I know it may take a little time

For you to see you are the love of my life

« A demain, bonne soirée ! » La voix d'Eibhlin sonna joyeusement alors qu'elle sortait du disquaire magique où elle travaillait depuis peu et que la clochette de la porte retentissait à son passage.
Si elle avait été un peu nostalgique à l'idée de quitter Poudlard, elle ne se faisait plus trop de soucis à présent : elle continuait à voir très souvent sa sœur et les amis qu'elle s'était fait – leurs nouvelles vies « d'adulte » n'y changeait pas encore grand chose. Elle était heureuse de ne pas perdre ses amis sitôt les murs de château quitté, et surtout, après les deux mois d'été. C'était un nouveau rythme qu'il fallait prendre, mais elle finirait par s'y habituer.

Elle sautillait presque, le sac en cuir battant sur ses hanches et ses cheveux clairs se balançant aux rythmes de ses pas. La fin de l'été avait beau approcher à grands pas, l'air était encore chaud et humide pour l'Angleterre, et Eibhlin retroussa les manches de sa chemise beige pour profiter du moindre courant d'air. La blonde de presque dix-huit ans ralentit devant la devanture de Fleury et Bott, observant les livres de la vitrine, recherchant la perle rare – elle nota mentalement les titres qui pouvaient l'intéresser. Eibhlin mordilla sa lèvre inférieure, hésitant à rentrer pour dévaliser, puis finalement se ravisa. Elle secoua la tête, remonta son sac sur son épaule. La jeune fille avait juste envie de rentrer au frais de son appartement, boire un thé glacé dans sa baignoire, comme elle avait l'habitude de le faire avec Armelle depuis qu'elle était petite. Ei tourna les talons, prenant le chemin du retour.

La collision fut immédiate – du moins, elle sembla aux yeux de la jeune fille. Elle n'avait même pas remarqué que quelqu'un venait dans sa direction : merci sa malédiction légendaire ! Elle heurta la personne de plein fouet le garçon. Elle releva les yeux, qui s'arrondirent sous la surprise. Elle bredouilla.

« Mais … D'où tu me rentres dedans ? On est plus ensemble, Kieran ! » C'était très ridicule, bien sûr, Kieran ne pouvait décidément pas avoir fait exprès de lui rentrer dedans, deux mois après leur rupture ! Ou alors, il était sacrément culotté. « Mais... Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'es pas en vacances ? Ou avec Killian ? »

Eibhlin tourna la tête à droite puis à gauche, comme si elle s'attendait à voir le frère jumeau de Kieran sortir de n'importe où – mais visiblement, non, elle était seule avec le brun. C'était bien sa chance, ça. Ei tritura la lanière de son sac, reculant d'un pas pour marquer la distance.

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De la glace à la passion, voilà la raison de la présence de Kieran au Chemin de Traverse a une heure pareil. Il vient de terminer sa journée de travail et se prépare pour une soirée des plus passionnantes avec sa meilleure amie. Au programme, se regarder le plus de Star Wars possible avant de s'effondrer sur son canapé à mourir de chaud sous sa couette. Une soirée qui s'annonce particulièrement parfaite, et attendue depuis trop longtemps. Il faut croire que caser une simple soirée dans l'emploi du temps d'une étudiante qui en plus de ça, tente de faire ses preuves dans le Quidditch au niveau professionnel, ce n'est pas la chose la plus simple au monde. Et si l'écossais aimerait pouvoir passer plus de temps avec elle, il sait que ce n'est pas toujours possible. Les quelques semaines qui sont passées depuis la rentrée le lui ont prouvé. Il a nouvellement quitté Poudlard, et ne passe plus la moitié de son temps avec la petite blonde. Un changement radical, auquel il peut rajouter la rupture avec sa petite amie. D'un accord commun, comme il répète à longueur de temps à son frère dès qu'il se moque de lui. Il n'y a que la présence de son jumeau qui lui procure un sentiment de stabilité dans cette nouvelle vie qui s'ouvre à lui.

