Sebastian tourne d'un geste presque mécanique les pages de son magazine de mode, regardant à peine les modèles qui se succèdent. Il est affalé sur le canapé de sa cousine, ses cheveux nouvellement roses lui tombant dans les yeux alors qu'il grimace parfois à la vue d'un nom ou d'un visage – il déteste le milieu de la mode désormais, il ne le dira jamais assez, et pourtant il s'acharne à se tenir au courant de tout ce qui se passe dans le cercle très fermé du mannequinat. Il relève les yeux pour les poser sur la plus jeune de la famille – sa cousine ne semble pas pouvoir rester en place, et elle trafique il ne sait quoi dans son appartement digne d'une revue de déco, appartement qui déteint clairement avec le sien.

— Ken, tu me fais un thé au lieu de courir partout ? Il s'accorde le droit de se moquer de la journaliste pour la simple raison qu'il n'est pas mieux – toujours en train de courir partout, souvent sous l'effet de cachets que n'importe quel médecin déconseillerait. Mais aujourd'hui, il s'accorde une pause en décuvant dans le salon de sa cousine, attendant patiemment que son mal de tête passe définitivement. C'est une horreur, il déteste ce genre de moment où chaque odeur semble l'agresser – y comprend sa crème contre les rougeurs à base de rose. Mon dieu, mais tu y crois ça ?, dit-il en se tournant sur le dos. C'est cette salope qui a été responsable du shooting de la semaine. J'en reviens pas. Une phrase aux airs de déjà vu, Kendra est mieux placée que personne pour savoir qu'il n'est pas passé à autre chose, même des années après son mariage. Il scrute chaque page à la recherche du nom du de son ex-femme pour se plaindre s'il le trouve.

Il soupire en balançant le magazine sur la table basse. Encore un qui finira sûrement à la poubelle – un pur gâchis, les pages brillantes devraient avoir une autre utilité qu'accueillir les délires de vieux fous persuadés d'avoir révolutionné le monde de la mode, et de mégères abusant gravement sur la laque pour créer des coiffures un peu trop extravagantes. Mais Sebastian ne se plaint pas – il sait qu'il le rachètera la semaine prochaine, et encore la suivante. Au diable ceux qui se moquent de lui – il le sait très bien, que ses employés rigolent derrière leurs bureaux, et il n'attend que la moindre petite erreur de leur part pour les virer sans ménagement.

— Bref, on s'en fout. Il prend la peine de s'asseoir, portant une seconde fois son attention sur sa cousine. Sinon, ta semaine ?, demande-t-il au bout de presque vingt minutes passées à squatter le salon en ne lui accordant rien d'autre que des commentaires sur un sujet qui doit être bien loin de la passionner.

« L'eau est en train de chauffer, Seb. Je peux pas faire plus vite, alors tu me laisses courir partout si je veux. » fait Kendra en rigolant. Elle ne se vexe pas de la remarque de son cousin – même si c'est clairement l’hôpital qui se fout de la charité, c'est peut-être pour ça qu'elle l'accepte si facilement.

Elle avale une gorgée de café avant de reposer la tasse dans l'évier, reprenant son va et vient entre le salon et la cuisine, écoutant d'une oreille distraite les plaintes de Sebastian. C'est toujours les mêmes phrases, toujours les mêmes choses, mais cela fait parti d'une routine à laquelle Kendra est bien trop habituée pour qu'elle ait quelque chose à redire.

« Incroyable. » commente-t-elle en attrapant une tasse pour son cousin dans le placard. « Tu sais ce que j'arrive toujours pas à croire ? Que tu continues à donner tes sous à ces magazines. En plus, ils s'empilent dans mon appart. » Elle revient dans le salon en déposant la tasse sur la table basse, attrapant le magazine abandonné. « Ce truc est au moins du niveau du Sorcière Hebdo. Et encore, je suis sûre que même le Sorcière Hebdo est quand même un peu mieux, c'est dire. » Kendra range rapidement la revue avec les autres, incapable de le laisser traîner plus de cinq minutes.

Finalement, elle se laisse tomber sur le canapé, poussant un peu Sebastian pour qu'il lui laisse de la place. Elle pousse un soupir en passant une main dans ses cheveux devenus longs – une longueur qu'elle n'avait pas eu depuis bien des années.

