But maybe I'm Crazy, Maybe you're Crazy, Maybe we're Crazy.
L'auror ne se rendait déjà pas très souvent dans les couloirs du ministère en journée, mais en pleine nuit ça relevait presque de l'incroyable. De manière générale, il était plutôt interdit de se promener dans le ministère après sa fermeture, mais pour un auror ce n'était pas vraiment un problème. Qui l'arrêterait et qui lui poserait des questions, cela dit, il fallait être prudent et discret s'ils ne voulaient pas éveiller les soupçons. Non parce que si sa présence relevait de l'incroyable, celle de son acolyte de fortune elle faisait carrément partie d'un monde parallèle. Lichuan Whitelaw. L'homme vivait tel un fugitif depuis déjà quelques mois et pourtant, passait presque toutes ses journées avec justement l'auror qui l'avait mis dans cette situation. Malgré tout ce que l'on pourrait penser, leur petit duo fonctionnait plutôt bien et sur cette lancée, il pourrait bien atteindre leur but, détruire la SEPPOM. L'un comme l'autre prenait des risques avec cette alliance et même si à l'origine ils ne pouvaient s'encadrer, ils avaient fini par trouvé un terrain d'entente. Lors des infiltrations, c'était toujours l'auror qui était aux commandes évitant ainsi la case prison pour tout le monde.
« Tu peux m'éclairer ? Je vais forcer la serrure, on ne sait jamais, ils pourraient nous tracer. » Basile restait, malgré toutes ses gamineries un très bon auror et connaissait suffisamment son métier pour diriger. Leur quête vers la destruction de la SEPPOM, tournait avant tout autour de ce cher Rougemont et plus particulièrement sur son passif. Le fait qu'il soit mangemort n'était un secret pour aucun des deux et l'asiatique avait même parlé du cancer que le français se traînait, mais les deux complices voulaient frapper encore plus fort. En effet l'asiatique qui s'était avéré bien plus proche du français que prévu, détenait une information qui pourrait tout changer, une histoire de meurtre, pire une histoire de parricide. L'ennui, c'était que Basile ne pouvait pas révéler une telle information sans preuve et les paroles d'un fugitif ne compteraient aucunement devant une cour de justice. Naturellement, il était d'abord allé fouiller dans les archives auquels il avait plus ou moins accès, mais comme par hasard le dossier Rougemont avait disparu. Soupçonnant la SEPPOM de protéger les dossiers de ses employés, ils avaient par la suite décidé de se rendre dans un des lieux les plus secrets du ministère. La serrure céda sous la pression de Basile qui afficha un petit sourire satisfait, en grand enfant qu'il était, il s'était entraîné des centaines de fois sur un cadenas avant de réussir du premier coup.
Le bureau de la SEPPOM était un lieu totalement inconnu à l'auror et les recherches s'annonçaient déjà longues et fastidieuses. « Bon, on se divise, je prends la droite et toi la gauche et si tu trouves un truc à manger, tu partages. » Sans vraiment attendre de réponse, l'auror attrapa sa baguette et lança un petit Lumos, afin d'éclairer les étagères qui s'étalaient sur de nombreux mètres. La plupart des dossiers affichaient des noms de sorciers, sur lesquels la SEPPOM devait très certainement enquêter et même si la curiosité de Basile lui suppliait d'en ouvrir un pour le lire, il se contenta d'avancer à la recherche d'un certain Rougemont. Soudain, un bruit de pas autre que les leurs se fit entendre. « Merde. Vite suit moi. » L'auror avait remarqué un bureau non loin de là et jugea bon de s'y réfugier. Serré comme des sardines sous ce bureau les deux hommes ressemblaient à deux gosses qui jouaient au jeu de la cabane. « Coupe ta lumière idiot. » Les pas s'approchèrent dans leur direction et Basile priait pour que cette personne ne remarque pas la porte qu'ils avaient malencontreusement oublié de fermer.
