Dexter regarde la pluie tomber à travers la fenêtre de la cuisine. Le bruit régulier des gouttes contre les vitres a quelque chose apaisant et ça même pour lui bien qu'il ne se fasse sûrement jamais à ce ciel qui semble vouloir rester gris à longueur de journée. Il garde quand même le sourire – encore un dimanche où il doit abandonner l'idée d'aller faire quelques paniers au terrain de basket à côté mais ce n'est pas grave, il n'est pas perdu pour autant. Il attrape la casserole où le lait termine de bouillir pour remplir les deux grandes tasses de chocolat chaud. S'il y a une chose qu'il apprit en venant vivre à Londres, c'est qu'une journée pluie dans l'appartement qu'il partage avec Isaac et Armelle est synonyme d'un moment passé sous un plaid à parler du monde extérieur. Il arrive dans le salon, déposant le plateau sur la petite table basse. Aujourd'hui, le troisième colocataire n'est pas là – sûrement de garde là où il travaille – et il se retrouve seul avec son amie. Cette fille bizarre qu'il a rencontrée dans son travail fait partie des personnes les plus gentilles qu'il a pu côtoyer dans sa vie. Il a tout d'abord halluciné quand elle lui a proposé de venir vivre avec eux, avant d'accepter rapidement, ne pouvant pas se permettre éternellement de dormir dans une auberge de jeunesse.

— Y'a vraiment que toi pour aimer autant ce temps-là, lance Dexter à sa colocataire avec un grand sourire. La grisaille quotidienne et le flegme anglais n'auront pas réussi à avoir raison de sa bonne humeur, en partie parce qu'il est bien trop heureux de pouvoir avoir la chance de voyager pour prendre le temps de trouver des points négatifs aux choses. L'américain a toujours été naturellement optimiste, contrairement à son amie ici présente. J'ai terminé de développer les photos pour la prochaine édition. Elles sont jolies, mais toujours aucune trace de korrigans. Il prend Calypso sur ses genoux pour pouvoir s'asseoir à son tour sur le canapé – il n'a jamais compris pourquoi les animaux aimaient à ce point prendre précisément la place qu'il convoite, mais il espère que c'est parce qu'ils l'aiment bien. Mais bon, ça devrait être suffisant je pense. Le photographe caresse rapidement la tête de l'animal. En fait, j'ai posé mes dates de congé. Pour rentrer à Brooklyn. Les choses commencent à se précipiter, la date du retour avance et même s'il a déjà annoncé à sa famille la volonté de rester ici, il craint un peu une éventuelle envie de ne plus quitter sa famille face au décès à venir.

Les gouttes d’eau jouaient à la courses le longs des fenêtre de l’appartement, tandis qu’un air mélancolique dansait sur le tourne-disque. Armelle, tranquillement installé sous son plaide en compagnie de son chat profitait de son jour de congé pour avancer un peu un article qu’elle aurait dû rendre hier pour dire vrai. L’ancienne serdaigle avait négocié un jour de plus pour pouvoir peaufiné cet écrit qui était en soi déjà très bien, seulement la jeune fille n’était pas du genre à être satisfaite d’elle-même et trouvait que c’était une bonne manière d’occuper une journée de pluie. Armelle était le genre de personne qui aimait regarder la pluie tomber et qui trouvait les orages particulièrement poétique, contrairement au plus âgé de la colocation.

Ce dernier arriva d’ailleurs dans le salon, avec deux tasses de chocolat chaud à la main et la brune lui adressa un sourire sincère. « Moi je trouve ça joli, vraiment. » Surtout sous un plaid avec un chocolat chaud d’ailleurs. La réplique du garçon arracha un sourire à la plus jeune, tandis que Calypso releva la tête sûrement alléchée par l’odeur du lait chaud. « Ce n’est pas demain la veille que tu auras Monsieur et Madame Korrigan en photo sur ta cheminée. » L’américain se posa à côté d’elle sur le canapé, prenant le chat sur ses genoux, créatures qui se laissa docilement faire. « Tes photos sont toujours très jolies. » Armelle n’était pas du genre à faire de compliments pour faire plaisir, si elle en faisait c’était parce qu’elle le pensait et rien de plus.

« Tu rentres en février du coup ? » Elle savait déjà qu’il devait rentrer avec son cousin chez lui et elle espérait sincèrement que l’histoire de son grand-père ne sera pas trop compliqué pour lui. Dans tous les cas, elle sera la à son retour prête à l’écouter parler pendant des heures. « Tu veux un peu de plaid ? » Sans vraiment attendre de réponse, elle partagea naturellement, avant de se pencher et d’attraper sa tasse et de placer ses mains autour pour les réchauffer.