Il reconnaîtrait la personne entre mille. Et ça même s'il n'a pas vu ce corps dans lequel il est rentré par maladresse, trop perdu dans ses pensées. Il la reconnaîtrait à sa voix, et ça pour des raisons évidentes. Qui oublie celle de son ex-petite amie après avoir passé presque trois ans avec ? Personne, et du moins pas Kieran, pas après deux mois de rupture. Il déprime bien trop en y pensant chaque soir, un oreiller serré contre lui à se retourner sans cesse comme si ça allait arranger les choses.

— Merci Ei, je sais. Toujours aussi maladroite à ce que je vois. Elle le fait exprès, se dit-il, de lui rappeler l'information comme ça, aussi brutalement. Elle lui interdit de se faire la moindre idée, ils ne sont plus ensemble et elle ne regrette en rien cette situation, elle ne lui laisse aucun espoir. La perspective d'un retour en arrière s'envole avec une telle facilité qu'il s'en sent blessé. Il aurait pensé qu'après trois ans, les choses seraient différentes. Je suis venu prendre de la glace, je passe la soirée avec ma copine ce soir. Il ne sait pas à quel moment sa meilleure amie s'est transformée en copine, ni pourquoi il a été incapable de dire la vérité à son amie – que cette nouvelle appellation lui paraît bizarre. J'espère que ça te gêne pas, on est plus ensemble après tout. Il sourit à Eibhlin. Lui aussi est capable de donner l'impression d'être totalement passé à autre chose. Lui aussi peut sortir ce genre de phrase sans s'effondrer. Sauf que lui ment, définitivement. Sinon, non, j'ai commencé le travail – adieu les vacances – et toi ? Ah oui, et, je sais qu'on est jumeau, mais je vis pas pourquoi je devrais passer ma vie entière collé à mon frère. Quelle mauvaise foi, tout le monde le sait que l'inverse ne le dérangerait pas.

Il va se faire tuer d'ici une heure, il le sait. Quand il racontera ça à sa meilleure amie, elle mettra définitivement un terme à son existence , et ça uniquement parce qu'il a menti à son ex. Quelle idée aussi de la croiser ici, si peu de temps après. Quelle idée qu'elle ait l'air si belle avec sa chemise et ses cheveux longs.

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Par Merlin, Morgane et la barbe de Dumbledore, ça n'aurait pas pu être pire, comme phrase de salutations. Eibhlin rêvait déjà de reprendre ses mots, elle baissa les yeux, remettant une mèche derrière son oreille. Deux mois qu'ils n'étaient plus ensemble – d'un accord commun, se disait-elle pour elle-même, pour Andy, pour Armelle, pour Octavia et à peu près tout le monde dans son entourage. C'était vraiment un beau mensonge ça ; Eibhlin était juste persuadée que Kieran avait voulu rompre, et elle n'avait pas eu le cœur à essayer de le contredire. De toute façon, après Poudlard, il était difficile de savoir ce qu'il allait advenir... Elle s'était convaincue que c'était la meilleure situation. Même si cela lui brisait le cœur d'y repenser.

« Oh. » fit simplement Ei. Juste un simple « oh ». Il n'y avait rien d'autres à dire : contrairement à elle, Kieran avait tourné la page. Deux mois après. C'était court, et le regard clair d'Eibhlin s'assombrit. Ainsi donc, elle était si facilement remplaçable ! Elle croisa les bras, essayant de ne pas avoir l'air trop blessé « Tu n'as pas vraiment perdu de temps, on dirait. » Elle eut un petit rire. « Euh, eh bien, je suppose que je devrais être heureuse pour toi. » Elle esquissa un petit sourire qui se voulait sincère. « Non, bien sûr, non, ça ne me gène pas, tu fais ce que tu veux de ta vie, Kieran, c'est normal ! » Elle avait envie de soupirer en s'écoutant – mon dieu, Eibhlin, tu es ridicule, et tes mensonges sont justes visibles à trois cents kilomètres ! Mais elle aurait pu être contente pour son ami, elle devait. Ils avaient décidés de continuer d'avancer dans leurs vies, mais sans l'un l'autre : il fallait en assumer les conséquences. « Je travaille. Dans un disquaire pas très loin, au coin de la rue. Et je rentrais chez moi, à vrai dire. »

