Une première journée au boulot – Dexter n'en revenait qu'il avait trouvé aussi rapidement du travail après des mois de galère passés dans les rues de Brooklyn. Sa famille n'avait pas été très rassurante sur ce point, l'Angleterre plus raciste, ils ne voudront jamais de lui. Pendant des jours il avait supporté les discours pessimistes de sa mère et sa grand-mère alors qu'il envisageait de rester plus que pour faire un simple aller-retour. Il s'était donc procuré un exemplaire du journal la veille – il est serein Dexter, un boulot c'est un boulot, surtout s'il a la possibilité de faire sa passion. Mais son sourire était rapidement devenu une grimace un peu gênée – il ne comprend pas un seul mot de ce qu'il y a d'écrit dans les pages du très bizarre Chicaneur. Ça faisait maintenant une heure et demie qu'il était assis à son bureau en essayant de trouver la moindre logique dans les articles qu'il a en face de lui.

— Armelle, c'est ça ?, lance-t-il finalement à la stagiaire assise dans la même pièce que lui. Moi c'est Dexter, le photographe. Nouveau photographe, à l'essai. La jeune fille semble un peu moins barge que les autres personnes qu'il a pu croiser dans les locaux, et il espère qu'elle pourra l'aider à comprendre dans quelle galère sans nom il s'est encore engagé. Tu es là depuis longtemps ? Même s'il ne reste pas dans la rédaction de ce périodique un peu spécial, Dexter ressent le besoin de parler. Il n'a pas vraiment d'amis depuis qu'il est arrivé des États-Unis et il doit avouer que la compagnie des autres lui manque quand même un peu. Je peux te poser une question un peu gênante ? J'ai lu le dernier numéro et- Il marque une petite pause en se grattant l'arrière de la tête, gênée. J'ai rien compris. Rien du tout. C'est quoi ce truc dont il parle là ? Les Ronflaks cornus ? Ça existe pas, si ? Il a conscience de ne pas connaître toutes les espèces endémiques du territoire anglais, mais celle-là ne lui dit vraiment rien.

Un thé cerise dans sa tasse korrigan sur son bureau, un carnet bleu marine, son stylo plume et des crayons de couleurs. Voici les indispensables d'une bonne journée de travail pour Armelle Doherty. Journaliste n'était pas forcément le métier de ses rêves ou celui qu'elle rêverait de faire toute sa vie, mais elle devait avouer qu'elle aimait bien l'ambiance chaleureuse qui régnait dans les bureaux du Chicaneur. Sans surprise, elle ne s'était pas fait d'amis et à part Isaac, elle ne fréquentait aucun jeune de son âge, une vieille habitude. Seulement, la grande différence avec Poudlard, c'était qu'ici, elle se sentait bien plus à sa place -derrière son bureau, à l'abri du monde. Soudainement, alors qu'elle allait entamer son deuxième paragraphe sur le célèbre monstre du Lock Ness -Nessie pour les intimes, un jeune homme qu'elle n'avait jamais vu débarqua à son bureau.

C'était assez rare que quelqu'un solicite son aide, si bien qu'elle ne savait pas vraiment quoi répondre. Si bien qu'elle se contenta de hocher la tête pour confirmer son identité. Il semblait avoir son âge, peut-être un peu plus et possédait un accent qu'elle n'avait jamais entendu de sa vie -il devait très certainement venir de loin. « Salut. » Bien qu'elle ne soit pas la personne la plus à l'aise du monde à l'oral, elle pouvait au moins avouer que l'individu devant elle, n'avait rien de menaçant et elle n'avait aucune raison de ne pas lui répondre -surtout après avoir promis à sa soeur de faire des efforts pour se socialiser un peu. « Non, j'ai commencé à la rentrée, du coup je ne fais pas grand-chose. » Autrement dit, ils étaient tous les deux, les petits jeunes du journal.

