Lorsque le prénom de Vera s'affiche sur son téléphone, Arthur est persuadé que c'est pour lui annoncer une mauvaise nouvelle – une absence totale d'informations sur la santé de Nolan, l'annonce que ses dernières recherches pour trouver un moyen de faire sortir l'aîné des Lynch des mains de ces terroristes russes sont un échec. Ça fait maintenant plusieurs semaines que la diplomate est enfermée à l'autre bout d'Europe et même s'il ne l'a jamais dit à la cadette de celle-ci, il craint qu'ils ne parviennentt jamais à sauver l'irlandaise. Il s'est donc précipité sur son téléphone pour répondre, comme chaque jour depuis qu'il a repris contact avec la petite sœur de son ex-copine. À ses yeux, c'était la moindre des choses et c'est pour que ça que l'auror s'est retrouvée avec son numéro personnel – celui que seules les personnes extrêmement proche de lui possèdent. Il ne compte plus le nombre d'heures passées aux côtés de Vera pour la soutenir à la sortie du travail. Il a donc pris l'habitude de voir ce prénom s'afficher sur l'écran de son mobile et à aucun moment il refusera de répondre par simple fatigue – il s'est engagée à être toujours présent, peu importe l'heure de la journée ou de la nuit et il compte bien tenir sa promesse.

La nouvelle qu'il entend le laisse muet alors que l'information passe en boucle dans son cerveau. Nolan va être libérée, prononce la voix de Vera à l'autre bout du combiné. Un sourire heureux et rassuré s'affiche sur son visage alors qu'il s'assoit dans le fauteuil massif présent dans son bureau. Il a chaque jour espéré que ça arriverait mais refusait de se faire trop de faux espoirs. Seulement, pour une fois, ce sont les bonnes personnes qui gagnent et il a désormais hâte de voir l'irlandaise revenir au pays. Bien sûr, sa relation avec elle est totalement terminée, mais il s'agit quand même d'une personne qu'il a aimée et pour qui il a énormément de respect. C'est donc une véritable joie de la savoir désormais en sécurité. Il reprend finalement ses esprits en entendant la proposition de Vera à fêter cette magnifique nouvelle – proposition qu'il accepte immédiatement. Deux heures plus tard, Arthur descend de sa voiture garée en bas de chez la jeune fille. Il connaît désormais le chemin parfaitement et s'empresse de monter les marches. Contrairement à toutes les fois précédentes, c'est avec un poids en moins sur le cœur qu'il le fait, définitivement plus serein par la nouvelle reçue un peu plus tôt dans la journée.

— Vera... Ses yeux se posent sur l'auror à la seconde où elle ouvre la porte. En réalité, il n'a pas réfléchi à quoi dire ou quoi faire dans ce genre de situation. La raison de sa présence aux côtés de l'irlandaise durant ce mois vient de disparaître mais ce n'est pas ça qui le dérange le plus. Le pire est peut-être la constatation d'ignorer comment agir face à une personne dont la sœur vient d'être libérée. Elle arrive quand ?, demande-t-il comme pour remplir un blanc en pénétrant dans l'appartement. Le retour de Nolan sur le territoire anglais risque de faire la une de tous les journaux sorciers, mais pour le moment l'information n'a pas encore filtré – il s'est renseigné avant de passer et n'a rien trouvé à ce sujet.

Fébrile, l’irlandaise avait perdu tout sens de la raison et de la logique depuis une demi-heure. Il y avait exactement trente minutes, la jeune femme était revenue d’un rendez-vous urgent de dernière minute avec plusieurs agents de la haute sphère diplomatique sorcière. Elle s’était retrouvée face à ses parents, tout aussi interloqués qu’elle – et y avaient appris en quelques secondes une nouvelle qui avait fait basculer leurs existences.

Elle était en vie. Nolan Lynch avait été retrouvée, en Russie, elle était encore de ce monde et plus important, elle allait leur revenir. L’information lui paraissait encore complètement surréaliste, Vera s’attendant à ce qu’à tout instant un nouvel hibou lui apprenne qu’ils s’étaient trompés et que sa sœur n’était toujours pas tirée d’affaire. Comme si quelque part cette lueur d’espoir flamboyante ne pouvait être qu’un vulgaire et grossier canular. Force avait été de constater que tout était vrai, et qu’une fois sortie du Ministère, Vera s’était sentie bêtement vidée de son énergie, soulagée, heureuse et en même temps terrifiée de croire à une issue aussi simple et positive.

Le chemin jusqu’à chez elle n’avait pas clarifié ses idées. Elle était toujours en ébullition mais avait délibérément choisi de ne partager avec personne cette nouvelle. Personne jusqu’à ce qu’elle se rappelle de l’ex-petit ami de sa sœur, qui l’avait énormément soutenu pendant ce mois affreux qu’ils avaient traversé. Il méritait de le savoir et c’était principalement le souvenir de sa présence quasi-quotidienne qui l’avait poussée à l’appeler pour lui confier, la voix tremblante, le retour prochain de Nolan. Le bouleversement dans sa voix, similaire au sien, l’avait quelque peu calmée et pour éviter de se retrouver seule avec son excitation, elle l’avait invité, ce qui expliqua que la sonnerie retentit dans tout l’appartement quelques poignées de minutes plus tard.