Elle réalisa ce que cela voulait dire. Kieran bossait sur le Chemin de Traverse, aussi. Il y avait de fortes chances qu'elle le croise régulièrement. Ei avait soudain envie de déménager, disparaître et ne donner sa nouvelle adresse qu'à sa famille. Elle n'allait pas supporter de voir Kieran tout les jours ou presque – c'était trop dur pour elle, encore trop récent, et le voir, lui et ses beaux yeux bleus, son sourire, ses fossettes... Cela ne l'aiderai pas à avancer. Maudit soit-il, maudit soit-elle à être encore une adolescente amoureuse.

De la glace au fruit de la passion. Ses yeux se posèrent sur l'achat de Kieran. La glace au fruit de la passion, la préférée d'Andy. Et de Kieran. Elle fronça les sourcils.

« Attends. Tu devais pas voir Andy ce soir ? » Elle se souvenait vaguement qu'Andy avait mentionné cela, au détour d'une conversation. Il y avait deux possibilités : 1) Andy était sa petite amie. Eibhlin pouvait trouver des centaines de raisons pour lesquelles ce n'était pas possible. Andy avait beau taquiner Eibhlin la plupart du temps, elle n'était pas assez méchante pour sortir avec son ex deux mois après leur rupture, encore plus avec son meilleur ami. 2) La solution la plus plausible : Kieran lui avait menti. Le cœur d'Eibhlin se serra un peu. « Tu n'es pas obligé d'inventer des excuses tu sais. Je pensais que tu pouvais être honnête avec moi. »

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Il ne sait pas à quoi il s'attendait Kieran – à ce qu'elle s'offusque, qu'elle scande qu'il n'a pas le droit de faire une chose pareille ? Il aurait préféré pouvoir entrevoir dans sa réponse la possibilité qu'elle ressente encore quelque chose pour lui. Seulement deux mois après presque trois ans de relations, il avait envie d'entendre que ça la gênait, pas qu'elle se devait d'être heureuse pour lui – quelle idée absurde. Il aurait presque envie de la secouer, lui crier à la figure que non, elle ne devait pas, que lui ne le serait pas dans le cas inverse. Il ne le serait jamais d'ailleurs – du moins, c'est ce que son cerveau de jeune adulte encore amoureux lui répète à longueur de temps. Il ne peut décidément pas s'enlever la blonde de la tête et ça même s'il le nie.

— Je vois, dit-il sèchement. Oui c'est ça, tu as bien raison. Je fais ce que je veux de ma vie. Je pouvais pas rester à attendre comme un con d'être sûr que tu passes à autre chose. Il a conscience d'être légèrement vexant mais il n'y peut rien. Lui qui déteste être méchant – surtout avec elle – ne contrôle plus vraiment ses mots. Il est énervé Kieran, énervé d'avoir dû passer ses vacances sans la voir, énervé de ne plus pouvoir la prendre dans ses bras, énervé tout simplement par cette situation des plus ridicules. Mais je vois bien que c'est déjà le cas, tant mieux.

La nouvelle tombe, elle le percute sans qu'il ne puisse s'empêcher de soupirer en signe de désespoir. Ei travaille au Chemin de Traverse, au même endroit que lui. Sa vie est un cauchemar, il va croiser son ex tous les jours – et ça c'est sans compter les projets prévus par Andy pour que leur bande d'amis ne se perdent pas de vue même une fois Poudlard terminé. Il a envie de disparaître, peut-être même de retourner vivre en Écosse loin de la jeune fille. Il l'observe discrètement, essayant par tous les moyens d'éviter son regard. Il refuse de se l'avouer mais elle lui a manqué – elle lui manque toujours d'ailleurs. Foutu accord commun, il aurait dû refuser, argumenter pendant des heures s'il le fallait pour la forcer à lui accorder une seconde chance.

