Seamus pose les yeux sur la salon – vide, désespérément vide. En temps normal, il n'aurait rien dit. Il se serait contenté de sourire à Galaad et de lui dire qu'ils n'avaient qu'à commencer la soirée sans eux, que les autres les rejoindraient plus tard, qu'il en était sûr. Parce que malgré tous les différends qui ont pu exister au sein de cette colocation, il garde espoir de voir les choses s'arranger un jour. Ces derniers temps, rien ne va dans ce sens – Galaad et Justin se sont déclarés la guerre, Sybella et Dean ne semblent pas vouloir sortir ensemble et Hannah a fini par quitter la colocation pour vivre avec sa sœur. Autant d'événements tragiques qui lui donnent l'impression que quelqu'un doit agir, prendre les choses en main – et ce quelqu'un ne peut être personne d'autres que lui.

Son idée de faire une fête pour l'anniversaire de Galaad lui a paru naturelle. L'ancien Serpentard partage leur quotidien depuis plus de six mois, et ce genre de petites soirées est une habitude qu'ils ont prise depuis les débuts de leur vie commune, dès la sortie de Poudlard. Puis lui voit le guitariste comme un très bon ami, mais face au silence qui règne actuellement dans le salon, il se doute qu'il doit être le seul dans ce cas. Les autres sont définitivement absents, et il doute qu'ils finissent par arriver un grand sourire aux lèvres. Seamus grimace. S'il pardonne Sybella de ne pas faire acte de présence à cause de l'histoire qu'elle a eue avec Galaad, Dean et Justin n'ont pas la moindre excuse.

— Mais ils sont où ces abrutis ?, demande Seamus en grimaçant. Il regarde son ami un peu désolé – il lui a dit qu'ils feraient une fête tous ensemble pour son anniversaire, et l'irlandais n'a qu'une seule parole. Il pose donc un peu brutalement la bouteille qu'il a dans les mains – ramenée spécialement de chez sa grand-mère pour l'occasion – avant de regarder le plus âgé. Tu bouges pas, je vais les chercher, dit-il en se précipitant vers la chambre que partagent les deux autres colocataires. Comme il s'en doutait, Justin et Dean sont là, allongés dans leurs lits respectifs. L'ancien Gryffondor ne cherche même pas à savoir ce qu'ils sont en train de faire – il les interrompt sans leur laisser le temps de s'expliquer. Vous êtes sérieux là ? Il est à la fois choqué et énervé – il n'aurait pas pensé un tel comportement possible de la part de ses deux plus proches amis. Je vous avais dit qu'on faisait l'anniversaire de Galaad ce soir. Alors je sais que vous l'aimez pas – et ta gueule Justin, laisse-moi finir ! Donc je pensais que vous auriez assez de savoir-vivre pour ne pas rester dans votre chambre toute la soirée. Sybella, elle au moins, avait fait l'effort de fuir l'appartement – pour la deuxième fois du mois, ce qui nécessitera dès le lendemain une petite discussion. Maintenant vous allez me faire le plaisir de venir dans ce putain de salon, et de vous amuser. Et je veux rien savoir, vous avez pas le choix. Seamus regagne le salon en grommelant – il fait rarement ce genre de réflexion aux gens mais il trouve à cet instant que les deux autres dépassent les bornes.

Justin était en train de lire – du moins, c’est ce qu’aurait pu croire n’importe qui ne le connaissant pas parce qu’il semblait évident que le jeune homme occupait davantage son esprit à essayer de ne pas penser à l’anniversaire de Galaad plutôt qu’à savourer une histoire, aussi bonne la quatrième de couverture vantait qu’elle soit. À quelques mètres de lui, la présence de Dean contribuait à le rassurer ; il n’était pas le seul à avoir résisté à l’insistance écœurante de Seamus pour organiser une fête à ce, ce connard. Ses ongles s’enfoncèrent dans les pages du bouquin et il imagina que le bruit des pages froissées était celui que ferait le cou de Galaad lorsqu’il aurait enfin mis la main dessus. Certes, il y avait des rumeurs qui disaient que Justin aboyait plus qu’il ne mordait mais ça, c’était avant – avant la lettre, avant les regards scandalisés de ses parents et les excuses ridicules qu’il avait dû improviser afin d’échapper à la thérapie de conversion.