« Ma semaine ? Tu veux que je commence par quoi ? » Kendra s'enfonce contre le dossier du canapé. « Rien de bien fou, en fait. Je m'attends toujours à voir Dimitri débarquer à chaque instant, et je dois dire, ça ruine un peu mes journées mais je fais avec.» Elle désigne les cheveux de Seb. « Depuis quand tu as cette couleur de cheveux en fait ? Niveau virilité, tu vas finir par rivaliser avec Lichuan, tu le sais ça? »

Il lève les yeux au plafond face à la remarque de sa cousine – apercevant au passage que quelques-unes de ses mèches semblent mal coupées. Mais ce n'est pas le moment de faire une crise, ça peut clairement attendre son retour à son appartement le soir même. De toute façon, il a un jour annoncé qu'il ne se couperait plus jamais les cheveux chez Kendra. La journaliste est bien trop maniaque et il aurait du mal à lui faire croire que les fins cheveux roses appartiennent à quelqu'un d'autre que lui. Il lâche alors un soupire au lieu de répondre – il n'a aucune raison valable de le faire après tout, il sait qu'il finira par avoir son thé en face de lui.

— Tu peux pas comprendre, répond Sebastian lui-même peu convaincu. Il n'arrive pas après toutes ses années à se couper du milieu de la mode. Et même si pour toutes ces personnes sans intérêt, il n'est qu'un mannequin à la retraite qui a disparu de la circulation, il se doit d'être toujours informé – au cas où. Imagine qu'un jour, il se passe un truc monumental et que je rate l'info ? J'attends de pouvoir me venger. Les gens ignorent souvent s'il est sérieux en affirmant une chose pareille mais ceux qui ne connaissent assez n'en doutent pas une seconde. Il n'y a qu'à voir l'alliance qu'il porte encore parfois pour savoir que Sebastian a bien prévu de faire payer son ex-femme pour ce qu'elle lui a fait. Oh mais je t'arrête tout de suite. Je sais que tu détestes le Sorcière Hebdo mais je te rassure qu'à côté de Vogue, c'est presque un exemplaire du Times.

Il a légèrement conscience de ne pas rassurer sa cousine avec ce genre de discours mais Sebastian n'est plus à ça près – après tout, elle le supporte depuis assez longtemps pour savoir que quelque chose cloche dans ses goûts et intérêts. Il se rassure en se disant que la jeune journaliste fait partie sa famille – et suite à ça, elle n'essayera jamais de le mettre dehors sans raison, surtout qu'elle ne le fait déjà pas avec Lichuan.

— Ma pauvre. Seb grimace en attrapant sa tasse de thé brûlante. Tu comprends mon cauchemar. Voir Dimitri débarquer, c'est un peu l'horreur. Surtout que tu partages pas ton bureau avec son copain ?, demande-t-il pour faire mine de s'intéresser à la chose. La vie de Kendra l'intéresse, celle de l'abruti servant de ministre des sports magiques beaucoup moins.Alors, vu ta coupe de cheveux actuelle, je t'interdis de me faire la moindre réflexion. Sérieusement Ken, quelqu'un a tué ton coiffeur ou quoi ? Il a un petit sourire moqueur affiché sur le visage. Sinon, j'aime bien cette couleur. Je l'ai faite il y a quelques jours mais elle est pas mal, dit-il en passant une main dans ses cheveux légèrement courts. Et je suis loin de rivaliser avec le peu de virilité de Lichuan, merci.

Kendra lâche un soupir amusé devant l'insistance de Sebastian à se tenir au courant. Quoi qu'elle pourrait dire, rien ne pourrait le faire changer d'avis, Kendra l'avait compris depuis un bon moment, mais s'amusait néanmoins de cet acharnement. Elle grimace en entendant la comparaison. Élever Sorcière Hebdo au rang du Times, un honneur que ni le torchon, ni l'ensemble des journalistes qui le composaient, ne méritaient.

« Et tu oses quand même ouvrir cette chose malgré ça ? Tu baisses dans mon estime, là, Seb... » fait-elle avec un ton peiné un peu exagéré. « Tu penses qu'un truc monumental serait indiqué dans les pages de Vogue ? Si c'est si utile pour que tu puisses te venger, crois-moi, ça ne sera pas écrit à côté du dernier shooting. » ajoute-t-elle.

D'accord, c'est Kendra qui a lancé le sujet « Dimitri » - mais ça ne l'empêche pas de soupirer bruyamment. Jusqu'à présent, elle pouvait narguer Sebastian sur l'absence de Dimitri sur son lieu de travail, privilège qui lui était maintenant retirer. Un retour de karma un peu trop cruel aux yeux de l'androgyne, clairement.

