Deux cafés dans la main. Un orgueil ravalé. Un sourire sincère. Voila le look que le russe avait choisi pour faire de cette journée une des improbables de sa vie -avec le jour où il a décidé de sortir avec l'anglais de manière stable. Un choix qu'il ne regrettait absolument, en fait même s'il se passera bien de le dire, c'était sûrement une des meilleures choses qui lui étaient arrivée depuis un moment. Bien sûr, il se doutait que cela aurait une fin, parce que toute bonne chose avait une fin, mais il espérait que cette dernière arrive le plus tard possible. Cependant, la question n'était pas là, parce qu'aujourd'hui, le directeur des sports et jeux magiques avait décidé de frapper à la porte de Kendra Austen, dans le but de s'excuser.

S'excuser pour les propos qu'il avait tenu lors de leur passage à l'hôpital, des propos qui après du recul, regrettait. En temps normal, il se serait passé de toutes excuses et aurait appris à vivre avec ça, sans le moindre remords, mais il fallait croire que sortir avec le journaliste le changeait légèrement. Après tout, s'attaquer aux tentatives de suicide de quelqu'un n'était pas son genre et il se disait qu'il pourrait éventuellement effacer ce passage pour revenir à leur ancienne relation, celle des anciennes chamailleries sans importance. D'un geste plutôt serein il toqua à la porte et tenta de faire un charmant sourire. Attention, explosion dans trois secondes. 1…. 2… 3….

Personne ne toque chez Kendra.

C'est simple, la plupart des gens rentrent chez elle sans prendre le temps de frapper ou sans attendre qu'elle ouvre la porte : Jessie transplanait directement à l'endroit où elle était, Lichuan déboulait chez elle sans même prévenir... Non vraiment, qu'on toque à sa porte avait quelque chose d'assez anormal pour que Kendra abandonne sa tasse de café sur son bureau, direction la porte d'entrée, un pli entre ses deux sourcils témoignant du côté inhabituel de la situation. Même le postier moldu ne prenait jamais la peine de monter les quelques étages pour frapper à la porte. Alors qui ?

« Tu te fous de ma gueule. » lâche Kendra en refermant brusquement la porte au visage de l'homme – à la seconde où ses yeux se posent sur Dimitri, elle n'hésite même pas une seconde. Hors de question qu'elle le laisse entrer, ni aujourd'hui ni un autre jour.

Plusieurs questions lui traversent l'esprit en même temps :comment peut-il avoir l'audace de se pointer ici, tout sucre, tout miel ? Pourquoi est-il ici, d'ailleurs ? Ne l'avait-il pas assez tourmenté, avec sa dernière remarque, est-ce qu'il s'était décidé à continuer à l'ennuyer ? Bien évidemment, ce n'est pas en lui claquant la porte au nez que Kendra finirai par avoir des réponses, mais elle n'est pas d'humeur à confronter le russe.

Sans grande surprise, la porte se referma presque aussi rapidement qu’elle s’était ouverte, laissant passer un réplique sanglante de la part de l’asiatique. Dimitri s’y attendait, et se contenta de transplaner de l’autre côté de la porte d’entrée, directement dans le salon de la plus jeune -cafés en main. « Je viens pour m’excuser. » Même lui ne savait pas vraiment pourquoi il faisait ça, mais de toute manière, il n’avait jamais été un modèle de logique aussi bien dans sa vie que dans ses relations humaines. Le russe adressa rapidement un sourire à la petite, avant de lui tendre un café. « Je t’ai pris un café, j’ai demandé à Hippolyte lequel était ton préféré, d’ailleurs il n’a pas trop compris pourquoi je demandais ça. » Il haussa vaguement les épaules, comme pour montrer que cela n’avait aucune importance.

Il porta son verre en carton à sa bouche pour en boire le contenu. Un café intense était toujours le bienvenue dans un moment pareil, surtout qu’il était encore tôt. Le ministre se demandait encore ce qu’il fichait dans l’appartement de la fille qui avait failli le tuer quelques temps auparavant. Finalement, ne trouvant aucune véritable raison, il passa ça sur le compte de fête de fin d’année et de la sympathie universelle en période de Noël, bien qu’il doutait largement être sensible à ce genre de chose.

Il aurait fallu être complètement idiote pour penser qu'une simple porte allait stopper Dimitri Bolgarov – et pourtant, Kendra s'est laissé espérer pendant quelques secondes jusqu'à entendre le bruit bien connu de quelqu'un qui transplane. Maudite soit la magie, dans ce genre de situation. Elle lève les yeux au ciel.  Dimitri, s'excuser ? Est-ce que c'était Nikolai qui l'avait forcé, comme on force un enfant à s'excuser après une bêtise ? Non, quand même pas - elle doute que Dimitri l'aurait écouté de toute manière.

