Patient #426 : Basile Flaversham.
Résumé des séances précédentes : Le patient accepte désormais de parler. Il s'est quelque peu renfermé depuis la sixième séance où il a lâche lé prénom d'une personne qui semble avoir été son ami. Depuis, malgré les tentatives, il refuse de revenir sur le sujet qui semble être l'élément déclencheur de son état dépressif. Il continue à arriver alcoolisé et sa thérapie semble stagner depuis quelque temps. Je vais tenter une approche beaucoup plus directe au risque de l'énerver un peu mais cela me semble être la dernière solution possible pour le faire réagir.

— Bon Basile, on va faire les choses un peu différemment aujourd'hui, dit-elle, sa baguette à la main. Elle lance un sortilège informulé en direction de la porte pour la verrouiller – chose pas du tout flippante de la part d'un psychologue. J'ai annulé mes rendez-vous suivants, et tu sortiras pas de cette pièce tant que tu ne te seras pas décidé à me parler de Jessie. Elle a cet air décidé sur le visage – elle compte bien résoudre aujourd'hui ce dossier. Avoir des explications, des avancées – quelque chose qui lui donnera confiance dans la résolution de ce cas. C'était ton ami. Ton meilleur ami même.

Raph pose sa baguette à côté d'elle – elle n'a pas vraiment peur de l'auror mais elle préfère avoir de quoi l'immobiliser en cas de problème. Certaines personnes peuvent se montrer parfois violentes quand on appuie sur le point sensible et elle ne serait même pas étonné que ce soit son cas. Elle ignore ce qui s'est réellement passé – elle a même un peu peur de l'apprendre. Basile lui semble être quelqu'un de fort, il ne craquerait pas pour rien.

Dixième séance, il connaissait le chemin du bureau de Raphaëlle par coeur et commençait à s’habituer à leurs petits rendez-vous. Néanmoins, le sourire habituel de la rousse semblait avoir disparu et quand elle pointa sa baguette en direction de la porte, il comprit que cette fois il ne pourra pas fuir. Et le sujet était bien loin d’amusait le jeune homme. « Raph ? Sérieusement, je pensais qu’on était pote maintenant. Tu vas me séquestrer ? » Un rapide sourire en sa direction, avant de comprendre que ça sera loin d’être suffisant pour aujourd’hui. « Ok… » L’auror s’enfonça dans son siège et posa son regard sur la surface plane du bureau.

« Je connaissais Jessie depuis… Dix-sept ans… On a toujours été de très bons amis et j’ai toujours vu en lui un petit frère, un deuxième frère tu vois. »  Il marqua une pause, ça le rendait réellement triste et on pouvait sentir que sa gorge se serrait légèrement. « Je me souviens encore de quand j’ai poussé la porte de ma salle de bain, il y avait du sang partout, j’ai cru qu’il était mort, j’ai cru que j’allais le perdre. » Ses mains se serrèrent de plus en plus. « C’était une des personnes les plus importantes de ma vie, il connaissait tout sur moi, jusqu’à mes pires démons et pourtant ça ne l’a pas empêché de me trahir. » De la haine, de la colère et du dégoût, voilà ce qu’il ressentait désormais. « Je le déteste, autant que je me déteste. Pourquoi j’ai rien vu ? Pourquoi j’ai pas réussi à le garder du bon côté ? Pourquoi tous les gens autour de moi finissent toujours par souffrir ? »

Il fuyait la rousse du regard, préférant largement se parler à lui-même. « Ma mère, mon supérieur, Joy, Zahari et maintenant lui. J’ai échoué. » Basile était perdu, il s’en voulait de ne jamais avoir réussi à sauver les gens, mais il en voulait à Jessie de lui avoir fait ça. L’écossais n’arrivait plus à trouver un but dans sa vie, une réelle motivation et l’ennui, c’est qu’il avait toujours fonctionné ainsi. De l’aide, il en avait besoin et le plutôt possible, avant que cela soit trop tard.

