La musique résonnait dans toute la boîte et Joshua avait pour la troisième fois perdu son acolyte de soirée, William. Heureusement, après des nuits d’expérience ils avaient fini par se mettre d’accord sur un lieu de regroupement. Bien sûr, ce lieu n’était nul autre que le bar, simplement parce que c’était aussi le point de ravitaillement. La foule s’amassait, tandis qu’il ne pouvait pas s’empêcher de balayer la salle du regard à la recherche de la plus jolie fille de la boîte, celle qu’il aura peut-être le plaisir de ramener dans son lit pour une nuit torride. Alors qu’il était en train de commander une tequila sunrise de plus, ses yeux se posèrent sur une charmante blonde qui discutait avec d’autres filles pas plus moches d’ailleurs. Courageux ou simplement trop allumé pour la soirée, il s’avança tranquillement du groupe de fille et se plaça pas loin de la plus belle. « Enchanté. J’étais en train de commander un verre quand j’ai vu ses sublimes yeux, je ne pouvais pas passer mon chemin. » Un sourire charmeur et une phrase bateau de dragueur un peu sûr de lui, voilà ce qui suffisait en général à Joshua Tyrel pour s’assurer une bonne nuit.

Pas gêné une seule seconde par le rire de l’autre blonde qui se tenait dans son dos, il adressa un joli sourire à sa proie. « C’est quoi ton petit nom ? » L’irlandais avait trop bu pour réaliser le regard un peu perplexe de la jeune fille, sérieusement trop occupé à contempler ses deux jolis yeux bleus. Au même moment, il porta son verre à la bouche et bu quelques gorgées. « Je peux t’offrir un verre ? » Il se rapprocha un peu, ignorant parfaitement l’amie de la jeune femme qu’il aurait peut-être reconnu en faisant attention d’ailleurs. Mais Joshua n’était pas l’homme le plus physionomiste du monde et avait la fâcheuse à oublier les gens qu’il ne croisait plus.

Elle était là pour passer une soirée avec ses amis, pourtant la jeune femme ne raffolait pas de l’ambiance des clubs. Elle avait néanmoins fait l’effort de s’habiller et de jouer le jeu, notamment pour Olly. C’était donc au bar du Deus qu’elle se retrouvait à une heure tardive, sirotant son verre tout en écoutant les derniers déboires de son amie, encore en chamaille avec un de ses anciens camarades d’école – un membre de la famille royale, bien sûr. La voyante avait un peu de peine à suivre les propos de la blonde à cause de la musique mais globalement elle s’en sortait bien et n’était heureusement pas ivre morte comme certaines filles qu’elle voyait passer près d’elle.

Aghna s’apprêtait à lui dire qu’Olly avait eu bien fait de ne pas le laisser entrer chez elle lorsqu’en plein milieu de leur conversation, le corps d’un homme s’échoua pile entre elles avec un certain manque de grâce. Au moins l’effet de surprise était là, et la blonde se recula aussitôt de quelques centimètres, l’air aussi effrayée qu’une biche dans les phares d’une voiture. « Bonjour. » Ce fut le salut le plus glacial que Joshua aurait pu imaginer, et si elle avait pu elle aurait difficilement fait mieux.

Premièrement, Aghna détestait l’incivilité – et même si l’alcool excusait beaucoup de choses, ce type d’intrusions passait mal avec elle. Ensuite, cet inconnu était justement un inconnu et l’irlandaise n’était pas là pour devenir amie avec la moitié de la boîte de nuit. Troisièmement, elle aimait son intimité et sa discussion avec Olly, suffisamment pour ne pas aimer qu’on les interrompe sans leur demander leur avis. Et enfin et surtout, l’identité du tombeur qui pensait peut-être pouvoir lui faire les yeux doux manqua d’achever ce tableau parfaitement imparfait.

Joshua Tyrel, aka son crush le plus douloureux et pénible qu’elle avait eu à oublier. Honte ambulante déguisée sous de jolies bouclettes blondes, un sourire charmeur – et éméché – et des yeux aussi clairs qu’espiègles, l’ex-rouge et or l’aborda avec une aisance déconcertante, et surtout avec un but bien précis. Visiblement l’irlandais ne l’avait, lui, pas du tout reconnue. Et en même temps, presque dix ans s’étaient écoulés entre ce jour où elle avait essuyé un véritable échec devant toute la Grande Salle et cette nuit où le même garçon hautain qui l’avait envoyé gentiment paître venait la draguer ouvertement. Il ne semblait pas très frais comparé à elle qui avait tout au plus bu un verre ou deux. L’alcool n’était pas quelque chose qu’elle détestait, simplement dans un lieu comme le Deus Ex Machina mieux valait garder les idées claires et Aghna limitait donc sa consommation en mojitos et autres cocktails sucrés. Néanmoins le verre qu’elle tenait et qu’elle avait déjà commencé à vider depuis quelques minutes alimentait son courage autant que sa soif de revanche. Elle ne pouvait définitivement pas passer une occasion pareille : la vengeance dont elle avait rêvé il y a des années se présentait à elle sur un plateau en argent.

