L'américain descend à toute vitesse les escaliers de son immeuble, suivi de près par son cousin. Leur voyage à Brooklyn se passe mieux qu'il l'aurait espéré – ils ont pris l'avion, sa mère est venue les chercher, et ils ont célébré le retour du cousin inconnu parmi eux. Leur grand-mère a fait des beignets banane – qui est de loin une des choses qu'il aime le plus au monde – et d'autres plats qu'il a apprécié retrouver. Quand on vit plusieurs mois dans un pays où rien n'a rien n'a de goût, retrouver la nourriture de chez lui n'a pas de prix. Ce sentiment s'entremêle rapidement avec le bonheur d'être de retour chez soi – sa famille lui avait bien plus manqué qu'il ne l'aurait pensé, de sa mère à ses cousins, en passant par la matriarche de la famille qui l'a félicité d'avoir retrouvé l'unique descendant d'un de ses fils adorés.

— On va passer chercher un truc à manger, je meurs de faim. Et après, je te ferais un peu visiter le quartier, d'accord ?, demande-t-il en se dirigeant vers le coin de la rue où se tient un petit stand de hot-dog – ça lui a terriblement manqué, de pouvoir trouver de la nourriture correcte un peu partout. Pedro, tu m'as manqué !, lance-t-il au vendeur qu'il connaît très bien. Après un petit échange de banalités, il se tourne vers son cousin avec un grand sourire. Dean, ce mec fait les meilleurs hot-dogs de tout Brooklyn, tu vas voir. Il n'y a pas à se poser la question, si Dexter pouvait amener le vendeur avec lui dans sa valise, il le ferait sans hésiter.

Les deux sandwichs en main, Dexter rebrousse chemin pour repartir vers son immeuble afin de monter rapidement les escaliers menant au toit. Il a toujours aimé cette vue – elle est magnifique – et il compte bien en faire profiter Dean. Une fois en haut, il tend un des hot-dogs à son cousin, avant de se poser. Il fait vraiment beaucoup aujourd'hui, et il espère que ça continuera pour qu'ils puissent aller faire un tour au terrain de basket.

L’anglais sort de l’appartement de sa tante avec un large sourire. Ce séjour dans le quartier de ses rêves se passait bien mieux que dans tous ses rêves. Pour commencer, il avait rencontré une famille vraiment sympa et avait mangé un des meilleurs repas de sa vie. Si on lui proposait, il poserait bien ses valises ici pour un peu plus longtemps. Il était dans la fille de ses rêves et allait même pouvoir visiter un peu en compagnie de son cousin qui était vraiment un garçon très sympathique. Ils avaient déjà beaucoup rigolé dans l’avion et Dean se doutait que la suite serait tout aussi bonne. Surtout que le programme de l’après midi était plus que alléchant. « Ouais, ça me va parfaitement ! » Rapidement, les deux garçons arrivèrent vers un marchand de hot-dog et son cousin semble le connaître, ce qui fait beaucoup sourire le plus jeune. Dean avait l’impression d’être dans un film tellement c’était surréaliste et n’arrivait pas à effacer ce sourire de touriste. « J’en doute pas ! Hâte de goûter Pedro ! » Un rapide sourire en direction de l’homme, de suivre Dexter en direction du toit de son immeuble.

La vue était à couper le souffle et Dean ne savait même plus où regarder tellement il y avait de détails dans le paysage. A côté, Londres avait l’air incroyablement petite. « Oh mon dieu ! C’est magnifique ! » Il attrapa un des hot-dog et se posa aux côtés du plus âgé. Il croqua dans le sandwich et s’exclama sincèrement. « C’est trop bon ! Ta vie est super cool quand même, j’aurai adoré vivre ici. » Il n’était pas du tout en train de dire que la vie de Dexter était parfaite, simplement que la ville dans laquelle il avait vécu valait vraiment le détour. Au bas de l’immeuble, des garçons faisait du breakdance, ce que qui leur offrait une joli musique de fond pour profiter de la vue.

Dexter esquisse un petit sourire satisfait face aux remarques de son cousin. Il se doute que tout ça n'a pas été facile pour lui – découvrir que son père ne l'avait pas abandonné, qu'il était mort et qu'il avait toute une famille à Brooklyn qui rêvait de le rencontrer. Alors pendant ces deux semaines qu'il passe dans son quartier, il a décidé de mettre un point d'honneur à faire passer à Dean de bonnes vacances, histoire que l'anglais n'ait pas l'impression d'être ici seulement pour rencontrer un grand-père sur le point de mourir. Il laisse ses jambes se balancer dans le vide alors qu'il bouge un peu la tête au rythme de la musique. Tout ça lui a énormément manqué quand il était à Londres – la musique, la vue, la vie qu'il a toujours connue – et ça même s'il est heureux d'avoir pu découvrir autre chose. Son choix de rentrer avec Dean en Angleterre a beaucoup étonné sa mère – bien que celle-ci ait respecté sa décision – et quand il regarde ce quartier qu'il aime tant, il espère ne pas avoir fait d'erreurs.