« Si, si. Je crois que c'est le pire – pas de partager le bureau avec Hippolyte, évidemment, juste l'idée que Dimitri prenne un malin plaisir à débarquer dans le bureau quand bon lui semble... Enfin, parlons pas plus de Dimitri, je tiens pas à ce qu'on gâche la journée avec ça. » termine-t-elle, coupant court à la discussion sur le russe, le sujet capillaire semblant de loin beaucoup plus passionnant et bien moins prise de tête. « Arrête, j'essaye de laisser pousser mes cheveux pour laisser à mes deux cousins préférés une chance d'affirmer leur virilité. Je pense à vous, moi !» Elle rejette ses cheveux par dessus son épaule avec un rire et elle ébouriffe les cheveux roses de Sebastian. « Non, en vrai, elle est sympa comme couleur, elle te va bien. Mais j'insiste quand même, tu perds des points de virilité là, vraiment, tu veux à ce point ressembler à Lichuan ? » De la part de la jeune fille qui prenait Lichuan pour son modèle durant son enfance et adolescence, qui a, par le passé, de nombreuses fois piqué des vêtements audit Lichuan, la remarque est d'autant plus amusante. « Et toi, ta semaine alors ? Comment vont les choses au Ministère? » Elle ajoute avec un sourire. « Et je t'assure, c'est la cousine qui parle, pas la journaliste. Sauf si tu balances vraiment des choses intéressantes pour le reste du monde sorcier, bien sûr.  »

— Pas besoin d'en faire toute une histoire chaque semaine, lui dit-il en lâchant un petit soupir. Certaines choses ne changeront sûrement jamais dans ces moments qu'il a l'immense honneur de pouvoir passer avec sa cousine – on ne va pas se mentir, une Kendra qui ne part pas en courant au bout de dix minutes de conversation, c'est presque de la science-fiction. Il boit rapidement son thé brûlant – mais parfaitement infusé, un pur bonheur pour l'asiatique qui avait l'habitude à l'époque d'en boire avec sa mère.

Il lève les yeux au ciel – il a bien conscience que le monde politique est en ce moment bien trop lié au monde du journalisme. Ce qui poserait que moyennement problème en temps normal devient de plus gênant à cause de la situation au ministère. Et si Sebastian n'en dit rien, il espère que c'est aussi le cas de Dimitri – bien qu'il ait confiance en la personne du ministre des sports. Le russe est bien plus malin qu'il ne l'avouera jamais, contrairement au journaliste qui sert de collègue à Kendra – pour sortir avec le ministre le plus bizarre et instable du gouvernement, il faut être quand même un peu con.

— Tu as raison. Parlons pas de cet abruti parce que sérieusement, si je vois encore un pyjama à cupcakes roses, je vais faire un meurtre. Évidemment, le problème est loin d'être là. Ce qui gêne réellement Sebastian chez Dimitri, c'est toutes les conneries qui font à côté, et qui en disent long sur les affaires qu'il mène dans le monde moldu. Mais ça, il ne le dira pas à sa cousine – déjà parce qu'il tient à sa vie mais aussi par secret professionnel. Nous laisser une chance ? Dis plutôt que ta copine en avait marre de sortir avec un mec alors qu'elle est lesbienne, lui lance Sebastian avec un petit sourire moqueur. Il a conscience de pouvoir être blessant là, mais il se dit que Kendra doit en avoir l'habitude. Il lui lance un regard étonné face à sa remarque. Alors là, je t'arrête tout de suite madame Lichuan il est fort, j'aimerais trop être comme lui alors je le suis partout à Poudlard. Il continue à boire sa tasse de thé avec un petit sourire. Ma semaine ? J'ai acheté vos cadeaux de Noël. Je crois que tu vas me détester. Il sort son paquet pour s'allumer une cigarette. Elle va carrément le détester, ça c'est sûr.

QU'EST-CE QUE TU VAS FAIRE ?

J'espère que t'as lu ma réponse parce que je la refais pas, le poste il reste comme ça . ALLEZ BISOUS

Ben écoute, tant pis pour toi. Je te répondrai pas alors.

Ben ça te fait un rp en moins à faire, tu peux me dire MERCI  

NTM. .__.

Keur keur love doudou.

— C'est ça Ken, je meurs de jalousie, lance le ministre sur le ton de la plaisanterie. Lui jaloux de son cousin si peu viril ? Et puis quoi encore. Bien sûr, quand il était plus jeune, il ne supportait pas le fait que les deux autres enfants de la famille puissent se voir tous les jours alors que lui se retrouvait seul à l'autre bout du globe. Heureusement chaque année Noël venait les réunir et il oubliait momentanément sa peine. C'est peut-être pour ça que même à trente ans, les fêtes de fin d'année sont aussi sacrées. Moi aussi j'aurais aimé avoir la silhouette si féminine de notre Lichuan adoré. Il ne peut s'empêcher la réflexion supplémentaire – c'est trop simple de se moquer de son cousin, autant en profiter.