« Basile, j'ai faim. » « Ils servent encore après minuit à ton truc-là, ce McDo ? » « Il fait froid, en plus. » « Ils essaient de faire des économies de chauffage ou quoi ? C'est ridicule. On est en plein été. Il ne devrait pas faire aussi froid. » « Tu les trouves jolies, mes tongs ? » « Tu penses que Batman porte des tongs ? » « Au fait, tu savais que Victory avait installé des alarmes chez elle ? Je ne sais pas si c'est à cause de moi. Tu crois que c'est à cause de moi ? » « Comment je vais faire pour rentrer sans la réveiller ? » « Basiiiile, ne m'ignore pas ! »
Pour être tout à fait honnête, Lichuan ignorait pourquoi il avait accepté de quitter le confort bienvenu du canapé de la riche héritière. Il aurait fallu être fou pour sous-estimer l'amour qu'il portait à ce canapé. C'était sa place attitrée dans la maison de la jeune femme, où il vivait depuis presque six mois maintenant. En observant le visage concentré de Basile, il se rappela soudain la raison de leur petite escapade nocturne au cœur du Ministère ; celle-ci avait menacé de lui échapper alors qu'il songeait à quel point il avait été sot de mettre un short à fleurs et une chemise légère alors que les températures semblaient flirtaient avec le négatif. Au moins l'Auror avait enfilé une tenue décente, aussi classique que discrète, qui trahissait presque leur véritable nature.
Trouver des preuves compromettantes. Faire tomber la SEPPOM. Détruire Sherkan.
Il haussa négligemment les épaules en pensant que leur tentative d'infiltration n'était là que la première étape de leur magnifique plan, qui consistait surtout à convaincre la population des mauvaises attentions de l'organisation sans avoir recours à un sortilège de magie noire. Une solution qui paraissait pourtant immensément plus pratique aux yeux de Lichuan. Sherkan, avec ses mains pleines de sang, semblait être l'émissaire idéal.
Il s'apprêtait à demander à Basile s'il trouvait que la couleur de sa chemise allait bien au papier-peint des lieux lorsque celui-ci s'agenouilla tout à coup devant une serrure à l'air récalcitrant. Lichuan avait dignement cédé à l'Auror les commandes de l'opération, jugeant que son expérience valait la sienne. Il se contenta donc simplement de brandir sa baguette et d'invoquer silencieusement un Lumos, une magie simple mais toujours efficace. Le petit mécanisme céda rapidement, Lichuan était obligé de le reconnaître, mais la mine victorieuse qu'affichait Basile lui inspira une vilaine pique : « Pourquoi tu n'as pas tout simplement utilisé un sort ? » L'instant d'après, il s'était déjà faufilé dans les longs couloirs, sans attendre de réplique.
Le bureau de la SEPPOM était un lieu encore inconnu aux deux hommes et les rares plans qu'ils avaient pu dénicher ne révélaient pas la moitié de ses mystères. Basile suggéra qu'ils se séparent et Lichuan opina docilement. « Accio dossiers Rougemont, murmura-t-il simplement alors que l'Auror s'éloignait déjà dans son dos. » Mais, de manière prévisible, les dossiers demeurèrent sagement immobiles sur leurs étagères. Lichuan laissa échapper un soupir ennuyé. Tout cela ne promettait rien de bon. Toutefois, il ne tarda pas à se mettre au travail, examinant avec attention les noms qui défilaient devant ses yeux. Des bruits de pas se firent entendre soudain et l'asiatique crut même apercevoir un rai de lumière dans le lointain. Sans l'avertissement de Basile, son premier réflexe aurait été de cligner des yeux. Il se dépêcha de rejoindre son acolyte, pestant à voix basse en découvrant la cachette qu'il leur avait choisi. « C'est une blague ? » Les bruits qui se rapprochaient dangereusement achevèrent de le convaincre que non. Il se glissa à son tour sous le bureau, répliquant par un coup de pied étonnamment bien placé étant donné les circonstances à l'idiot que venait de lui asséner Basile.
