Le vent froid s’engouffra dans ses cheveux sans parvenir à balayer l’air soucieux du visage de Daphné. Ses yeux relisaient encore et toujours les lignes du dernier parchemin que ses parents lui avaient envoyé le matin-même. Et les nouvelles n’étaient toujours pas au beau fixe au foyer Greengrass. Le débat, stérile, revenait toujours, incessant. Les avis demeuraient les mêmes, inflexibles d’un côté comme de l’autre. L’anglaise voyait ce mariage comme une solution factice à des problèmes qui n’en étaient pas, ses parents y trouvaient un intérêt parfait pour eux comme pour leurs pairs – en l’occurrence Selena Stomby, cette insupportable traîtresse.

La rouquine replia la lettre qu’elle glissa dans la poche intérieure de sa cape, s’empêchant de froisser celle-ci pour la jeter du haut de la tour sans considération aucune pour sa vie privée. La colère ne pouvait pas justifier de disséminer ainsi des courriers qui auraient pu réellement lui porter préjudice – et pas seulement parce qu’ils étaient remplis d’informations personnelles sur elle. Ces échanges épistolaires restaient des traces d’une communication entre Mangemorts, c’était un danger, une inconscience de sa part, pour reprendre les termes exacts de son père. Tu n’aurais jamais fait une chose aussi inconsidérée auparavant, Daphné. Il fallait se reprendre. Mais comment, quand tout paraissait brusquement anormalement secondaire et inintéressant ? A quoi bon avoir prouvé sa fidélité inconditionnelle aux siens si c’était pour malgré tout finir mariée de force ?

La sang-pure s’apprêtait à pousser un profond soupir quand le hululement d’un des hiboux derrière elle la fit se retourner. Quelle ne fut pas la coïncidence de découvrir qu’il n’y avait pas dans son dos que de simples volatiles mais une autre personne. Balthazar la regardait sans vraiment avoir l’air de savoir quoi dire ou penser de ce qu’il avait face à lui – une amie qui avait peut-être besoin de parler ou une fille qu’il valait mieux éviter au vu de son visage. « Balthazar ? » Daphné ne pouvait dire depuis combien de temps il était là, dans la même pièce qu’elle, mais elle était au moins rassurée de savoir que c’était lui et pas quelqu’un d’autre. « Tu n’es pas obligé de partir. » se contenta t-elle finalement de dire, seule véritable réaction visible à sa présence tandis qu’elle reposait son regard sur l’horizon, toujours accoudée au rebord.

Pas envie de parler davantage. Elle n’avait pas l’intention de jouer un jeu quelconque avec lui. Ces derniers jours, son humeur était aussi changeante et fragile qu’une flamme de bougie.

Les beaux jours revenaient déjà et le gros manteau d’hiver avait laissé place à la petite veste de printemps. Balthazar appréciait beaucoup cette saison, non seulement pour le climat, mais aussi pour le renouveau de la nature. C’était l’occasion de revoir la serre en fleur et de passer un peu de temps dans le jardin sans pour autant mourir de froid comme en hiver ou attraper des coups de soleil comme en été. D’ailleurs ça sera avec plaisir qu’il occupera le jardin pour les vacances étant donné qu’il n’avait pas franchement envie de supporter les cris de bébé toute la journée. Bien sûr, il trouvait Églantine très mignonne pour un bébé et elle était très loin de hurler toute la journée, mais il préférait évité de trop avoir à s’en occuper. Le rôle de grand frère lui allait pas très bien, sans parler qu’il n’avait jamais beaucoup aimé les enfants -ce qui était d’ailleurs son épouventard. Néanmoins, il aimait prendre quelques nouvelles, histoire de savoir comment cela se passait dans le grand manoir des Owen, si bien que comme toutes les semaines il se décidait à envoyé une petite lettre, de quelques lignes -le minimum syndical.