Les blagues de l'auror ne lui permettront cette fois pas de s'enfuir. La rousse déteste faire ça – elle déteste avoir à sévir mais elle n'a pas le choix. Les choses ont trop duré et elle s'est promis de l'aider. C'est ce qu'elle se dit pour se donner bonne conscience – que c'est son boulot, qu'elle a le droit de faire ça, ce que ce n'est pas aller contre convictions. Et pourtant, quand elle voit cet air triste qui apparaît sur le visage de son ami, elle ne peut s'empêcher de regretter. Elle aurait voulu ne jamais entamer cette conversation, ne jamais avoir à parler de ça. Malheureusement, contrairement à ce qu'il a dit, ils ont beau être pote, il vient ici dans le cadre de sa thérapie – c'est-à-dire qu'elle est là pour l'aider et donc lui faire revivre ses démons pour mieux pouvoir les tuer par la suite.

— Basile, je, dit-elle sans trop savoir comment continuer sa phrase. Joy a toujours refusé de lui donner les détails – la seule chose dont elle avait connaissance est l'existence d'une dispute qui avait mis fin à leur amitié. À aucun moment, elle n'aurait pu penser que ça soit si grave. Je suis désolée. La rousse casse à nouveau le cadre professionnel pour se lever de son siège et venir faire un câlin à l'auror – pas certaine que ça puisse l'aider. C'est mieux que rien, se dit-elle pour se rassurer. Évidemment, elle en doute mais que peut-elle faire d'autre. Assise sur l'accoudoir du fauteuil de son client, Raph le regarde sérieusement. Il a- Sa phrase reste en suspens. On a beau être habitué à parler de la mort, c'est toujours plus compliqué quand on a avec les personnes dont il est question, un lien même indirect.Il a essayé de se suicider ? Jessie n'est pas son ami, mais elle revoit facilement le petit garçon souriant qui courrait partout dans la salle commune de leurs maisons, et se rappelle sans difficulté des cris de bonheur qu'il lançait quand Basile était dans le coin. Qu'est-ce que tu entends par garder du bon côté ? Il est devenu mauvais, comme s'il avait rejoint le côté obscur de la force ? Pas gêné une seule seconde d'avoir fait une énième référence à la culture geek dans une conversation des plus sérieuses, la galloise attrape la main de Basile. Tu n'as pas échoué. Tu peux pas sauver tout le monde. On peut jamais sauver tout le monde, c'est ça la morale dans les comics, tu aurais dû le comprendre. Elle s'arrête, se rendant compte qu'elle était peut-être offensante. Pour moi, et pour beaucoup de personnes, tu es un héros. Un véritable héros. Et je te parle pas de Batman ou je sais quoi, non. Un véritable héros, qui sauve des gens, qui protège la population. Tu peux pas te laisser aller parce que tu penses avoir échoué. Tu as fait de ton mieux, j'en suis sûre.

L’auror se tenait assis sur sa chaise, la gorge sèche et d’étrange fourmis dans les mains, il venait de se libérer d’un poids, mais n’arrivait pas à définir si c’était une bonne chose ou pas. Alors qu’il terminait son explication plus que floue, la rousse lui fonça dans les bras pour lui faire un câlin. Il était presque sûr qu’un psychologue n’avait pas à faire ce genre de choses, mais il s’en fichait parce que cela faisait vraiment du bien. Il l’enlaça et la serra un peu contre lui, tandis qu’il sentait ses yeux d'humidifier légèrement. Parler de Jessie était un sujet compliqué, même après autant de temps sans parler qu’il l’avait croisé dans un bar il y a peu de temps. « Oui. » Tentative de suicide, c’était exactement le mot et Basile n’avait plus peur de mettre un mot sur ce qu’avait fait son ami, par contre avouer qu’il était chez les mangemorts en était une autre. « Il est… C’est un mangemort, mais garde ça pour toi. » Si jamais elle parlait, il serait rapidement au courant étant donné qu’il bossait chez les aurors et elle semblait pas avoir le profil d’une membre de l’ordre, enfin il espérait simplement qu’elle le considérait suffisamment comme un ami pour ne pas le faire.