— Je vois lequel. Il se résigne déjà à éviter cet endroit comme il le pourra pour le reste de sa vie – ou du moins jusqu'à ce qu'Ei change de boulot. Bien que l'idée de croiser la blonde tous les jours lui plaise dans le fond, il n'est pas sûr que ce soit quelque chose de fiable. Il aimerait bien pouvoir passer à autre chose un jour – il n'a plus le choix après tout. On travaille dans la même rue il semblerait, ajoute-t-il en soupirant. La joie, il entend déjà Killian se moquer de lui quand il lui racontera ça.

Merde. Il la regarde presque incrédule, se demandant à quel moment la naïve petite Eibhlin dont il est tombé amoureux est devenue aussi perspicace. En temps normal, il ne s'en plaindrait pas – combien de fois lui avait-il demander d'ouvrir les yeux et d'arrêter de se faire avoir – mais à ce moment précis, il aurait préféré qu'elle soit resté l'adolescente perdue d'autrefois, celle qui n'aurait pas fait le lien entre son soi-disant rendez-vous et la soirée Star Wars prévue en compagnie de sa meilleure amie. Foutue glace au fruit de la passion, tu as tout fait raté.

— Euh... Il doit trouver une solution le plus rapidement possible, il le sait. Chaque seconde perdue jouera contre lui. Il regarde Ei pour lui faire face. Ce n'était définitivement pas une bonne idée, Kieran n'est pas de taille à affronter ces yeux clairs. Euh..., répète-t-il une seconde fois. Trop tard, la blonde reprend la parole, la vérité lui explose à la figure. Pourquoi s'est-il senti obligé de lui mentir ? Il se sent bien trop fier à ce moment, d'avoir voulu être le premier à être passé à autre chose – il n'y peut rien, c'est sa façon de se rassurer. J'ai pas menti. Je sors avec Andy, c'est tout. Il se donnerait des baffes. De toutes les excuses qu'il aurait pu trouver, celle-ci est sûrement la seule qui est sûre de ne pas fonctionner. Félicitation Kieran, tu viens de détruire toute la crédibilité, se dit-il, sortir avec ta meilleure amie, et puis quoi encore.

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Le ton sec de Kieran coupa Ei comme un couteau particulièrement aiguisé. Elle ne s'était pas attendu à une telle réaction. Qu'est-ce qu'elle aurait du dire ? Que ça l'ennuyait tout particulièrement que Kieran ait tourné la page, qu'elle ne pourrait pas se réjouir pour lui avant un bon moment et qu'à chaque fois qu'elle le verrai avec une fille, elle aurait envie d'être à sa place ? Non, elle n'aurait pas pu dire ça. La blonde serra son sac entre ses doigts, serrant la mâchoire.

« Non, c'est sûr, tu ne pouvais pas attendre. B-bien sûr que je suis passé à autre chose. Je ne suis pas du genre à... rester bloquée sur ça. » marmonna-t-elle de manière peu convaincante, et blessée par la remarque. Il pensait vraiment qu'elle était sans cœur à ce point ? Elle déglutit alors que sa gorge se serre – oh non, le moment était vraiment mal venu pour se mettre à pleurer. Elle n'était plus une petite fille.

Et en plus, ils travaillaient dans la même rue. Eibhlin se nota mentalement de faire des détours, quitte à prendre plus de temps pour arriver le matin et le soir. Son inconscient devait lui avoir jouer un sacré tour en lui faisant choisir un emploi dans la même rue que lui. A croire que même ses actions les plus anodines cherchaient à la repousser vers lui. C'était ridicule. Tout s'acharnait à la faire retomber sur Kieran – comme si naturellement, elle n'y pensait pas déjà assez. Tout son été, entre les recherches d'emploi et d'appartement, elle n'avait pensé qu'à lui, il lui avait manqué et il lui manquait encore. La blonde pinça les lèvres et détourna les yeux sur le pavé, s'empêchant de repenser à ce que cela faisait de tenir la main de Kieran, ou de se blottir contre lui. Ce n'était pas le moment de penser à ça.

