La brune déboula en trombe dans l’infirmerie, cheveux dans les yeux et joues rouges écarlates. « Qu’ess’qu’y aaaaa ? » Jude sur les talons, elle bondit et cria à plein poumons en voyant le Serpentard étendu et sommeillant comme la Belle au Bois dormant, oubliant toute consigne de silence et de calme dans l’infirmerie. « BALTH ! »

Ils avaient fait au plus vite après avoir reçu la missive de la rousse. Les deux idiots de service de la bande ignoraient tout de ce qui s’était passé mais quand quelque chose n’allait pas pour l’un d’entre eux, ils accourraient toujours au triple galop. Ce fut après s’être inquiétée pour Owen qu’Hazel regarda enfin Elliot, dont la chevelure d’un noir d’encre la fit frémir de peur. « Elliot, tes cheveux … » eut-elle juste le temps de murmurer avant que son amie ne se jette dans ses bras – réaction bien trop anormale pour que la rouge et or n’en soit pas encore plus alarmée. Elle sanglotait, et cela faisait bien trop mal au cœur de la brune qui tenta de l’apaiser comme elle put en l’étreignant doucement. « Calme-toi, c’est rien, c’est rien, ça va aller. »

L’adolescente écouta sa camarade se confier, décryptant sans aucune peine ses balbutiements. C’était clair comme de l’eau de roche, Elliot avait enfin osé faire le premier pas. Une nouvelle qui éclaira un instant le regard d’Hazel d’une lueur de fierté. « Tu lui as dit ? » Plus que ça, lui avouait-elle : ils s’étaient embrassés. Son cœur battait la chamade. Le début d’une nouvelle idylle ? « Oh ! » La suite doucha ses espoirs : Balthazar, fidèle à lui-même … était tombé dans les pommes. « Oh. » Le genre de réponses auxquelles on ne s’attend pas après avoir osé dire « je t’aime », et surtout pas après un premier baiser.

Hazel, injustement, se surprit à en vouloir à Balth. Il avait tout gâché, cet imbécile, il ne savait vraiment pas ce qu’il perdait à jouer les handicapés sentimentaux ! Sa mémoire la reprit violemment et lui rappela qu’Owen n’avait jamais été un modèle de sociabilité. Il était même honteux d’être nul dans ce domaine, et sa conscience lui rappelait, la culpabilisant, qu’il avait eu du mal à lui avouer et à se confier à elle. Elle ne pouvait pas reprocher à son ami l’état dans lequel était Elliot – mais c’était dur de ne pas le faire. « Dis pas n’importe quoi. On parle de Balthazar Owen. Je suis sûre que cet andouille a fait un choc cardiaque juste parce qu’il s’imaginait jamais se faire embrasser un jour par Elliot Panabaker … » voulut plaisanter la brune avant de se reprendre, en panique, craignant que la rousse n’interprète mal ses mots. « Il va pas mourir, t’inquiète ! Il va se réveiller. Et puis au pire Jude le réveillera avec des claques. »

Qu’Elliot ait pu réussir un sortilège, même impardonnable, cela ne changeait rien. Hazel était contrariée, et bien qu’elle ait beau tenter de ne rien reprocher ni à l’un ni à l’autre, cet immobilisme de la part de deux de ses meilleurs amis la rendait à moitié neurasthénique. On ne pouvait pas accepter une telle situation et aller jusqu’à trouver des excuses à un type qui venait de fuir une situation cruciale de la manière la plus lâche possible – même si c’était son corps qui avait décidé de le trahir, et même si au fond cette pseudo-histoire entre la rouquine et l’éternel solitaire de Serpentard ne la regardait techniquement pas. Trop tard, ils étaient tous dans le Genius Crew, et ce groupe-là ne prônait plus le respect de la vie privée depuis qu’ils s’étaient considérés comme membres de la même famille soudée.