Elle se posa à côté de lui, attrapant sa main comme le ferait une mère, ce qui était un peu étrange pour lui. Bien qu’il n’avait pas l’habitude, il posa ses yeux sur elle et écouta ses douces paroles. Assez étrange soit-il, il avait souvent l’impression d’être la seule personne sur terre à ne pas se voir comme un héros et il ne comprenait pourquoi cela semblait une règle universelle. « J’ai rien d’héroïque Raph. J’ai bossé pour un ministère corrompu, j’ai choisi ce métier par esprit de vengeance et j’ai travaillé avec Whitelaw. » Dit de cette manière, il avait vraiment honte de lui et était content de ne pas vraiment avoir sa mère devant lui, parce qu’il était certain de la décevoir un peu plus chaque jour. « Je suis juste un alcoolique en fait. » Après dix séances, il avouait enfin son addiction pour l'alcool et cela traduisait aisément l'état psychologique dans lequel il était.

Raphaëlle a l'habitude des informations compromettantes, elle en possède bien plus qu'elle ne devrait dans ses dossiers – pas autant que Dimitri Bolgarov mais un bon nombre quand même. Cette connaissance – due en partie à son travail mais aussi à toutes les situations random dans laquelle elle se retrouve souvent – pourrait rapidement lui poser problème si elle n'avait pas directement décidé de tout garder pour elle. Elle préfère garder pour elle les liaisons que peuvent avoir certaines personnes avec les deux groupes annoncés comme terroristes par le gouvernement, elle préfère ne rien dire à personne en partie pour assurer sa propre sécurité. C'est ce qu'on appelle le secret professionnel – chose qu'elle respecte que dans les cas compliqués, et elle est plutôt contente d'elle pour l'instant. Elle n'a encore jamais été impliquée dans quoi que ce soit, et elle préfère rester neutre pour encore quelques années.

— Un mangemort. Je vois. Ça a dû être un choc pour toi. Elle lui serre la main – parfois un psychologue doit être plus qu'une personne à qui se confier, il doit agir comme un réel soutien pour la personne. T'inquiète pas, je dirais rien. Je trahis pas les secrets des amis. Pas besoin ici de parler de patient, Basile a pour elle dépasser ce stade, en partie parce qu'il est le meilleur ami de Joy et qu'elle a bien plus envie de l'aider que tous les autres. Mais personne ne peut être parfait Basile, dit-elle sérieusement. Bien sûr que le gouvernement est corrompu, et peut-être qu'au départ tu l'as pas choisi pour les bonnes raisons mais c'est le résultat qui importe. Tu as permis de sauver des vies, tu as arrêté des tueurs, tu as fait tomber un bureau aux mains des mangemorts. C'est ça qu'il faut que tu te dises. Elle le regarde un peu tristement. Je suis née-moldu, et je te suis reconnaissant d'avoir été là pour faire ce que personne avait le courage de faire. La déclaration suivante l'étonne un peu – dix séances qu'elle attend ça, dix séances qu'elle espère que Basile arrêtera de nier son problème d'alcool et ce moment arrive enfin. Et bien, on progresse. Ce que je veux que tu fasses Basile, c'est que tu modères ça. C'est pas simple au début, alors pour commencer tu pourrais essayer de boire avec d'autres gens et éviter quand tu es seul ? Ça sera un bon début. Ça devrait te pousser à boire moins.

Parler à la rousse était aussi libérateur que douloureux, mais au moins, il s’ouvrait enfin à quelqu’un sans aucune retenue. Bien sûr, sa psychologue ne devait certainement pas s’attendre à tout ça et ne manqua pas de tenter de le réconforter en lui serrant sa main. Basile ne la repoussa pas, jugeant que pour une fois dans sa vie, il était temps d’accepter le soutien de quelqu’un, simplement parce qu’il n’était qu’un humain -rien de plus. « Un choc, oui plutôt en effet. » Pour dire vrai, c’était carrément un euphémisme étant donné que cette nouvelle l’avait carrément achevé, plus bas que terre. Peut-être qu’il aurait pu encaisser le reste, mais pas ça. Pas une telle trahison, sans parler qu’elle s’ajoutait à un ensemble parfaitement déplaisant.