« D'accord. » conclu-t-elle très simplement, après ce qui lui sembla être une éternité. « J'imagine qu'on se croisera, alors. »

Eibhlin se décida à le fixer. Pour voir s'il oserait lui mentir alors qu'elle le fixait, avec un peu de courage qu'elle avait réussi à puiser. Elle retint son souffle, anxieuse – elle redoutait les mots qu'elle pouvait entendre, quels qu'ils soient.

Puis elle leva les yeux au ciel, essuyant les larmes qui s'échappaient – indépendamment de sa volonté.

« Tu te moques de moi ? Tu trouves ça drôle peut-être ? » Sa voix tremblait, Eibhlin tentant à peine de la contrôler. D'un geste rageur, elle lança son sac contre Kieran, tapant du pieds. « Tu es vraiment débile, Kieran. Débile, idiot, con ! » Eibhlin jurait rarement. Et pourtant, le mot lui échappa, et elle s'arrêta pour fixer Kieran, les yeux rougis. « J'arrive pas à croire que tu me mentes encore comme ça ! T'es carrément nul !  »

Eibhlin se baissa pour rattraper le sac à main qu'elle avait laisser tomber par terre. Elle avait envie de disparaître, se faire aussi petite qu'une souris. Ou bien remonter le temps, et éviter Kieran. Elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille, faisant quelque pas pour s'en aller, les yeux rivés sur le sol - de honte.

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Elle lui semble loin l'époque où tout allait bien, où ils pouvaient marcher main dans la main dans les couloirs de Poudlard. Il la préférait, tout lui semblait radieux – peut-être parce qu'il n'avait pas besoin de refréner ses envies comme maintenant. Eibhlin s'énerve et il ne sait pas comment réagir. La laisser faire ou tenter de la calmer – les regards des passants commencent à se porter sur eux, elle n'est pas très discrète à le taper à coup de sac à main. Il soupire. Il a toujours aimé voir Ei quitter ce côté trop niais qui lui colle à la peau depuis leurs premières années à Poudlard. Ça peut paraître bizarre, certains parleront même de masochisme, mais il la trouve extrêmement attirante dans ce genre de moment. Andy rigole quand il dit ça – sa meilleure amie et son frère jumeau sont les seuls au courant, jamais il n'aurait été capable de dire ça à son ex-petite amie.

Les mots le blessent. Débile, idiot – il en a conscience de ça, il le sait. Il fait n'importe quoi depuis qu'il a recroisé la blonde alors que ça fait à peine cinq minutes. Il pensait être plus mature, moins stupide, pouvoir canaliser un peu plus ses sentiments, les refouler. Mais Kieran aime toujours trop Eibhlin pour parvenir à un tel miracle. Il a toujours autant envie de l'embrasser quand il la voit, de la prendre dans ses bras. Puis vient le con, plus dur à encaisser, il blesse. De la part de la fille la moins vulgaire, c'est une preuve qu'il a abusé, qu'il a passé la fine barrière qui sépare la bêtise de la méchanceté.

En voulant faire réagir Eibhlin, il lui a fait du mal. Quel idiot, il se déteste pour les larmes qu'il a vu couler sur ses joues. Il s'est démené pendant plus de trois ans pour que ça n'arrive pas, pour que la blonde soit heureuse et que personne ne la blesse. Aujourd'hui, il est le premier à le faire.

