L’avantage des derniers groupes à passer dans la soirée, c’était que c’était plus posé et qu’on pouvait profiter de la musique plus calmement à condition de choisir la bonne scène. Un peu fatigué par la journée qui avait commencé très tôt -puisqu’ils étaient partie le matin même de Londres, Benjamin était bien heureux de pouvoir s’asseoir un instant tout en écoutant un artiste qu’il aimait beaucoup. La journée avait été plutôt sympathique et ils avaient eu le plaisir de voir de très bons groupes avec une ambiance toujours aussi exceptionnelle. D’habitude, il venait ici avec Tommy ou Lee, mais comme aucun d’eux n’étaient disponibles, il avait proposé à la dernière recrue, se disant que cela pourrait lui plaire, surtout qu’avec son statut social, elle n’avait pas dû en voir beaucoup. Tout se passait plutôt bien, même si l’anglais ne savait souvent pas trop quoi dire, mais comme la musique comblait les vides ça ne se ressentait pas trop. « Du coup, c’est le dernier concert, après on fait un tour et on va dormir. » Même s’il rêvait déjà de son lit, il trouvait ça normal de lui faire visiter un peu l’immense site, à commencer par la grande roue qui surplombait toute la vallée. Surtout que c’était sur le chemin de la tente qu’ils avaient planté le matin même.

Fixant la scène en chantonnant légèrement, il tourna la tête en direction de la blonde. Il ne la connaissait pas beaucoup, mais la trouvait plutôt sympathique, si bien qu’il était plutôt content de lui avoir proposé à elle plutôt qu’à Ernie Mcmillan. « Ca te plait ? C’est Travis. Plus calme que ce qu’on a écouté avant, mais cool quand même je trouve. » Un rapide sourire avant d’ouvrir son sac à dos qui se prélassait tranquillement sur l’herbe. Il attrapa un plaid et le donna à Astoria, puis des crayons fluorescent qu’il avait eu par son cousin pour son anniversaire. « Tu connais ? » Comme toujours, il parlait avec un ton monotone, même s’il se voulait le plus sympathique possible. « C’est pour mettre sur le corps et après ça se voit avec les lumières et tout. » Pour une raison qui lui échappe, il avait toujours aimé se mettre de la peinture sur le visage ou même sur le corps, et comme c’était courant dans les festivals, il se plaisait à faire des trucs de plus en plus stylés.

Astoria contemple ce qu'elle a sous les yeux – cette scène où s'active ce groupe vraiment sympa, cette étendue d'herbe où dansent encore certaines personnes profitant comme eux des derniers moments de la journée. Assise en tailleur, l'anglaise joue machinalement avec les lanières de son sac. Elle n'aurait jamais quelque chose d'aussi grand quand Benjamin lui a proposé de l'accompagner à ce festival, remplaçant Tommy qui a malheureusement eu un empêchement. Évidemment, elle n'a pas hésité une seule seconde – contrairement à ce que certains iraient penser, c'est uniquement pour la musique, elle se fiche pas mal d'avoir l'occasion de passer du temps avec son collègue de boulot. La blonde s'est rendue compte au début de sa scolarité à l'université qu'elle adorait les concerts – un brin curieuse, elle avait décidé de se rendre seule à un qui se trouvait dans un bar moldu. L'expérience était à ses yeux tellement concluantes qu'elle a renouvelé l'expérience à plusieurs reprises, si bien qu'elle en a vu plusieurs petits en l'espace de quelques mois. Mais là, les choses sont totalement différentes – l'événement est bien plus énorme, tout est démesuré et ce n'est vraiment pas comparable. La voix de Benjamin l'a ramène un peu à la réalité. Elle tourne la tête vers son collègue, lui adressant au passage un petit sourire. La présence d'une personne à ses côtés la change et même si elle ne l'avouera jamais, elle trouve ça très agréable. Après des mois seule, ça fait du bien de se retrouver avec quelqu'un pour partager des moments – et heureusement, le brun n'est clairement pas la personne la plus bavarde qu'elle connaisse, et elle n'a pas eu à se forcer à formuler des réponses toutes les deux secondes, la musique venant largement combler les pauses dans la conversation.

— D'accord. C'était vraiment cool en tout cas, merci, dit-elle calmement. Sans lui, elle n'aurait sûrement jamais fait de festival avant de se trouver des amis, choses qui ne semble définitivement pas prêt d'arriver vu comment elle a du mal à faire confiance aux gens. La blonde ne supporte définitivement plus les histoires – toutes ces complications stupides qui rendent chaque chose particulièrement difficiles – et entend bien ne plus se prendre la tête le plus longtemps possible. Ouais, c'est super sympa comme groupe, je connaissais pas. Même si Astoria fait tout pour combler son retard sur le point musical, elle est encore loin d'être aussi calé que le brun dont elle adore les playlists. Elle attrape le plaid qu'il lui tend avec un petit sourire, observant intriguée les crayons qu'il sort de son sac. Pas du tout. Son habituel ton calme laisse clairement ressortir sa curiosité vis à vis des crayons fluorescents – elle n'a aucune honte à avouer qu'elle ne connaît pas, après tout en étant passé par Serpentards, Benjamin doit connaître mieux que personne l'ignorance de nés-moldus sur ce genre d'objets. Ça fait de la vraie lumière ? Ça doit être super stylé.

