L’ambiance des serres de Poudlard n’avait pas changé depuis qu’elle avait quitté le château après sa septième année : l’endroit était toujours aussi calme et détaché de cette atmosphère rythmée par les piaillements des élèves et leur agitation constante. Au-delà des vitres translucides, la lueur hivernale de l’extérieur perçait et réchauffait l’endroit d’une tiédeur diffuse.

Au beau milieu des plantes grimpantes et des rangées de végétaux qui agitaient paresseusement leurs feuilles, Daphné, penchée sur le cas d’un cactus exotique qui avait connu des jours meilleurs, s’occupait à découper très sereinement le bourgeon de celui-ci en évitant de se faire piquer par ses pointes – celles-ci étant réputées pour être vénéneuses, la jeune femme avait enfilé d’épais gants de cuir afin de se préserver de toute blessure éventuelle. La botanique demeurait vraisemblablement un sinon son domaine de prédilection ; l’aînée Greengrass ne regrettait guère son choix d’assistante dans la matière.

Travailler dans un cadre aussi paisible et retiré lui plaisait d’ailleurs beaucoup en dépit de sa mission principale, qui concernait les Mangemorts. Elle avait d’ailleurs vite compris la raison de l’arrivée récente de Némo Desario au sein de l’institut sorcier ; l’homme était là pour l’empêcher de faire quoi que ce soit de nuisible, bien évidemment, mais cela n’effrayait guère l’anglaise, qui avait parfaitement confiance en ses aptitudes pour déjouer sa surveillance.

La jeune femme achevait d’ôter la petite pousse verte qu’elle avait sectionnée lorsque le bruit de la porte d’entrée de la verrière grinça à ses oreilles, signe d’une intrusion aussi peu discrète que techniquement rarissime. « La serre est fermée. » rétorqua d’une voix calme et inflexible la rouquine qui ne leva même pas la tête à l’adresse de l’impudent qui avait cru pouvoir venir au sein de ce temple sacré pour faire elle-ne-savait-quelle-sottise-d’adolescent – les élèves de Poudlard ne voyaient en la serre qu’un coin tranquille pour faire n’importe quoi ; un jour l’un d’entre eux finirait étouffé par une plante à force d’être aussi inconscient.

Le bruit des pas, plutôt que de s’éloigner pour quitter la pièce, se rapprocha d’elle, ce qui la fit froncer des sourcils. Daphné s’apprêtait à redresser le menton pour envoyer sa plus jolie phrase de menace au nouveau venu quand elle vit que celui-ci était loin d’être un étranger au bataillon. « Oh. C’est toi. » Balthazar, planté à quelques mètres devant elle, la regardait tranquillement. Il avait définitivement pris ses aises à Poudlard et gagné en confiance – ce que la rousse avait remarqué à plusieurs reprises avec une agréable surprise. « Ca fait un moment qu’on ne s’est pas parlés. » se contenta t-elle de dire en guise de bonjour, baissant le regard vers le cactus qu’elle repoussa légèrement pour pincer le bourgeon extrait et poser celui-ci dans un petit couvercle de verre. « Merci d’avoir pris soin d’elles pendant mon absence. » En référence aux nombreuses espèces que Daphné avait à l’époque où elle était encore étudiante cultivé ici, et que le gallois avait continué à entretenir après son départ. La jeune femme les avait retrouvées, presque intactes.

Refermant un peu plus son manteau au contact du froid hivernal de ce début d’année, il traversa les petits jardin de l’école seul et bien content de l’être. Les questions incessante de Jude sur la manière dont-il pouvait occuper son temps avec sa copine l’agaçait sérieusement et même s’il aimait beaucoup cette dernière, il avait parfois besoin d’un peu d’espace loin de tout. Balthazar avait toujours été un peu solitaire et personne ne le changera jamais sur ce côté. Au bout de quelques minutes quand les serres du château entrèrent dans son champ de vision, il accéléra un peu le pas, afin de quitter le plus rapidement possible le froid de l’hiver. Rapidement, il arriva aux abords des vitres de la serre pleines de buée. Il poussa la porte de celle-ci et ce glissa à l'intérieur, bien heureux de trouver un peu de chaleur. Au moment même où il referma la porte, une voix familière s’éleva dans la pièce et son regard se posa sur la rousse qui se trouvait déjà là.

Croisé Daphné dans les serres n’avait jamais été une surprise et encore moins depuis qu’elle était stagiaire en botanique, cela dit il devait avouer que cela faisait une éternité qu’il n’avait pas eu l’occasion de lui taper la discute entre deux pots de mandragores. Il s’approcha doucement d’elle, se disant qu’elle devait le prendre pour un autre élève, pour dire vrai il aurait sûrement fait la même chose. Au bout d’un moment, elle releva la tête et le remarqua.  « Salut. » Une salutation assez sobre, même si cela faisait des mois qu’ils ne s’étaient pas vu.  « De rien, j’allais pas les laisser mourir. » Un vague sourire, tandis qu’il s’adossa à la table ou se trouvait la rousse. Balthazar n’avait jamais vraiment réfléchit à pourquoi il s’était occupé des plantes de la jeune femme, mais cela lui paraissait parfaitement naturelle.  « Alors, sympa la vie de professeur ? » Le gallois devait avouer qu’elle n’était pas la personne qu’il avait imaginé professeur, mais il ne doutait pas pour autant qu’elle soit à la hauteur.  « Sinon, merci pour ton cadeau d’anniversaire, j’ai pas eu le temps de te répondre. » Cette visite aura au moins servit à la remercier pour son cadeau.

Il était bien un des rares – sinon le seul – pour dire de façon aussi logique qu’il n’allait pas laisser des plantes dépérir. Le genre de paroles qui faisait sincèrement plaisir à entendre. « Finalement tu n’as pas tant changé que ça, Balthazar. » ponctua la rouquine avec un sourire en coin. Observer une certaine évolution chez son ami lui avait fait se demander quelles pouvaient en être les causes – et la Mangemorte avait trouvé une partie de ses réponses en apprenant certains détails sur la vie du gallois qui l’avaient beaucoup amusée. Sa petite idylle avec Panabaker, notamment, était un des sujets les plus hilarants qu’elle puisse avoir découvert ; cette histoire lui faisait penser peu ou prou à celle, risible, de sa Roxy avec cette plaie d’Oliver.