« Fais-nous transplaner ! ordonna-t-il d'une voix qui restait, de façon impressionnante, très calme. » Il n'avait jamais caché à l'Auror son incapacité à réaliser ce déplacement. Il avait toutefois mentionné l'existence de son Elfe de maison. Face à l'expression de poisson rouge de son comparse, il se dépêcha d'ajouter : « Conscience m'a dit qu'elle était partie rendre visite à sa mère. Je ne vais tout de même pas la déranger ! » L'incongruité de la remarque aurait de quoi faire rire si leur situation n'était pas aussi insolite.
But maybe I'm Crazy, Maybe you're Crazy, Maybe we're Crazy.
Les deux compagnons de fortune semblaient bien idiots sous leur bureau. Comme toujours, l'asiatique semblait extrêmement détaché de tout, si bien que Basile se demanda un court instant s'il était au courant de la raison pour laquelle ils étaient là. Objectivement, Lichuan était un boulet et heureusement pour l'humanité qu'il n'avait jamais décidé de devenir auror, son sens des priorités et sa discrétion laissait clairement à désirer. Il parlait à haute voix, comme si de rien n'était, alors qu'ils étaient en train de se cacher, même un enfant aurait compris le principe de la cachette. L'auror ne comprenait pas toujours son partenaire, encore moins quand celui-ci portait une chemise à fleur et des tongs de plage. Peut-être qu'il se croit au clubmed. L'exaspération se lisait facilement sur le visage de l'écossais, pourtant, il était assez heureux de ne pas être seul dans cette galère. Quitte à ramer, autant le faire ensemble.
Transplaner. La logique de cette demande était plus que justifiée, malheureusement pour eux l'asiatique n'était pas le seul à avoir besoin à des cours de rattrapage en la matière. Basile était parfaitement incapable de transplaner, un secret que le monde ignorait et qu'il préférait garder pour lui, de peur de perdre son boulot. « Chut ! Moins fort, tu veux finir à Azkaban ou quoi ? » Ignorer la demande était la solution la plus simple. L'auror imaginait sans trop de difficulté les moqueries que pourrait lui balancer l'autre et ça le blasait d'avance. Pendant ce temps-là, l'asiatique racontait sa vie, ou plutôt celle de son elfe, un récit dont l'ancien gryffondor se fichait bien. « Le prend pas mal, mais je m'en fiche. » En général, dans un binome, c'était souvent lui le trouble-fête, mais il fallait croire que les gens changeaient.
« Je crois que c'est bon… Attend je sors et je te dis. » Bien que la situation soit réellement dangereuse et parfaitement sérieuse, les deux presque trentenaires ressemblaient à deux gosses qui jouaient aux agents secrets dans le bureau de leur père. Basile poussa légèrement l'asiatique qui prenait toute la place avec ses grandes, afin de regarder par-dessus le bureau ce qu'il se passait. Rien, parfait. Silencieusement il se leva, traversa la salle, afin de fermer la porte, puis fit un peu de lumière à l'aide de sa baguette. « Bon, si on veut finir avant demain matin et avoir la chance de manger un Mcdo, va falloir réfléchir pour être efficace… Tu rangerais où les dossiers de tes salariés ? » Étrangement, Basile avait le sentiment que tout cela allait être beaucoup plus long que prévu. L'auror reprit ses recherches un peu plus loin que précédemment, dans l'espoir de trouver quelque chose. « Au fait, il s'est passé quoi entre toi et Sherkan pour que tu veuilles le tuer ?» Une question qui tournait dans la tête de l'asiatique depuis déjà un bon moment.