La musique apaisait les moeurs et surtout les problèmes. Lors des festivals, il oubliait presque complètement sa vie ou du moins, prenait un peu de recul sur les événements sinistre qu’il gardait pour lui. D’une certaine manière, c’était un peu son Saint-Jacques de Compostel à lui, son lieu de pèlerinage obligatoire pour ne pas devenir complètement dingue. La plupart du temps, il s’arrangeait pour ne pas y être seul, sûrement dans l’espoir de garder un semblant de vie sociale. Cette fois, ce n’était pas Tommy qu’il avait embarqué dans sa valise, mais la blonde et même s’il essayait de se comporter normalement, il restait tout de même très calme et discret. « Euh, de rien ? » Ce n’était peut-être pas vraiment un cadeau de venir ici avec lui, après tout elle s’amuserait sûrement vingt fois plus avec ses amis. Seulement, il était quand même content de voir qu’elle avait passé un bon week-end.

Le groupe semblait lui plaire, ce qui permettait encore une fois à Benjamin de cerner mieux ses goûts musicaux pour lui conseiller des trucs. « L’album est à la radio si tu veux. » Le brun connaissait l’inventaire entier de la radio et pouvait parfaitement dire ce qui s’y trouvait et ce qui n’y était pas encore, un détail très pratique, si bien que la plupart des autres animateurs lui envoyait régulièrement des sms avant d’aller chercher dans les rayons.

Les crayons avaient au moins le mérite d’attiser la curiosité de l’anglaise, tandis qu’il les lui montrait. Comme elle semblait plutôt trouver ça cool, il décida de s’en servir comme modèle, ce qui était bien plus pratique que sur lui-même. « Viens, je vais t’en mettre alors. » Il s’approcha d’elle, et déboucha un des crayons pour commencer son dessin du genre aztèque en se concentrant le plus possible, histoire de ne pas se rater sur le visage de sa collègue et peut-être amie.

Elle esquisse un petit sourire. Le Benjamin qu'elle a découvert en venant travailler à la radio du campus est en tout point du différent de celui qu'elle a connu à Poudlard. Le garçon populaire a laissé place à quelqu'un de très souvent seul, peu souriant, et qui ne semble heureux que lorsqu'il fait son émission. Il porte mieux que personne son surnom, et il ne lui a fallu que quelques heures pour comprendre pourquoi tout le monde le surnommait Zombie. Alors bien sûr, Tommy a refusé de lui expliquer ce qu'il s'était passé quand elle a abordé la conversation, et Astoria n'a pas insisté. Elle comprend qu'on ait envie de garder ses secrets, elle est d'ailleurs bien placé le savoir. Mais aujourd'hui, l'anglaise découvre un troisième Benjamin. Elle se doute qu'il fait des efforts pour lui faire passer un bon week-end pour ce premier festival et elle le remercie grandement pour ça – sans parler que le garçon a l'air plus détendu, beaucoup plus à sa place ici qu'à Londres.

— D'accord, je retiens, dit-elle avec un petit sourire reconnaissant. Astoria a presque passé un an seule avant d'intégrer la radio et elle est vraiment heureuse d'y avoir rencontré des gens avec qui elle peut discuter. Sans pour autant parler d'amis, elle a désormais l'occasion de boire un verre de temps en temps avec des personnes sympathiques, et de faire de petites soirées dans les locaux. Ça pourrait ne pas paraître grand-chose mais pour la blonde c'est déjà immense – ça lui permet d'interagir avec quelqu'un d'autre que son chat qui, de toute façon, la snob les trois quarts du temps. Toujours intriguée par les crayons qu'il lui avait montré, Astoria ne les lâche pas des yeux alors que le brun propose de lui en mettre. Elle hoche la tête, le laissant s'approcher. D'accord, si tu veux. Sans réellement pouvoir expliquer pourquoi, elle fait confiance à son collègue pour ça. De toute façon, ce qu'il fera n'aura pas la moindre importance, vu qu'elle tient vraiment à voir comment fonctionne ces crayons – et puis, elle ne voit pas pourquoi il s'amuserait à lui dessiner des choses obscènes sur la figure alors qu'il s'est montré gentil toute la journée. Elle attend patiemment, regardant un peu amusé le visage concentré du brun. Je pensais pas que j'aurais l'occasion de te voir aussi concentré un samedi soir. Elle ne le dit pas méchamment, bien au contraire, c'est une simple constatation alors qu'elle sourit légèrement au garçon.

