compte qu'elle a eu raison en abordant ce sujet – bien qu'il soit particulièrement douloureux pour elle aussi. Elle se rend compte que Basile a réagi un peu comme elle – le déni puis la paranoïa, schéma classique lors qu'on est face à ce genre de situation. Elle n'a pas pu l'aider – mis à part quand celle-ci a toqué à sa porte après Azkaban pour qu'elle lui efface la mémoire avant de filer chez l'auror. Elle note donc rapidement ce que Basile dit dans son carnet avant de relever la tête pour le regarder dans les yeux.

— Je vois. Je comprends, dit-elle avec un petit air triste. Une chose qu'elle dit rarement, elle déteste se mettre à la place du patient ce qui n'est de toute façon pas conseillé si on veut survivre plus d'une dizaine d'année dans ce travail. Et tu as ressenti quoi en essayant de l'aider ? Tu t'es senti soulagé ? Je veux dire, tu as clairement cherché la vérité pour pouvoir continuer à nier qu'elle n'était pas une criminelle. Elle aurait fait exactement pareil si elle en avait eu les moyens. Elle s'est contentée d'y croire sans se poser de questions – sa meilleure amie ne pouvait pas être un criminel, elles ont tout fait ensemble, c'est impossible. Du coup, tu as très mal vécu cette période. J'ai même entendu dire que tu n'étais pas au top de ta forme à ce moment. Si tu devais le comparer à maintenant – et pas la peine de me mentir en me disant que tout va pour le mieux Basile Yann Flaversham – laquelle de ces périodes qualifierais-tu de pire ?

Le plus étrange dans cette conversation au sujet de Joy, c'est que l'écossais savait parfaitement qu'elle avait sûrement dû se retrouver dans la même situation que lui et que cela ne devait pas l'enchanter d'en parler. Bien sûr qu'elle comprenait, si elle ne pouvait pas comprendre qui le pourrait sur cette planète ? Étrangement, lorsque ce sombre événement était arrivé, il n'avait jamais eu l'idée de contacter la rousse -après tout, elle était en droit de savoir elle aussi. Ces derniers temps, Basile avait la fâcheuse manie de remettre en question la totalité de ses choix depuis le jour où il était en âge de commettre des erreurs et cela représentait beaucoup d'actions. Trouver le sommeil était devenu compliqué, parce qu'il ne cessait de ressasser ses mauvais souvenirs, nourrissant lui-même ses propres démons. La question de la rousse lui semblait bien plus compliqué qu'elle ne pourrait l'être, en fait, il ne savait pas vraiment ce qui l'avait tant poussé à savoir la vérité. Un désir de vengeance, le devoir d'aider ou la peur de se retrouver seul. « Disons, que je me sentais utile et occupé. » Au moins, en enquêtant, les choses semblaient avoir plus de sens que quand il se posait tranquillement pour y réfléchir, d'une certaine manière, le boulot avait été une véritable bouée de secours -raison pour laquelle, il n'avait pris presque aucune vacance depuis le début de sa carrière.

La suite des questions ne s'avérait pas plus joyeuses et l'auror tenta de former quelques réponses. « Je crois que c'est pire. » Il soupira vaguement, avant de boire le café qui se tenait devant lui, il ne savait plus si c'était pour lui ou celui de la psychologue, il savait juste qu'il en avait réellement besoin. « Pour Joy, j'étais vraiment mal, mais disons qu'il y avait de l'espoir, alors que cette fois il n'y en a pas. Finalement, il n'y en avait peut-être pas. » Depuis quelques temps, Basile commençait à se persuader lui-même que l'espoir existait pour les autres et que lui était condamné à porter le malheur sur ses épaules. Il n'aimait pas vraiment cette idée, qui le rendait parfaitement antipathique. Seulement, Basile avait perdu presque tout espoir, même si au fond, il tentait de s'accrocher, pour Joy, pour Victory et sa famille pour qui il était finalement prêt à tout endurer.