D’un pas assez lent il entra dans la volière, cherchant un hiboux disponible. Ses yeux se posèrent sur la chevelure rousse qui se tenait là, dos à lui et il n’eut pas la moindre difficulté à deviner de qui il s’agissait. Daphné était une personne qu’il appréciait réellement, pour dire vrai, il s’était toujours bien entendu avec les Greengrass et passer du temps avec l’aîné était toujours un plaisir. Seulement, depuis quelques temps, il ne savait pas trop si cela était partagé. Le mariage était une nouvelle un peu étrange même pour le sang-pur qu’il était et il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle devait se sentir aussi mal que Galaad. Heureusement, ce n’était pas le genre de sa famille d’arranger de mariage pour leurs enfants. Bien sûr, si l’un des jeunes Owen devaient finir avec un né-moldus, cela ferait quelques vagues, mais rien de plus, surtout pas chez lui. Après quelques secondes, la jeune femme le remarqua et il se contenta de faire comme si de rien n’était. « Ah, comme tu veux, j’ai juste un truc à envoyer. » Balthazar ne se mêlait pas des affaires des autres et se voyait mal lui demander comment ça allait, alors qu’il était évident que ce n’était pas le cas. Un instant, il se demanda ce qu’il souhaiterait dans cette situation -rester seul ou bien parler. Seulement, c’était trop compliqué de choisir et quand bien même, cela ne voudrait pas dire que cela soit de même pour elle. Alors coupant la poire en deux, il offrit la possibilité de choisir à la jeune femme entre les deux options. « Tu veux parler ? » Il ne parlait pas sur un ton de pitié ou même avec curiosité, juste simplement, comme il le faisait toujours.

La présence du gallois générait dans son esprit des réactions partagées ; elle n’avait pas plus envie de faire étalage de sa mauvaise humeur qu’elle ne comptait s’épuiser à lui mentir sur ses états d’âme. Balthazar Owen était un ami, et cette vérité achevait de faire vaciller la balance d’un côté plus que de l’autre même si les mots qu’elle prononçait ne le traduisaient que partiellement. « J’en sais rien. » lui confia t-elle. Une réponse empreinte d’honnêteté qui ne les aidait pas, surtout elle, mais quelque part, Balthazar ne pouvait avoir que la confirmation par ces mots que Daphné était fidèle à elle-même dans sa franchise. Même si aujourd’hui elle lui dévoilait une façade différente de toute la palette qu’elle avait jusque là montré au reste du monde.

Ses doigts triturèrent une de ses mèches de cheveu flamboyantes avant de la laisser retomber. Aussi immobile qu’une statue de pierre prostrée face à l’horizon, Daphné avait tout l’air de chercher une solution parmi l’horizon aux reliefs boisés du château. En vain. Ni les sapins de la Forêt Interdite, ni les tourelles du stade de Quidditch n’allaient lui donner une réponse convenable. « Tu crois qu’il faut combien de temps pour obtenir des faux-papiers ? A part quitter le pays, je n’ai pas trop d’idées pour me sortir de là. » La voix, diablement sérieuse et égale, aurait pu convaincre n’importe qui de ses propos. S’il y avait bien une jeune femme capable de disparaître du jour au lendemain sans laisser de traces, comme si elle n’avait toujours été qu’une illusion dans l’esprit de son entourage, c’était bien l’anglaise.

Son regard se détacha enfin une bonne fois pour toutes du paysage pour se poser sur le visage du gallois qu’elle considéra, un air profondément impénétrable gravé sur son visage. « J’imagine que Galaad ne doit pas être au mieux. » Elle aurait aimé pouvoir se soucier davantage du mal-être de son ami. Elle aurait voulu être en mesure de certifier que ce mariage la dérangeait moins que s’il l’avait uni à un parfait étranger. Mais ca n’était pas le cas. Aucun homme, quel qu’il fut et peu importait l’affection qu’elle pouvait lui accorder, ne justifiait qu’on la prive de son indépendance. Qu’on l’obligeait à devenir une de ces femmes sages, raisonnées et soumises à leur mari était inacceptable, et ce même à quelqu’un comme le jeune Stomby. « C’est incroyable à quel point on se plante quand on pense que te retrouver mariée à un de tes meilleurs amis peut être moins grave que d’épouser un inconnu. » Les gens devaient, très certainement et naïvement pour se rassurer, penser l’inverse. Ils se trompaient.