Son retour à Poudlard avait quoi qu’il en soit fait revenir à la surface l’importance des commérages et des potins ici. « Sympa, je ne sais pas. En tout cas, c’est bien moins ennuyeux que ce que je pensais. » Daphné prit le cactus amputé pour le reposer sur un coin du plan de travail avant d’attraper un pot de terre bien plus petit, qu’elle remplit d’une poignée de terreau. « Et puis les serres m’avaient un peu manqué, finalement. » Même si son appartement avait toujours été une jungle luxuriante et parfaitement adaptée à sa passion, la jeune Greengrass ne pouvait pas se permettre de cultiver autant de variétés dans un espace qui ne pouvait supporter tant d’espèces – et qui surtout aurait nécessité la création de pas moins d’une dizaine de micro-climats différents, une tâche impossible même pour elle.

Le silence épistolaire d’Owen suite à son cadeau d’anniversaire ne l’avait, sinon surprise, pas vraiment froissé. Elle n’avait pas elle-même réellement communiqué depuis un moment avec lui et ne s’était donc en aucun cas attendue à une montagne de lettres en retour. La sobriété était quelque chose de primordial chez le gallois, quelque chose qu’elle avait cerné et apprécié sans tarder chez lui. « Je t’en prie. » répondit-elle simplement avant de ranger le terreau et de creuser un petit puits dans le pot.

Quelques secondes s’écoulèrent doucement avant que la sang-pure ne poursuive, sans quitter des yeux ce qu’elle faisait. Non pas qu’elle n’accordait aucune importance au Serpentard, d’ailleurs le simple fait qu’elle lui parlait encore et posait des questions prouvait le contraire. La jeune fille était tout bonnement très à cheval sur la rigueur et s’appliquait, minutieuse. « Comment se passe ta dernière année ici ? » Sa main gauche vint pincer le morceau de cactus pour le déposer au centre du pot et le recouvrir partiellement de terre. « J’imagine que tu dois avoir hâte de pouvoir partir maintenant que toi, Galaad et Lynch vous voulez former un groupe. » Elle ne se moquait pas bien au contraire, trouvant surprenant que ces trois-là se soient trouvés de cette façon. Et même si elle était loin d’apprécier l’asiatique de la bande, elle aimait beaucoup trop les deux autres pour ne pas leur souhaiter un minimum de succès.

La remarque de la rousse sur son changement l’étonna légèrement, il ne voyait pas vraiment de raisons à un hypothétique changement et si c’était le cas il ne s’en était aucunement rendu compte. Balthazar ne se posait pas vraiment de question sur lui même, se contentant simplement d’être.  « Pourquoi j’aurai changé ? » Une question dont il ne tiendra pas vraiment rigueur si elle venait ne pas lui répondre, de toute manière il n’était pas du genre rancunier et contrairement à ce que tout le monde pouvait penser très ouvert d’esprit. Il n’était certes pas très social, mais pas encore sociopathe et aimait bien les gens pour ce qu’ils étaient en général -n’écoutant jamais les rumeurs et préférant voir par ses propres yeux pour se faire un avis.

Écouter la rousse de son travail lui faisait penser que l’an prochain, ça sera à lui de quitter les bancs de l’école pour affronter le monde extérieur. Cela dit, Balthazar n’avait pas vraiment pensé à un projet professionnel et se contentera sûrement du statut de rentier pendant un petit moment. Ainsi, il pourra se concentrer un peu sur la musique en étant sûr que sa mère ne lui demandera rien en retour, trop occupé avec le futur bébé.  « Tant mieux alors, tu seras forcément mieux que Chourave. » Un rapide sourire avant de retirer son gros manteau et de le poser sur une chaise, se retrouvant ainsi dans une chemise que lui seul sur terre pouvait porter.  « Je pense que tu as aussi manqué aux serres . » A moins que ce ne soit un peu à lui qu’elle avait manqué, l’année passée sans la présence apaisante de la rousse durant ses pauses jardinages avait été bien moins sympathique et pour dire vrai il était venu bien moins souvent.

Une fois les remerciement accepté par la rousse, il attrapa à son tour une plante qui avait besoin d’une petite coupe et la posa sur la table et s’installa sur une chaise en face de Daphné. S’occupant de la plante comme si c’était son enfant, il écouta la douce voix de la jeune femme. Discuter avec elle n’avait jamais été compliqué, pour ainsi dire, ils avaient toujours été sur la même longueur d’onde dans leur manière de communiquer.  « Ca se passe. » Balthazar était quelqu’un de modeste et il n’avait pas besoin de dire qu’il avait la note maximale dans toutes les matières sans la moindre difficulté. De toute manière il n’était clairement pas le plus grand partisan de l’école. Par contre, du groupe de musique, bien plus.  « C’est vrai, d’ailleurs on fait un concert bientôt, si tu veux venir. » Il n’en revenait pas, il venait ni plus, ni moins d’inviter la rousse alors qu’il passait son temps à taire l'existence de ce concert et qu’il n’en avait même pas encore parlé à sa copine. Parfois, il s’étonnait lui même.  « On a même un nom maintenant. Les Green Brothers. » Il rigola lui-même à ce nom de groupe inventé par l’asiatique, mais qui n’était cependant pas si stupide.  

Daphné observa Balthazar avec intérêt, notant son étonnement face à une telle observation de sa part. « Parce que tout le monde change ? » répondit doctement l’aînée avant de baisser le nez vers son cactus. « Ce n’est pas forcément une mauvaise chose que d’évoluer. » C’était même le cours naturel de l’existence. Il avait mûri sans qu’il ne s’en rende compte et il avait sans doute tout autant de petits détails nouveaux insignifiants à faire remarquer sur elle ou sur d’autres personnes qu’il n’avait pas revu depuis des mois. Chacun évoluait sans le voir. « J’ai l’impression qu’il s’est passé plein de choses en un an dans ta vie. Je peux me tromper. » suggéra la rouquine, pourtant personnellement et intimement certaine qu’elle avait raison.

Le Serpentard manifesta son contentement de la revoir de retour au château d’une façon singulière , qui s’accordait finalement au personnage qu’il était. « Quels compliments. » ironisa gentiment la rousse. Dépasser le niveau qui lui paraissait très basique de Chourave la faisait doucement sourire, en revanche apprendre qu’elle avait pu manquer d’une certaine façon aux serres et aux habitudes du gallois. Cette déclaration cachée fit pousser un tout petit sourire insoluble sur la bouche de la jeune fille, qui se contenta néanmoins d’écouter son cadet avec attention.