« Tu pouvais envoyer un bouquet et une carte « mes excuses les plus sincères », tu le sais, ça ? » Carte et bouquet qui auraient probablement fini dans la première poubelle, mais au moins, l'intention serait passée. Kendra soupire. « Mais bon, maintenant que t'es là, je sens que tu vas pas partir de suite. » se résigne-t-elle.

L'asiatique attrape le café d'un air suspicieux – oh elle n'a pas oublié les farces stupides et se méfie, maintenant : quelle idée délirante a-t-il pu avoir cette fois ? Après tout, c'était elle qui avait initié le bal des farces portant directement atteinte à la vie de l'autre, alors peut-être qu'il avait tout bêtement empoisonné le café pour se venger. Ou alors, c'était un simple café, et Dimitri était totalement dénué de mauvaises intentions. Les deux pensées étant tout aussi effrayantes.

« Pas de cafard ou autre chose dans ce café ? » Elle se laisse tomber sur le canapé, soulève le couvercle du café pour en vérifier le contenu. Un café en apparence tout à fait innocent. Néanmoins, elle attends un peu avant de tremper ses lèvres dedans. « Donc. Tu viens t'excuser. »

Étonnamment, elle ne lui lança pas un livre dans la gueule. C'était peut-être la surprise et le côté parfaitement imprévisible de la visite du Russe qui la bouleversait au point de ne pas savoir comment réagir. Une véritable aubaine pour le plus âgé, qui n'avait pas vraiment envie de rentrer avec un coquard chez lui -ne touchons pas à ce beau visage. « J'aurai pu, mais je suis un homme d'action, je préfère les faces à faces. » Un large sourire, qui le rendait terriblement suspect, même si ce n'était aucunement le cas. Dimitri, avait trop l'habitude de jouer aux cancres avec elle, pour garder son sérieux, surtout en voyant sa tête quand elle attrapa son café. Il se souvenait parfaitement des petites blagues qu'ils s'étaient fait avant de finir à l'hôpital un samedi matin.

« Non, les cafards étaient en rupture de stock au magasin, du coup c'est juste du café. » La plus jeune se laissa tomber dans le canapé, sûrement épuisé par sa présence. Dimitri, quant à lui resta debout dans le salon, en buvant tranquillement son thé, comme s'il était dans le premier starbucks du coin. Le russe n'avait pas l'habitude de faire des excuses aux gens, mais n'en voyait pas vraiment une raison pour stresser. « Exactement, tu vois, m'attaquer à tes tentatives de suicide était parfaitement déplacé et inutile, j'aurai pu trouver beaucoup mieux. » Son orgueil et son côté parfaitement nonchalant rendant la situation irréaliste et ses excuses un peu étrange, si bien que même-lui le réalisa. « En fait, je trouvais ça plus drôle de pouvoir me moquer de toi. » Parfois, l'honnêteté avait un certain charme.

Dimitri, homme d’action ; leurs petites chamailleries lui avaient parfaitement prouvés ce détail. Kendra aurait dû s’attendre à une chose pareille, bien sûr, mais il fallait croire que Dimitri n’a pas encore épuisé son quota de choses à faire pour surprendre Kendra Austen. « J’avais cru remarqué, oui. » marmonne-t-elle.

Elle croise les bras – visiblement, le russe n’est vraiment pas là pour l’empoisonner ou la voir recracher son café avec un plaisir sadique, et en soi, il s’agit d’une petite victoire. L’asiatique hausse les épaules, se décidant de prendre une gorgée du café. Au point où elle en est, qu’est-ce qu’elle peut y perdre ? – Constatant qu’à part le goût du café, de la crème de lait, il n’y a pas d’arrière-goût qu’elle associe maintenant au cafard. Elle pousse un léger soupir soulagé.

« Ça, tu l’as dit. Même moi, je ne m’attendais pas à ce que tu t’abaisses à un tel niveau. C’est dire. J’espère que tu réalises. »  Kendra n’a jamais considéré Dimitri comme un être exceptionnel, comme certaines personnes peuvent le penser, mais elle ne l’a jamais vu non plus comme quelqu’un s’abaissant à de telle extrémité. Aussi enrageant que ce soit. « Te moquer de moi ? Tu parles de quand tu as déplacé les meubles de chez moi, ou de la fanfare, ou encore je ne sais plus quelle idée tu avais eu ? » En y repensant, Kendra réalise la futilité de leurs petits échanges, mais aussi l’inventivité dont ils avaient pu faire preuve. Elle n’en revient pas elle-même, pensant à ce qu’elle va dire – elle secoue la tête avec l’ombre d’un sourire. «… En tout cas, j’avoue que certaines choses étaient plutôt bien trouvées. » Elle, faire un compliment voilé à Dimitri Bolgarov – on aurait décidément tout entendu.  