Il était plus évident que ses émois légitimes ne parvenaient pas à attendrir Basile. Il laissa ses yeux errer sur les rainures qui ornaient le bois du bureau avant de froncer les sourcils en découvrant un chewing-gum d'un rose écœurant collé au meuble tel un gluant parasite — un rôle que lui-même incarnait avec un sérieux confondant auprès de l'Auror. Il s'apprêtait à partager gracieusement cette analogie mais visiblement, la mauvaise humeur de l'autre homme l'avait emporté sur la fébrilité des investigations puisqu'il voulut savoir s'il comptait finir à Azkaban. Lichuan le fixa en silence un long moment avant de déclarer d'un ton insolemment tranquille : « Franchement, je commence à me poser la question. Je parie que même les Détraqueurs sont plus joyeux que toi. » Dans le cercle très ferme des familles dotées de sang pur, bien que son propre comportement soit davantage celui d'un petit con d'aristo qui joue à faire le gueux qu'un véritable héritier, une telle comparaison était une insulte. Toutefois, Lichuan comptait sur la bêtise naturelle de Basile ainsi que son ignorance crasse pour ne pas le remarquer. Il lui donna des petits coups de pied, comme pour attirer son attention, ce qui, dans leur situation, revint à lui coller la semelle de ses tongs dégueulasses sous le nez. « Tu n'as pas répondu à ma question. »
Cependant, Basile semblait déterminé à faire comme s'il n'existait pas. « Le prend pas mal, mais je m'en fiche ! pépia Lichuan d'une voix de fausset qui rendait hommage aux plaintes aigus de Kendra lorsqu'elle n'avait encore que deux ans, peut-être moins. » Avec l'inconstance des enfants, Lichuan renonça à lui arracher les vers du nez. L'explication la plus probable était qu'il refusait de fuir alors qu'ils étaient si prêts du but et seul son orgueil empêchait l'asiatique d'admettre qu'il était, pour une fois, d'accord. L'unique différence résidait sans doute dans le fait que c'était un courage honorable qui animait Basile tandis que c'était l'envie de vengeance qui poussait Lichuan en avant, alliée à une forte tendance suicidaire.
Enfin, Basile prit la décision de s'extirper des profondeurs du bureau, un geste qu'il accueillit avec un soupir de soulagement qu'il réfréna à peine malgré les nombreuses incitations à la prudence de son acolyte. Lichuan était, après tout, l'homme qui, au moment de fuir, avait pris le temps de rédiger sa lettre de démission et de récupérer son dernier salaire. Il dédia à Basile un regard interrogatif. L'Auror était-il au courant de cet ultime affront ou aurait-il l'immense privilège de lui révéler jusqu'où était allé la supercherie le jour de son arrestation manquée ? Il battit des mains, clairement ravi, en songeant que cela augurait des disputes passionnantes à l'abri de la voiture, du ketchup plein les mains et l'odeur de chien mouillé qui couvrait tout. Encore mieux que Prague, où il prétendait s'être réfugié.
Ragaillardi par ces pensées, il suivit Basile et reprit son errance à travers les allées, à la recherche du précieux dossier. « Oh, tu penses réellement que je pourrais être à la tête d'un département ? roucoula-t-il, faisant semblant d'être flatté avant de reprendre plus sérieusement : J'en ferais pas. Trop de paperasses. Ou alors j'en ferais un feu de joie dans le hall. Le rêve de tout employé de bureau. » Comme pour appuyer ses propos, il donna un léger coup sur le bois des étagères. Cette pensée continua de le hanter alors qu'il s'imaginait se disputer avec la Cormier pour la tête du département des Mystères ou travailler sous la houlette changeante de Dimitri le jour où il aura enfin conquis le bureau du ministre de la Magie. Doux rêve, tendre rêve. La question suivante eut le don de le réduire au silence le temps de trouver une réponse. La vérité possédait une saveur exquise — surprendre, choquer, il aimait ce pouvoir — mais il ne put résister à l'idée de taquiner :
« J'ai couché avec sa mère. » Il lui adressa un clin d'œil dans l'obscurité, comme s'ils étaient deux complices liés par l'adversité. Il longea une rangée de dossiers supplémentaires avant que ses yeux ne rencontrent un nom familier. « Hé, Basile, l'appela-t-il. Jackson-Powell, c'est pas le nom de ta copine ? Tu m'avais pas dit que son dossier était introuvable ou envolé ou je ne sais quelles excuses ridicules qui peut servir ta théorie du complot. » Une remarque hypocrite compte tenu des événement récents.