La musique paisible de ses mots était une mélodie agréable, qui remémorait à Daphné ces après-midis qu’elle avait pu passer ici à jardiner pendant des heures. Elle ne partageait ce genre de connexions qu’avec lui et si cette relation paraissait bizarre aux yeux des autres, c’était parce qu’ils ne comprenaient pas l’intérêt du silence entre eux – ils n’avaient jamais ni l’un ni l’autre eu l’habitude de parler pour ne rien dire qui en vaille la peine. « Bonne idée. Je viendrai. » Daphné se réjouissait intérieurement de pouvoir observer le gallois dans son élément le plus motivant, la musique. Elle pourrait aussi enfin voir à quoi se résumeraient les efforts acharnés de son autre ami et ancien Serpentard – et se contenterait d’un long silence plein de mépris pour le troisième comparse du groupe de rock en herbe. « Je n’ai jamais vu Galaad s’investir autant pour quelque chose. » commenta d’un ton plutôt appréciateur la rouquine, qui songeait aux dernières fois qu’elle avait vu le grand brun. Pour quelqu’un qui avait perdu depuis un long moment toute volonté de cultiver un but dans sa vie, celui-ci était sans qu’il ne s’en rende compte reparti sur de bons rails. La sang-pure se souciait bien plus de ses quelques réels amis que les autres ne l’auraient imaginé et Galaad, tout comme Balthazar, faisaient partie de ces chanceux.

Le nom de leur petite bande lui fit redresser le menton et Daphné mêla son rire à celui de son ex-camarade de classe. « Vous avez déjà aussi quelques groupies ? » s’interrogea t-elle, un sourire clairement amusé aux lèvres.  Nul doute que connaissant Lynch et Stomby, les jeunes filles allaient vite accourir – la fidélité, un nouveau challenge pour le seul membre en couple de leur groupe.

La pluie commençait à tomber, frappant contre le verre de la serre créant de manière immédiate une ambiance cosy et intime, à l’écart du reste de l’école. Daphné avait une manière de lire en lui assez unique, peut-être parce qu’elle était la seule à le faire. Ses amis ne se posaient que très rarement des questions sur lui et n’avait pas l’air aussi observateur que la rousse qui se tenait devant lui. Peut-être qu’il avait changé, peut-être que c’était simplement son véritable lui qui s’éveillait un peu plus chaque jour grâce au monde qui l’entoure. Seulement à quoi bon se poser la question, étant donné qu’aucune réponse ne lui apparaîtra plus juste qu’une autre. Depuis son plus jeune âge, Balthazar se contentait simplement d’être et de vivre les choses comme elle venait, sans chercher plus loin.  « Oui, sûrement. » Bon, il devait avouer que pas mal de choses c’étaient passé en quelques mois, déjà il avait une copine ce qui n’était pas vraiment un détail, ensuite il venait de monter un groupe avec son meilleur ami, chose qu’il n’aurait jamais accepté quelques années auparavant.

Daphné lisait étonnamment bien en lui et il mettra cela sur le compte du pouvoir des plantes et du lien qu’ils avaient tissé en plusieurs années de jardinage ensemble.  « Parfois, des compliments ce n’est pas une mauvaise chose. » Le blond n’était peut-être pas le genre de personne à féliciter en permanence les gens, mais il avait au moins le mérite de savoir en faire quand il le fallait, acceptant largement les sentiments qu’il pouvait ressentir pour les gens -enfin tous sauf Jude, avec qui il était entré dans un personnage un peu plus viril qu’il ne l’était à la base, mais cela ne rendait aucunement leur amitié moins réelle. De toute manière, il ne s’embêterait pas avec des gens qu’il n’aimait pas.

La rousse accepta étonnamment très rapidement de venir au concert et le blond ne put cacher un petit sourire. Voir la rousse en dehors du contexte habituelle l'intéressait particulièrement, parce qu’il avait le pressentiment - et Balthazar s’y connaissait en la matière - qu’ils pourraient réellement bien s’entendre.  De plus, la musique était sa véritable passion et il avait étrangement envie de partager cela avec elle.  « Il semble faire pas mal d’efforts en tout cas.  » Bien qu’il s’était d’abord montré septique sur le guitariste proposé par son meilleur ami, il devait avouer être plutôt étonné de voir les progrès que le plus vieux avait pu faire et surtout de voir qu’il se pointait toujours aux répétitions -en même temps, il n’avait rien d’autre à faire de sa vie.

La dernière question de Daphné le fit vaguement soupirer, il fallait dire que Balthazar n’avait pas vraiment hâte de devoir chanter devant un public, mais il espérait sincèrement que le fait de chanter avec deux garçons aussi populaires n’allait pas augmenter le nombre de filles hystériques.  « J’espère pas, sauf la soeur de Galaad, Hazel et Eliott, bien sûr.» Ce qui avait plutôt du sens finalement. Toutefois, il devra attendre le premier concert pour découvrir cela et il commençait déjà légèrement à stressé en voyant la date fatidique approcher.  « Mais bon, je ne le fais pas pour la gloire, mais pour la musique. » Sûrement la grande différence entre lui et les deux autres membres, mais il s’en fichait du moment qu’il pouvait jouer et composer tranquillement.

La pluie avait commencé à tomber sur le château écossais, le temps électrique et humide n’étant pas pour déplaire à la rouquine loin de là. Elle devait très franchement être une des rares qui appréciaient cette atmosphère d’orage avant l’heure et cela s’avérait d’autant plus agréable lorsqu’on se retrouvait sous la serre, comme protégé de l’extérieur tout en y étant plongé dedans.

Daphné acheva de rempoter la pousse de cactus, l’oreille toujours tendue vers Balthazar. Elle était sincèrement heureuse de pouvoir reparler au jeune Owen comme ils le faisaient il n’y a pas si longtemps, à deux, dans cet espace qu’ils avaient bien connu. Même si les choses étaient un peu différentes depuis qu’elle était devenue assistante à Poudlard et que lui était à même pas une année de quitter l’enceinte de l’école et de devenir un adulte. Ce qui était clair, c’était qu’ils restaient les deux mêmes passionnés des plantes, les deux mêmes jeunes gens caractérisés par cette capacité à si peu parler qu’on se demandait toujours ce qu’ils pensaient, et les deux mêmes personnes à n’être proches et attentionnés qu’envers quelques rares individus. Daphné eut un sourire en l’entendant parler de compliments. « Surtout venant de toi ou moi. » souligna t-elle avec une certaine justesse.