— Et ouais cousin, bienvenue à Brooklyn, le meilleur coin de New York. Comme beaucoup de personnes ici, Dexter tient à son quartier et le défend face à tous les autres. La vie ici n'a rien à avoir avec celle de Manhattan qu'il trouve trop calme et trop lisse. C'est vrai que ça change de Londres. Je sais pas, tout paraît plus réel ici, dit-il en réalisant soudainement que pour Dean, ce doit être l'inverse. Il pose son hot-dog à côté de lui pour prendre une photo de la vue – il doit en avoir des dizaines de celle-ci, mais il a toujours trouvé que la lumière changeait totalement la vision qu'on pouvait avoir de la ville. Après en avoir pris une autre – cette fois-ci, de Dean – il reprend le petit sandwich pour en croquer une bouchée de plus. Après, on fait rapidement le tour aussi, surtout que tout est pas super blanc. C'est pour ça que je rentre à Londres. En plus du fait d'avoir un travail dans un domaine qui lui plaît, Dexter avait commencé à en avoir marre d'être toujours mêlé à des conneries plus grosses que lui. Ses potes ont beau être des mecs de confiance, ils ont tendance à accumuler les conneries, le tirant avec eux dans une chaîne sans fin qui ne plaisait définitivement pas à ses parents.

Ses yeux pétillait devant ce paysage hors norme et il ne manqua pas de prendre quelques photos souvenirs. Il allait enfin pouvoir montrer au monde entier qu’il venait d’ici, même si c’était faux, mais ça s’était un détail. « J’ai toujours su que c’était le meilleur endroit de New-York. » Dean avait sûrement gavé plus d’une personne en parlant de cet endroit où il rêvait aller depuis son plus jeune âge. Si pour Dexter Londres apparaissait comme un rêve éveillé, lui était en train de vivre le sien. « Pour toi, mais pour moi c’est Londres le réel. » Il dévora rapidement son hot dog en écoutant la musique des jeunes plus bas dans la rue, reconnaissant même quelques airs. Tout lui semblait plus grand à cet instant, tout sauf ses problèmes. Parce que dans un monde si grand, les petits problèmes du quotidien avait l’air infiniment petit et lointain.

Ses pieds se balançaient dans le vide, tandis qu’il terminait son repas plutôt satisfait, tout en écoutant le plus âgé, qu’il comprenait parfaitement. Dexter et lui étaient certes différent, il se sentait néanmoins proche de lui et se reconnaissait dans son caractère. « Ouais, je vois le genre. Pourquoi tu restes à Londres exactement ? Je dis pas ça parce que je veux que tu rentres. » Parce que même si Dean adorait Brooklyn, il ne pourrait pas vraiment quitter l’angleterre du jour au lendemain, simplement parce qu’il y était trop accroché. Les gens importants dans sa vie était là-bas, comme son job et surtout sa famille. « Quand je parlerai à ma mère, tu pourras venir à la maison, tu vas adorer Jude ! » Il état un peu désolé de ne pas l’avoir encore fait, mais c’était assez délicat et demandait de bonnes conditions.

Le regard émerveillé de son cousin le fait rigoler. Dean a le look du parfait anglais – un peu trop dandy avec des pantalons laissant apercevoir les chevilles, portant des gilets en laine et qui écoutent du jazz à longueur de journée. Celui-ci déteint clairement dans un quartier comme Brooklyn, mais il ne doute pas un seul instant qu'il puisse s'y sentir chez soi. Leur famille l'a accueilli chaleureusement et lui ne le laisse pas errer seul dans les rues un peu dangereuses de nuit. Et puis, contrairement au personnage de la chanson de Sting, Dean ne l'a pas encore harcelé pour avoir une tasse de thé. En réalité, Dexter est plutôt content d'avoir pu faire découvrir les lieux à ce membre précédemment inconnu de sa famille – il aurait aimé ne pas avoir à découvrir Londres seul en réalité, et il sait maintenant que ce n'est pas la chose la plus agréable qui soit.