Alors tandis que la rousse prétendait vouloir le laisser se reposer et filer en douce, la Gryffondor retint son amie par le bras et haussa la voix. « Non non non, moi je m’en vais pas. Toi non plus d’ailleurs ! » C’est bien trop facile, gargouilla une petite voix dans sa tête, celle-là même qui ne s’était pas beaucoup exprimée à l’époque où elle était sortie avec Zahari ; la raison. La jeune fille s’approcha de l’alité et l’observa d’un œil très attentif – comme si elle cherchait à savoir s’il était vraiment malade et dans quelle limite de l’acceptable elle pouvait le faire mariner. « Arrête de faire le bébé, Balthazar Grayson Owen. » rouspéta t-elle tout à coup avec une certaine rudesse dans la voix tandis qu’elle tirait brusquement la couette que le Serpentard s’obstinait à utiliser comme bouclier pour voir sa tête déconfite. « Pourquoi t’es tombé dans les pommes ? »

La question avait été posée, brute de décoffrage, et elle avait soufflé jusqu’au côté léger et cocasse de la situation. Pour une fois qu’Hazel jouait à la rabat-joie … C’était même surprenant, mais à vrai dire le bien-être d’Elliot lui tenait trop à cœur pour qu’elle laisse cette honteuse mésaventure ruiner sa confiance en elle. « Et pas de mensonges. On s’est tous inquiétés à cause de toi. Alors t’as au moins intérêt à dire la vérité. » Pour éviter qu’il ne se vexe ou ne se ferme comme un enfant, la brune rajouta, faussement menaçante. « Avec un peu de chance, ni Jude ni moi on te frappera. »

Le Serpentard se rebella, décidé à ne pas laisser ni son bro ni la rouge et or lui faire la morale. Pourtant Merlin savait qu’il la méritait. Hazel n’avait pas spécialement envie de se disputer avec le blondinet même si elle réprouvait fortement tout ce qu’elle entendait et que ça lui donnait plutôt envie de le secouer comme un prunier pour qu’il comprenne à quel point il était égocentrique sur ce coup-ci, mais la jeune fille se contint et marmonna. « C’est pas très gentil ça Balth’, mais je vais mettre ça sur le, euh, contrecoup du malaise. »

Quelques secondes après son énervement et les insultes qu’il avait pu balancer par vexation, la silhouette du frêle vert et argent était engloutie par sa couette. « Balthazar ? » appela timidement la brune en tapotant l’édredon. Aucune réponse. Il avait choisi de faire le sourd-muet-aveugle, soit.

La jeune fille n’arrivait plus à deviner comment agir, quoi dire, quoi faire. C’était beaucoup trop compliqué, surtout pour quelqu’un comme elle. « Bon. Le principal c’est que t’ailles bien. » acheva t-elle sans trop être certaine que baisser les bras était une bonne idée – surtout vis-à-vis d’Elliot qui en avait pris un sacré coup au moral et au cœur. D’ailleurs son amie s’en allait, ce qui achevait de miner le moral d’Hazel. La porte se referma sur la rouquine dans un silence de mort. La brune allait pour se lever, la mine un peu en berne. « Alors on va te laisser tranquille et puis … Et puis non mais y en a marre. » Ses mouvements se figèrent, elle retourna à côté de Balthazar caché sous son duvet, poings serrés sur les hanches. « Moi j’ai pas été honnête quand il y a eu cette histoire débile avec Zahari et je m’en voudrais toute ma vie pour ça, alors maintenant c’est fini on arrête les cachotteries. Je vais te dire ce que je pense maintenant que je sais que tu vas bien : t’es vraiment trop bête. Pas de tomber dans les pommes, non, mais de faire ça à Elliot ! Franchement pourquoi vous vous prenez la tête là, vous compliquez tout alors que bon ça va vous vous êtes embrassés à Noël et ça s’voyait que ça vous plaisait tous les deux alors moi je sais pas mais faites quelque chose bordel de crotte ! »

Un silence gênant, presque plombant accueillit cet emportement brusque et inattendu. Hazel avait parlé comme d’habitude avec son cœur et sans tourner sept fois sa langue dans sa bouche, mais elle ne regrettait pas ce qu’elle avait dit. Cette histoire de Panabaker et d’Owen qui n’arrivaient pas à faire trois pas ou à dire deux mots pour se rapprocher, ça la rendait dingue. Ils étaient tous les deux terriblement lents à la détente. « Désolée. Désolée mais fallait que ça sorte. » Elle souffla un bon coup, comme soulagée d’avoir libéré sa conscience d’un poids sans spécialement se soucier du trouble qu’elle pouvait causer, et regarda son asiatique de meilleur ami. « Jude ? T’as un truc à rajouter ? Parce que sinon moi je m’en vais, j’ai eu assez d’émotions pour la journée là. »