Si la musique plaisait à Astoria, cela prouvait au moins une chose, que Benjamin était assez doué pour cibler et comprendre les goûts des gens. Pour lui, la musique allait de paire avec la personnalité et on pouvait autant apprendre à connaître quelqu’un par la musique qu’il écoute que connaître la musique qu’il écoute en discutant avec lui. D’après lui, il existait certaines choses qu’on ne pouvait pas cacher ou changer, parce qu’elles étaient dans la continuité de l’âme. Dans son cas, la musique se trouvait être un sorte de refuge personnel où personne ne pouvait l’envahir et où il n’était plus vraiment Benjamin Eddington. Lors de festivals de musique, il lâchait légèrement prise, s’autorisant à penser à autre chose pour quelques temps, comme pour se ressourcer un peu avant de repartir pour une année complète. Les années passaient et il en était toujours au même point ce qui inquiétait sa tante, son cousin, ainsi que Tommy et Hannah. Benjamin ne savait juste pas comment faire face, si bien qu’il se cachait derrière une pseudonyme et un silence notoire. Pourtant, fut un temps, c’était un jeune homme dynamique et drôle, qui adorait passer du temps en compagnie de ses amis.


Bien qu’il ne se souvenait pas réellement lui avoir réellement déjà parlé avant, il se doutait bien que Astoria avait encore l’image du Ben d’avant en tête et il appréciait le fait qu’elle ne lui pose pas une tonne de questions. Elle avait accepté ce qu’il était devenu, ce qui était bien plus simple à vivre. Quand elle accepta de se faire dessiner dessus, un léger sourire se dessina sur le visage du garçon qui s’empressa de commencer son oeuvre. Concentré comme jamais, il tentait comme à chaque fois quelque chose de plus compliqué, histoire toujours s’améliorer. « Je suis pleins de surprises. » Un vague sourire avant de terminer sa composition et de sortir un petit miroir de poche et de lui montrer le truc non pas satisfait. « Alors ? Tu en penses quoi ? » Astoria n’avait sûrement jamais dû voir quelque chose dans le genre et il était curieux de savoir ce qu’elle en pensait. C’était la première fois qu’il sympathisait réellement avec une nouvelle personne, alors autant qu’ils partagent des points commun. « Tu veux faire ? »

Astoria esquisse un petit sourire suite à la blague de son collègue. Il n'en faut pas beaucoup pour la jeune fille – pas besoin d'en faire des caisses, des remarques trop gamines ou trop lourdes de sens pour l'amuser. Au final, pour ses remarques, Astoria trouve Benjamin bien plus intéressant que beaucoup de personnes qu'elle fréquente à cause de l'université – des personnes qui lui adressent la parole en cours pour se faire bien voir par une grande famille mais qui n'ose rien dire à chaque jour qu'elle leur lance une remarque un peu trop dure, preuve qu'elle n'a aucune envie de sympathiser plus que ça avec eux. La blonde est très bien seule – du moins, c'est ce qu'elle essaye de se faire croire. Mais le plaisir qu'elle prend à être ce jour-là dans un festival en compagnie du brun lui prouve qu'elle se ment à elle-même – c'est la première fois depuis plus d'un an qu'elle passe autant de temps en compagnie de quelqu'un d'autre que sa grande sœur et c'est plus qu'agréable. De mauvaises langues pourraient penser qu'elle profite juste parce qu'il s'agit d'un garçon qu'elle a clairement idéalisé quand elle était jeune mais le Benjamin d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui qu'elle a connu – chose qu'elle ne se permettra pas de juger.

— Je vois ça. Elle a un petit sourire amusée alors qu'elle attrape le miroir que lui tend le garçon pour regarder ce qu'il a fait de son visage. En soit, Astoria se fiche pas mal du résultat tant qu'il n'a pas poussé la connerie à lui dessiner des choses obscènes sur la figure. Elle veut juste voir le résultat, ce que donnent ces fameux stylos capables de faire de la lumière dans la nuit. Wouah, mais c'est grave cool en fait ! Elle n'aurait jamais pensé qu'une chose pareille pourrait exister et trouve immédiatement qu'il doit s'agir d'une des meilleures inventions du monde moldus. En plus, tu gères pas mal mine de rien. Elle lui sourit franchement avant d'attraper le feutre qu'il lui tend. Astoria n'a jamais dessiné sur quelqu'un mais passe sa vie à le faire dans les marges de ces carnet – ce ne doit pas être si compliqué de changer de support. Je veux bien essayer, dit-elle avant d'approcher la pointe du visage du brun. Elle réfléchit quelques instants avant de commencer à faire quelque chose qu'elle pense pouvoir plaire à son collègue en fonction de ce qu'elle a vu aujourd'hui.