Raphaëlle ignore comment elle doit prendre ce qui est en train de se passer dans son bureau. D'un côté, Basile accepte enfin de lui parler – ou plutôt de dire quelques mots comme ça, des images sur des idées floues – mais son côté professionnel le voit comme une avancée dans la thérapie de l'auror qui jusque-là se contentait de refuser de répondre à ses questions trop personnelles. Mais le problème maintenant – celui qui l'attriste, qui la fait douter de ses capacités de psychologues – c'est que la situation semble pire qu'elle ne l'aurait pensé. Elle n'a pas connu Basile à l'époque où Joy était enfermée – elle a parfois envisagé d'aller le voir avant de renoncer pathétiquement à chaque fois – mais elle espérait au moins que son état était similaire à celui qu'il avait actuellement. Quand on s'en sort une fois, la deuxième n'est plus une véritable épreuve.

— Tu crois que c'est pire ?, répète-t-elle un peu inquiète. Raphaëlle stresse un peu – et si plus personne ne pouvait rien rien pour lui ? Le galloise ne sait pas vraiment quoi faire. Elle a promis à sa meilleure amie d'aider ce garçon perdu mais il ne s'agit même plus uniquement de Joy. Il s'agit de lui – elle s'est attachée à cet écossais un peu perdu, elle le voit comme une personne qui subit les répercussions d'années de travail en tant que super-héros. Parce que si elle est encore en vie non terrés dans son cas, c'est grâce à des personnes comme lui. Plus d'espoir, je vois. Typique, dit-elle plus pour elle-même. Du coup Basile, la première fois, c'était Joy. Mais là, il doit bien avoir un élément déclencheur non ? Quelque chose ou quelqu'un qui a joué un rôle dans cette nouvelle vision de la vie ? Si Raph a tenté par tous les moyens d'avoir des informations à côté, elle préfère néanmoins les entendre de la part de son patient.

Il soupira, comme il avait l'habitude de le faire dans ses moments de peine -de plus en plus nombreux. « Oui, je crois. » Une sorte de silence s'installa dans la salle, le genre de silence lourd qui voulait absolument tout dire. Basile avait trop de choses sur le coeur, mais se refusait de les dires -non pas parce qu'il n'avait pas confiance en la psychologue, mais plutôt qu'il avait peur que cela plus douloureux qu'autre chose. Peut-être qu'il n'était pas encore prêt pour en parler et qu'il lui fallait un peu plus de temps ? Heureusement, la rousse ne semblait pas vouloir le forcer à parler, chose qu'il appréciait grandement d'ailleurs -ici, il était le seul à choisir ce qu'il voulait dire.

La question de la rousse le déstabilisa un peu, parce qu'elle entrait dans le vif du sujet. L'élément déclencheur, c'était Jessie et ça il le savait parfaitement, pas besoin de psychanalyse. Penser à son ancien meilleur ami lui faisait vraiment mal au coeur, si bien qu'il se frotta un peu le front, se demandant encore une fois comment il avait pu se faire avoir à ce point. « Jessie. » Un nom, le nom qu'il n'aurait pas pensé avoir la force de dire à une presque inconnue un jour. Son coeur avait parlé de lui-même, avant qu'il se lève de sa chaise. « Je vais te laisser, j'ai un truc à faire. Salut. Merci. A la prochaine. » Elle l'avait touché en plein coeur, il avait besoin d'un peu de repos pour aujourd'hui.

Jessie – le voilà le prénom qu'elle rêve d'entendre au fil d'une conversation depuis quelque temps. Raph le sait, que tout le souci a un lien avec cette personne. Elle l'a plus ou moins compris en écoutant Joy lui parler de l'auror, et bien que celle-ci refuse de lui expliquer précisément ce qui s'est passé – laissant à l'auror cette tâche assez ardue – elle se doute que le fin mot de l'histoire se trouve derrière cette personne. La réaction de Basile – qui fuit après avoir lâché cette information qu'il voulait sûrement garder pour lui, n'en est qu'une preuve supplémentaire. Raph soupire – elle ne dit rien, elle le laisse partir en lui faisant un signe de la main.

— Prochain rendez-vous dans deux jours, marmonne-t-elle au principal intéressé avant de se lever à son tour. Elle a très bien compris que Basile Flaversham est un cas désespéré, ça ne sert à rien de le forcer à rester s'il veut partir. Elle compte bien profiter de cette pause pour boire un café avec sa secrétaire préférée – qui doit sûrement être en train de s'ennuyer, la pauvre.