Cachée derrière une voiture, ses lunettes de soleil lui masquant une partie du visage, Mélusine s'imagine déjà dans le rôle d'une James Bond girls un peu trop rétro en pleine mission d'espionnage. Elle était tranquillement en train de faire son shopping hebdomadaire – ce qu'on devine facilement en voyant les nombreux sacs de courses qui s'accumulent à ses poignets – quand son radar spécial affaire de famille s'est déclenché. Un peu plus loin dans la rue, son cousin – Maximilien, le plus naïf et moche des trois – en compagnie d'une fille. Maximilien avec une fille. Dans la tête de la blonde, cela correspond au moins à une alerte niveau sept, surtout qu'il ne lui faut pas plus d'une seconde pour reconnaître l'identité de la jeune brune l'accompagnant. Ce grand dadais est parti boire un verre avec son ex petite amie – une initiative que la plus âgée ne peut qu'approuver. À la rupture, elle lui a directement fait remarquer qu'il ne trouverait sûrement pas de copine avant longtemps, et qu'elle avait accessoirement commencé à imaginer le thème de leur futur mariage. À ça, on lui a comme toujours fait remarquer qu'elle allait peut-être un peu trop vite en besogne – chose que la galloise ne comprend définitivement pas. Toujours derrière la voiture, elle envoie promener le propriétaire de celle-ci qui s'impatiente de pouvoir démarrer – il ne semble pas comprendre, il s'agit de Maximilien avec une fille. Celle-ci finit enfin par s'éloigner en trottinette et la blonde jaillit hors de sa cachette, au risque de faire sursauter le plus jeune.

— Alors comme ça on cache des trucs à sa cousine préférée ?, demande-t-elle à la seconde où elle arrive devant lui, un grand sourire qui ne présage rien de bon aux lèvres. Maximilien la connaît assez pour savoir que sa fin d'après-midi est officiellement foutu – personne n'échappe à Mélusine Owen quand celle-ci a décidé de se mêler de la situation, et surtout pas lui. Max, Max, Max. C'était Rose, hein ? J'ai tout vu. Tout. Elle n'a pas la moindre honte à s'être caché en pleine rue pour espionner un membre de sa famille, et ce n'est sûrement plus un secret pour l'étudiant. Je suis tellement heureuse pour toi. Je veux dire, tu aurais pu trouver mieux. Quoique, peut-être pas. Mais c'est pas ça l'important. Et là, toute personne connaissant un peu la galloise pourrait s'attendre à son grand speech habituel, reprenant l'un des plus gros succès d'un groupe qu'elle considère comme les prophètes de sa plus grande religion – all you need is love. Tu l'aimes, ça crève les yeux, lâche-t-elle avant de lui faire un rapide câlin, en profitant pour lui foutre ses différents sacs dans les mains. Je suis tellement heureuse que tu aies enfin trouvé l'amour. Et de la part d'une fille tombant amoureuse au moins trois fois par an, elle pense savoir de quoi elle parle. Tu vas me raconter tout ça en m'accompagnant faire les boutiques. Il me reste qu'un magasin. Elle lui attrape le bras, sans prendre une seule seconde en compte les plaintes de celui-ci, pour le tirer vers un magasin de robe de mariée où elle entre avec un naturel qui n'annonce rien de bon.

« Allez, bye Rose. » fait-il à la jeune fille en lui faisant un petit geste de main. Celle-ci finit par s’éloigner en trottinette et Max pousse un léger soupir en enfonçant ses mains au fond de ses poches. Il apprécie beaucoup Rose – même si c’est son ex et qu’elle est parfois un peu bizarre dans ses réactions, passer du temps avec elle autour d’un verre est quand bien même agréable. Mais retrouver sa liberté d’aller se poser chez lui sur son canapé, avec sa colocataire est encore plus tentant (surtout qu’il avait quitté son chez lui à contrecœur). Mais ça, c’était sans compter l’intervention d’une blonde, bien décidé à ne pas laisser à Max une seule seconde de répit.