C’était une double-occasion pour la rousse de pouvoir à la fois voir un de ses meilleurs amis jouer et concrétiser un projet – Galaad avait vraiment besoin de vivre un succès après le désert qu’il avait du traverser – et de découvrir un autre ami à l’œuvre dans un domaine où elle ignorait tout de lui. Piquée par la curiosité de le voir jouer de la basse et de vivre sa passion, la jeune femme avait donc toutes les raisons d’assister à ce concert. « Je crois que je ne l’ai jamais vu aussi motivé pour quoi que ce soit d’autre. » assura en toute confiance la sang-pure, qui connaissait assez le jeune Stomby pour savoir de quoi elle parlait. Elle s’épousseta les mains, considérant son travail comme terminé et posa le jeune plant sur le côté.

L’ex-Serpentarde ne serait bien sûr pas la seule invitée à cette première, tous leurs amis devaient y être conviés – la plupart des noms cités n’étaient soit pas familiers, soit pas vraiment appréciés mais Daphné ne s’en formalisait pas. Même la présence de Lynch l’indifférait, ce qui ne serait pas son cas à lui assurément. Seul un prénom avait capté son attention et elle le répéta. « Elliot. Ta petite amie, c’est ça ? La Gryffondor aux cheveux bleux. » Penchant légèrement la tête sur le côté, elle fixa Balth’ pendant quelques secondes, comme si elle songeait à un détail qui lui avait échappé depuis le début. « Elle n’a pas peur pour vous ? » La question, parfaitement anodine, n’était que ce qu’elle était, rien d’autre. La jeune Greengrass s’interrogeait réellement sur cette nouvelle relation qu’elle avait du mal à concevoir – mais si Balthazar y voyait son intérêt, c’était qu’il devait y avoir une raison suffisante à cela.

Elle rangea chaque outil, essuyant ceux-ci dans un linge blanc avant de les glisser dans une trousse de cuir qu’elle referma et glissa dans un tiroir du large bureau en bois. Les paroles du blond quant à son envie de se produire sur scène uniquement pour la musique n’étonnait toujours pas l’aînée. Il n’avait pas vraiment l’étoffe d’une diva – peut-être davantage d’une rock star malgré lui. « Je n’en doute pas. Faire quoi que ce soit pour la gloire ne t’apporterait rien de vraiment intéressant de toute manière. »

Les temps avait beau s’être écoulé depuis leur dernière conversation florale, rien n’avait réellement changé. Quelques mots pour se comprendre et une ambiance particulière, qui n’appartenait qu’à eux -hors du temps et du monde. Les gens de pourraient certainement pas comprendre la connexion qui existait entre ces deux individus et pourtant, elle était bel et bien réel.  « Je suppose que plus ils sont rares, plus ils sont précieux. » Le blond était bien placé pour le savoir, étant donné qu’à chaque fois qu’il faisait un compliment à quelqu’un, cette personne bloquait et finissait par sourire, comme s’il réalisait que Balthazar Owen possédait un coeur. Cependant, le gallois préférait passer pour un être cruel que pour quelqu’un de fade et incroyablement lèche-cul -sans parler que les gens adoraient faire des compliments, dans l’espoir dans recevoir en échange. Autrement dit, le genre de personne qu’il méprisait largement.

Le projet de groupe était l’occasion pour Balthazar de se sociabilité un peu et d’assumer un peu plus son véritable lui. Malgré les apparences, il n’était pas l’enfant sage que ses parents aimaient d’écrire et pour dire vrai, il aurait largement préféré ressembler physiquement à quelqu’un comme Galaad qu’à ce jeune homme coincé dans un corps que les filles qualifient pour la plupart de mignon.  « Tant mieux, parce qu’il est pas si mauvais. » Si personne n’était du genre à croire en le fils Stomby, lui était prêt à le faire, parce qu’il n’était pas du genre à juger les gens selon des rumeurs et tant que l’irlandais venait aux répétitions et s'entraînait, Balthazar ne pouvait que s’en complaire. Si la rousse avait hâte de voir ce que cela pouvait donner sur scène, il devait avouer que lui aussi et non sans un petit sentiment de stress intérieur -il fallait dire que même ses parents ne l’avait jamais entendu chanter.

Lorsqu’il prononça le nom de sa petite amie, qui avait auparavant un amie appartenant à son petit groupe d’amis, il remarqua une sorte de lumière dans le regard de Daphné et se doutait déjà que la conversation allait aborder ce sujet.  « Oui, c’est elle. » Ses yeux quittèrent la plante pour se poser vers la plus âgé, parfaitement prêt à l’écouter.  « Non, je ne crois pas. » Il reposa ses yeux sur la plante réfléchissant intérieurement à cette fameuse relation qu’il menait avec elle depuis quelques mois.  « En fait, j’ai pas demandé. » Balthazar n’était certainement pas le copain de l’année, à moins que ce ne soit simplement leur relation qui ne l’était pas, mais il devait avouer qu’il ne parlait plus beaucoup et qu’il n’avait aucune idée de ce qu’elle pouvait penser de leur petit groupe de musique, peut-être qu’il devrait lui en parler la prochaine fois -ou alors, peut-être qu’il s’en fiche un peu.

S’occupant de sa plante tandis que la rousse rangeait doucement son plan de travail, il tourna rapidement la tête vers la vitre où la pluie frappait toujours aussi fort.  « Ouais, puis la gloire j’en veux pas. » Le blond la redoutait d’ailleurs plus que tout au monde, il ne voulait pas que son nom le précède, ce qui était pourtant déjà le cas à l’échelle du monde sorcier pour son plus grand malheur. Pour dire vrai, Balthazar adorait être personne, parce que c’était dans ce genre de moment qu’il avait l’impression d’être le plus quelqu’un.

Les ressemblances entre eux avaient toujours été plus nombreuses que ce que les autres imaginaient – et beaucoup trop importantes pour ne pas devenir gênantes pour un certain camarade asiatique de Balthazar qui ne portait pas Daphné dans leur cœur. Mais si lui était resté dans le versant sage, la rouquine avait toujours été considérée comme une sorte de bourreau silencieux. Elle l’avait toujours été de toute manière, peu tendre avec ses congénères et ceux qu’ils partagent sa maison ou non. Elle n’avait d’ailleurs accordé sa confiance qu’à bien peu d’entre eux, souvent déçue ou lassée par tous ces individus qui se prenaient pour des petites frappes et de gros durs mais qui au passage à l’acte perdaient tout leur courage et voyaient leurs belles paroles se transformer en couinements affolés. Elle n’avait jamais eu besoin de parler beaucoup pour faire comprendre de ce dont elle était capable – et c’était peut-être ce détail là qui la rendait encore plus effrayante pour tous ceux et toutes celles qui avaient déjà eu le déplaisir de la côtoyer pour de mauvaises raisons.