But maybe I'm Crazy, Maybe you're Crazy, Maybe we're Crazy.
« Tu auras tout le plaisir de le découvrir si tu ne fermes pas un peu ta gueule. » Faire équipe avec quelqu'un d'aussi instable que Lichuan relevait presque de l'impossible et pourtant, Basile s'en sortait plutôt bien, malgré de nombreuses disputes. Il s'était pour ainsi dire découvert une patience insoupçonné et commençait même à s'habituer au nombre incroyable que l'asiatique pouvait sortir par jour. Ignorant parfaitement l'imitation digne d'un perroquet de huit ans et demi, l'auror tentait de se concentrer comme il pouvait sur les bruits de pas qui semblaient s'éloigner. Une chance, parce qu'il n'avait pas envie de lancer encore une fois un oubliette sur un simple employé. Effacer les preuves demandait parfois quelques écarts de conduite et chose dont Basile n'était définitivement pas fier. Comme le fait d'avoir pour coéquipier un des hommes les plus recherché du moment. Mon vieux, tu peux être sûr que tu vas perdre ton job quand ça va se savoir. Une idée qui lui faisait vaguement peur, après tout, il n'avait jamais connu autre chose que son travail, mais il était prêt à prendre ce risque pour faire quelque chose d'utile. La justice n'a pas de prix.
Les deux hommes finirent par se dégager du bureau et de reprendre leurs recherches au milieu de tous ses dossiers. « Si tu deviens ministre, je change de pays. » Un ton légèrement blasé tandis que ses yeux se baladaient le long des étagères, espérant trouver ce pourquoi ils étaient venus. La bêtise de Lichuan ne l’étonnait même plus et après réflexion il aurait mieux fait de se taire, attendre un élan de maturité chez l’asiatique était définitivement une cause perdue. Le Bureau de la SEEPOM était bien plus grand qu’il ne l’aurait imaginé et à cette vitesse, il leur faudra sûrement revenir plusieurs fois avant d’en avoir lu la moitié. Heureusement, son compagnon de fortune était là pour amuser la galerie en lâchant une blague franchement drôle pour quelqu’un comme Basile. Les blagues sur les mamans l’amusaient toujours autant, ce qui pouvait paraître paradoxale pour un homme qui avait justement perdu sa mère. « Si tu as couché avec sa mère, c’est plutôt lui qui devrait t’en vouloir. » L’adversité les avait terriblement rapproché, même si l’un comme l’autre refusait de l’accepter. Quand toute cette histoire sera terminée, ils feront certainement leur vie chacun de leur côté, reprenant ainsi leurs bonnes vieilles chamailleries. Comme au bon vieux temps.
Son coeur rata un battement de coeur ou deux en entendant le prénom de Joy et en moins de temps qu'il en fallait pour dire quidditch, il se tenait déjà aux côtés de Lichuan, lui arrachant le dossier des mains. « Putain, les fils de pute. » Il se dirigea en direction du bureau en bois, sur lequel il déposa le dossier afin de le parcourir, oubliant ainsi le but premier de cette virée nocturne dans les couloirs du ministère. La colère que Basile ressentait à ce moment précis était parfaitement illimitée et si le ministre se tenait devant lui il ne lui manquerait pas de lui foutre son poing dans la figure. L'auror avait passé ses dernières années à lire chaque dossier des archives à la recherche d'une information sur l'affaire Powell, pour finalement apprendre que tout était là, juste dans cette pièce. Son poing frappa le bois du bureau, condamnant définitivement chaque membre de la SEPPOM, tandis que ses yeux parcouraient le dossier.