Tu paieras, Galaad. Je te le jure, pensa-t-il. Mais, en attendant, il se contenterait de ne pas lui faire le plaisir de célébrer l’année supplémentaire qu’il passerait à gaspiller l’oxygène de cette planète. Lui et Seamus n’avait qu’à aller savourer leur petite sauterie dans l’intimité de leur chambre ou, mieux encore, loin de l’appartement où l’ancien Serpentard n’aurait jamais dû mettre les pieds en premier lieu. Pour être honnête, Justin avait essayé de l’en chasser en plaçant des cafards au creux de son lit mais les préservatifs qu’il avait découvert en entrant à l’intérieur de la pièce que Seamus partageait désormais avec la Vipère au masculin l’avait poussé à fuir presque aussitôt, les joues cramoisies et incapable de parler, se contentant d’enfouir son visage dans son oreiller pour oublier les images mentales que cela lui avait inspiré.
Il refusait depuis de s’approcher à moins d’un mètre de leur porte avec une obstination exagérée qui commençait à les rendre soupçonneux plus qu’à les faire rire.

Il s’apprêtait à échouer encore davantage dans sa volonté à ne pas penser à cet abruti de Galaad – ce qui signifiait, bien sûr, que son esprit n’était occupé qu’à cela – lorsque Seamus, visiblement à bout de patience, pénétra dans leur chambre, que disait-il, dans leur sanctuaire. Justin, indigné, voulut hurler quelque chose mais sa protestation mourut dans sa gorge quand l’irlandais l’interrompit, choqué et énervé. La combinaison était si peu commune de sa part que Justin ne put que demeurer calme – mais juste quelques secondes, avant que le Sujet Interdit ne soit de nouveau évoqué. Il allait commencer à citer tous les défauts du Serpentard, cependant un « ta gueule, Justin » parfaitement orchestré le réduisit au silence.
Comment osait-il ?

Il se redressa et croisa les bras, désireux de gueuler encore plus fort juste parce qu’il le pouvait mais quelque chose, faisant comprendre entre deux cris à Seamus que jamais, au grand jamais, il ne daignerait célébrer quelque chose en rapport avec Galaad. Qu’il faudrait le traîner jusque dans le salon et l’attacher à un pied de table pour qu’il daigne rester calme, le bâillonner afin d’étouffer ses malédictions ou bien même qu’il s’assommerait tout seul plutôt que de cracher aussi visiblement sur ses principes les plus fondamentaux parce que jamais, au grand jamais – et ainsi de suite.
Mais quelque chose dans la physionomie de Seamus l’empêcha de mettre son plan à exécution. Déjà, l’adolescent regagnait le salon où, Justin imagina-t-il, Galaad l’attendait comme une bonne femme égoïste durant la guerre, satisfaite de voir son homme mener les grandes batailles à sa place. Le Poufsouffle laissa échapper un sourire à crever le cœur et échoua avec la grâce d’un éléphant sur son lit, le livre abandonné à ses pieds.

L’instant d’après, il surgissait avec dignité au cœur du salon, sa couverture drapé autour de ses épaules comme une cape, l’air solennel. Cela dura le temps qu’il lui fallut pour s’écrouler sur le canapé, et il prononça d’une voix monocorde : « La prophétie l’avait prédit alors nous devons nous résigner à notre sort. Est-ce pour cela que nous sommes réunis aujourd’hui ? Il n’y a pas d’échappatoire à notre destin. Mais à quel prix ? »

Sur ce, reprenant sa voix normale, il arrangea sa couverture et dit : « C’est bon, je suis venu, je peux repartir maintenant ? »
De toute façon, si Seamus l’obligeait à rester, son plan était de se rendre soûl jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus et vomisse sur les chaussures de Galaad.

La semelle de ses baskets tapotait nerveusement le sol. Pourtant, Galaad n'était pas vraiment inquiet. Pour cela, il aurait fallu que l'issue de cette soirée lui soit inconnue, ce qui était loin d'être le cas. Prenez deux irlandais gays comme des pinsons mais parés à faire la fête, un connard homophobe, une vipère qui a toutes les raisons de vous détester, et un colloc avec lequel vos interactions se limiteraient à quelques saluts cordiaux. Mixez le tout, et essayez d'en faire un cocktail buvable. Non, n'essayez pas : c'est tout simplement mission impossible. Et ça, il le savait avant même que Seamus ne propose d'organiser une soirée pour son anniversaire. L'enthousiasme de ce dernier était cependant trop beau pour qu'il se risque à lui avouer. Il avait donc assisté en silence à tous les préparatifs ... non sans un scepticisme certain. Et voilà que ces craintes se voyaient confirmées : il n'y avait qu'eux deux dans le salon.