Elle aurait pu lui vider son verre sur la tête et lui dire qu’il n’était qu’un con – Aghna qui insulte quelqu’un, c’était trop rare pour ne pas être notable. D’ailleurs Olly avait vite compris que ce scénario était possible et elle en salivait déjà. Mais quelque part dans la tête de la blonde, une idée bien plus pernicieuse germa, et elle songea que quitte à se venger, autant profiter de l’ébriété de Joshua. « Anna. » Elle avait à peine fait exprès de choisir ce prénom si proche du sien. Vu l’état dans lequel il était, Tyrel ne remarquait pas du tout la coïncidence, pour peu qu’il se souvienne d’elle. « Et toi ? » lui demanda t-elle innocemment, comme si la réponse l’intéressait, comme si elle ne le savait pas déjà.

« Un verre ? » Bon. Il n’avait pas non plus remarqué qu’elle en avait déjà un, mais puisqu’il proposait … Et puisqu’il devait croire qu’elle était bête à manger du foin et qu’avec un coup dans le nez elle lui dirait oui … « Pourquoi pas. » Olly, derrière Joshua, lui adressait un regard à la fois intrigué et amusé – elle avait bien compris à l’attitude d’Aghna que cette dernière avait quelque chose de précis en tête mais son amie, bienveillante, avait sans doute également un peu peur que l’ex-Serpentarde retombe trop vite dans les filets du goujat en question.

Son entrée triomphale lui avait au moins donné l’attention entière de la jolie blonde, ce qui lu dessina un sourire charmeur sur le visage. Joshua avait littéralement trop bu pour voir le piège qui était en train de se refermer sur lui, trop perdu dans les jolis yeux de l’inconnue. Il aurait pu remarqué le sourire narquois qui s’affichait sur le petit minois de la blonde, ou même le rire sarcastique de celle qui se tenait dans son dos, mais ce n’était absolument pas le cas et il continuait sans retenue son petit numéro. « Anna ? Très joli prénom. » Au fond, ce prénom ne lui faisait ni chaud, ni froid, mais qui en avait quelque chose à faire sur terre ? Il ne comptait sûrement pas dépasser le coup d’un soir de toute manière. Ce n’était pas tant qu’il ne la trouvait pas assez jolie pour une vraie copine, mais plutôt qu’il ne croyait pas vraiment aux histoires d’amour commençant dans les bars de nuit. Néanmoins, il aimait bien faire rêver les filles en jouant les parfaits gentleman, enfin ça c’était dans sa tête.

« Joshua, ça vient de l’hébreu. » Jugeant que se présenter comme toute personne normalement constitué, il en rajoutant une couche, jouant son intello du jour. Malheureusement, après autant de verres, ce n’était pas une brillante idée et il donnait sa main à coupé que si Jane se tenait juste devant lui, elle serait en train de se rouler par terre en rigolant. Cela dit, la technique un peu vaseuse semblait marcher, puisqu’elle accepta de se faire payer un verre. Aussitôt, l’irlandais se tourna vers le barman avant un sourire digne de petit prince. « Un mojito pour la jolie demoiselle. » Mine de rien, il s’approcha un peu de la jeune femme, histoire d’occuper son champs de vision et de recaler au second plan l’autre femme qui en profitait pour discutait avec quelqu’un d’autre. Tant mieux pour lui. Comme si c’était totalement pas calculé, il lui replaça délicatement une mèche de cheveux avant de reprendre. « Du coup tu viens souvent ici ? Parce que je suis certain de ne jamais avoir croisé une si jolie personne au Deus. » Il sortait le grand jeu, de toute manière Joshua avec le verre de trop n’avait plus aucune limite.

Joli prénom, bien sûr. Si elle avait répondu Huguette ou Germaine, il aurait sans doute répondu la même bêtise. Ce n’était qu’une phrase-bateau comme une autre, et elle devait certainement très bien fonctionner en temps normal avec les autres greluches avec lesquelles il flirtait. Mais dans ce cas précis, la voyante restait de marbre, se contentant d’un « Merci. » on ne peut plus sur la réserve.

