D’un geste assez lent et calme, elle renfila son manteau sur sa jolie tenue du jour. Une charmante robe noir qu’elle portait pour toutes les grandes occasions et sa première Saint Valentin en faisait définitivement partie. Si on lui avait dit un an plus tôt qu’elle passerait une soirée de ce genre en compagnie de Isaac, elle aurait sûrement rigolé en disant que c’était la chose la plus stupide qu’elle n’avait jamais entendu. Pourtant, c’était bien derrière lui qu’elle marchait en direction du comptoir du restaurant pour payer l’addition de ce succulent repas. Ce rendez-vous parfaitement amicale, le seul soir qui ne l’était pas était une idée du plus âgé et pour dire vrai en lisant sa lettre le matin même, elle avait tout bonnement halluciné. Enfin, plus précisément, elle avait tellement rougit que Dexter lui avait attrapé la lettre des mains, avant de lui crier d’accepter. Ce qu’elle avait fait et pas seulement pour faire plaisir à leur colocataire commun, mais aussi parce que l’idée lui plaisait bien. Parce que même si son ventre était un peu serré en compagnie de l’ancien serdaigle, elle devait avouer que les moments passés avec lui avait toujours ce petit quelque chose d’unique et de plaisant.

La jeune homme, gentleman dans l’âme paya l’addition et elle lui adressa un sourire sincère, tandis qu’elle se tenait à côté de lui. « Merci beaucoup. » Une fois le repas payé, elle se dirigea vers la sortie du petit restaurant moldu dans lequel le garçon l’avait invité, retournant dans la fraîcheur hivernale de la capitale anglaise. Retenant la porte pour son ami avant de la refermer doucement, elle commença à marcher tranquillement dans la ruelle éclairé par de grands lampadaires. « C’était vraiment délicieux. »  Un sourire, tandis qu’elle marchait tranquillement regardant les pavés sur le sol. Armelle n’avait pas l’habitude de sortir, mais encore moins d’avoir des rendez-vous -en fait, c’était son premier, mais elle devait avouer passer un très bon moment et que tout était déjà mieux que tout ce qu’elle avait imaginé quelques heures avant de sortir en ville avec son colocataire. « C’est gentil de m’avoir invité. » Son sourire avait vraiment du mal à s’effacer, tandis qu’ils arrivèrent sur les bords de la Tamise, en direction de leur appartement.

Isaac n'avait pas envie de rentrer.

Pourquoi, il s'en doutait, le soupçonnait : il était aux anges. La soirée avait été parfaite – il ne voulait pas qu'elle s'achève, ne voulait pas rompre le charme de la rencontre. Bon, pour être honnête, il ne tenait pas non plus à affronter le sourire goguenard et les questions indiscrètes que Dexter ne manquerait pas de leur poser une fois qu'ils seraient revenus à l'appartement, parce que, oui, Armelle était vraiment, mais alors vraiment jolie vêtue de cette robe noire mais cela ne signifiait pas cela faisait de cette soirée un rendez-vous romantique, Merlin, Dexter, et arrête de me bassiner avec le soi-disant symbolisme de la date, pour la dernière fois, on est juste amis !
Pardon. Je crois que je suis un tout petit peu nerveux.

Il était tellement mauvais à ce petit jeu : d'abord, il avait débarqué habillé d'un jean terriblement banal et du tee-shirt le plus basique de la Création. Ensuite, il avait été incapable de retenir les bafouillages paniqués que lui avait inspiré le sourire d'Armelle tout au long de la soirée et s'il s'était employé à être un parfait gentleman, cela ne l'avait pas empêché de faire tomber le contenu entier de son porte-monnaie au moment de payer, faisant résonner dans le restaurant le son de la monnaie trébuchante et rougissant jusqu'à en devenir écarlate.
Armelle ne semblait jamais vouloir cesser de sourire.

Ce fut elle qui pensa à lui tenir la porte, honorant le saint du jour par sa galanterie. Isaac la remercia du bout des lèvres, gêné de ne pas y avoir penser avant. Il ne l'entendit qu'à moitié lorsqu'elle complimenta la qualité de la nourriture et il hocha la tête : « Oui, c'était vraiment – » Il ne pouvait pas dire délicieux, elle avait déjà usé de ce mot. Il ne voulait pas lui laisser penser qu'il manquait d'originalité. « – exquis. » Bien. Maintenant, elle devait croire que son vocabulaire datait d'un siècle ou deux. Isaac se força à inspirer profondément ; l'air de la nuit emplit ses poumons et l'étourdit fugitivement. Un peu plus bas, la Tamise s'écoulait paisiblement. Il songea à la boîte de chocolats qu'il lui restait à lui offrir, cachée dans les pans de son manteau. Il n'avait pas encore trouvé l'occasion idéale pour la lui glisser entre les mains, des mains qu'il effleurerait alors certainement.