Heureusement pour lui, Galaad n'en était pas à se vexer pour si peu. Sans compter que ce résultat était plus qu'attendu. Ce qui le gênait, c'était que Seamus semblait vouloir s'obstiner dans son idée. Alors qu'il aurait été si simple de quitter l'appartement et d'aller faire la fête en ville, comme d'habitude. « Non mec, sérieux te fais pas chier ... » Trop tard. Sourd à son intervention, l'irlandais s'était déjà levé, pour aller s'engouffrer dans la chambre des deux absents. Quelques éclats de voix en sortirent, mais le brun décida une fois de plus que la fuite était la meilleure option, si bien qu'il s'appliqua à faire la sourde oreille, tout en se servant un verre de whisky. Qu'il descendit aussitôt, cul sec - au moins, aucune preuve ne pourrait l'accuser d'avoir attaqué la fête avant les autres. Patiemment, il se renfonça dans son fauteuil, se mordilla l'intérieur des joues. Dès que Seamus reviendrait de cette expédition - qui serait à coup sûr infructueuse - il ne lui laisserait pas le choix : cette fête se poursuivrait en-dehors de la coloc. Voilà d'ailleurs qu'il revenait.

« Ah, Seam' ! Ecoute je sais que tu t'es cassé le cul à organiser cette soirée - enfin, tout est relatif - mais bon, les autres ont vraiment l'air de vouloir rester terrés dans leurs chambres comme des blattes, alors ... » Il s'interrompit. Le mot blatte avait de toute évidence des intonations magiques, puisqu'il avait suffit pour qu'un Finch-Fletchley ridiculement enroulé dans sa couverture apparaisse dans le salon. « Su-per » grinça Galaad entre ses dents. L'anglais commença immédiatement à débiter des conneries imbitables sur un ton pompeux, ce qui amena le brun à se servir un nouveau verre de whisky. Ainsi qu'à Seamus, pour la peine. Il finit par lever les yeux au ciel avec une grâce que Sybella Tyrel lui aurait enviée, avant de reporter son attention sur l'origine de toute cette mascarade. « Tu vois Seam' ? L'effort qu'il a dû fournir pour sortir son cul de son lit suffit à vouloir y retourner. Ce serait trop con qu'on le prive de ça, quand même. » Il tourna la tête et planta son regard droit dans celui de Justin. « En plus de ça, on sait tous ici ce qui arrive quand il picole. » Il n'avait pas encore l'occasion de se servir de l'anecdote que Seamus lui avait révélé à Noël. Cette pseudo-fête serait le moment parfait.

Son livre entre les mains et ses lunettes sur le nez, le voilà parti dans une lecture plus que passionnante, tandis que Justin en faisait de même à quelques centimètre en dessous de lui. La place gagné grâce aux lits superposés n’était pas négligeable, sans parler que cela leur offrait un minimum d’intimité. Partager sa chambre avec l’ancien poufsouffle était désormais une habitude et il le considérait comme un frère. D’ailleurs, comme ils devaient absolument finir un niveau d’un jeu ensemble, Dean avait décidé de ne pas rentrer dans sa famille pour profiter un peu -et aussi parce que c’était un peu dur de cacher un secret à sa mère. De plus, Sybella était censé être là pour le dimanche et ça sera l’occasion de se promener un peu ensemble, en se passant naturellement de le dire aux autres. Malheureusement, cette dernière n’était pas là pour la soirée, sortant avec Olympe d’après ce qu’elle lui avait raconté -d’ailleurs, elle avait été assez expéditive sur le sujet. Il supposait néanmoins que c’était un moyen comme un autre de rater l’anniversaire de Galaad, comme il était en train de le faire avec son camarade de l’étage d’en dessous. Objectivement, il ne détestait pas Galaad et trouvait même un peu méchant de ne pas se pointer pour son anniversaire, mais il ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir, non seulement pour avoir couché avec Sybella, mais surtout parce que Seamus était un vrai déchet depuis son arrivée ici.