Raphaëlle tenta d’arrondir les angles en mettant en avant les bonnes choses, qui malheureusement à ses yeux ne suffisaient pas vraiment. « Raph, ça n’a rien à voir avec du courage. Juste de la vengeance, de la vanité et de la connerie. Je ne suis pas du tout la personne que tu voudrais que je sois, en fait je suis pas du tout celui dont tout le monde parle. » Cette sorte de héros des temps moderne que toutes les filles s’arrachaient et que tous les gamins idéalisaient en lisant la presse, comme l’homme de la situation. Seulement, pour lui, il était incroyablement loin de cette vérité et se voyait plus comme un ivrogne sans intérêt. C’était d’ailleurs un grand aveux qu’il venait de faire en parlant de ses problèmes de boisson et la rousse semblait contente de cette avancée, bien que Basile ne voyait toujours pas comment il pourrait se sortir de son petit trou. « J’essaye, mais je termine souvent pas craquer... » Il se frotta d’une main les yeux, indiquant qu’il était définitivement fatigué de cette vie et qu’il était réellement temps que cela prenne fin.

Raphaëlle n'a jamais ressenti une telle peine envers l'un de ses patients. Bien sûr, elle n'a aucun mal à savoir pourquoi aujourd'hui est différent – Basile est bien plus important à ses yeux que toutes les personnes qui attendent régulièrement dans sa salle d'attente, et ça même si elle ne le connaît pas depuis très longtemps. Mais toutes les missions – les aventures comme elle aime les appeler – que lui a raconté Joy jouent un rôle là-dedans. Alors en l'entendant parler, elle ne peut s'empêcher d'avoir la gorge nouée. C'est dur d'apprendre qu'une personne qu'on connaît depuis toujours nous a trahi. Elle, elle n'est même pas sûre de pouvoir tenir. Elle finirait par se morfondre sans pouvoir être capable de manger ou boire quoi que ce soit – en d'autres mots, elle se laisserait mourir en priant pour que tout le monde l'oublie.

— Arrête un peu Basile. Tu sais, beaucoup de choses géniales naissent à cause de mauvaises motivations, dit-elle d'un ton qui se veut calme pour être sûr d'avoir l'attention de l'auror. L'important, ce qu'il faut retenir, c'est pas que tu l'as fait pour de mauvaises raisons, mais que tu le fais bien. La psychologue le regarde un peu sérieusement. Elle est persuadée qu'il est très important pour Basile qu'il comprenne que son métier a de la valeur, et qu'il arrête de penser qu'il n'est qu'un pion d'un ministère corrompu – bien que ça soit vrai. Tu as sauvé plein de personnes, et pas simplement pour venger ta mère. Tu voulais juste pas que d'autres enfants aient à vivre la même chose que toi. Parce que oui, ça fait mal, et oui ça provoque la haine. Mais ça ne rend pas forcément mauvais. Tu es loin d'être mauvais.

La rousse le regarde tristement – elle se sent définitivement mal pour Basile. L'écossais est une des personnes les plus merveilleuses qu'elle connaisse – comme tous ses amis, ce qui laisse penser que la psychologue n'est pas vraiment objective – et elle aimerait vraiment pouvoir l'aider, plus qu'elle ne le fait actuellement.

— C'est normal de craquer au début. Mais il faut continuer maintenant, essayer c'est déjà un premier pas. Elle lui fait un petit sourire réconfortant. Je sais que tu vas y arriver, parce que j'ai confiance ne toi. C'est un de ses plus gros défauts – elle donne trop rapidement sa confiance, mais elle sait qu'avec Basile, elle ne risque rien. Il y arrivera, elle en est persuadée. La pendule au fond de la pièce indique la fin de la séance, mais aussi de sa journée vu qu'elle a annulé ses autres rendez-vous – ce qui est une très bonne nouvelle. Si tu veux, on peut continuer cette conversation – ou parler d'autre chose – autour d'un burger. Mais je pense que ça te ferait du bien de passer un peu de temps avec quelqu'un, pour changer, et moi je meurs de faim, dit-elle en attrapant son sac à main. C'est d'accord ? D'un geste de baguette, elle déverrouille la porte et se lève de son siège en lui faisant un petit sourire rassurant. Tout va forcément s'arranger.