Plantée devant lui, sa chère cousine a un grand sourire qui ne prévoit rien de bon et le jeune Owen ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel, désespéré. Il n’a aucune chance de se débarrasser d’elle et rentrer chez lui, et ne voit qu’une solution, donc : répondre à ses questions, la suivre, et attendre que le moment passe. « J’te cache rien, j’avais rien à te dire d’important à te dire ? » grogne-t-il. Il aime beaucoup sa cousine – mais parfois, elle a tendance à l’agacer quand elle est comme ça. « Tu as tout vu ? T’as absolument rien vu puisqu’il y avait rien à voir du tout ! » Commence-t-il à s’agacer un peu. La seule chose que Mélusine aurait pu voir était quand il l’avait embrassé sur le front : mais c’est sans importance, sans réelle signification. « Mais calme-toi, Mélusine, il se passe rien du tout, on est que potes elle et moi, tu sais ? » Il manque de s’étouffer à la suite de la phrase de la blonde. « Pardon ? Mais tu délires ! Arrête de me prendre dans tes bras ! » S’exclame-t-il en essayant de s’extirper de l’étreinte de la jeune femme. Elle hallucine totalement, il n’est absolument plus amoureux de Rose – l’histoire remonte à un moment, il est passé à autre chose depuis le temps.

Sans vraiment l’écouter, elle l’embarque avec lui. Il soupire de manière bruyante. « Mélusine. Pourquoi tu m’emmènes dans un magasin de robes de mariée, exactement ? Quelqu’un va se marier ? » Il se demande ce qui peut bien lui passer par la tête – cela ne présage surement rien de bon. « Bon, je t’aime bien et tout, mais tu veux bien m’écouter deux secondes Mélusine ? Il faut que tu arrêtes de t’emporter comme ça, tu te fais des gros films. »

Comme d'habitude, Maximilien choisit de nier en bloc ce qui est aux yeux de sa cousine une évidence. Comment pourrait-il lui faire croire qu'il n'y a plus rien entre lui et son ancienne copine alors qu'il a vu ce bisous sur le front qui veut tout dire. La galloise connaît de toute façon assez bien son cousin pour savoir qu'il n'est pas du genre à accepter un rendez-vous avec quelqu'un qui ne lui plaît pas, sauf sous la contrainte – et comme Mélusine doute qu'une personne comme Rose ait les capacités de le menacer, il doit forcément avoir des sentiments pour elle. La scène est touchante, les mensonges et la naïveté du plus jeune font réagir la blonde qui ne peut s'empêcher de vouloir les aider. Après tout, l'amour doit triompher peu importe la situation.

— Ne me prend pas pour une idiote Max. J'ai eu ton âge avant toi. C'était d'ailleurs il y a exactement un an. Pour ça, on pourrait penser que sa cousine n'est pas bien placée pour le conseiller – ce qui est de toute façon vrai – mais personne n'ira par contre nier qu'elle n'a pas une expérience beaucoup plus importante en matière de relation. La seule relation de cet idiot fini qu'elle adore quand même se trouve être la fille sur qui il a toujours des vues, alors qu'elle les accumule parfois un peu trop. Je délire pas du tout. J'ai deux yeux et je m'en sers, c'est tout. Tu peux te mentir à toi-même mais pas à ta cousine préférée. Heureusement pour elle, personne ne pourra jamais lui voler cette place peu importe ce qu'elle fait subir au garçon – du moins, tant que Églantine sera un bébé, mais de toute façon Mélusine ne s'inquiète pas. Elle est persuadée que Max et elle ont un lien infaillible.

La boutique de robe de mariée est magnifique et chacune d'elles lui fait définitivement envie. Elle attend avec impatience le jour où elle pourra enfin en porter une pour de vrai – et peu importe si c'est avec Maël qu'elle doit se marier pour arriver à ce résultat. Ses sacs posés dans un coin, elle regarde une à une les robes à la recherche des modèles les plus rétros.

— Personne va se marier pour l'instant, dit-elle avec un soupir d'exaspération. Vu les derniers événements avec Henri, les choses n'allaient pas être faciles pendant quelques temps. Mais je viens voir les nouveautés. Tu comprends, ça peut être utile. Imagine, tu veux te marier. Ta copine aurait besoin d'aide, et là il te restera qu'à appeler super Mélusine à la rescousse. Parfois, elle se dit qu'elle devrait changer de métiers pour devenir organisatrice de mariage – mais heureusement, son métier lui plaît suffisamment pour qu'elle y reste. Je me fais pas de films. Elle pousse un nouveau soupir avant de se tourner vers lui avec un air étonnement sérieux. Tu sais elle fait quelle taille d'ailleurs ?