— Ei, attend, dit-il en lui retenant la main. C'est bizarre comme contact après deux mois de séparation. Il a l'impression de vivre en plein rêve, comme si à ce moment-là, les choses pouvaient reprendre leur cours normal – Ei en tant que petite amie, les soirées de solitude envoyées au loin. Je suis désolé, okay ? Il baisse les yeux, gêné. Il n'aime pas vraiment s'excuser – pas quand il est totalement en tort. Cette situation est entièrement sa faute, il n'aurait pas dû lui mentir, il aurait dû se contenter de parler d'une simple soirée avec Andy, ne parler que de la réalité. Il se met face à elle, ses mains posées sur ses épaules. Je suis un peu con des fois, tu devrais le savoir. Plus que toutes les autres, a-t-il envie de rajouter. Ils ont passé tellement de temps ensemble, et même quand ils étaient avec les autres, Kieran l'a toujours privilégié. C'est juste bizarre parce que- Il n'aime pas ce qu'il s'apprête à sortir, il le sait. Parce qu'on est plus ensemble, et voilà.

Elle est sortie la connerie, il enfonce à nouveau le couteau pour être sûr de tuer à jamais son ancienne relation avec l'irlandaise. Et pourtant ce n'est pas ce qu'il rêvait de lui dire Kieran, au contraire. Dans un monde idéal, il lui aurait proposé d'essayer encore, de faire comme si ces deux mois de ruptures n'avaient jamais existé. Ils travaillent à côté après tout, il n'est plus question de la relation à distance qui les a forcé à mettre un terme à leur couple. Seulement, il se doute que le problème n'était pas que là, que si Eibhlin voulait rompre – ou plutôt, qu'ils se séparent d'un accord commun – c'est qu'elle en avait marre de lui, qu'elle voulait passer à autre chose.

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Quelle idiote, mais quelle idiote elle faisait, décidément ! Eibhlin avait envie de disparaître, littéralement. Ses mots avaient dépassés ses pensées – elle n'aurait jamais traité Kieran de con, peu importe qu'il soit énervant, qu'il dise n'importe quoi. Elle ne le trouvait même pas con, réellement. Elle inspira pour se calmer, serra les poings. Ça ne servait à rien de se mettre dans tout ses états – Kieran faisait sa vie, elle la sienne, elle n'avait pas de raison de se sentir aussi blessée... Heureusement, il ne lui restait qu'à tourner les talons, ravaler ses larmes et tout ça ne serait bien vite qu'un mauvais souvenir qui la garderait réveillée des heures durant – honteuse.

Le contact de Kieran contre sa peau l'électrisa, elle ne s'y attendait vraiment pas. Elle se retourna, les yeux brillants, retenant son souffle – elle l'observait, le souffle coupé comme à chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui. La blonde l'observa, essayant de détecter à l'avance ce qu'il allait dire, pour s'éviter les faux espoirs, les malentendus, les déceptions.

« … C'est pas grave. » lâcha-t-elle, sa voix se radoucissant un peu, baissant les yeux. Elle s'était emportée et Ei n'avait aucun mal à imaginer que Kieran devait la trouver particulièrement niaise et ridicule. Pas de doute, c'était sûrement à cause de ça qu'ils avaient finir par se séparer d'un accord commun. « Je sais. » Elle esquissa un petit sourire. Il n'était pas si con que ça ; mais elle n'était pas particulièrement impartiale. « Mais c'est pas grave non plus. » Eibhlin se mit à penser que c'était peut-être pas si difficile d'avoir une conversation normale avec Kieran – les mots finissaient par sortir avec simplicité. « Oh. » Elle cligna des yeux. Visiblement, elle était la seule à penser ainsi et il venait de lui rappeler. Dur retour à la réalité. « Oh. » Répéta-t-elle. Elle n'avait même plus envie de s'énerver, elle se sentait juste un peu plus blessée, avec la sensation que cette conversation ne fait que remuer le couteau dans la plaie.