Quant à ceux qui l’avaient vue sous ses jours les plus bénéfiques, ils pouvaient attester que Daphné savait se montrer infiniment juste avec eux. S’il s’était agi de sa vie, la sang-pure n’aurait jamais hésité à protéger des gens comme Galaad ou Roxana. C’était une caractéristique de son esprit entier et quelque peu extrême. D’ailleurs, s’agissant de l’irlandais, la jeune assistante ne manquait pas de voir le bon en lui. « Il est bien moins mauvais qu’il ne pense l’être, en tout cas. » Le naturel pessimiste, ou au moins l’estime mal ajustée du jeune homme envers lui-même n’était plus à prouver. « J’ai hâte de voir ce qu’il en est de tes talents musicaux. » poursuivit la jeune fille avec une intention sincère et un sourire résolu. Elle n’avait jamais vraiment vu à l’œuvre le gallois avec sa basse.

Jouait-il seulement pour lui ou pour d’autres, comme sa fameuse petite amie en date – la seule dont elle avait entendu parler, Balthazar Owen n’étant pas encore devenu un coureur de jupons - ? La question se posait mais Daphné n’avait pas envie d’embarrasser ce dernier sur un sujet qu’elle pressentait vaste et sujet à de très, très longues discussions. Il y avait en effet beaucoup à dire sur l’absence totale de sentimentalisme qui avait jusque là caractérisé le jeune homme – et sur la principale intéressée, qui avait toute l’attention de Daphné quand celle-ci était en cours avec elle. « Mmmh. Je vois. » se contenta de murmurer l’ex-Serpentarde, se gardant bien d’en dévoiler davantage sur ce qu’elle pensait de Panabaker. Le temps lui dirait si elle avait raison ou non. La rousse esquissa un sourire clairement amusé en entendant Balthazar déplorer de ne pas avoir abordé le sujet avec la rouge et or. « Je doute que qui que ce soit réponde sincèrement à cette question si on la lui posait. » Sauf peut-être Daphné, qui n’avait jamais aucun scrupule à dire à ses conquêtes potentielles qu’elle n’était pas chasse gardée tant qu’elle ne le décidait pas d’elle-même. « A sa place, en tout cas, je me ferais sans doute du souci. » conclut avec un soupçon de mysticisme la Mangemorte.

Elle l’observa s’occuper de sa plante, distraite, son regard se perdant dans le feuillage tandis qu’elle continuait de l’écouter avec l’ombre discrète d’un sourire sur ses fossettes et qu'elle plaisanta. « C’est pas déjà un peu trop tard ? » Le nom des Owen n’était pas inconnu au bataillon pour les sorciers, malheureusement pour lui. « Tout ça me fait penser que Lynch sera enchanté de me voir à votre concert. » fit remarquer Daphné, qui passait du coq à l’âne sans s’en formaliser. La provocation n’était pas totalement réelle – d’ailleurs elle se fichait pas mal que celui-ci puisse réprouver sa présence à leur première scène. C’était Balth’ qui l’invitait, pas lui.

Bien qu’il n’en avait jamais réellement douté, il découvrait l’amie que Daphné pouvait être en l’écoutant parler de Galaad. Il pouvait ressentir beaucoup de gentillesse et de douceur quand elle évoquait le plus âgé et il se doutait sans difficulté la sincérité de de leur proximité. La rousse était comme lui, plutôt solitaire, mais savait apprécier les qualités des autres et surtout chérir ceux qu’elle considérait comme des amis. Balthazar se fichait bien de ce que pouvait penser le reste du monde de sa relation avec les membres de genius crew, simplement parce que cela lui suffisait. Bien sûr, certains aimaient affirmer que les deux là n’étaient pas vraiment amis, qu’ils se supportaient plus qu’autre chose, mais tout cela passait largement au dessus du gallois qui savait parfaitement que cela était faux et que leur amitié était bien plus forte. Le serpentard n’avait pas une foule d’amis, mais il savait qu’il pouvait compter sur ceux qu’il considéré comme tel. D’ailleurs, la rousse bien qu’elle ne soit par vraiment la personne avec qu’il passait le plus de temps comptait parmi ces rares personnes. Peu importe depuis quand ils n’avaient pas discuté, il se doutait qu’elle accepterait de lui donner un coup de main, comme lui le ferait pour elle.  « Il vaut mieux se sous estimer que l’inverse, la chute est moins douloureuse. » Balthazar détestait les gens avec la grosse tête, préférant de loin la modestie à la gloire.  « J’espère que tu seras indulgente. » Un rapide sourire, avant de continuer de s’occuper des plantes.

Il n’était pas vraiment au courant de la relation que pouvait entretenir les deux rousses entre elles, mais il se doutait qu’elles n’étaient définitivement pas les meilleures amies du monde. Cela dit, ce n’était pas très surprenant étant donné qu’il avait lui-même un caractère divergent avec celui de la plus jeune, il se doutait bien que c’était aussi le cas de Daphné. Si lui avait dépassé le premier abord avec Elliot ce n’était sûrement pas le cas de tout le monde.  « Sûrement, mais bon je m’en tape un peu. » Ce n’était pas franchement la chose la plus sympa qu’il avait pu dire au sujet de sa petite copine, mais Balthazar n’avait pas l’habitude de retenir ses paroles. Toutefois, la conclusion de Daphné l’étonna légèrement -en fait, surtout la partie où elle se trouvait hypothétiquement à la place de Elliot. « Je suppose que ce n’est qu’une question de confiance. » Pour dire vrai, il se disait qu’elle l’aimait suffisamment pour avoir confiance en lui, puis de toute manière s’il voulait une autre fille, il s’assurera de quitter sa copine actuelle avant. Un principe qu’il s’imposait à lui-même, histoire de ne pas devenir un parfait connard.