Lui ne perdait rien de son bagout et commença à étaler sa culture quant à son patronyme. Rappeler les origines hébraïques de son nom devait en jeter, mais Aghna constata qu’elle n’avait pas descendu suffisamment de verres pour s’extasier d’un fait culturel aussi moyen. Elle se mit néanmoins, simplement pour le plaisir de voir à quel point Josh allait gober une telle couleuvre, à faire comme si cette information était la chose la plus intéressante de la nuit. « Ah oui ? Ca alors. C’est incroyable. Et qu’est-ce que ça veut dire alors ? » demanda t-elle en regardant l’entrepreneur, faussement fascinée.

Derrière lui, Olly ne manquait rien du spectacle et avait l’air d’adorer ce qu’elle pouvait apercevoir. Elle aurait d’autant plus ri en voyant les réactions du concerné qui continuait de dérouler les étapes habituelles de sa manœuvre en sept coups pour ramener une fille chez soi. « Non, jamais. J’aime pas trop ce genre d’endroits d’habitude. » répliqua la blondinette, histoire de se la jouer franche et en même temps mystérieuse – parce que bien sûr, c’était tout ce qu’il y a de plus attirant, une fille qui s’ennuie dans un endroit où tout le monde devrait normalement s’amuser. « Mais toi tu as l’air de connaître tout le monde. Tu dois passer tes soirées ici. » déduisit-elle le plus aisément du monde en voyant que le jeune homme paraissait aussi familier avec le lieu que ses employés. Un atout qui n’était qu’une façade de beau-parleur en mal d’affection, assurément. Non, Aghna n’enviait guère cette vie si c’était celle que Joshua avait choisie. Pour vouloir à ce point noyer son quotidien dans des bars de nuits et des soirées arrosées, le pauvre devait vraiment s’ennuyer ferme ou être extrêmement malheureux.

Pour le moment la blonde s’en sortait bien et elle espérait que les choses continueraient dans ce sens ; elle s’était prise au jeu et ne voulait pas griller sa couverture. Mais brusquée par le geste approximatif du blondinet qui voulut tenter un rapprochement tactile, Aghna se raidit un peu, s’empêchant de très peu de le repousser et de lui demander par quel moyen il pouvait être aussi demeuré. L’irlandaise lui adressa un sourire qu’elle voulut le plus naturel possible et se réfugia dans son verre. « Donc … Tu fais quoi dans la vie, Joshua ? » Elle n’était absolument pas à l’aise, même si elle avait un peu bu, ce n’était pas suffisant pour tenir le rôle. Sa main mourrait d’envie de lui envoyer le mojito en pleine tête mais elle devait se forcer à rester calme et placide. Aghna avait réellement envie de pousser le bouchon jusqu’à lui faire croire qu’elle était complètement le genre de filles à se faire appâter en boîte de nuit avec un verre d’alcool.

« Mais de rien. » La jouer décontracter et humble donnait toujours un côté faux à Joshua, simplement parce que son air de petit ange respirait l’opposé. On sentait dans sa voix l’assurance la plus totale, surtout accompagnée de quelques verres de trop qui le rendaient encore plus fier, encore plus Tyrel. Néanmoins, cela semblait marcher étant donné que le coup de l’étymologie des prénoms faisait réagir la blonde, ce qu’il accueillit avec un sourire sincère. « Ca veut dire, dieu sauve et sans vouloir me vanter, il me semble que Anna veut dire grâce et je vois difficilement comment il pourrait être mieux porter. » On pourrait se demander où il avait pu apprendre ce genre de choses et surtout à quel moment il avait jugé utile de les retenir, mais finalement le plus important c’était simplement qu’une fois de plus il étalait un peu sa science dans le but de charmer. La plupart de fille bon marché tombait dans le panneau, mais celle-ci semblait définitivement plus intelligente.

La preuve étant qu’elle n’était pas du genre à fréquenter les boîtes de nuit. Aux yeux de Joshua, c’était une qualité, même s’il sortait régulièrement, il ne pouvait s’empêcher de voir ses lieux comme une réserve de déchets humains. « Moi ? Un peu, mais je préfère les soirée tranquilles entre amis d’habitude. » Une autre chose la rendait attirante, c’était sa raricité. Si elle ne venait que très rarement, cela sous entendait qu’il ne pourrait sûrement pas avoir de deuxième chance et qu’il va falloir se montrer malin. La blonde s'intéressa à lui, ce qui était un bon point pour lui. « Je dirige la boutique SilverStnich sur le chemin de traverse, tu connais ? » Parler de sa situation professionnel apparaissait définitivement comme un atout pour lui, cela prouverait qu’il n’était pas qu’un petit jeune fêtard vivant des sous de ses parents. « Si ce n’est pas le cas, n’hésite pas à passer, je suis souvent dans l’arrière boutique. » Il se fera un plaisir de l’accueillir et de lui payer un café -et plus si affinité. Ca changera des entrées fracassantes de Aurore ou de sa soeur dans sa boutique. « Et toi ? Je suppose qu’une si jolie fille en a dans la tête. » Intérieurement, il misa sur un métier culturel, pourquoi pas au musée ?