Dexter apprécie beaucoup plus la présence d'Armelle qu'il n'aurait pu le penser au premier abord. C'est de loin la fille la plus calme et posée qu'il a rencontrée de sa vie – et Isaac semble être son équivalent masculin – et c'est un véritable plaisir pour lui de vivre avec eux. Ça le change de l'ambiance qu'il a connu à Brooklyn, de l'appartement toujours trop bruyant, de l'omniprésence de cousins plus jeune qui se tapent dessus, des appels constants des amis et voisins pour aller faire deux trois paniers peu importe l'heure de la journée, des cris des adultes qui se plaignent du ménage jamais fait, sans parler des remarques de sa grand-mère qu'il n'aurait contredit pour rien au monde. Alors cette nouvelle vie a quelque chose de calmes – comme des vacances, comme une possibilité pour la première fois de sa vie d'être éloigné de tout ce remue-ménage et il remercie ses deux colocataires pour ça.

— En même temps, tu aimes tout ce qui a un potentiel mélancolique, dit-il sans la moindre méchanceté en venant se caler sous le plaid avec elle. Oui, Armelle est définitivement différente de toutes les filles qu'il a connues, et même s'il n'en saisit pas encore toutes les raisons – il a rapidement compris que c'était en lien avec sa famille et son enfance – il apprécie ce changement qui a tendance à le poser dans son quotidien. Tu trouves ? Merci, mais tu sais c'est surtout grâce aux paysages. Ils sont tous magnifiques ici. L'américain a toujours été du genre modeste – c'est la façon dont on lui a dit qu'il fallait se comporter et c'est désormais bien ancré en lui. De toute façon, il le pense vraiment – les lieux ici permettent de faire des photos vraiment magnifiques, des paysages subliment qu'il adore capturer pour envoyer régulièrement des clichés à sa famille. Tout ici est différent de Brooklyn et de ses photos prises sur le toit d'un immeuble au lever du jour pour prendre la ville se réveillant. Oui, en février avec mon cousin. Il soupire en attrapant sa tasse pour boire un peu du chocolat chaud. J'avoue que je stresse un peu. Tu comprends, je sens que je vais avoir un million de choses à faire. Il faudra rester avec grand-père qui va pas bien, présenter Dean à toute la famille, on va sûrement me donner plein de tâches à faire, et mes voisins voudront me voir. Il rigole un peu. Je vais rentrer crever et dormir pendant deux jours. Dexter déjà plutôt un gros dormeur, mais depuis que sa vie s'est stabilisé avec son arrivée ici, il a régularisé son nombre d'heures de sommeil. Il sent néanmoins que les choses vont rapidement retrouver leur rythme habituel une fois à Brooklyn.

« Si tu le dis. » Le jeune homme avait parfaitement raison en disant en parlant de l’amour de la plus jeune concernant le caractère mélancolique des choses. D’une certaine manière, elle trouvait que toutes ces choses que la plupart du monde percevait comme mélancoliques étaient pleines de vie et de caractères. La pluie, le vent et le tonnerre l’apaisait mieux que tout, même si l’américain avait un peu de mal à le concevoir. Ce dernier s’installa à son tour sous la couverture, prévoyant de cette manière une journée peu productive, mais c’était à cela que servait les jours de repos après tout. « Oui, j’aime beaucoup tes photos. » Elle lui adressa un sourire sincère, avant de souffler un peu sur le chocolat histoire de ne pas se brûler la langue au passage. « La semaine prochaine on doit aller en cornouaille, je pense que va aimer. » Les paysages étaient du genre bien sauvage là bas et elle ne doutait pas un instant qu’il réussira à capter toute la magie du lieu en quelques photographie, surtout qu’il semblait plus que sensible à la nature anglaise -qui devait être radicalement opposée aux paysages américains.