Il fait un petit sourire à sa cousine – le genre qui ne devrait pas la rassurer en soi. Comme chaque année, les trois cousins passent le réveillon chez la mère de la plus jeune. Ce n'est pas lui que ça gênera – la mère de Kendra est également sa figure maternelle vu qu'il vit loin de la sienne depuis plus de dix ans. Et si comme chaque mère asiatique, elle impose le respect chez les trois garnements dont elle doit s'occuper, ce n'est pas ça qui les empêche de faire des conneries. Et cette année, Kendra a décidé de changer la routine en invitant une personne extérieure à leur petit repas de famille. La journaliste leur a déjà annoncé que sa copine viendrait sûrement – ce qui a tout de suite provoqué une alliance entre les deux cousins. Ce que Sebastian peut affirmer sans difficulté, c'est que l'ancienne auror comprendra aisément le genre de blague qui se font régulièrement chez les Whitelaw-Austen-Chen.

— Tu verras. Tout ce que je peux te dire c'est que tu vas adorer, et ta princesse aussi. Sebastian rigole un peu – oui, Kendra va adorer la blague et lui sauter à la gorge pour le tuer, ça c'est sûr. Ils finiront peut-être même punis dans l'ancienne chambre de la journaliste à 20h du soir mais ce qu'il a trouvé avec Lichuan en vaut clairement le coup. Mais je peux rien te dire, même pour Lichuan. Ça casserait la surprise, et tu veux pas ça quand même ? Pense à l'esprit de Noël, dit-il en prenant un faux air outré.

Kendra ne pourra jamais le croire – il n'est pas la personne la plus folle des fêtes, des gens dans les magasins et la seule chose qui semble le mettre de bonne humeur à part le réveillon sont les soldes sur les produits de ses marques préférées. Il trouve ça cool – clairement – et juste pour ça, il accepte de faire les magasins pendant des heures, ou du moins c'est ce qu'il affirme bien que personne ne le croie.

— Putain, sérieusement, marmonne le ministre en regardant son téléphone. T'y crois ça toi, je dois passer au ministère. Urgence qu'ils disent. Ils peuvent pas se débrouiller sans moi ? Sebastian rechigne souvent, et ça bien qu'il n'ait aucun problème à aller travailler même un dimanche. Pour ça, il est comme sa cousine, ce qui facilite beaucoup les choses entre eux. Il termine cul sec son thé devenu tiède avant de faire un bisou sur la joue de Kendra. Je repasse ce soir, ou demain. Ça dépend. Je te jure que si j'apprends que c'est la faute de Dimitri, je le tue. Le plus âgé lance un soupir avant d'attraper son manteau et son écharpe. Passe le bonjour à tata pour moi, dit-il avant de transplaner en lui faisant un signe de la main.

Kendra rigole un peu, le nez dans son café, même si elle sait que tout ça ne présage rien de bien bon : elle connaît assez bien Seb, et même Lichuan, pour se douter que quelque chose se trame, et probablement à ses dépens. Quelle idée d’inviter Joy à rencontrer sa famille ! Kendra allait sûrement regretter d’avoir voulu changer ses habitudes si bien ancrées, mais surtout de l’avoir annoncer à l’avance au reste de la famille. Merlin sait ce qu’il avait bien pu trouver…  

« J’en ai presque peur. Je dirais juste une chose : interdiction de faire fuir Joy avec vos cadeaux. Interdiction de faire fuir Joy tout court, d’ailleurs, merci. » La dernière chose qu’elle veut, c’est clairement de voir Joy la quitter après avoir rencontré sa famille de barge. « L’esprit de Noël, l’esprit de Noël... Il t’arrange bien, cet esprit de Noël tiens. » fait-elle, prenant une nouvelle gorgée de café brûlant. Il allait falloir qu’elle trouve des cadeaux à la hauteur – tout ça en ayant aucune idée du petit jeu de ses cousins. Un défi difficile, mais que Kendra accepte intérieurement de relever.

Elle termine sa deuxième tasse de café au moment où le portable de son cousin vibre – signe que leur petit rendez-vous hebdomadaire. Si Lichuan et Kendra partagent des points communs, Kendra et Sebastian ne sont pas en reste : sur le travail, ils se ressemblent sûrement plus que ce qu’elle pense. D’ailleurs, c’est à la manière de Kendra qu’il prend congé : comme un coup de vent, laissant à peine le temps à Kendra d’articuler autre chose qu’un okay, salut ! et un sourire alors qu’il se plaint de Dimitri.

Heureusement certaines choses ne changent pas, se dit Kendra en retournant à une nouvelle tasse de café, à ses brouillons et occupations