La chance voulut qu’il soit définitivement doué pour la signification des prénoms puisqu’il poursuivit son petit numéro, cherchant à l’impressionner. Il en fallait pourtant beaucoup plus que ça pour réellement capter son attention mais la jeune femme n’était pas vraiment là pour rentrer honnêtement dans son jeu. Elle continuait de jouer le rôle de la potiche et elle s’y prêtait sans trop de difficultés, le scénario consistant à seulement être jolie et à ne rien dire d’autre que des signes d’approbation. « Quel flatteur. » On ne pouvait pas être plus près de la vérité : Joshua Tyrel était un beau-parleur, un habile maître passé expert dans l’art de séduire avec les mots et surtout, de tromper son monde. Il était beau, il était à l’aise, il était sûr de lui et tout ça le rendait incroyablement irritant.

L’irlandais gardait toujours ce côté détendu dans un lieu où elle ne parvenait même pas à être naturelle. Boire l’aidait à aller dans ce sens mais elle craignait de finir dépassée par les mojitos – et surtout par le jeu auquel elle jouait. Rester désintéressée, un peu froide mais juste ce qu’il fallait de niaiserie pour qu’il pense qu’il avait sa chance : la tactique fonctionnait, il fallait la garder en tête. Lui avait décidé de réorienter sa méthode de drague en incarnant l’homme qui au fond, aimait les choses simples et sans fard. Ma parole, quel menteur, grogna son subconscient rancunier tandis qu’elle haussait les sourcils, un peu trop sceptique. « Ah vraiment ? » Aghna n’avait pu déguiser sa surprise un peut tardive et pour éviter d’avoir l’air un peu plus fine que ce qu’elle prétendait, elle sirota une longue gorgée de mojito, regardant ailleurs d’un air désinvolte. « Je veux dire, on en a pas l’impression, en te voyant. » C’était plus ou moins rattrapé pour le coup, mais elle devait vraiment faire plus attention.

Joshua continua de l’interroger de façon anodine, et plutôt pour donner l’impression de s’intéresser à elle que parce qu’il avait réellement envie de tout savoir de ses choix de carrière. Classique. « Oh je suis juste … » L’absence totale d’idées pour un emploi fictif la prit à la gorge. Elle n’eut qu’à battre des cils une seule fois pour que ses yeux rencontrent la nuque de son amie – et qu’elle trouve une idée de secours potable. « Employée au Ministère, chez les Langue-de-Plomb … Rien de très important. » Elle glissa nonchalamment sa main derrière son oreille pour y replacer une mèche, échangeant un très subtil coup d’œil avec Olly qui semble lui faire signe que tout marche comme sur des roulettes. Pourtant Aghna commençait clairement à être à court de discussion – elle trouvait beaucoup plus simple de jouer l’inaccessible qui ne faisait que des réponses fermées. « Il fait un peu chaud tu trouves pas ? » La blonde se demanda instantanément pourquoi elle avait sorti une ânerie pareille, avant de se souvenir que c’était typiquement le genre de remarques qu’une fille un peu ivre et facile aurait pu débiter sans problème – elle était donc tout à fait de circonstance.

Son petit numéro sur les prénoms semblait faire son petit effet et il en était très satisfait, laissant d’ailleurs un sourire de vainqueur sur son visage, tandis qu’il balaya d’un mouvement faussement humble le compliment. « Je ne dis que la vérité. » Joshua était un garçon qui adorait prendre soin de son image, avant tout parce que c’était ainsi qu’on l’avait éduqué, pourtant peu de personne le connaissait réellement. Au fond, il était un véritable amour prêt à beaucoup de choses pour les gens qu’il aime. Finalement, le vrai problème de l’irlandais, c’était qu’il parlait trop, même quand il ferait mieux de se taire et heureusement qu’il était doté d’un cerveau. Si sa matière grise se portait bien dans la vie de tous les jours, c’était nettement moins le cas après tout ces verres, mais il tentait de faire bonne figure en continuant le numéro de monsieur parfait. « Les apparences sont trompeuses, mais j’aime beaucoup les soirées tranquilles, genre avec ma meilleure amie. » Bien sûr, c’était pour donner l’image du bon garçon, mais pour une fois il ne mentait pas du tout. Joshua adorait les soirée qu’il passait dans le petit appartement de Jane à manger de la tarte au citron après avoir appliqué un masque d’argile sur leur peau.