Elle hocha la tête. Bien sûr, elle était stupide d'avoir cru à autre chose : comme si Kieran allait lui faire une grand déclaration d'amour, changer d'avis, vouloir revenir avec elle. Non, bien sûr, ce genre de chose n'arrivait que dans les romans à l'eau de rose et les films d'amour. Dans la vraie vie, malheureusement, cela ressemblait plus à ce qu'elle était en train de vivre. L'irlandaise croisa les bras, esquissa un sourire.

« Oui, c'est vrai, ça fait un peu bizarre. Mais tu n'étais pas... obligé de le rappeler. Enfin, ce n'est pas grave. » Répéta-t-elle encore, plus pour se convaincre qu'autre chose. « Je vais finir par te mettre en retard pour aller voir Andy. Tu devrais y aller – non ?  » Eibhlin s'entendait parler, et se demandait pourquoi Merlin disait-elle tout le contraire de ce qu'elle pensait.

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C'est pas grave, mais peut-être que c'est ça qui le gêne justement. Les mots sortent de la bouche de son ex-copine et il a l'impression de perdre définitivement quelque chose. Une relation qui se termine n'est jamais évident – pas après trois ans, encore mois si on considère le fait qu'il l'aime encore. Alors il se pose la question qu'il évite depuis ces deux mois. Et ça sera toujours aussi difficile ? – oui, réalise-t-il une boule au ventre. Tant qu'il n'aura pas tourné la page, il y aura cette gêne, cette envie de tout recommencer. C'est injuste, pense-t-il soudainement. Il a tout fait pour être le copain parfait, il a pris soin d'elle des années entières pour être sûr qu'il ne lui arrive rien, il a pris le temps de lui expliquer ce qu'elle ne comprenait pas, l'a réconforté un nombre incalculable de fois. Tout ce qui lui reste c'est ça, une situation gênante dans une rue bondée, des souvenirs d'une relation qu'il regrettera peut-être toute sa vie.

Il ne s'imagine pas tourner la page Kieran. Même si ses amis lui ont dit le contraire tout l'été, qu'il envisage depuis la fin de Poudlard de passer à autre chose, être confronté au visage angélique d'Eibhlin lui rappelle les raisons qui l'ont poussé à l'aimer, à sortir avec elle et à lancer des regards méchants à tous ceux qui tentaient de faire souffrir sa copine. Ei mérite à ses yeux le bonheur – si leur rupture d'un accord commun lui a bien fait comprendre qu'elle ne l'envisageait pas un seul instant avec lui. Quelle déception. Il se doit de respecter ses choix pourtant. C'est ce qu'un ami ferait, il refuse de passer pour l'ex chiant.

— Tu as raison. Cette simple phrase lui paraît bizarre – il avait tellement peu l'habitude de la prononcer à l'époque, à croire que leur relation a changé du tout au tout. Mais il le savait déjà ça, il l'a compris bien trop vite, en réalisant qu'il ne pourrait plus jamais lui faire de câlins toute la nuit, la regarder dormir en attendant qu'elle se réveille le matin, rester des heures à rien faire et l'écouter parler. Elle va gueuler si je suis en retard. Encore plus si la glace fond, tu imagines l'horreur. Mensonge. Il n'attend pas Andy avant une heure et le paquet où est conservé le dessert au fruit de la passion est amélioré grâce à la vie – la glace ne peut pas fondre. Mais l'idée de lui proposer d'aller boire un verre pour fêter ses retrouvailles l'effraye. Il l'a assez vu pour aujourd'hui, il n'est pas sûr de supporter plus. On se reverra bientôt de toute façon, vu que tu travailles dans le coin.

Il s'approche d'elle pour lui dire au revoir. Ça se fait entre ex, se dit-il pour se rassurer, pour se convaincre que ce n'est pas juste son cerveau qui le force à établir un contact. Pourtant il sait que c'est le cas, que ça lui manque depuis ces deux mois. Il est pathétique, il ne fait que réfléchir alors qu'il doit simplement lui faire la bise et s'en aller. Il n'aurait pas dû s'éparpiller autant, il aurait dû être moins dissipé. Ça lui aurait évité l'erreur de sa vie. Quand il sent contre les siennes les lèvres d'Ei, il se recule d'un bond. Et merde, décidément il accumule aujourd'hui.