Quelques secondes – c'est le temps qu'il faut à Max avant de pousser un long soupir exaspéré. Il sait pertinemment que Mélusine n'est pas prête de lâcher l'affaire et qu'il vient de signer – contre son gré – pour un long moment en sa compagnie, probablement pénible. Il ne sait même pas pourquoi il prends la peine de nier ; sa cousine est tellement persuadée de son histoire que peu importe ce qu'il dira, ce n'est pas ce qu'elle comprendra. « T'es pas beaucoup plus âgée que moi, tu parles comme si tu avais trente ans. » bougonne-t-il faiblement, pas décidé à baisser les bras pour autant et tenter de la faire abandonner. « Tu vois que ce que tu veux, surtout, et après tu te fais des histoires... » continue-t-il, même pas sûr que la blonde ne l'écoute.

De toute façon, Mélusine est partie si loin qu'il ne reste plus qu'à la suivre et espérer qu'elle finisse par s'épuiser toute seule – et avant lui. Rien n'est moins sûr. Maximilien observe des yeux la boutique remplie de robes allant de la plus simple robe de mariée à la plus extravagante, traînant des pieds jusqu'à trouver le siège le plus proche. Il s'assoit, les mains enfoncées dans ses poches. « C'est pas ma copine. » répète-t-il mollement. « Et j'ai pas l'intention de me marier avant un moment. » C'est surtout dû au fait qu'il n'a actuellement pas de copine, mais aussi qu'il ne veux laisser aucune place à l'imagination de sa cousine. Un mot de travers et Mélusine est capable de s'imaginer n'importe quoi. « J'te dis que si. Rose est pas ma copine.» Il fronce les sourcils et hausse les épaules avant de répondre.. « Sa taille ? Je sais pas, un mètre quarante-cinq à tout casser.. Pourquoi tu me demandes ça ? » L'air sérieux de la blonde l'inquiète assez pour le faire quitter son siège et s'approcher de Mélusine. « Je sais pas ce que tu es en train de penser, mais je tiens à te dire que je suis probablement pas d'accord. » dit-il directement, avant même de savoir quoi que ce soit. La connaissant, il ne veux sûrement pas savoir ce qu'elle manigance.

Mélusine lève les yeux au ciel. Si Maximilien pense tenir un scoop en lui faisant remarquer qu'elle agit comme une femme ayant passé les trentaines, il se trompe royalement. Quand il s'agit de relations de couple, tout le monde s'accorde à dire que la galloise est bien trop mature pour son âge – pas dans le bon sens du terme à l'évidence. Elle se voit déjà mariée, terminant son congé maternité avant de confier l'enfant à la nourrice pour repartir travailler – peu importe l'impression qu'elle donne en s'habillant comme les femmes des années 50, elle tient à rester indépendante ce qui ne sera pas très difficile vu son compte en banque. Alors c'est plutôt évident qu'elle parle comme ça à son cousin, alors qu'ils ont à peine un an de différence – chose qu'elle ne se permettrait pas avec Gaspard qui l'a vu dans des situations bien honteuses à sortir des toilettes avec un garçon au Deus, preuve qu'elle reste après tout une simple gamine de vingt-deux ans. Elle ignore ce qu'il dit, lui adressant uniquement un signe de la main pour lui faire comprendre qu'elle se fiche bien de son avis et de ses mensonges – Mélusine est une cousine adorable, personne n'a le droit d'en douter.

— Écoute, si tu es incapable de penser à ton propre mariage, rassure toi. Ta super cousine est là pour ça. Ce que personne ne sait – et surtout pas le principal concerné – c'est qu'elle a déjà trouvé le costume parfait pour Maël, dans le cas où il serait son témoin mais aussi celui au cas où ils finissent par se marier. Elle peut facilement refaire la même chose pour son cousin et son adorable naine de copine. Quoi ? Elle est si petite, t'es sûre ? La blonde regarde son cousin horrifié, un peu comme s'il venait de lui annoncer la destruction immédiate du Pays de Galles – son sens des priorités a toujours été un peu particulier, et personne n'ira le nier. Mais c'est horrible. Un mètre quarante cinq, c'est la taille enfant. Bien sûr, la robe que porterait Rose serait faite sur mesure, mais c'est toujours bien de pouvoir en essayer pour avoir des modèles – là ça serait plus compliquée. Il faudra aussi qu'elle porte des talons très haut pour ne pas avoir l'air stupide à côté de Maximilien. Oh, mais je pense à rien. Je prévois c'est tout. Elle se tourne vers lui et le regarde un peu sérieusement, un sourire aux lèvres. Ne t'inquiète pas Max. Je vais tout organiser pour toi. Elle note mentalement d'aller voir les bagues de fiançailles dans la semaine, au cas où le plus jeune en ait besoin rapidement.