Quand il parla de célébrité, elle fit une remarque qui le fit vaguement sourire. Sa famille étant l’une des plus vieilles et plus riches du monde sorcier lui donnait automatiquement une renommé dans ce même monde et l’aînée des Greengrass était bien placée pour le savoir. « Tu parles d’une gloire, ça ressemble plus à une étiquette. » Effectivement, peu importe où il était dans le monde magique, tout le monde le connaissait au moins de nom et d’une certaine manière celui-ci valait de l’or à lui seul. Étrangement, c’était sûrement une des raisons qui l’a poussé à devenir ami avec Jude, puisque ce dernier ne semblait pas vraiment au courant de cette renommée. Balthazar aimait être personne, parce qu’être personne voulait dire être tranquille. « Jude ? Ouais, il sera ravi, mais si je ne devais pas inviter tous les gens qu’il n’aime pas ça deviendrait compliqué. » Puis le blond n’était pas du genre à demander la permission à son meilleur ami. « Puis si c’est moi qui t’invite, il pourra rien dire. » Et il n’avait pas intérêt d’ailleurs.

La jeune femme esquissa un petit sourire amusé, haussant un sourcil tandis qu’il lui demandait par avance de ne pas être trop sévère avec les Green Brother. « Peur de me décevoir ? » Daphné se serait presque attardée sur ce détail – que le gallois puisse avoir peur de ne pas être à la hauteur envers autrui était peut-être la chose la plus intéressante qu’elle ait découverte cette après-midi. « On verra ça. » conclut la Mangemorte, laissant volontairement planer un faux doute. « J’ai encore jamais jeté de tomates à un concert, rassure-toi. » Bon, elle avait sans doute fait bien pire qu’envoyer des légumes périmés à la tête de mauvais musiciens, mais ça, la rouquine comptait le passer sous silence. Ce n’était sûrement pas ce genre d’histoires qui intéresseraient le blondinet.

Ayant terminé son travail, l’anglaise pouvait ainsi complètement se concentrer sur son interlocuteur et ami. Tandis qu’elle l’écoutait parler, elle avait croisé ses bras et posé ses coudes sur la table, ses yeux suivant les mouvements de ses mains pendant qu’il jardinait. « C’est vrai. » Quelque part Daphné trouvait cette façon de ne pas s’embarrasser des peurs des autres parfaitement logique, et à la fois elle savait que plus d’un se serait offusqué et aurait taxé cette pensée d’égoïste. Trop jeunes pour perdre leur temps à être jaloux et pas assez vieux pour se soucier de tout ça avec un tel sérieux. La rouquine jeta un œil au dehors, la pluie coulant à grosses gouttes contre les vitres de verre. « J’imagine que la confiance se fait naturellement … Ou peut-être qu’elle vient avec le temps ? » Même si la conversation frôlait de près l’intimité du jeune homme, Daphné aimait en savoir plus sur lui et quand bien même tout cela ne la regardait sans doute pas vraiment, elle ne le forçait à rien. « J’espère qu’elle pense de façon aussi intelligente que toi. » rajouta l’ex-Serpentarde, sans totalement sourire, les yeux perdus dans le vide pendant une fraction de seconde.

Le temps passait tranquillement en compagnie du jeune homme, comme si un sortilège allongeait les secondes qui s’écoulaient dans la bulle que formait les serres reculées. Après Elliot, ce fut au tour de Jude Lynch d’avoir son petit quart d’heure de gloire – et dans la bouche de Daphné on sentait une retenue évidente quant à ce qu’elle pensait en toute franchise de l’asiatique. Mais elle avait été bien élevée, et elle ne s’abaisserait pas à gaspiller sa salive pour lui. « Ses regards plein de gentillesse à mon attention m’avaient vraiment manqué. » soupira t-elle non sans ironie. La sang-pure replaça une mèche de cheveux derrière son oreille, se redressant un peu sur sa chaise tandis qu’elle soulignait avec un petit air à la fois évocateur et ingénu l’honneur – déguisé - qui lui était fait. « Quel privilège, être l’invitée de Balthazar Owen. » Daphné s’amusait beaucoup à jouer la jeune fille en fleur déjà fanatique rien que pour voir les réactions de Balthazar. « Tu n’as pas perdu la main. » apprécia à voix haute la jeune femme qui continuait toujours de l’observer s’occuper de la plante qu’il avait choisie de remettre sur pied.

Un silence opportun et naturel occupa l’air et adoucissait l’atmosphère avant qu’elle ne revienne le rompre, une idée soudaine lui étant revenue en mémoire. « On a reçu un spécimen de Filet du Diable assez rare et exotique. Je t’aurais bien proposé d’aller le voir mais, je ne sais pas, on m’a dit que les élèves n’y avaient normalement pas accès. » Ses fossettes refirent leur apparition : Daphné Greengrass n’était pas revenue à Poudlard avec l’intention de ne pas profiter de ses nouveaux avantages, ni de se mettre à respecter les règlements intérieurs de l’école.

D’une étrange manière, même si leur relation était assez calme on pouvait remarquer une certaine forme de jeu invisible. Globalement, beaucoup de regards, de sourires ou d’intonations de voix se calquaient sur celle de deux personnes se cherchant un peu. Une manière subtile de forcer l’autre à la réaction tout en restant à distance. « Eh bien si je ne te déçois pas, ça sera déjà une petite victoire. » Un petit sourire en coin, répondant sur le même ton que la rousse. Il n’avait pas vraiment peur de la décevoir, mais surtout de ne pas être à la hauteur de ses propres expériences. Balthazar était du genre méticuleux et très perfectionniste, surtout avec lui-même d’ailleurs. Cela dit, il sera heureux d’écouter les critiques de la rousse par la suite, certain qu’elles seront très pertinentes et constructives -parce qu’il était rare que l’anglaise parle pour rien dire. Si la plupart du temps parler avec Daphné était plutôt simple et extrêmement naturel, il devait avouer que cette fois, il n’avait rien à rajouté. Pour dire vrai, lui ne manquait pas vraiment de confiance en sa petite amie, mais ne s’était jamais demandé si c’était le cas de cette dernière le concernant. « Euh ouais, sûrement. » L'intérêt que portait la plus âgée sur Elliot était presque bizarre, même aux yeux de Balthazar qui se contenta de lui sourire vaguement avant de se concentrer sur sa plante.