« Un conseil, toujours préféré les face à face. » Si son père lui avait bien appris une chose, c’était qu’aucune lettre ne valait une vraie conversation, simplement parce que les mots n’étaient que des mots et que c’était l’être qui en faisait quelque chose de concret. Au moment où l’asiatique accepta de boire une gorgée du café qu’il avait apporté, il ne put retenir un petit sourire satisfait, son numéro avait marché et tout se passait comme sur des roulettes. Une chose qui rendait automatiquement le russe joyeux. « L’erreur est humaine. » Un rapide sourire avant de s’adosser contre la table du salon.

La jeune femme énuméra alors les sublimes idées qu’il avait eu précédemment et il se marra doucement. « Oui, très créatif. » Dimitri n’était pas du genre à refuser des compliments, surtout si cela pouvait faire soupirer Kendra. Après avoir bien rigolé, il poussa un soupire et reprit un ton plus sérieux. « Bon, je viens surtout pour dire que je m’excuse et que ce n’est pas du tout mon genre d’attaquer les gens sur ça. » Une mise au point de la situation qui avait le mérite d’être claire et simple.

Elle hausse les sourcils en prenant une nouvelle gorgée de café – cette discussion se déroule étonnement beaucoup mieux que ce qu'elle aurait pu penser. Peut-être que ce petit passage à l’hôpital et les semaines avaient calmé la colère viscérale qui animait Kendra, la laissant plus apte à entendre ce que Dimitri pouvait avoir à dire. C'est à dire, lui présenter des excuses.

L'asiatique a néanmoins encore un peu de méfiance, cherchant l'anguille sous roches, cherchant à trouver ce qu'il pouvait bien retirer de s'excuser, comme s'il fallait obligatoirement que Dimitri retire quelque chose de cette situation pour qu'il la provoque.  Elle détaille le russe, avant de lever les yeux au ciel, avec un nouveau soupir, incapable de trouver quelques choses de plus louche de son habituel sourire collé sur son visage.

« …… Très bien. Ce n'est pas le genre de mot que je pensais entendre dans ta bouche un jour, mais il faut croire que je ne suis pas au bout de mes surprises... Excuses acceptées. » fait-elle en pinçant les lèvres. Décidément, le phénomène Dimitri Bolgarov est toujours plus surprenant chaque jour – Kendra finirait presque par penser qu'elle l'avait mal jugé. Elle préférerai boire encore un café assaisonné au cafard que de l'admettre à voix haute, en revanche. « …Je devrais m'excuser aussi. J'ai dépassé les bornes avec cette histoire de serpent – à cause de toi, d'accord, mais j'aurais dû avoir un peu plus de contrôle. Ce n'est pas non plus mon genre.  » Elle se relève du canapé, les bras croisés. «… Bref, désolée, pas besoin de s'attarder plus longtemps. » Résume Kendra.

La conversation se déroulait incroyablement bien, tellement que le russe se demandait si elle était en train de se payer de sa tête ou pas. « Tu les acceptes ? Vraiment ? Bah écoute parfait. » Parfois il ne fallait pas chercher plus loin et Dimitri savait accepter une victoire, même quand elle était trop simple. Ce soir, il se fera un plaisir de le raconter à son blond préféré qui sera sûrement très fier de lui. Posé dans le canapé de la plus jeune, il décida de boire tranquillement son café, comme s’il était chez un vieil ami. La gêne n’était le sentiment qu’on apprenait en premier chez les Bolgarov, après tout ça encombrait plus qu’autre chose.

Tandis qu’il était déjà passé mentalement à autre chose, l’asiatique ce lança à son tour dans des excuses qu’il écouta non sans un sourire en coin. La surprise était grande et il se demandait bien ce qu’il lui avait fait pour qu’elle agisse ainsi. Souvent, il rêvait d’entrer dans la tête de gens pour comprendre comment ceux-ci fonctionnait et il donnerait cher pour comprendre cette petite autrement qu’en l’observant. « Oh, je m’en suis déjà remis tu sais. J’ai connu pire qu’une morsure de serpents. » Même si c’était dit sur le ton de l’humour, ce n’était aucunement une blague et les nombreuses cicatrices sur son corps pouvaient en témoigner. Une fois cette conversation terminé, le russe se leva et adressa un sourire à la plus petite. « Ouais. Je vais devoir y aller moi. Parce que contrairement à toi, j’ai une montagne de choses à faire. » Une boutade avant de lui coller son gobelet vide dans les mains et de transplaner sans prévenir.