Joy Jackson-Powell, a découvert des informations, [...], pour des raisons de sécurité nationale elle sera envoyée à Azkaban. [...] Une sensation de soulagement envahie alors l'auror. Il n'avait jamais douté de sa meilleure amie, mais le fait de pouvoir le lire, de pouvoir le prouver le soulageait. Néanmoins, sa colère ne s'apaisait aucunement et il était plus que jamais décidé à détruire chaque membre de la SEPPOM. « Elle était innocente et ils l'ont enfermé ! » Il regarda rapidement le reste de la pièce avant d'ajouter. « Je suis sûr que ce n'est pas la seule, même sans le dossier Rougemont, on peut tous les faire tomber. Il faut absolument le faire savoir. » Le dossier Joy donnait une sorte de nouvel entrain pour Basile, ce qui devait faire plaisir à l'asiatique. Basile ira au bout, poursuivant la quête de son amie.
Entendre Basile énoncer d'un ton blasé qu'il n'hésiterait pas à changer de pays si jamais l'asiatique parvenait au rang de Ministre eut au moins le mérite d'arracher un rire à Lichuan. L'écho de son hilarité n'avait pas fini de résonner entre les étagères encombrées qu'il persiflait : "Toi et moi savons que c'est faux. Tu préférerais gâcher ta vie à prouver à quel point je suis une ordure plutôt que de me laisser savourer le confort d'un poste haut-placé. Tu l'as déjà fait, après tout. Rien ne me dit que tu ne serais pas prêt à recommencer." Sa voix ne trahissait aucune amertume, aucune haine ni même le plus ridicule désir de vengeance. Au contraire, elle vibrait d'un amusement enfantin. Tout ça, nos piètres imitations de dispute, notre rivalité incessante, même notre collaboration inespérée, ce n'est qu'un jeu, songea-t-il distraitement. Mais c'est pourtant l'une des seules choses qui en vaut encore la peine dans ce bal des masques. Si Basile n'existait pas, il n'aurait eu personne à persuader, personne à corrompre. Il aurait été livré à lui-même dans cette croisade imbécile contre la SEPPOM et c'est vers sa mort certaine qu'il se serait élancé au lieu d'une simple promenade à la recherche d'indices improbables. Il lui était de plus en plus difficile de l'ignorer.
Il parut évident que Basile n'avala pas son excuse à propos de la haine qu'il vouait à Sherkan. Cependant, il ne ressentit pas l'envie de développer et se contenta de lui offrir un large sourire aussi faux que peu convaincant. Il demeura muet à ce sujet, pensant qu'il aurait de meilleures occasions de lui apprendre la vérité. Avec un peu de chance, s'il lui révélait tout alors qu'il s'empiffrait de frites, il s'étoufferait peut-être, permettant à Lichuan de lui sauver la vie au moyen de grandes tapes dans le dos et alors Basile aurait une sacrée dette envers lui. Il ne put retenir un gloussement discret à cette pensée. Ça, ce serait le pied. Il s'amusa à imaginer toutes les choses honteuses qu'il pourrait lui demander lorsque la colère de Basile balaya cette bonne humeur d'un coup. N'ayant jamais réellement eu affaire à l'Auror furieux, Lichuan se gorgea de cette vision inhabituelle. La tension dans les épaules, ses mains crispées, ses lèvres serrées qui laissaient échapper un juron. Il lui remémorait les jeunes recrues des Mangemorts lorsqu'ils découvraient pour la première fois que leurs actes avaient des conséquences. Même un homme aussi courageux et bon que Basile pouvaient avoir des failles. Cependant, il refusait de repartir sans le dossier Rougemont. Il se moquait de la SEPPOM et de sa terrible manie d'enfermer des innocents. Mais Sherkan... Il voulait le voir tomber. Lui en particulier. Le reste pouvait bien aller en Enfer.