S’occuper d’une plante était plus son domaine que parler de sa relation avec la rouge et or, sans vouloir vexer l’ancienne serpentarde. Il n’avait jamais été du genre à parler de lui et de ses sentiments, alors même s’il s’entendait vraiment bien avec cette dernière, il ne voyait pas encore en elle une confidente potentielle. Comme si elle avait compris qu’il ne comptait pas s’éterniser sur la rousse, elle changea de sujet pour parler de son meilleur ami. Bien qu’il n’avait pas vraiment suivie l’histoire, il savait parfaitement que les deux là n’étaient pas vraiment en bon terme et s’il avait à peu près compris c’était pour une histoire de râteau ou un truc dans le genre. « Tu m’étonnes, mais vaut mieux ça que ses phrases de dragues risibles non ? » Parfois en écoutant son meilleur ami parler de la gente féminine, il remerciait le ciel d’avoir fait de lui un garçon et non pas une ravissante jeune femme, juste pour ne pas avoir à supporter l’asiatique. Pour dire vrai, Balthazar commençait même un peu à mépriser les jeunes filles qui pensaient encore pouvoir vraiment sortir avec lui et heureusement il paraîtrait que cela n’avait jamais été le cas de Daphné.

Si son meilleur ami refusait parfaitement d’entendre parler d’elle, Balthazar ne comptait pas en faire de même, jugeant que c’était parfaitement stupide et immature comme comportement. Surtout qu’il se sentait finalement très proche de la rousse, simplement parce qu’elle comprenait parfaitement à quoi pouvait ressembler la vie d’un enfant d’une si vieille famille de sorciers. Comme souvent, la conversation prit une nouvelle tournure jouant dans les frontières entre la conversation platonique de deux individus et la conversation s’approchant plus du domaine du flirt. Il ne savait pas vraiment si elle en faisait exprès, mais cela était fait d’une manière assez intelligente qui le donnait envie sans la moindre gène de rentrer dans ce petit manège. « Un privilège ? » Un petit sourire en coin, tandis qu’une part de lui se demandait bien si elle le pensait vraiment ou si cela n’était que pour la forme. Néanmoins, cela ne l’empêchera pas de dormir et ne semblait même pas le perturber, puisqu’il ne quittait pas des yeux la plante. « Toi non plus il faut croire. » En même temps, il n’était pas vraiment sûr que cela puisse se perdre, un peu comme le vélo comme diraient certains -enfin ça il pourrait l’affirmer à condition d’en avoir déjà fait un jour.

La proposition de la plus âgé semblait plutôt intéressante et il ne manqua pas de lui sourire en guise de réponse. « Eh bien au pire, tu pourras toujours dire que tu m’as surpris là bas et me coller une heure ou deux. » Il Se doutait bien que la rousse ne serait pas du genre à en parler si elle ne voulait pas qu’il vienne avec elle et comme pour montrer qu’il était parfaitement disposer à la suivre, il termina avec sa plante exotique et la poussa un peu, dégageant l’espace entre eux et la regardant pour une fois sans obstacle dans son champs de vision. « Sauf si c’était juste pour me montrer tes nouveaux privilèges de professeur. » Un sourire sarcastique en direction de la rousse au visage incroyablement fin.

La sang-pure témoigna d’un sourire qui en disait long quant aux techniques de drague on ne peut plus douteuses de l’asiatique qui lui faisait office de meilleur ami. « C’est clair. » Elle en avait vu et entendu bien assez de la part de l’irlandais pour confirmer l’avis de Balthazar : Lynch était un pied avec les filles – en tout cas, avec celles qui étaient un minimum sensées.

Il était étrangement réconfortant de sentir le gallois répondre à ses taquineries avec la même étincelle joueuse dans le regard et la voix. Ce n’était pas parce qu’un an ou plus les séparait que leur relation se bornait à une simple politesse d’usage. Daphné avait souvent coutume d’être très proche de ses amis à un tel point que l’on se demandait toujours s’il n’y avait pas une ambiguïté. Finalement la rouquine faisait la part des choses mais être vue comme la jolie fille aux arrière-pensées dangereuses l’amusait énormément – elle ne faisait rien pour infirmer ce bruit de couloir persistant. L’anglaise accepta le compliment retourné de son ami avec la sobriété qu’on lui connaissait. « Merci. Mais j’ai plutôt intérêt à garder le niveau. » contrebalançait la rousse avec la rigueur qui la caractérisait.

Une fois le pot du jeune homme terminé, celui-ci l’observa, partiellement moqueur. « Te coller. Pour quoi je vais passer, mh ? Une enseignante méchante et injuste. » La jeune fille eut un petit rire qui montrait plutôt bien qu’elle faisait peu de cas de l’opinion générale et que surtout, elle continuait à faire ce qui lui plaisait, enseignante ou pas. Et ce n’était pas vraiment pour se pavaner qu’elle proposait au vert et argent cette petite escapade, il l’aurait vite compris. « Oui, c’est tellement classe d’être prof’ ici, n’est-ce pas. » ironisa la Mangemorte.

La rousse se leva donc, quittant son poste pour traverser les allées formées par les tables de fer de la première enceinte. Au fond, une série de portes en verre apparaissait, plusieurs d’entre elles laissant déjà entrevoir leur contenu – des réserves sans fond d’arbustes et d’espèces végétales  multiples. Cependant l’ouverture vers laquelle se dirigeait Daphné était obstruée par un panneau noir mat, de sorte qu’on ne distinguait absolument rien. « Pas de mouvements brusques ni de bruits secs, bien sûr. » crut bon de préciser la jeune femme juste avant de pousser lentement et précautionneusement la porte qui menait à l’arrière-serre où l’ambiance était bien plus moite et étouffante.

La lumière y était beaucoup moins forte, d’ailleurs l’entièreté de la serre paraissait plongé dans un coucher de soleil – magique, pour le coup. Ici, aucune plante commune à l’univers britannique : les plantes rivalisaient de formes, de couleurs et d’odeurs particulières et originales. Elles prenaient d’ailleurs tant de place et semblaient si vivantes qu’elles donnaient la sensation de s’écarter pour les laisser passer jusqu’à ce que l’ex-Serpentarde s’arrête et se décale d’un pas ou deux pour dévoiler la bête à Balthazar. « Là voilà. » Aussi majestueuse qu’haute, le Filet exotique en question ressemblait à un épais réseau noueux de lianes de la taille d’un arbre adulte. Ses tentacules vertes s’agitaient paresseusement, ornées de petites fleurs toutes parfaitement noires. Un curieux effluve de vanille s’en échappait, mais inutile de vouloir les sentir de plus près : une cage aux très fins barreaux séparait le spécimen d’eux, empêchant ce dernier de sortir la moindre liane.