D’ailleurs ce dernier n’allait pas tarder à y retourner et il semblait même stressé à cette idée. « Tu penses que ça va mal se passer ? Je connais pas trop Dean, mais il n’a pas l’air méchant tu sais. » Bien qu’elle ne connaissait pas l’anglais, elle voyait très bien son colocataire s’entendre avec lui, parce qu’ils dégageaient un peu les mêmes ondes -sauf que Dexter lui parlait et était devenu avec le temps un ami. Elle rigola un peu en l’entendant, se plaindre. « Tu pourras dormir, mais je ferai pas tes tâches ménagères. » Un rapide sourire avant de boire son chocolat, fait avec amour par son ami. « Hmm, il est vraiment super bon. » A cet instant, tout lui semblait absolument parfait et rien que pour ça elle était heureuse d’avoir enfin quitté poudlard. « Dommage que Isaac ne soit pas là pour en profiter. » Le troisième membre de la colocation était malheureusement en cours, comme tous les jours de la semaine.

La remarque de son amie lui tire un petit sourire. Dexter a conscience qu'il a toujours des progrès à faire en matière de photographie – beaucoup de petits détails, l'utilisation de la lumière, et toutes ces choses qui font la différence entre une belle photo et une photo qui marque vraiment l'esprit – mais il est heureux de savoir qu'elles plaisent quand même à la seule fille de la colocation. C'est quelque chose de très important pour lui, surtout qu'il n'aurait jamais pensé pouvoir un jour avoir un métier en rapport avec sa passion. Être photographe est loin d'être la chose la plus facile du monde, et s'il était resté aux États-Unis, il aurait sûrement fini par accumuler les petits boulots pour ne pas rester au chômage avant d'entrer dans une boîte un peu plus grosse où il aurait fini sa vie. On lui a parfois listé des qualités pour la vente, ou pour des choses bien moins classes comme le déménagement. Alors ce départ précipité vers l'Angleterre change beaucoup de choses surtout qu'il apprécie beaucoup plus le pays qu'il l'aurait pensé – mis à part peut-être la nourriture sans le moindre goût et le look dandy que son cousin affectionne tant. Les paysages, eux, sont magnifiques. Totalement différent de tout ce qu'il connaît, il ne se lassera jamais de ces nouveautés que lui fait découvrir Armelle à chacune de leurs sorties dans le cadre du journal. Il aimerait beaucoup pouvoir en échange lui montrer les paysages américains autrement que par les photos qu'il a ramenées dans sa valise pour lutter contre le mal du pays.

— Je te fais confiance pour ça, dit-il en attrapant sa tasse de chocolat chaud avec un petit sourire. Avant de venir vivre avec Armelle, il n'avait jamais passé ces jours de repos de cette façon – assis sur un canapé à regarder la pluie par la fenêtre. Il s'est toujours senti obligé de sortir, d'aller au terrain de basket, saluer ses potes et ça uniquement pour faire acte de présence. Et même s'il le fait encore, il apprécie ces moments plus calmes en compagnie de ses colocataires. C'est peut-être pour ça qu'il craint autant le retour à Brooklyn. Il se rend compte qu'il s'est très rapidement acclimaté à la vie ici, ce qui l'attriste un peu. Il a ce sentiment bizarre dont sa grand-mère lui avait parlé – celui de devoir s'adapter tout en gardant néanmoins ses origines. Non, Dean est grave sympa. Juste très anglais. Je te jure, on voit ses chevilles Armelle. Genre au moins tout ça. De sa main libre, Dexter tente de lui montrer une mesure bien trop précise dans l'espoir de lui faire comprendre la gravité des faits. T'inquiète pas, je ferais le ménage entre deux siestes. Ça ne le dérange pas trop – il apprécie énormément la vie en colocation et trouve ça très agréable de ne pas être seul. D'ailleurs, son amie mentionne le troisième habitant de l'appartement ce qui le fait immédiatement prendre une mine un peu intéressée. Ah oui, carrément. C'est carrément dommage qu'Isaac ne soit pas là. Après tout, tu aimes bien quand il est là non ? Tu aimes bien le voir, Isaac ?, demande-t-il de la façon la plus suspecte qu'il soit, ayant néanmoins conscience que prendre des pincettes avec ces deux-là n'a pas le moindre intérêt.

« Il parait que les plages sont très jolies là-bas. » La brune se souvenait vaguement avoir lu cela dans un magazine, à moins que cela soit dans un roman d’aventure. En tout cas, c’était à travers des mots qu’elle avait apprit à connaître les paysages de Cornouaille et elle avait hâte de pouvoir les contempler d’elle-même. Un spectacle qui s’annonçait déjà fortement agréable, surtout en compagnie d’un ami. Dexter et elle ne se connaissait peut-être pas depuis longtemps, mais il était clairement son ami le plus proche, bien au-delà du simple colocataire. Il apportait la plupart des rires dans la colocation, ainsi que la majorité des trucs vraiment fun. Pour ainsi dire, Dexter était un peu le soleil du trio savait mieux que personne faire rire Armelle, ce qui n’était pas si simple. D’ailleurs, elle ne manqua pas de lâcher un petit rire en l’écoutant parler de son cousin. « Je ne savais pas que les anglais étaient connus pour montrer leurs chevilles. » Peut-être que c’était un stéréotype américain concernant les anglais ou simplement lui qui avait un problème avec cette mode, peu importe cela était très drôle aux yeux de la plus jeune.