Parler de son boulot était quelque chose qu’il aimait beaucoup, pour la simple et bonne raison qu’il était très fier de ce dernier. Cela dit, quand on charme une demoiselle, il faut savoir rester en retrait et écouter la vie de celle-ci avec un minimum d'intérêt, si bien qu’il s’approcha un peu pour mieux l’entendre. « Oh je vois, ça doit demander beaucoup de temps comme travail. Tu ne devrais pas le minimiser. » La encore, Joshua ne mentait pas vraiment, puisqu’il était du genre à penser que le travail était quelque chose de très important et qu’il fallait être fier de ce que l’on faisait dans la vie. Cela dit, il n’était pas là pour jouer mère feuillage et se passera de bonnes paroles.

Soudainement, la blonde aborda le sujet de la chaleur, ce qui était un bon signe d’après l’expert de la soirée. « Chaud ? Oui, très. Tu veux sortir prendre l’air ? » Il aurait bien sourit, mais il avait un peu peur que cela soit mal interprété et ça serait dommage de faire tout échouer si proche du but. « Sauf si tu préfère un autre verre. » Ne voulant pas passer pour le gros lourd voulant absolument sortir de la boîte pour la troisième mi-temps, il proposa une deuxième option, couvrant ses arrières comme un professionnel.

« Oui, bien sûr. » répondit la jeune femme le plus distraitement du monde sans même croire une seule seconde à ses propos. Joshua Tyrel pouvait être l’homme le plus doux et le plus agréable qui fut, elle resterait sur ses gardes et ne se laisserait pas berner par ses douces paroles. Le passé lui rappelait à juste titre que l’irlandais était également capable de la blesser par le même biais, même s’il n’en avait sans doute plus le souvenir ni la conscience.

La suite de la conversation n’avait sincèrement aucun intérêt pour Aghna. Son faux travail, les soirées qu’il pouvait passer avec sa meilleure amie comme tout individu anodin, aucun détail n’échappait à son attention et néanmoins elle peinait à y montrer de l’intérêt et de l’empathie. Elle n’arrivait pas à trouver la moindre once d’honnêteté dans ce qu’il lui répondait, et elle avait l’impression d’être seulement une proie qu’on cherchait par tous les moyens à piéger sans qu’elle ne s’en rende compte. Vider peu à peu son verre de mojito ne l’aidait en aucun cas à y voir plus clair mais cela alimentait au moins sa rancune, sinon sa soif de vengeance. Et quelque part, cela faisait bien longtemps que la jeune fille n’avait pas montré de quel bois elle pouvait réellement se chauffer. Surtout à des gens qui l’avaient connue comme la fille faible, fragile et naïve qu’elle avait été dans l’adolescence.

Le temps l’avait aidé à grandir, à comprendre qu’elle avait été une outsider mais qu’en un sens cela lui avait au moins permis de voir qui étaient ses véritables amis et lesquels n’étaient que façade. Maintenant qu’elle était plus confiante en elle, plus sûre, et surtout qu’elle s’assumait, l’ex-Serpentarde se retrouvait bien plus souvent sous les feux de la rampe et affrontait l’intérêt et l’opportunisme de ceux qui auparavant l’ignoraient. Parfois Aghna pouvait être considérée comme une calculatrice pure et simple, mais l’exemple de ce soir n’était qu’un cas de pragmatisme hasardeux qui lui offrait un goût de justice retrouvée des années plus tard.

La suggestion de Tyrel ne manqua pas de détonner ; visiblement il commençait à être à court d’arguments subtils puisqu’il cherchait à l’abreuver encore un peu d’alcool – le genre de tactiques qui n’inspirait rien de bon. « Tu n’essaierais pas de me soûler ? » Son regard clair sonda le sien avec un sérieux désarmant pendant une seconde avant que la jeune femme n’esquisse un sourire. « Je plaisante. J’ai plus soif de toute manière. » Un refus poli de sa part, le rhum lui montant sûrement trop vite à la tête si elle continuait sur cette lancée. A contrario, un petit tour en extérieur lui ferait le plus grand bien – même si elle devait abandonner Olly le temps que cela prendrait. « Prendre l’air, c’est une bonne idée. » Elle prenait des risques à s’isoler, mais elle était quasiment sûre et certaine d’y arriver seule.