Le doute. Sans même lui parler, il savait qu’elle était en plein doute et en pleine réflexion personnelle sur sa vie privé -ce que le blond s’appliquait la plupart du temps à éviter. Balthazar fuyait la plupart du temps ce genre de conversation, simplement parce qu’il ne savait jamais quoi dire. Pourtant, il n’avait pas envie de partir, même si c’était pour écouter comme un pot de fleur inutile la rousse. Daphné était son amie et partir n’était pas une bonne idée, sans parler qu’avec le temps il avait appris à être un peu plus sociable. Mine de rien, il s’avança un peu pour se mettre à son niveau en respectant une sorte de distance imaginaire, histoire de ne pas s’imposer. Si elle le souhaitait, il pouvait parfaitement partir et la laisser seule. Seulement, la plus âgé décida de parler, de ne pas se taire et de partager avec lui ses doutes et ses craintes, dont il se doutait assez. La situation concernait sûrement Galaad et la jeune femme, et dans leur monde cela ne voulait sûrement dire qu’une chose. Néanmoins, il écouta imaginant que c’était agréable de vider son sac et de pouvoir parler à quelqu’un d’autre qu’une bande de chouette. « Aucune idée, même si je ne suis pas certain que cela puisse vraiment aider. » Partir, l’idée n’était pas forcément mauvaise, seulement quand on s’appelait Greengrass où Owen, il était difficile de simplement disparaître dans la nature. Les gens ne laisserait pas une telle chose arriver, surtout pour ce qui concerne la jeune fille. Le blond était parfaitement au courant de la situation familiale de cette dernière, même s’il se passait bien de lui en parler.

Bien sûr, il avait déjà plus ou moins entendu Galaad en parler à Jude autour d’une bière et même s’il n’avait pas vraiment participé à la conversation, ses oreilles elles étaient bien présentes. « Oh non, il n’est pas mieux, du coup sa soeur passe tout le temps de le voir. » Antinea venait de plus en plus à la fin des répétitions pour voir son frère, ce qui semblait d’ailleurs au passage ravir Jude. Étrangement, il ne voyait pas Astoria aussi douce que la plus jeune des Stomby et se doutait que son amie était un peu seule face à tout ça, ce qui lui donnait une raison supplémentaire de rester avec elle. « Ouais, je t’avoue que ça ne m’aurait pas fait plaisir d’épouser Charlotte, même si au final elle doit finir avec Charles... » L’étudiante en médecine était sa meilleure amie et il avait déjà songé à lui proposer de faire un truc pour l’aider face à son mariage arrangé, seulement il ne se voyait réellement pas se forcer à fonder une famille avec elle. Pourtant, il trouvait ça terriblement triste pour elle, tout comme pour Daphné. « Tu sais, je suis là si tu veux parler... » Son regard se posa sur elle, un regard parfaitement compréhensif et aucunement condescendant. « Enfin, tu vois… On est proche maintenant et j’aimerais vraiment pouvoir faire quelque chose pour toi, parce que je trouve ça injuste. » Il avait dû mal à exprimer le fond de sa pensée, mais le principale était là.

Changer de continent n’était même pas une solution viable plus d’un mois. Les Greengrass étaient comparables à une pieuvre : leurs relations étaient si tentaculaires qu’elles dépassaient les océans et ainsi, personne ne pouvait indéfiniment se cacher d’eux. Même durant sa cavale, ses parents savaient où elle s’était trouvée à chaque seconde. Compliqué, donc, de leur échapper à eux – et encore plus à l’ensemble de la famille. Les Sang-Purs étaient aptes à déployer de redoutables trésors d’ingéniosité pour surveiller leur progéniture. Aussi Daphné n’ignorait pas l’aspect naïf d’une telle idée. La perspicacité de Balthazar n’avait pas manqué non plus de souligner l’inutilité de cette option. « Je sais. Tu as raison. » Elle aurait aimé, pour une fois, qu’ils aient tous deux tort.

La rousse ne quitta pas du regard une seule seconde le point invisible face à elle pendant que le jeune Owen lui parlait, lui expliquait ce que traversait Galaad également. Ils vivaient tout simplement le même problème, chacun de l’autre côté de la barrière. La sollicitude de la sorcière avait certaines limites et même si Stomby était son ami, elle ne parvenait pas à afficher de la compassion pour ce dernier quand elle pensait à ce qu’il endurait lui aussi. Son impuissance et sa colère lui renvoyaient automatiquement la sienne, ce qui la rendait folle. Tout le reste s’en retrouvait occulté.