— C'est ça. Parce que sérieux, je me suis déjà retrouvé à traîner vers Harlem, et c'est beaucoup moins sympa. Et il ne parlera pas des autres quartiers de New York qui n'ont pas le moindre intérêt à ses yeux. De toute façon, Dexter préfère rester à Brooklyn, où il a suffisamment à faire de sa vie. C'est compliqué cousin, dit-il d'un ton qui se veut presque dramatique, et ça bien qu'on voie facilement sur son visage qu'il plaisante. J'aimerai jamais autant vivre quelque part qu'ici, mais trouver un boulot c'est mission impossible. Enfin si, je pourrais bosser dans un fast-food, ou continuer à dépanner des gens pour me faire quelques billets. Mais rien de très sérieux, tu vois. Dexter a passé presque quatre ans à galérer avant que sa famille ne décide de l'envoyer chercher Dean pour l'occuper. Il a fait tous les boulots possibles et inimaginables sans jamais être déclaré, et il est bien content de ne pas être tombé dans la même situation à Londres. En Angleterre, j'ai un vrai boulot, dans la photo. Ça m'arrivera jamais ici. Dexter contemple le paysage – celui-ci lui manque énormément et il a énormément de mal à se résoudre à l'abandonner une nouvelle fois, tout comme sa famille et ses amis. Il regarde Dean un peu étonné quand celui-ci mentionne sa mère. Il sait très bien que son cousin n'en a pas encore parler à celle-ci, mais il n'ira jamais le presser. Ayant vécu une situation similaire, il se doute que c'est délicat et il n'aimerait définitivement pas être à sa place. T'inquiète cousin, prend ton temps. En vrai, c'est cool que ta mère ait pu refaire sa vie.

Sur le toit, la vue était plus que parfaite et à cet instant précis, il était persuadé que c’était le plus bel endroit du monde. Bien sûr, Dean aimait beaucoup Londres, mais ce n’était pas comparable à un endroit aussi grand où tout paraissait possible. « J’en doute pas une seconde. » Non, il ne pouvait que croire son cousin en l’entendant dire que c’était de loin le meilleur quartier de New-York. Apprendre qu’il avait de la famille dans ce légendaire quartier, était une véritable bénédiction pour Dean, qui en avait après tout rêvé. L’endroit était parfait à ses yeux, pourtant il comprenait sans la moindre difficulté le plus âgé qui avait fais le choix de rester au pays de la reine. Le rêve américain était sûrement moins rose qu’on l’imaginait. « Ouais, c’est sûr. Sans parler que tu t’es fais des potes à Londres. » L’anglais était parfaitement au courant des deux colocataires qu’il avait trouvé en la personne de Armelle et de Isaac. Bien qu’il ne les connaissait pas très bien, il savait que c’était de bonnes personnes et que son cousin ne regretterait pas de tels amis.

Alors qu’il regardait la ville à ses pieds, son cousin ne sembla pas vexé d’apprendre qu’il n’avait pas encore parlé de lui à sa mère, ce qu’il apprécia énormément. Les choses étaient complexes et si elles lui été arrivées en pleine figure, il préférait le faire en douceur avec sa mère. Elle qui vivait dans le bonheur avec cette nouvelle famille. « C’est clair, elle est vraiment heureuse maintenant, je veux pas tout détuire. » Non, il préférait le faire correctement, sait on jamais, dans quelques années ils mangeront peut-être tous autour d’une table dans le jardin de la grande maison. Alors qu’il était en train d’imaginer la scène, il se demanda soudainement où était le père de Dexter. Après tout, il n’avait vu aucun homme ici et supposa qu’il ne vivait peut-être plus avec la mère de ce dernier. « Et toi, ton père il vit pas ici ? » Les parents divorcés devenaient de plus en plus courants.

Dexter adresse un sourire à son cousin alors qu'il attrape son appareil pour prendre de l'autre côté de la rue une photo de la mère d'un ami à lui. La femme à la fenêtre lui fait un signe, un bébé dans les bras, et l'américain se doute que le cliché lui plaira. Il a rapidement pris l'habitude d'en faire des personnes du quartier, leur offrant toujours pour voir naître un peu de joie sur leur visage. Il ne demande jamais rien en échange. La satisfaction de voir ses photos affichées dans tous les appartements où il se rend régulièrement est suffisante, surtout maintenant qu'il a quitté son quartier de naissance – il espère que comme ça, ses amis l'oublieront un peu moins vite. Mais comme le fait remarquer Dean, il s'est fait de nouveaux amis à Londres. Il adore ses deux colocataires qui sont devenus une véritable famille pour lui, sans parler des potes sympas qu'il s'est fait au terrain de basket. Même si rien ne sera jamais comparable à la vie ici, il s'en contente, essayant de rester optimiste dans ses rares moments de blues.