Buvant son chocolat, elle lui adressa un sourire sympathique. « Mais je pourrais je te ferais des crêpes. » Clairement, elle ne comptait pas faire le ménage pour lui, mais acceptait volontiers de faire des crêpes pour son retour en Angleterre. Après tout, il allait sûrement manquer à tout le monde dans la colocation et Armelle sera la première ravie de le voir revenir après deux semaines. Tout était plus drôle avec Dexter, comme s’il avait le pouvoir de rendre les choses banales plus amusantes. Comme le simple fait de boire un chocolat dans un canapé moelleux durant une journée pluvieuse, symbole national. Le changement de sujet radicale était cependant un peu moi drôle et la jeune journaliste se cacha rapidement dans son chocolat pour jouer celle qui ne comprenait pas. « Isaac ? Oui, il est sympa. Pourquoi ? » Fuyant un peu le regard du plus âgé, histoire de ne pas rougir -ce qui était déjà un peu le cas. Armelle se demandait bien pourquoi il décidait d’en parler et ce qui avait pu la trahir.

Ces moments en compagnie d'Armelle n'ont pas de prix, et il ne peut lui donner que raison en disant que l'absence d'Isaac est dommage. Même si ce ne sont pas du tout les personnes avec qui il aurait pensé vivre dans sa vie, il est heureux d'avoir échoué dans cette colocation. Ses deux nouveaux amis ont beau être un peu réservés et timides, ce sont des personnes avec un cœur immense et ça Dexter l'a très rapidement compris. Il sait pouvoir compter sur eux, et ils ont clairement joué un rôle dans sa décision de rester vivre en Angleterre. Son retour à Brooklyn était prévu, un retour à la vie normale – les soirées au terrain de basket, les petits boulots qui s'enchaînent histoire d'avoir quelques billets pour ne pas être totalement dépendant de sa mère, un quotidien qui aurait repris bien trop rapidement, faisant de ces mois à l'autre bout du monde de simples souvenirs qu'ils auraient pu raconter de temps en temps. Mais la perspective d'avoir des gens qui l'attendent pendant ces deux semaines – des personnes qu'il apprécie pour leur simplicité – tout ça l'empêche de quitter l'Angleterre à jamais. Au fil des semaines, il s'est parfaitement intégré à la colocation, et pour rien au monde, il n'aurait envie de la quitter. Son éternel sourire heureux aux lèvres, Dexter regarde Armelle qui lui propose une chose qu'il ne pourrait jamais refuser.

— Carrément. J'attends tes crêpes à mon retour, elles sont trop bonnes. Il se rappelle du premier jour où il en a mangé – c'était d'ailleurs dans cet appartement en compagnie des deux anciens élèves de Poudlard. Dexter, pourtant habitué à la convivialité des repas africains préparés dans les petites cuisines de Brooklyn, a trouvé ça super sympa, et surtout super bon. Il ignore ce qui lui a plus le plus, le repas en lui-même ou le simple fait de se retrouver avec Armelle et Isaac autour d'une assiette remplie à se battre pour le pot de confiture. Pourquoi ?, demande-t-il en rigolant. Il n'en revient pas que sa colocataire et collègue de travail ne réalise pas que ça crève les yeux qu'Isaac lui plaît. Ces deux-là sont des cas désespérés quand il s'agit de sentiments et il sait qu'il va encore avoir beaucoup de boulot s'il veut réussir un jour à les mettre en couple. Mais pour lui, c'est une évidence, ses deux colocataires sont faits l'un ou pour l'autre. Je sais pas moi, tu pourrais le trouver mignon et très gentil. Ça expliquerait d'ailleurs pourquoi tu rougis. Dexter n'est pas réellement lourd à ce sujet-là, il arrive à savoir quand arrêter – c'est-à-dire quand Armelle est trop gêné – mais il revient sur le sujet assez régulièrement. C'est la seule manière qu'il a trouvée pour éviter de brusquer les deux plus jeunes.