La paille entre les lèvres, il ne quittait pas des yeux la jolie blonde, dans l’espoir qu’elle finisse par craquer face à son physique avantageux et à son sourire de petit prince. L’irlandais était plutôt sûr de lui, surtout en matière d’apparence, mais on était jamais à l'abri d’un refus, surtout avec des personnes du même calibre. Après tout, elle pourrait très bien préféré les gros bras, du genre Némo Désario ou même Arthur WIllard. Il fallait jouer le parfait numéro de gentleman, ce qui était après quelques verres un peu plus compliqué. Heureusement, il avait de l'expérience en la matière et savait rattraper ses erreurs, comme à l’instant. Que la blonde puisse penser qu’il était aussi malfaisant était un problème, parce que c’était le genre de chose qu’il pouvait vous faire recalé pour une nuit torride et c’était pas vraiment le but. Il se contenta alors d’un air un peu outré, avant de sourire amusé. « J’ai des défauts, mais certainement pas abuser d’une personne. » Déjà, parce que ce n’était pas du tout son genre, mais surtout parce que cela était clairement irrespectueux. Joshua avait une petite soeur et serait très agacé de savoir qu’un garçon se serait comporté ainsi avec elle, alors il ne le ferait tout bonnement pas.

Après avoir échappé à l’étiquette du psychopathe, elle accepta de sortir dehors, ce qui était un bon signe dans le code de la soirée idéale. « Ok, je t’accompagne. » Joshua réajusta sa petite veste, avant de suivre la blonde, larguant au passage l’autre blonde. Quand un fille acceptait de quitter son groupe, c’était qu’elle se sentait en confiance et le jeune homme ne pouvait s’en montrer plus heureux. D’ailleurs, en croisant William, il lui adressa un petit clin d’oeil avant coureur. Une fois dehors, dans le clair-obscur de la nuit, toujours son verre à la main, il s’adossa un peu contre le mur en regardant la jeune femme, pas moins belle à la lumière. Ses yeux la contemplait sans pour autant passer pour un voyeur, avant qu’il ne réalise qu’il ne faisait pas très chaud. « Tu as froid ? » Si elle disait oui, c’était un bon point, non seulement parce qu’elle ne s’en irait pas avec sa veste et surtout parce que cela le faisait passer pour un parfait gentleman.

Plus ils s’éloignaient du bar et d’Olly, plus Aghna prenait conscience qu’elle était peut-être en train de faire une très grosse erreur. Joshua ne se souvenait clairement pas d’elle et au final il restait plutôt bien élevé même si on sentait clairement dans son attitude et son regard une absence totale de sobriété.  Elle ne savait même pas si elle se sentait de taille à ça – se venger. Pourtant quelque part, une petite voix se rebiffa. Il n’était même pas envisageable qu’elle laisse ce prétentieux s’en tirer comme ça. Elle allait lui donner une bonne leçon, même dix ans plus tard. Qu’il sache ce que ça fait que d’être humilié.

La blonde était tellement pensive qu’elle finit par noter qu’ils étaient arrivés au-dehors et que l’irlandais avait tout l’air d’attendre une réaction de sa part. Un frisson courut dans sa nuque et la blonde se reprit. « … Oui, il fait un peu frais. » confirma Aghna non sans se demander s’il avait insisté sur cette  information pour avoir l’excuse de se rapprocher d’elle ou de lui proposer une méthode particulièrement vaseuse pour la réchauffer – elle ne pouvait pas absolument pas prédire de quelle façon il se mettrait à la draguer plus ouvertement.

Finalement, même les deux mojitos qu’elle avait bu ne lui suffisaient plus et pourtant elle qui avait peu l’habitude de l’alcool se retrouvait rattrapée par le froid et par le stress mélangé à l’adrénaline d’être face à face avec lui. Elle ne pouvait pas dire qu’elle avait hâte qu’il tente quelque chose. Le plaisir d’imaginer les mille et unes façons qu’elle aurait de l’enfoncer plus bas que terre la stimulaient à agir. « Je suis curieuse mais je peux savoir pourquoi tu m’as abordé ? » Les grands yeux bleus de la jeune irlandaise se figèrent dans les siens, faussement innocente, parfaitement consciente de poser le doigt sur un détail particulièrement important.

Puisqu’il n’était pas aussi mufle qu’elle l’avait cru – ou alors qu’il n’avait pas encore assez bu pour ça -, Aghna se devait bien de provoquer la « chance ». « Parce que j’ai vraiment du mal à croire que c’était seulement pour parler boulot et passe-temps. » poursuivit-elle sans pour autant paraître ni inquisitrice ni agressive. Aghna s’imaginait à la place d’une femme beaucoup plus sûre de ses charmes, bien moins tétanisée qu’elle par cette ambiance de club étouffante, et cela l’aidait beaucoup à jouer ce rôle qui n’était clairement pas proche de son véritable caractère. Tout ce qu’il fallait faire, c’était feindre l’intéressée jusqu’au bout sans pour autant rien faire concrètement.