— Ouais, c'est vrai. Ils sont cool. Deux personnes totalement différentes de lui ce qui est loin d'être un problème – Dexter trouve qu'ils se complètent finalement bien, et que l'entente ne pourrait pas être meilleure. La conversation vire sur la mère l'anglais, et il acquiesce avec un air compréhensif. Lui aussi, tout comme Dean, chercherait par tous les moyens d'épargner sa mère si une telle situation arrivait. Le plus âgé a toujours vécu seul avec mère – bien que sa famille, dont sa grand-mère, ne soit pas loin. Elle est celle qui l'a élevé et s'est tué à la tâche pour lui et dès qu'il était suffisamment grand, il a toujours cherché à la protéger. C'est normal. Elle a dû souffrir, faut pas lui annoncer ça comme ça. Sous ses airs de garçons un peu durs et débrouillards, Dexter a un grand cœur et prend toujours en considération les sentiments des autres. Son sourire s'efface par quand son cousin mentionne l'absence de son père, un sujet qui a toujours fâché dans la famille. Il lâche un soupir avant de balancer un peu ses jambes en fixant le vide. Oh non. Mon père n'est qu'un fils de pute qui s'est barré. Bien que la situation soit totalement différente de celle de Dean, elle l'a aidé à comprendre les réserves qu'a eues l'anglais quand il est venue lui annoncer la nouvelle. Dans son cas, la première personne venant lui parler de son géniteur se prendrait un poing dans la figure. Quand j'étais gosse, il vivait plus ou moins avec nous en fait. Il disait à maman qu'il avait un boulot à Orlando. Il avait plutôt une autre famille à élever. Nous, on était que les extras. Enfin, tu vois le genre. Il est rare de l'entendre parler de ça, bien qu'il n'en ressente désormais plus aucune honte. Il a vécu avec ça, le fait d'avoir une mère qui s'est faite trompée par un monstre. La seule chose qu'il regrette, ce sont les lettres envoyées à son père. Puis, il a fini par disparaître et c'est tout. Ma mère a jamais refait sa vie par contre, elle n'arrive plus à avoir suffisamment confiance.

Sa mère avait sûrement vécu des moments sombres avec un gosse à sa charge, mais il était évident qu’elle s’en était tiré et rien que pour ça, elle était une sorte de super héroïne pour Dean. Il ne remerciera jamais assez sa mère pour tout ce qu’elle avait fais pour lui et rien que pour ça il ne pouvait pas lui balancer la nouvelle comme ça de but en blanc. « Ouais, mais elle est forte, alors je trouverai bien un moment. »Un moment juste un peu plus paisible arrivera bien un jour et si possible dans pas trop longtemps, histoire d’avoir la conscience tranquille. Heureusement, pour cela il avait un soutient aussi important que surprenant, Sybella. La blonde avait souvent été la cause d’insomnie ses derniers mois, mais depuis quelques temps elle était devenue un véritable point de repaire, même si les autres l’ignoraient encore. Ce n’était plus une question d’assumer ou pas, mais simplement de les laisser un peu à l’écart pour prendre le temps à deux. Alors que ses yeux admirait les buildings au loin, il ne pouvait s’empêcher de se dire que sa vie était de plus en plus cool et qu’il aurait sûrement aimer que tout cela se passe avant. Rencontrer Dexter lui avait retiré une épine du pieds, bien qu’il se sentait coupable d’avoir pu détesté un père absent, alors qu’il était mort. Bien sûr, il avait très bien pu les abandonner puis mourir, mais le bénéfice du doute laissait au moins un peu d’espoir ce qui était suffisant pour l’optimiste Dean.

Alors qu’il commençait à supporter l’idée d’un père, il écouta un peu gêné l’histoire de celui de son cousin. Pendant tout ce temps, ils n’avaient parlé que de son père à lui et jamais de celui de Dexter, alors qu’ils partageaient la même peine depuis le début. « Ooh… Je vois. Désolé mec, je savais pas. » Il posa sa main sur l’épaule du plus âgé comme pour partager tout cela. Ils ne se connaissaient peut-être pas depuis très longtemps, mais la famille était importante, plus que tout. « Bah écoute, tout n’est pas perdu, elle trouvera peut-être un jour. » La mère de Dexter avait encore de belles années devant elle pour refaire sa vie si elle le souhaite. Puis au fond, l’amour n’était pas indispensable au bonheur. Alors que la conversation avait un peu glacé l’ambiance, Dean décida de changer la donne en lui souriant un peu. « Tu sais quoi, on va se changer les idées. Du coup, on va faire un basket, histoire que tu fasses un peu honneur à ton nom de famille. » Sans tarder, il se leva avant de faire quelques pas de danse sur la musique et de se dirigeait vers la sortie.