La question qui suivi lui dessina un léger sourire sur le visage. Non pas qu'elle se moquait de son interlocuteur, mais plutôt qu'elle trouvait ce genre de question particulièrement cocasse au Chicaneur. Elle balaya rapidement la salle du regard, avant de l'inviter à s'asseoir d'un geste de la main. « Tu ferais mieux de ne pas le dire devant M. Lovegood, parce que tu peux être sûr qu'il t'en parlera pendant des heures. » Elle attrapa sa tasse et bu quelques gorgées du thé tiède. « Les Ronflaks cornus sont des créatures nordiques et les lecteurs du chicaneurs en sont vraiment fans. L'ennui, c'est que personne n'a jamais réussi à réellement prouver leur existance. » Un léger sourire, comme pour affirmer le côté un peu ironique du journal. Elle lui montra rapidement la page qu'elle était en train de faire. « Un peu comme le monstre du Lock Ness, les gens aiment bien en apprendre d'avantage sur ces grandes légendes. » Ironiquement, Armelle savait que c'était un peu stupide, surtout qu'il y avait de fortes chances pour que certaines de ses créatures n'existent pas, mais elle ne pouvait s'empêcher d'y trouver une certaine magie d'y croire.

Ce qui est bien avec cette jeune fille – enfin bien, tout est relatif – c'est qu'elle ne lui cache pas une seule seconde qu'il vient de tomber dans un asile de fous. Bien que la nouvelle ne l'étonne pas – il se rappelle encore de la façon dont l'a interpellé dans la rue ce monsieur Lovegood – il a espéré pendant quelques instants se tromper, que toutes ces bizarreries soient une blague destinée aux petits nouveaux. Mais Armelle détruit tous ses espoirs en quelques secondes, lui faisant redescendre les pieds sur terre. Il est belle et bien tombé chez les fous – quelque chose qu'il se passera très certainement de dire à sa famille restée en Amérique. De toute façon, il n'a pas le choix, il se doit de garder ce boulot s'il veut continuer à pouvoir se payer une auberge de jeunesse en attendant de trouver Dean. Il lui demanderait bien de l'aide pour comprendre un peu toutes les choses irréelles qui existent entre les murs de ces bureaux, mais il ignore si elle est la bonne personne à qui demander ça finalement – elle ne travaille pas ici depuis longtemps. Se disant qu'il n'a pas le choix – et la trouvant finalement assez sympa derrière ses airs de personnes timides ne prononçant pas le moindre mot – il se décide à continuer un peu la discussion. À défaut d'avoir des informations, il peut toujours se faire une amie.

— Pendant des heures ? T'as raison, super conseil, je vais éviter. Se faire remarquer par son patron le premier jour n'est pas une bonne idée, surtout quand on est à l'essai sans le moindre élément concret sur son cv. Il la regarde parler de ses créatures bizarres avec un grand intérêt. Ah ouais, t'es calé sur tout ça quand même. Mais en fait, pourquoi tu as atterri ici ? Toi aussi ils t'ont recruté dans la rue ? Dexter commence à se dire que c'est le seul moyen qu'a trouvé le directeur pour se trouver des employés – profiter des gens un peu déprimés par le chômage dans la rue. Ce serait pas possible et pas totalement stupide – il a quand même du mal à envisager qu'on puisse vouloir travailler ici par simple plaisir. Mais du coup, je suis censé photographier des choses qui existent pas ? Il regarde rapidement la page qu'elle lui montre. Si ce monstre est dans un lac et qu'il veut illustrer l'article, les photographes doivent seulement prendre des paysages – chose qu'il adore particulièrement et qui lui remonte le moral.

Le nouveau photographe du chicaneur avait au moins de le mérite de contraster avec le reste des travailleurs, ce qui fit vaguement sourire Armelle -qui sans mentir, en avait un peu marre de parler à l'étrange femme qui se tenait sur le bureau d'en face. Une nouvelle personne avec qui discuter n'était pas de refus, si elle ne voulait pas péter un câble avant la fin de l'année dans ces bureaux. Elle rigola vaguement en l'écoutant parlé et posa son stylo pour l'écouter, trouvant que c'était bien plus divertissant. « Mes parents adorent les légendes. Et ça risque de te surprendre, mais j'ai réellement postulé ici. » Armelle trouvait souvent les journalistes du chicaneur complètement barges, mais elle trouvait ce journal bien plus magique et sympathique à lire que le célèbre sorcière hebdo ou gazette des sorciers. Cependant, elle trouvait ça amusant d'apprendre qu'il avait été recruté dans la rue et ne doutait pas du potentiel comique de cette scène.