Lui pouvait au moins parler librement à sa sœur, à ses amis. Daphné, elle, n’avait pas cette capacité naturelle à abandonner ses défenses et à se montrer telle qu’elle était réellement. Sans souhaiter devenir aussi facile à décrypter qu’un livre ouvert, la jeune femme espérait simplement que quelqu’un, quelque part, finirait par faire autre chose que la plaindre sans jamais vouloir l’écouter quand elle en aurait l’infime et minuscule besoin. Comme s’il avait entendu cette pensée enfouie, le septième année prit la parole, se portant volontaire pour être l’épaule sur laquelle s’appuyer. « Merci. Ca me touche. » Daphné était profondément sincère. De la part du gallois, de tels mots possédaient une valeur infiniment précieuse que la rouquine prenait en compte. S’il faisait partie de son cercle restreint d’amis ce n’était pas pour rien. Et c’était aussi et entre autres pour cette raison que c’état à lui qu’elle parlait dans cette volière, laissant aller le flux de sentiments qui l’envahissaient confusément. « Eh bien si jamais tu te décides à te lancer dans une carrière d’avocat, je pourrai toujours compter sur toi pour faire sauter ce contrat de mariage dès que possible. » Plaisanter, une façon comme une autre de dédramatiser la situation ou au moins de ne pas y penser avec la gravité que cela nécessitait réellement.

Les propos du Serpentard virevoltaient dans sa tête, un sourire indicible fleurissant sur son visage. « Charlotte aurait toujours été plus chanceuse que moi dans le premier cas. » Elle n’avait pu empêcher ce petit trait d’esprit, sachant l’effet troublant qu’il pourrait possiblement distiller chez Balthazar. Se retrouver mariée à n’importe quel sorcier de sang-pur n’était pas une bonne nouvelle pour la serveuse, mais quitte à choisir, peut-être que porter le nom d’Owen était plus facile à accepter dans son imaginaire. Drôle d’idée pour une fille assoiffée d’indépendance et catégoriquement opposée aux institutions religieuses, songea t-elle avec une froide auto-dérision. « Au fait, tu ne connais pas un groupe qui joue pour les mariages ? » Le sourire mutin qui s’accentua sur ses lèvres contrasta presque pendant quelques secondes avec tout ce qu’ils venaient d’aborder. Imaginer les Green Brothers jouer leurs titres lors de ses épousailles avec Galaad avait un côté quasiment comique – la présence de Jude, qui la haïssait particulièrement, étant un fort élément de distraction.

Sans même parler, il ressentait les doutes de la rousse et se sentait terriblement impuissant face à cela. Ce n’était pas temps l’histoire des mariages arrangés qui le dérangeait, mais plus l’idée de voir souffrir des gens qui étaient importants pour lui. Parce que oui, avec le temps Daphné était devenue une amie qu’il préférait savoir heureuse que dans cet état d’incertitude permanente. Sans s’en rendre compte, il s’était approché de la rousse, comme si une force invisible le poussait à faire ce rapprochement lent et vide de mauvaises intentions. « C’est pas grand chose. » Il se tenait désormais à son niveau, avec un air assez neutre sur le visage, observant les oiseaux qui commençait légèrement à lui donner mal à la tête avec leurs piaillement incessants. Ils seraient sûrement mieux à parler dans la serre ou même dans un couloir, mais c’était ce lieu que le destin avait choisi pour cette conversation et il fallait faire avec. « J’y penserais. » Un rapide sourire en réponse à la pointe d’humour de son amie, avant de se recoiffer rapidement en la regardant du coin de l’oeil, comme si ça allait lui dire quoi faire. Seulement, il n’y avait rien de plus à dire, si ce n’était être la pour elle.

Une brise d’air entra dans la pièce, portant avec elle une délicate odeur de vanille qui était si propre à la rousse et qui d’une manière inconnu apaisait presque le blond. Toutefois, un apaisement assez court étant donné que la plus âgée s’amusa à le déstabiliser en sortant encore une fois une phrase ambigüe. Ce n’était pas vraiment ça qui le dérangeait, mais plutôt de ne pas savoir si cela cachait du vrai ou si elle se moquait tout simplement de lui. Dans les très fonds de son coeur, il se mettait à espérer que ce soit plus vrai que faux, comme si ça lui plaisait d’entendre ce genre de chose. « Pas moi, parce qu’elle parle beaucoup trop. » Il avait beau tenir énormément à la blonde, il devait tout de même avouer ne pas pouvoir la supporter trop longtemps non plus. Charlotte passait sa vie à se plaindre et à critiquer, ce qui n’était pas vraiment sa tasse de thé. « Puis je préfère les rousses. » Un rapide coup d’oeil pour guetter sa réaction, avant de faire comme si tout était parfaitement normal.