Son souffle menaça de se coincer dans sa gorge lorsque la jeune femme évoqua son invitation. Isaac aurait aimé oublier cet élan de courage inespéré qui l'avait poussé à lui écrire cette lettre, plutôt que de lui demander en face comme n'importe quel colocataire bien-intentionné ou même de simplement lui envoyer un SMS. Il aurait aimé se dire qu'il n'y avait jamais eu d'invitation et qu'ils s'étaient mis d'accord par la force de la pensée de sortir ensemble ce soir, surtout à une date aussi significative. Cela aurait été certainement beaucoup plus facile à gérer. Moins d'introspections indésirables à faire.
Joue-la cool, Isaac, s'apostropha-t-il en silence.

« Je, heu, j'avais vraiment très envie de t'inviter alors je me suis dit... » Qu'est-ce qu'il s'était dit, déjà ? Ce ne devait pas être très avouable en vérité. « ... rien du tout ! » Merlin.
C'était une catastrophe.

« ... J'ai des chocolats à t'offrir, parvint-il finalement à articuler après un bref instant empli d'hésitations, espérant créer une diversion, sans toutefois amorcer le moindre geste pour dévoiler aux yeux de la jeune fille la fameuse boîte, objet de tant de discordes. »

Ses yeux se baladèrent sur les lumières de la villes se reflétant sur la Tamise, comme un véritable ciel étoilé. Quelques bateaux passaient, peuplés de touristes ou de riches couples fêtant la saint valentin au calme dans la plus grande capitale d’Europe. Armelle ne l’avait peut-être pas passé sur un bateau, mais cela n’enlevait rien au charme de cette soirée en compagnie de l’anglais. Elle se sentait bien, clairement stressée, mais bien. Isaac ne semblait pas en mener large et d’une certaine manière, elle trouvait cela mignon. L’ancien serdaigle avait cette manière bien à lui de se montrer doux et généreux avec les autres et cela été une qualité qui lui plaisait beaucoup. La brune voyait bien qu’il peinait à terminer ses phrases où à la regarder dans les yeux et elle supposa que c’était simplement parce qu’il n’avait pas l’habitude des soirées comme ça -tant mieux, elle non plus. « Tu t’es dis que c’était l’occasion ? » Le jour était certes, lourd de sens, mais Armelle s’en fichait un peu, pour elle s’était avant tout l’occasion de partager un bon moment avec son adorable colocataire. Finalement, elle était plutôt contente de ne pas avoir trouvé d’appartement pendant les vacances d’été, parce qu’elle n’aurait sûrement pas eu la chance de connaître les deux garçons avec qui elle partageait sa vie et encore moins sortir en ville en compagnie de l’étudiant en médicomagie.

Le visage de la plus jeune s’émerveilla devant le présent du jeune homme, ainsi qu’un sourire entre étonnement et joie. « Des chocolats ? » Le geste, elle l’appréciait vraiment, mais pour le coup, elle ne s’y attendait pas le moins du monde. Elle attrapa gentiment la boite en lui souriant, avant de la regarder tendrement. C’était la première fois que quelqu’un de son âge lui faisait un cadeau de la sorte sans aucune raison et elle se sentait très touchée. « Oh, c’est super sympa en plus j’adore le chocolat. » En même temps, qui n’aimait pas le chocolat ? Armelle avait déjà hâte de les goûter et surtout de dire à Dexter que l’anglais lui avait fait un cadeau. Soudainement, cette idée lui paraissait bizarre, pourquoi avait elle hâte de le dire à Dexter ? La journaliste se sentait un peu ridicule, comme une gamine collante dans les romans qu’elle avait pu lire pendant les vacances autour d’un thé à la cerise. Elle secoua un peu la tête, comme pour chasser ses idées avant de reprendre. « J’ai rien pour toi, mais on pourra partager les chocolats ? » Devant un film ou simplement en traînant dans le canapé avec leurs chats respectives.


Armelle se sentait un peu mal de n’avoir rien pris pour lui et tenta de se rattraper un peu. « Si tu veux, je peux te payer un verre ? » Un verre, cela lui semblait plutôt une bonne idée pour poursuivre la soirée, sans pour autant rentrer à la maison. Une sorte de proposition qui lui permettait à la fois de se faire pardonner, mais aussi de prolonger ce rendez-vous parfait à ses yeux. Clairement, la moitié des filles de son âge aurait voulu plus, mais pour le moment cela lui allait parfaitement, simplement parce qu’elle ne se laissait même pas le droit de penser à plus. Après tout, c’était son colocataire et se faire des films n’étaient pas vraiment son délire -encore moins des scénarios optimiste et joyeux.