"Le faire savoir ? répéta Lichuan d'une voix glaciale. Je croyais que tu ne voulais pas l'impliquer. Réfléchis, Basile. Nous sommes là pour détruire Sher —" Il serra les dents, réalisant que Basile s'en moquait. "On va les faire tomber. Je t'assure. Je te l'ai promis. Justice sera faite si tu le désires. Maintenant, tu dois aussi remplir ta part du marché et faire en sorte que Rougemont soit en première ligne." Plus que la meilleure amie de cet imbécile d'Auror, c'était tout ce qui comptait pour lui.
But maybe I'm Crazy, Maybe you're Crazy, Maybe we're Crazy.
« Alors là, tu peux te foutre le doigt dans l’oeil, ou n’importe où d’ailleurs. » Tristement, il savait que l’asiatique n’avait pas totalement tord, même si depuis quelques temps la haine qu’il éprouvait pour lui s’atténuait largement -de toute manière, il n’avait pas vraiment le choix. De toutes les personnes qu’il fréquentait encore, c’était la seule avec qui connaissait la vérité et donc la seule personne avec qui il pouvait parler naturellement sans faire attention. Ils avaient autant besoin l’un de l’autre pour faire tomber la SEEPOM ce qui assurait une vague entente. Aussi éphémère sera-t-elle. Il remercia intérieurement l’idiot de ne pas se montrer plus curieux vis-à-vis du dossier de son amie qu’il lira plus sérieusement une fois de retour à la maison avec un bon verre de scotch. Basile haïssait cette police secrète et rêvait -encore plus qu’avant de voir l’intégralité de ses membres tomber. Il était temps de faire un grand ménage, de faire le vide et de recommencer sûr des bases plus sûre. L’auror était prêt à s’attaquer au ministre en personne s’il le fallait, mais il se doutait que c’était avant tout sa colère qui parlait. Heureusement pour lui -à moins que cela ne soit un problème Lichuan était la pour lui remettre sa muselière afin qu’il ne morde pas trop vite dans le steak.
Aussi étrange que cela puisse paraître, les paroles du fugitif l’aidaient à se déconcentrer sur leur quête, sur leur mission et après quelques minutes ramena l’écossais à la réalité. Il rangea le dossier concernant Joy dans sa poche, puis se posa sur le bureau pour réfléchir plus sérieusement à la question. Parce que même si l’humanité entière pensait le contraire, Basile était doté d’un cerveau et savait parfaitement s’en servir, surtout quand il s’agissait d’enquêter. Les chances qu’ils trouvent le dossier du français dans ce bureau était plutôt maigre, surtout que rien ne garantissait qu’ils le gardaient dans cette pièce et il était plutôt dangereux de s’attarder dans un lieu pareil. L’heure était grave et il était temps de trouver un plan de secours. L’auror murmurait des mots, les yeux dans le vide complètement perdu dans ses pensées, oubliant même la présence de son partenaire de fortune. Au bout de quelques minutes, son visage s’illumina. « J’ai peut-être une idée. » Elle était un peu folle, mais risquait de plaire à l’asiatique.
« On ne trouvera pas le dossier de Sherkan, pas en si peu de temps, mais au fond ce n'est pas si grave… » Basile se dirigea rapidement vers une des étagères et attrapa des dossiers parfaitement au pif et les déposa sur le bureau en ouvrir certains. « On a peut-être déjà trouvé notre moyen de pression pour tout faire exploser. » Il plongea ses yeux verts dans ceux de celui qui portait une horrible chemise à fleurs. « Tu connais bien Sherkan pas vrai ? On pourrait s'en servir pour l'inculper dans la réussite de ta fuite ? La presse pourrait y croire non ? Et si ça ne marche pas, on a tout ça. » Sa main indiqua les dossiers qu'il venait de sortir, alors qu'il garda le contact visuel avec l'asiatique. Basile n'en revenait pas de dire d'avoir eu une idée aussi malhonnête et commençait à croire qu'il ne valait pas mieux que lui. Cependant, ce n'était pas vraiment le temps de se poser des questions intérieures -la fin justifie les moyens.