— Putain, je, Ei. Il la regarde épouvanté. J'ai pas fait exprès, c'est qu'un réflexe. Non, il n'a jamais voulu que cette situation arrive mais il ne regrette pas, il serait incapable de le faire. Ça paraît si naturel comme contact, si agréable. Ça se reproduira plus, on est plus ensemble. Il soupire. Je file, à la prochaine, dit-il avant de se tourner pour disparaître dans la foule sans se retourner. Il a trop peur de ce qu'il verrait – il a trop peur qu'elle ne le regarde pas, qu'elle se fiche de son existence et qu'elle lui montre. Il grimace, Andy va mourir de rire en apprenant sa connerie.

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« Tu as raison. » - ce n'est pas vraiment une phrase qu'Ei avait l'habitude t'entendre, ça. Elle cligna des yeux, interdite, fixa Kieran. Comment en étaient-ils arrivés là ? Deux jeunes adultes, incapables d'avoir une discussion normale, elle totalement encore amoureuse de lui, et lui... Lui, bien sûr, dans l'esprit d'Eibhlin, était à des années lumières de leur relation.  Comment en étaient-ils arrivés à avoir un tel fossé entre eux ?  Tout ça c'est de sa faute, elle soupira en fixant le pavé. Quelle idée stupide, avoir accepter de se séparer ; tout le monde avait raison, elle avait vraiment été idiote sur ce coup là.

« J'imagine bien sa réaction, oui ! Je ne voudrais pas être responsable si elle s'énerve sur toi. » Elle imaginait bien que la glace, provenant d'un magasin sorcier, ne devait pas être du genre à fondre aussi rapidement, mais elle n'allait pas retenir Kieran. Cela n'aurait fait qu'empirer la situation, la rendre encore plus gênante qu'elle ne l'était déjà. « Oui, bien sûr. » fit-elle, la voix un peu tremblante à l'idée qu'une situation pareille se reproduise. Elle allait devoir faire un énorme travail sur elle-même pour supporter ça. « Passe une bonne soirée, alors... ? » Ei haïssait ce ton interrogatif à la fin de sa phrase.

Eibhlin fixa Kieran. Elle n'était pas bien sûre de ce qui venait de se passer – elle avait beau rejouer la scène plusieurs fois, elle ne saisissait pas. Une seconde avant, il se penchait vers elle pour lui faire la bise et la seconde d'après - - non, elle devait être dans un rêve éveillé. Un simple délire, son esprit qui se faisait des désillusions. La seconde après – il ne pouvait pas , non, ce n'était tout simplement pas possible. Elle devait avoir imaginé le contact des lèvres de Kieran contre les siennes, c'était la seule chose qui faisait sens. Il n'y avait aucune raison pour qu'il fasse ça, non? Elle déglutit – Eibhlin aurait voulu que ces quelques secondes qui ressemblaient à un rêve durent un peu plus longtemps.

« Je... » Un réflexe. Bien sûr – il ne fallait pas se faire d'illusion. « C'est-c'est-c'est ... » bredouilla Eibhlin, tentant de formuler une phrase complète. « rien » ?C'était tout sauf rien, elle ne pouvait pas répondre ça. « O-oui, on est plus ensemble ! »  La blonde s'exclama, d'un ton pas très convaincant, voulant paraître déterminé. Mais déjà, Kieran fit volte-face avant qu'Eibhlin n'eut le temps de dire quelque chose de plus correct, un au revoir décent. « … Oh zut. Par Merlin, c'était affreux. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi lui ? » geignit-t-elle toute seule, attirant le regard de quelques passants. Elle serra ses bras contre elle, levant les yeux au ciel. Elle allait mourir de honte si elle racontait ça à Armelle ou à quelqu'un d'autre – songea-t-elle en rentrant chez elle.

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