Alors qu’il était justement en train de se demander qui allait se pointer à l’anniversaire, la porte de la chambre s’ouvrit sans aucune douceur par un véritable farfadet. Naturellement, il s’arrêta dans sa lecture et regarda son meilleur ami. Celui-ci donnait beaucoup d’ordre et étrangement ou pouvait ainsi lire son attachement au plus âgé, ce qui en d’autres termes, aurait presque été mignon. Dean soupira un peu, avant d’observer la réaction de Justin, qui contre toutes attentes, bougea de son lit en direction du salon. Après quelques secondes, il se résigna lui aussi à gagner le salon et descendit l’échelle pour gagner le sol. Il attrapa un gilet, avant de rigoler au discours de l’autre anglais. Alors que celui-ci était déjà prêt à repartir, Dean lui donna une petite tape dans l’épaule, avant de regarder les bouteilles. « Un petit verre ne pourra pas faire de mal, en plus ça fait longtemps qu’on a pas parlé à Seamus. » Un petit sourire narquois, notant encore une fois la distance qui s’installait entre les deux meilleurs amis, avant de s’asseoir par terre en servant des verres. « Joyeux Anniversaire, je suppose. » Il ne connaissait pas vraiment Galaad, mais en le voyant devant lui, il s’en voulait un peu d’avoir jouer les absents, après tout même s’il avait pas l’air très malin, Dean comme tout le monde supposa qu’il n’avait pas dû avoir une vie facile.

Seamus ne peut s'empêcher d'esquisser un petit sourire satisfait alors que Justin débarque dans le salon à sa suite. Bien sûr, l'ancien Poufsouffle fait uniquement ça dans le but de se plaindre – comme toujours – mais l'irlandais fait néanmoins l'effort de l'écouter. C'est le plus gros problème de cette colocation après tout, la communication. Il sait par exemple que Dean et Galaad ne s'adressent jamais la parole, et tous les autres le font pour s'engueuler. Depuis le départ d'Hannah, les choses ne se sont clairement pas arrangés surtout qu'il n'est pas toujours en état d'essayer d'arranger les choses. Mais ce soir, la question n'est pas là. L'important est qu'ils fassent réellement la fête pour l'anniversaire de Galaad. Il l'a promis à son ami et il tient réellement à lui faire plaisir pour cette occasion surtout qu'il sait que tout ne va pas très bien dans sa vie. La seule chose qu'il a trouvée pour aider l'irlandais est de boire en sa compagnie pour le faire décompresser, chose qui ne plaît pas spécialement aux deux anglais de la colocation.

L'irlandais adresse un sourire ravi à son meilleur ami quand celui-ci fait signe à Justin de rester. Cette scène le rend un peu nostalgique d'une époque où il pouvait compter sur Dean sans le moindre doute. Maintenant, les choses sont différentes vu que les deux garçons ont fini par s'éloigner l'un de l'autre – une chose que Seamus est sûrement le premier à regretter même s'il ne sait pas vraiment comment faire pour arranger les choses. Mais ce n'est pas la priorité de la soirée, et le brun se tourne vers son compagnon de chambre avec un grand sourire.

— Tu vois Galaad, tu es juste trop pessimiste, dit-il en servant un verre de whiskey à tout le monde. Je t'avais dit qu'ils viendraient parce qu'ils sont gentils dans le fond. Seamus se note mentalement de remercier les deux anglais le lendemain, même Justin qui n'avait sûrement pas la moindre intention de rester en premier lieu. Le simple fait qu'il soit là laisse espérer une amélioration dans les relations au sein de la colocation, même s'il peut toujours rêver. Il se souvient de la dernière soirée en date qu'ils ont fait – pour son anniversaire – et ce n'était pas glorieux. En réalité, l'irlandais aimerait bien que Sybella soit là pour l'aider à gérer tout ça – bien qu'il se doute que la présence de la blonde risque plutôt d'empirer les choses. Maintenant que vous êtes tous là, on va pouvoir commencer cette super soirée en l'honneur du guitariste le plus cool du monde. Assis à côté de Galaad, il lève son verre avant de le boire son verre d'une traite. Ce soir, je veux voir Justin mort. Pas vous ?, demande-t-il en rigolant un peu. Il connaît très bien la réponse de l'autre irlandais, mais moins celle de Dean. Ensuite, il sait que malgré ses airs de dandy, son meilleur ami n'est jamais vraiment contre une bonne soirée et vu la quantité d'alcool qu'ils ont, celle-ci risque d'être très drôle.