Ses mains s’enfonçait dans ses poches, tandis qu’il rigola légèrement à l’idée de Daphné qui était clairement délirante. « Oh, je pense que ça serait un grand moment dans l’histoire des mariages, mais je ne pense pas que vos familles partageront mon avis. » La scène serait simplement hilarante, si on oubliait la horde d'adultes dépourvu d’humour qui s’y trouvera. Ce mariage allait sûrement réunir une armée de personnes importantes et il était presque certains que sa famille sera invité à l'événement. « Ca te dis, on sort ? » Sans vraiment attendre de réponse, il marcha vers la sortie et ferma un peu les yeux en sentant l’air pur lui chatouiller le visage.

Curieusement, de tous les échanges qu’elle avait eu depuis l’annonce de la déplaisante nouvelle, c’était celui avec le Serpentard qui lui procurait le plus de quiétude. Elle n’était pas submergée par les questions, pas noyée par le doute, encore moins cernée par la désolation d’autrui. Sa présence, les quelques mots – certes parcimonieux mais sincères qu’il lui dispensait l’apaisaient plus que tous les plans d’attaque auxquels elle avait eu le droit, toutes les scènes d’indignation qu’elle avait contemplé sans voir. Et tout ça lui allait bien. Qu’il ne cherchât pas à s’immiscer davantage, qu’il respectât aussi naturellement que spontanément cette intimité qu’elle lui autorisait à franchir sans outrepasser les limites. Il la connaissait, il savait qu’elle accordait rarement sa confiance sans raison et surtout qu’elle n’aurait guère apprécié qu’on méprise si facilement les efforts que Daphné faisait pour se montrer sous son jour réel.

Un très bref rire naquit dans sa gorge alors que l’image d’une Charlotte Travers constamment en train de babiller lui revenait en tête. Jolie mais bien trop bruyante pour le gallois, rien de surprenant mais la remarque avait été si directe qu’elle n’avait pu qu’amuser son aînée, qui se permit une touche d’ironie. « Etonnant. Balthazar Owen aime le silence et le calme, donc. Je ne m’en serais pas doutée. » L’assistante nota qu’il n’avait pas de suite relevé ni véritablement réagi à sa petite provocation, comme s’il hésitait encore entre croire à ses dires ou jouer à ce jeu curieux du chaud et du froid. Au-delà de toutes ces histoires de petite amie et de mariage, Daphné savait pertinemment que ce n’était pas une excellente idée d’ajouter Balthazar à la liste de ses problèmes – et vice-versa. Néanmoins, entre ses obligations dictées par la sagesse et ses désirs suggérés par son instinct, un monde subsistait.

Et finalement ce à quoi elle ne s’attendait sûrement pas fit surface. Une réponse, simple et lourde de sens en même temps. La rouquine croisa son regard, une fossette apparaissant quelques secondes dans le creux de sa joue. « Pas sûre que Jude approuve tes goûts. » se contenta de souligner de façon sybilline la sang-pure. Oh non, il désapprouverait tout d’un tel choix. Et rien que cet argument valait toutes les autres raisons de continuer à fréquenter Balthazar.

En dépit de leurs petits jeux, le cœur du problème demeurait. Et quitte à s’acquitter d’un statut marital encombrant, autant en profiter pour se faire la plus capricieuse possible – telle était l’idée de Daphné. Si elle ne pouvait rien faire pour empêcher ça, elle se montrerait la plus insupportable et odieuse possible jusqu’au jour J compris, et ça, personne ne pouvait l’en dissuader. « Depuis quand ce n’est plus la mariée qui décide ? Crois-moi, toute victoire est bonne à prendre. S’il le faut, je ferai venir un groupe de heavy metal. » Fou serait celui qui douterait de la capacité de la jeune femme à aller jusqu’au bout de ses paroles.

Son humeur allait sensiblement mieux lorsque le septième année proposa de changer d’air. Une bonne idée saluée d’un hochement de tête léger par la jeune fille. « Ok. » Sans un mot supplémentaire, elle rejoignit les pas de son ami, abandonnant hiboux et hululements pour un lieu certainement plus à leur image. Elle imaginait sans mal que le bassiste voudrait rejoindre les serres, mais quelque part, elle avait seulement envie d’être à ses côtés, peu importe l’endroit – qu’il la surprenne, cela lui ferait le plus grand bien. « Je te suis. »