« Euh… Je suppose que tu devras photographier des arbres, des lacs ou des lieux succeptibles d'abriter des créatures fantastiques. » Elle lui tend l'article qu'elle était justement en train de rédiger pour qu'il puisse voir par de lui-même. « Je trouve la photo raté et je dois y aller pour parler avec un sorcier qui jure avoir vu le monstre, tu veux venir avec moi pour en refaire une ? » Au moins, ça les sortirait un peu et il ne seront pas obligé de manger l'horrible gâteau que la doyenne du bureau avait ramené pour son départ à la retraite. « Puis, on verra du pays. Je ne me trompe pas si je dis que tu n'es pas du tout d'ici. » Rapidement, elle but son thé -au cas où le garçon serait motivé pour bouger maintenant.

Même Armelle ne lui semble à ce moment-là pas la personne la plus saine d'esprit qu'il existe sur terre – pour la simple raison qu'elle a réellement postulée ici – la nouvelle qu'elle lui annonce fait naître sur son visage un sourire encore plus grand que celui qu'il a habituellement. Il va réellement pouvoir grâce à ce travail un peu bizarre visiter le pays et prendre des photos – autrement dit, deux des choses qui lui plaisent le plus. Finalement, cela vient rendre la bizarrerie des lieux tout de suite un peu plus supportables – et il se doute que le fait d'avoir trouvé quelqu'un qui semble un peu moins perché que les autres sera quelque chose qui le motivera aussi à se lever le matin pour aller bosser.

— Attend. On va aller voir le Lock Ness ? Pour de vrai ?, demande Dexter un peu trop surexcité. Il a toujours entendu parler du lac et du monstre supposé vivre dedans mais il n'aurait jamais imaginé avant toute cette histoire qu'il pourrait y aller un jour. Il s'imagine déjà écrire ça à sa mère pour la faire baver – sérieusement, un lac en Écosse, c'est quand même super cool. Carrément, je t'accompagne, ça va être trop génial ! Il ne raterait ça pour rien au monde, c'est une chose sûre. En plus, cette fille semble être quelqu'un de gentil et simple – le genre de personne avec qui il s'entend bien en temps normal, et qui n'est pas du genre prise de tête. Autrement dit, le contraire des amis qu'il avait à Brooklyn et ça lui fera du bien de changer. T'as raison. Je suis américain, je viens de Brooklyn, tout ça, dit-il non sans une certaine fierté. Il vient du quartier le plus cool de New York, ce n'est pas rien. On y va tout de suite du coup ? Il attrape sur son bureau son appareil photo ainsi que celui qu'on lui a passé le matin même – celui pour les photos magiques.

Le garçon semblait très enthousiaste à l’idée de bouger et surtout de visiter le célèbre lac. Armelle n’avait pas beaucoup voyagé, si ce n’était pour le travail depuis septembre et trouvait cela plutôt plaisant finalement -surtout que ce n’était jamais très dangereux. « Oui, arpès je ne suis pas sûre qu’on verra le monstre. » Un sourire ironique, avant de ranger ses stylos et d’attraper son cartable en cuir que ses parents lui avait offert pour son nouveau boulot. Elle y fourra ses carnets, une bouteille d’eau et des petits biscuits au beurre qu’elle adorait. « Super, tu verras c’est joli. » Lorsque le garçon lui confirma être étranger, cela lui donna directement un air plus exotique. Armelle ne connaissait pas vraiment Brooklyn, mais ne doutait pas un instant que c’était sympa -après tout, s’il avait besoin de le préciser, cela voulait dire qu’il en était fier.

« Ouais, le temps de prendre mon manteau. Tu devrais te couvrir, il fait froid là-bas. » Au même moment, elle enfila son manteau, son écharpe et son bonnet en laine, prête à partir. Elle salua la journaliste du bureau d’en face avant de se tourner vers le plus âgé et de lui tendre la main. « On transplane pour y aller et on rentre en train ? » Voilà un petit programme qui lui allait parfaitement pour la journée, surtout que cette fois elle ne sera pas toute seule.