La botanique un domaine que les deux amis connaissaient très bien et cela bien au delà des cours. Il n’était pas rare de les voir passer des heures à s’occuper de plantes aux château, sans parler qu’ils avaient ramené leur passions dans leurs maisons, ce qui pour la part du blond occupait plutôt bien ses vacances d’été. En consacrant autant de temps au jardinage, ils ne risquaient pas de perdre la main et cela devait arranger la rousse qui se lançait dans l’éducation. « Ca serait plus pratique en effet. » En tout cas, ça l’était si elle ne souhaitait pas rencontrer des élèves aussi insupportable que lui, qui avait le don de prouver au professeur qu’il était parfaitement inutile. Balthazar n’était pas forcément l’élève le plus turbulent ou mauvais, mais la plupart des enseignants de Poudlard n’en garderont pas un bon souvenir. Raison pour laquelle il écopait de pas mal d’heures de colle où il n’allait sans surprise jamais.

Daphné s’amusait de la remarque du blond, assurant qu’elle ne souhaitait pas passer pour une adulte tyrannique. Le gallois se doutait que c’était certainement plus pour faire de l’humour, étant donné qu’elle n’avait pas l’air du genre à se soucier de l’opinion des autres. « D’après Jude, ce sont les plus attirantes. » Une petite boutade qui discrédité encore plus l’asiatique aux yeux de la rousse, mais ça Balthazar s’en fichait parfaitement. Il fallait bien qu’avoir en ami Jude Lynch puisse au moins servir à faire de bonne blague. La jeune femme ironisa à son tour sur la condition de professeur et le bassiste ne pouvait qu’approuver. « Tellement. » On entendait un ton proche de la moquerie, prouvant bien qu’il ne portait pas forcément les professeurs dans son coeur.

Une fois le travail terminé sur la plante, il se leva et emboîta le pas à la rousse en direction du fameux filet du diable. Naturellement, ils se dirigèrent en direction d’une salle sombre un peu à l’écart histoire que n’importe qui puisse tomber dessus, ce qui pourrait d’ailleurs très mal finir. La jeune femme indiqua les mesures de sécurité avant d’entrer dans la pièce. « Ca ne m’arrive jamais ça. » Pour sûr, les gestes brusques et bruit criards n’étaient pas son point fort, peut être la raison de son talent en botanique -parce que oui, les plantes aiment le silence. Ses yeux s’habituèrent rapidement à la pénombre et se posèrent rapidement sur l’immense filet exotique et mouvant qui se trouvait derrière des barreaux. « Sublime. Je n’en avais jamais vu en vrai. » ll fallait dire que ce n’était pas le genre de plante qu’on installait chez soi, surtout qu’elle était interdite à la vente pour particulier depuis les grandes réformes du commerce exotique magique.

Comme souvent durant la période où elle avait partagé une salle commune et trop de cours avec lui, Jude brillait par l’ineptie de ses remarques machistes dignes de n’importe quel crétin sous stéroïdes. Il devait sûrement penser qu’à déblatérer des stéréotypes du genre Se taper une prof’ c’est le pied bro ou Celle-là est tellement vénèr, ça doit être dingue au lit, il s’attirerait une foule de groupies. Manque de chance, il arrachait davantage de rires et de consternation du côté de certaines filles – dont Daphné faisait partie avec une fierté évidente. « C’est du Lynch tout craché. » Elle ne comptait pas cracher sur le dos du meilleur ami de Balthazar, mais s’il lui tendait la perche, elle la saisissait sans complexe. Qui plus est la jeune femme n’avait jamais caché son ressentiment à l’égard de l’asiatique. « Et d’après toi, alors ? » Daphné n’avait pas non plus raté l’occasion de le prendre au dépourvu avec cette petite question piège à double-sens – question à laquelle elle n’exigeait ni n’attendait en réalité aucune réponse.

Ils s’étaient avancés vers la partie privée de la serre, la rousse dispensant quelques conseils de bon usage qui étaient un peu surprenants à répéter à quelqu’un comme le jeune Owen. La remarque ironique de Balthazar lui arracha d’ailleurs un sourire amusé et tandis qu’elle le laissait passer et refermait la porte sur eux, le gallois pouvait enfin profiter du privilège d’être un, sinon le premier élève à qui Daphné permettait d’outrepasser les règles des serres de Poudlard.

Face à la plante, plutôt impressionnante tant par sa taille que par la protection qui l’entourait et les empêchait formellement de la toucher, Balthazar se contenta de contempler la chose avec toute l’attention qu’elle méritait. Cette attitude satisfaisait la sang-pure qui ne regrettait pas d’avoir estimé avec justesse les aptitudes de son ami à reconnaître un spécimen rare et à savoir l’apprécier. Il finit même par briser le silence, sa remarque trouvant un écho d’approbation chez Daphné. « N’est-ce pas. » La jeune femme s’avança encore d’un pas jusqu’à se retrouver tout contre la grille, ne quittant pas une seule seconde des yeux le Filet qui s’agitait à peine, lentement. « Il est quasiment impossible d’en avoir une comme ça sans autorisation légale. » murmura la rousse tout bas, non sans laisser entendre la pointe d’envie qui sommeillait en elle. Elle aurait très certainement payé cher pour pouvoir la récupérer chez elle – la plante aurait fait un effet d’enfer dans le grand salon de la maison de Sherkan. « Elle a encore besoin d’être acclimatée. On aurait pu lui enlever sa cage mais … » Ses yeux bleus descendirent le long des lianes fleuries qui roulaient au sol avant de jeter un regard en direction du vert et argent. « Il y avait des risques, m’a-t-on dit. » Le petit sourire qui creusait ses fossettes avait ce charme du danger. Daphné donnait plus que jamais l’impression d’être ce genre de filles capable de passer outre la barrière du Filet pour le toucher, quitte à se retrouver étranglée – elle n’en avait jamais eu grand-chose à faire de la prudence.

Ses yeux et son corps s’écartèrent à regret de l’espace occupé par le végétal exotique et la jeune femme reprit en main le trousseau de clés qu’elle avait glissé dans sa poche. « Bref. » Continuant de parler tout bas afin de ne pas éveiller la mauvaise humeur du Filet, Daphné leva légèrement le menton pour tendre l’oreille : le bruit régulier de la bruine qui jusque là frappait les vitres du bâtiment avait cessé. « On dirait que la pluie s’est arrêtée. Je te raccompagne ? » proposa t-elle dans un chuchotis avec malice.