La ruelle était bien plus calme que le bar, ce qui était parfait pour le projet de Joshua. Ici, ils étaient seuls, loin de l’amie trop envahissante qui leur lançait des regards noirs et surtout, il n’avait plus besoin de crier pour faire la conversation. En temps normal, Joshua mettait bien moins de temps pour charmer une fille, mais cette petite résistance lui plaisait dangereusement plus. La blonde semblait être quelqu’un de très doux, mais pourtant piquant comme une rose. Il fallait se montrer adroit pour ne pas s’échouer comme un phoque. Heureusement, le charme était une de ses spécialités et il ne comptait pas baisser les bras. A la lumière de la lune, la peau de la jeune femme était encore plus claire, ce qui lui donnait un air de poupée vraiment charmant, le tout en refaisant sortir ses sublimes yeux. Un rapprochement était souhaitable, mais sans pour autant se précipiter. Comme cette dernière avoua avoir un peu froid, il retira sa veste pour la poser doucement sur ses épaules avant de lui sourire un peu. « Faudrait pas que tu attrapes froid. » Si Joshua avait bien appris une chose dans la vie, c’était que pour se mettre les gens dans la poche, il fallait leur faire croire qu’ils étaient uniques et indispensables -chose qu’il appliquait même avec les filles.

La suite de la conversation dérivait sur le bon chemin, mais il fallait se montrer subtile et agile. Il ne fallait pas passer pour un requin, mais il fallait tout de même en sortir vainqueur. Chaque bon point acquis le rapprochait un peu plus d’une nuit torride. « Tu as raison, j’ai beaucoup mon travail, mais tout de même. » Un petit sourire, tandis qu’il se tenait juste devant elle, la regardant gentiment. La question était finalement simple, alors il se contenta de lui recaler une mèche de cheveux, en gardant ses distances. « Je suppose que c’est parce que tu es très jolie et que j’avais envie de faire connaissance. C’est un crime ? » Un petit sourire sympathique, avant de la regarder dans les yeux.

L’imparable technique de la veste. Aghna aurait du la voir venir à des kilomètres. Une petite part d’elle-même se réjouissait déjà bien naïvement de la galanterie du blondinet, tandis que l’autre, majoritaire, se consternait devant une telle suffisance. Il n’avait décidément aucun doute sur sa confiance et sur ses talents de dragueur. Eh bien ça allait vite changer. Appréciant néanmoins l’avantage d’avoir un peu moins froid, elle resserra le tissu légèrement sur elle, ignorant comme elle le pouvait les effluves du parfum de Joshua qui l’imprégnaient. Sa mauvaise foi lui faisait remarquer qu’il cocottait quand une petite  voix interne souligna que l’odeur avait le mérite d’être agréable. « Quelle attention charmante. » Elle retint comme elle peut toute l’ironie qu’elle a envie de lui cracher au visage. L’irlandaise n’était pas du genre à faire des crises pas plus qu’elle n’exploserait devant tout le monde, seulement Aghna était obligée de constater qu’elle n’était pas du tout sereine. Etait-ce le fait que Joshua dégageait toujours quelque chose d’indescriptible qui parvenait à la faire réagir quoi qu’il fasse, ou simplement l’adrénaline de retomber sur lui des années plus tard pour pouvoir se venger, l’enseignante n’en avait aucune idée. Et elle remerciait Merlin d’être enfin dehors, afin de pouvoir évacuer le léger trouble du à l’alcool qui la hantait.

Pendant combien de temps encore allait-elle devoir faire semblant d’être totalement niaise ? Aghna n’en avait aucune idée mais mine de rien, cela commençait à être long et si Joshua n’accélérait pas un peu, elle allait finir par croire qu’il était réellement plus gentleman que ce qu’elle avait cru comprendre. Mais sa patience angélique fut bien vite récompensée quand celui-ci osa enfin entreprendre quelque chose. Elle était presque contente de cette prise d’initiative si bien qu’elle n’eut pas trop de mal à le laisser toucher une de ses mèches de cheveux pour se permettre de la recoiffer, comme une docile poupée. Il y avait toujours pire qu’un contact physique initié par un beau garçon – sauf quand celui-là était un vrai coureur de jupons sans scrupules. « Un crime ? Je ne sais pas. Par contre … » Elle s’interrompt, passant sa langue sur ses lèvres.