Sa cuisine n’était pas la meilleure du monde, mais elle avait au moins le mérite de satisfaire tous les membres de la colocation et cela ne la dérangeait pas du tout de cuisiner quelques crêpes pour Dexter. Il était un bon colocataire et surtout un très bon ami. « Tu en auras alors ! » Elle ne le connaissait peut-être pas depuis très longtemps, mais elle savait qu’il était devenu quelqu’un d’important pour elle, comme Isaac. Armelle trouvait un bon équilibre de vie en compagnie des deux garçons et comptaient bien faire perdurer cela. Sa soeur avait sans surprise adoré attendre tout cela à Noël et pour dire vrai, la brune elle-même n’y croyait pas. Trop de bonheur dans sa vie, en si peu de temps, un peu plus et elle aurait un petit copain pour la saint valentin. En parlant d’amour, Dexter faisait décidément pas preuve de subtilité et les joues de l’irlandaise avaient déjà viré au rouge depuis un bon moment. Les sentiments qu’elle avait pour l’anglais était assez flou et elle ne serait pas dire si c’était de l’attirance ou simplement de l’amitié, mais elle devait avouer beaucoup aimer la vie de Isaac dans sa vie.

Néanmoins, en parler à Dexter était un peu trop compliqué et elle se contenta de faire bonne figure en évitant le sujet. « Non, pas plus que ça. Si je rougis c’est parce que c’est gênant, c’est tout. Après tout, c’est mon colocataire et juste un ami. » Elle essayait peut-être de se convaincre elle-même, s’interdisant de se faire des films. Il se passera sûrement jamais rien, parce que Isaac était trop beau pour elle, parce que Isaac pouvait avoir n’importe quelle autre fille que lui. Se sentant un peu mal à l’aise, Armelle chercha quelque chose pour faire diversion et se leva alors rapidement. « J’avais oublié que je dois absolument téléphoner à mon oncle. » La brune mentait clairement, mais c’était sa manière de remettre cette conversation à plus tard et si possible à dans très longtemps.

Dexter a beau adoré ses deux colocataires, il les trouve épuisant à se tourner autour en restant incapable de se rendre compte qu'il y a quelque chose entre eux. Pour lui, ils feraient un très beau couple et ça même s'ils sont bien trop timides pour le voir ou l'imaginer. L'américain aimerait pouvoir faire quelque chose pour eux, mais c'est assez difficile vu qu'ils ont toujours la même réaction quand il essaye d'aborder le sujet – ils se braquent et jureraient sur leur vie qu'il n'y a rien. Au début, il avait prévu de les mettre devant le fait accompli mais il se doute que rien n'est aussi simple. Isaac et Armelle n'ont jamais vraiment eu d'amis à ce qu'il ait compris, et mieux vaut y aller doucement. Pourtant, les choses seraient tellement plus simples si l'un d'eux pouvait rassembler le peu de courage qu'il a pour inviter l'autre. En soi, il doute qu'ils se prennent un jour un vent par l'un ou l'autre. Cela crève les yeux qu'ils s'apprécient plus que nécessaire et leur relation rappelle au new-yorkais des liaisons qu'il a vues dans certains films un peu poétiques.

— Évidemment, c'est pas du tout parce que j'ai raison, dit-il avec un petit sourire amusé. Il se doute qu'Armelle n'a jamais eu le moindre copain dans sa vie – ce qu'il trouve criminel vu la beauté de l'irlandaise – mais il préfère limite ça plutôt qu'elle soit tombée sur un con. Avec Isaac, il n'a pas trop à s'en faire, et cela le rassure autant. Même s'il est fils unique, Dexter a quelques cousines qu'il a dû protéger du mieux qu'il a pu, sans parler de toutes les petites sœurs de ses potes considérées comme chasse-gardée et qu'il fallait préserver des abrutis rodant dans les rues. Il s'agit peut-être d'une question d'habitude, mais l'américain refuse de laisser sa meilleure amie sortir avec n'importe qui. D'accord. Je te laisse téléphoner alors. Il n'est pas du genre à douter de la véracité de ce qu'on lui dit – surtout pour quelque chose d'aussi peu important – mais il trouve quand même que cet appel tombe au parfait moment. J'installe un film pour quand tu reviens si tu veux. Dexter lui adresse un grand sourire rassurant. Cette journée commence particulièrement bien et il compte bien la passer sous ce plaid avec elle.