Elle ouvrit la porte, faisant presque immédiatement signe à Arthur – le seul qu’elle attendait à cette heure – d’entrer et tourna les talons aussitôt pour se réfugier au salon, incapable de rester calme et assise. Faisant ce qu’elle pouvait pour calmer son euphorie nerveuse, l’irlandaise poursuivit son occupation qui consistait à ramasser ça et là les papiers qui s’entassaient depuis plus de trente jours dans chaque recoin de son appartement en véritable désordre. Pas un mètre carré n’avait été épargné. Elle les regroupait en tas qu’elle brûlerait avec une joie avide dès lors que sa Nolan serait parmi eux. La jeune Auror ne voulait plus jamais conserver aucune trace de ce mauvais souvenir qui, elle l’espérait, deviendrait très vite une partie de son passé qu’elle s’entêterait à oublier, à refouler très loin et de toutes ses forces dans sa mémoire.

La question de l’anglais vint interrompre ses gestes et le fil agité de ses songes, la jeune femme secouant vaguement la tête. « Demain, je crois. Je sais pas trop à quelle heure, le Ministère doit nous tenir au courant dès qu’ils ont de nouvelles informations. » Quelque part Vera semblait déconnectée de la réalité et elle avait sincèrement l’impression d’être hors de son corps. Après s’être escrimée pendant des jours et des nuits à traquer sa grande sœur et à trouver où elle pouvait bien avoir été cachée, la solution leur avait été apportée de la même façon, brutale et imprévisible, qu’on leur avait arraché des mains la diplomate. Il y avait de quoi être perturbée.

La blonde finit par abandonner sa tâche qui ne parvenait pas vraiment à l’apaiser et laissa retomber le gros paquet de feuilles avant de s’appuyer contre son bureau, poussant un profond soupir. « Arthur, j’arrive pas à le croire. Elle est vivante, et elle va revenir parmi nous. » Ses mains vinrent s’appuyer contre sa nuque tandis que le besoin de parler se faisait plus oppressant. « Je pensais … Tu sais j’avais fini par me dire que peut-être on allait la perdre. » Le dire libérait quelque chose en elle et Vera n’avait même pas peur de dévoiler les idées sombres qui l’avaient largement frôlée pendant tout ce temps. Il aurait été bien hypocrite de dire qu’elle n’avait jamais imaginé ce jour sordide où le Ministère lui aurait annoncé le décès de sa sœur.

La jeune femme se redressa finalement, décidée à reprendre le dessus et à croire que les choses pouvaient avoir la fin qu’elles méritaient. « Bref. Il faut qu’on fête ça. Ca mérite au moins une gueule de bois en son nom. » conclut la blonde en se dirigeant vers la cuisine, ouvrant un placard d’où elle tira une bouteille de Whisky-pur-Feu.

— Enfin, lâche-t-il dans un soupir alors que Vera prononce exactement le mot qu'il voulait entendre. Demain Nolan sera libérée et d'ici quelques jours ils l'auront parmi eux. Le soulagement se lit facilement sur son visage, tout comme dans le comportement dans l'irlandaise. Après ce mois en enfer, savoir que les choses prennent enfin fin est d'une joie sans pareil. Et pourtant, l'anglais a encore du mal à sourire tellement cela semble irréel. Vera pointe parfaitement du doigt le souci – cette idée macabre que chacun a eue sans oser la prononcer de peur qu'elle porte malheur. Je sais Vera, je sais. Ils n'en ont jamais parlé. Dans tous ces moments qu'il a passés en sa compagnie, son but était de l'aider à trouver la force de continuer, et jamais il n'aurait pu dire une chose susceptible de l'accabler encore plus. Mais elle revient. Elle revient enfin. J'ai du mal à le réaliser mais c'est fini.

Sa voix tremble un peu. Habituellement, Arthur n'est pas émotif. Il a toujours mis un point d'honneur à maîtriser parfaitement ses émotions, mais il doit avouer que la situation est exceptionnelle. Aujourd'hui c'est une personne qu'il a aimé qui est libéré, qui est officiellement vivante, et même s'il n'y a plus rien entre eux, il est ému à l'idée de pouvoir la revoir un jour. Le simple fait de savoir que Nolan sera bientôt à nouveau en Angleterre, qu'il pourra la croiser au détour d'une rue ou en passant voir Dimitri au ministère, le rassure. Et quand il voit Vera comme libérer du plus lourd des poids, il sait que c'est la meilleure chose qui pouvait arriver. Même s'il a fait de son mieux pour être là ces dernières semaines, il n'a pas la moindre idée de ce qu'elle a pu ressentir – le sentiment d'impuissance, le fait de ne pouvoir rien faire pour quelqu'un qu'on aime, l'auror a dû le ressentir cent fois plus.

— Oui, fêtons ça. Arthur la suit dans la cuisine avec air beaucoup plus léger que ces derniers temps. Boire un verre lui semble nécessaire. À partir d'aujourd'hui, il va à nouveau disparaître de la vie de Vera – même s'il est probable qu'ils décident de boire un verre de temps en temps, ils vont désormais chacun retourner à leur petite vie tranquille. Il est donc nécessaire que cette dernière soirée soit sous le signe du bonheur, il refuse que l'irlandaise ne l'associe qu'au malheur de voir sa sœur disparaître. Il attrape le verre rempli, le cœur encore un peu lourd. Toutes ces nouvelles sont un choc, et il est rassuré que ça soit terminé. Bien sûr, le stress existera jusqu'à ce que Nolan pose ses pieds sur le sol anglais, mais ils ont maintenant le droit de souffler. À sa libération, dit-il en regardant la blonde. Prononcer ce mot fait un bien fou, tout comme se dire qu'il n'est pas venu pour une énième soirée de recherches désespérées.