Et puis son sourire fond comme neige au soleil, son attitude se fait tout à coup bien moins avenante, bien plus fermée. Le jeune Tyrel n’a encore aucune idée d’à quel point le vent a pu tourner pour lui. « Puisqu’on en parle … Je pense que ça va pas le faire entre toi et moi. Après tout, toi et moi, ça se voit bien qu’on est pas du même niveau. » Les mots exacts qu’il avait employés alors qu’ils étaient encore de jeunes élèves dans un certain château en Ecosse : Aghna avait une fâcheuse tendance à avoir une mémoire d’éléphant, et un sens très fin de la rancune – en tout cas quand il s’agissait de ceux et celles qui s’étaient bien amusés à l’humilier à l’époque. « Enfin c’est ce que tu me disais déjà à Poudlard, je crois. Arrête-moi si je me trompe, bien sûr. » Dans ses yeux bleus, le conseil avisé de ne vraiment pas tenter de se rattraper aux branches comme il le pouvait étincelait. Joshua avait commis une maladresse en or, il valait mieux maintenant pour lui déguster le délicieux plat glacé que lui servait Aghna : une petite vengeance, des années après. « Tu dis toujours la même chose aux pauvres filles que tu veux jeter ? » questionna t-elle, aussi acide que particulièrement calme. Elle ne s’emportait pas, trop contente de l’avoir prise à son propre piège : maintenant, elle le laissait enfin parler. Qu’il mène les rennes, qu’il essaie tant bien que mal de se dépêtrer de cette situation fort gênante. Aghna, immobile, le regardait faire.

Si donner sa veste à la blonde était indéniablement un geste d’une grande galanterie, il espérait vraiment que ça allait fonctionner étant donné qu’il commençait réellement à faire froid à cette heure-ci. Plaire n’était pas une mince affaire et il ne manquera pas d’expliquer les faits à William le lendemain autour d’une bonne bière, qui sera sûrement impressionné par tant d’efforts. Il fallait avouer en même temps que la fille valait bien un petit effort avec un sourire pareil. Joshua était vraiment content d’être tombé sur elle avant son ami et il avait hâte de la ramener dans ses bras pour une nuit suave. Si le blond était un véritable don juan, il n’en restait pas moins qu’un véritable amoureux de la femme et de son corps, si bien qui il s’assurait toujours que celles-ci prennent un maximum de plaisir. Bien sûr, il savait bien qu’il était en train de se perdre dans ce genre de relation et que sa réputation n’allait pas vraiment en s’améliorant, mais lui au moins pouvait se vanter de ne jamais avoir trompé sa petite amie -parce que oui, il en avait déjà eu. « Je m’en voudrais si tu tombais malade. » Un sourire sympathique avant de se recoiffer pour la millième fois de la soirée, alors que ses cheveux étaient toujours parfaits, même après la pluie et le vent. C’était ça les gènes Tyrel, un physique des plus avantageux, une voix agréable et une classe sans pareille, de quoi impressionner dans les dîners mondains.


Maintenant qu’elle semblait avoir un petit faible pour ses beaux yeux, il lança quelques allusions ni trop lourdes, ni trop subtiles. Son approche était douce et sa voix calme, montrant qu’il n’était pas un requin qui attendait de pouvoir mordre sa proie. Une fois la mèche de cheveux replacé derrière l’oreille de la blonde, il ne lâcha plus son regard, comme pour rendre le moment plus intense. Seulement, quand la jeune femme pris la parole, les choses s’annonçaient très mal, si bien qu’un léger rictus se dessina sur le visage du blond. Une chose ne semblait pas passer, comme s’il avait oublié un détail et avant même qu’elle ne poursuive, il se doutait que ça allait pas du tout se passer comme prévu.


La blonde lui balança une phrase un peu sanglante et blessante, sans qu’il ne comprenne. « Anna, j’ai dis un truc qui fallait pas ? » En disant ce prénom, il réalisa que ce n’était pas ça, qu’il avait réellement omit un détail. Elle le connaissait, c’était indéniable, mais lui n’avait pas le moindre souvenir d’elle. Sa mémoire s’activa, cherchant toutes les personnes avec qui il aurait pu coucher ou toutes les filles qui lui avaient fais des avances, mais rien ne lui venait. Puis le mot Poudlard lui chatouilla l’oreille, tandis qu’un vague souvenir ou plutôt nom lui revint. « Aghna ?] » Il se souvenait enfin de cette fille qui était venue lui parler à Poudlard, il se souvenait parfaitement d’elle et bien que maintenant c’était une évidence, il devait avouer qu’elle avait bien changé. Dans ses souvenirs, elle n’avait aucunement un physique avantageux et il s’était contenté de décliner poliment sa demande.


Elle semblait réellement en colère, comme si elle avait gardé ses paroles en travers de la gorge toutes ses années, dans l’espoir de se venger. Elle ne lui avait encore laissé aucun moment pour parler et maintenant que la balle était dans son camp il ne savait plus vraiment quoi dire. « Écoute, j’avais quinze ans et pas très intelligent. Je m’excuse de t’avoir blessé, ça te va ? » Joshua n’était pas un mauvais bougre et était réellement désolé que ses paroles est pu blesser une adolescente, pour que même adulte elle le déteste. « Puis maintenant je trouve sublime, c’est pas si mal ? » Un petit sourire hasardeux avant de la regarder dans les yeux.